ARRET N° 23/
BUL/XD
COUR D'APPEL DE BESANCON
ARRET DU 23 JUIN 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 05 Mai 2023
N° de rôle : N° RG 22/00680 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQDV
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTBELIARD
en date du 04 avril 2022
code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANTE
S.A.S. GROUPE HELIOS, sise [Adresse 2]
représentée par Me Sandrine ARNAUD, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant, et Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIME
Monsieur [L] [F], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Yannick BARRE, avocat au barreau de MONTBELIARD
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 05 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, conseiller, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller
Mme Florence DOMENEGO, conseiller
qui en ont délibéré,
M. [E] [T], directeur de greffe
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 23 Juin 2023 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PROCEDURE
M. [L] [F] a été engagé par contrat à durée indéterminée du 5 janvier 2004 par la société HELIOS en qualité de chef applicateur, coefficient 180, niveau IV, moyennant une durée de travail de 151,67 heures par mois et un salaire de 1 820 € brut sur 13 mois.
Il a ensuite été promu au poste de contremaître de chantier, qualification ETAM, niveau E.
La convention collective applicable est la Convention collective nationale des entreprises de travaux publics (ETAM).
M. [L] [F] a fait l'objet d'un accident du travail le 4 juin 2020, déclaré et reconnu comme tel au titre de la législation professionnelle par décision de la Commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie du 26 janvier 2021.
Par courrier du 22 janvier 2021, le salarié a été convoqué en vue d'un entretien préalable de licenciement devant se tenir le 12 février 2021 et par courrier du 18 février 2021, la société Groupe Hélios a notifié à M. [L] [F] son licenciement pour absence ayant désorganisé l'entreprise et nécessité son remplacement définitif.
Contestant son congédiement, M. [L] [F] a, par requête du 24 août 2021, saisi le conseil de prud'hommes de Montbéliard aux fins de voir dire à titre principal son licenciement nul en ce qu'il contrevient à la protection légale liée à l'accident du travail et obtenir sa réintégration au sein de l'entreprise.
Par jugement du 4 avril 2022, ce conseil a :
- prononcé la nullité du licenciement de M. [L] [F]
- ordonné la réintégration du salarié au sein de la SAS HELIOS sur le poste de travail précédemment occupé ou sur un poste similaire et sur le même secteur géographique
- dit que la réintégration du salarié doit être assurée dans les deux mois qui suivent la notification de la décision
- dit que la réintégration de M. [L] [F] est subordonnée à une visite médicale de reprise dans le cadre d'une visite de reprise par suite d'un retour d'absence liée à un accident du travail auprès du service de l'Organisme de Prévention et de Santé au Travail, la demande de visite médicale devant être organisée conformément aux dispositions des articles R.4624-31 et R.4624-32 du code du travail et ainsi se produire à 1'initiative de l'employeur
- condamné la SAS HELIOS à verser à M. [L] [F] à compter du 23 avril 2021, jour de la rupture du contrat de travail et jusqu'au jour de la réintégration, tous les salaires et les avantages afférents, outre y intégrant les soldes du 13ème mois des années 2020 et 2021, et à lui délivrer l'ensemble des bulletins de salaire sur la période précitée
- ordonné l'exécution provisoire de droit dans les limites des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail
- dit que la moyenne des salaires des trois derniers mois travaillés par M. [L] [F] s'é1ève à 2 050 € brut
- 'dit que dans le cadre d`une éventuelle procédure d'appel par une ou les parties que la totalité au titre du dispositif précité des sommes versées en application de l'exécution provisoire par la SAS HELIOS seront ensuite assujetties à la constitution d'une garantie de placement ordonnée à M. [L] [F] auprès de la Caisse de Dépôts et des Consignations territorialement compétente'
- condamné la SAS HELIOS à verser à M. [L] [F] la somme de 1 800 € au titre de l`article 700 du code de procédure civile
- débouté les parties de leurs plus amples prétentions
- condamné la SAS HELIOS aux dépens
Par déclaration du 22 avril 2022, la société GROUPE HELIOS a interjeté appel de la décision et par conclusions du 24 février 2023, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit le licenciement nul et ordonné sa réintégration
* condamné la société GROUPE HELIOS à verser à M. [L] [F] un rappel de salaires à compter du jour de la rupture de son contrat de travail ainsi que les primes de13ème mois
* rejeté sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile
- annuler la réintégration de M. [L] [F] ainsi que le versement d'un rappel de salaires à compte du 23 avril 2021
- rejeter toutes demandes de M. [L] [F]
- condamner M. [L] [F] au paiement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [L] [F] aux entiers dépens
Par conclusions déposées le 5 septembre 2022, M. [L] [F] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à limiter la condamnation de la société HELIOS au titre de l'indemnité équivalente aux salaires et avantages qu'il aurait percus depuis la date du 23 avril 2021 jusqu'au jour de sa réintegration effective au sein de l'entreprise à la somme de 2.050 € correspondant au treizieme mois pour 2021.
A titre subsidiaire,
- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse
- condamner la SAS HELIOS à lui payer la somme de 28 700 € à titre de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse
En tout état de cause,
- condamner la SAS HELIOS à lui payer la somme de 1 078 € bruts au titre du solde du treizième mois pour 2020
- condamner la SAS HELIOS à faire rectifier les bulletins de salaire de septembre 2020 à mars 2021, ainsi que l'attestation POLE EMPLOI (date du dernier jour travaillé et salaires des 12 mois précédents correspondant aux bulletins de paie)
- condamner la SAS HELIOS à lui payer une somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SAS HELIOS aux entiers dépens de première instance et d'appel
- débouter la SAS HELIOS de l'intégralité de ses demandes
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la nullité du licenciement et la demande de réintégration du salarié
Conformément aux dispositions combinées des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l 'employeur ne peut, à peine de nullité du licenciement, rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.
L'article 6.6 de la Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006, applicable au litige, dispose que 'sauf en cas de maladie professionnelle ou d'accident de travail autre qu'un accident de trajet, l'employeur peut rompre le contrat de travail de l'ETAM indisponible pour maladie ou accident, lorsque les nécessités de bon fonctionnement de l'entreprise justifient le remplacement à titre permanent du salarié. Dans ce cas, l'ETAM percevra, en outre, une indemnité spécifique de préavis d'un montant égal à l'indemnité de préavis visée à l'article 8.2. Cette indemnité n'est pas due en cas de licenciement consécutif à l'inaptitude physique de l'intéressé'.
Il suit de là que le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident du travail ne peut pas être congédié par son employeur à peine de nullité du licenciement.
En l'espèce, si la CPAM a refusé dans un premier temps par décision notifiée le 2 septembre 2020 de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident survenu le 4 juin 2020 au préjudice de M. [L] [F], la Commission de recours amiable saisie par ce dernier a reconnu, en sa séance du 26 janvier 2021, le caractère professionnel de ce fait accidentel.
Cette décision a été notifiée à M. [L] [F] par courrier du 11 février 2021.
Celui-ci justifie en la cause avoir informé son employeur par pli recommandé réceptionné par la société GROUPE HELIOS le 18 février 2021 de la teneur de la décision susvisée en y joignant la copie de la dernière page de la décision de la commission.
Dans ces conditions c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'employeur, qui n'a expédié sa lettre de licenciement que le lendemain de la réception de cette information, le 19 février 2021, ne pouvait ignorer que le congédiement concernait un salarié bénéficiant de la protection sus-rappelée, peu important que la procédure de licenciement ait été engagée antérieurement (Soc, 10 mai 1995 n° 91-45.527).
C'est en vain que l'appelante communique un courriel du 22 février 2021 émanant du directeur général, signataire de la lettre de licenciement, mentionnant qu'il n'aurait eu connaissance du pli recommandé parvenu à ses services le 18 février précédent, dès lors qu'à le supposer établi, ce fait relèverait d'un dysfonctionnement interne à ses services, inopposable au salarié.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement litigieux.
La nullité du licenciement entraînant de plein droit la réintégration du salarié dans l'entreprise s'il le demande, il y a lieu d'accueillir la demande du salarié qui conclut à confirmation du jugement déféré de ce chef, en ce compris dans les modalités prévues à son dispositif.
II -Sur les demandes pécuniaires
M. [L] [F] fait valoir que s'il a sollicité la condamnation de son employeur à lui payer une indemnité équivalente aux salaires qu'il aurait perçus à compter de la fin du préavis, soit du 23 avril 2021, jusqu'à la réintégration effective au sein de l'entreprise, il précise cependant qu'ayant bénéficié d'indemnités journalières dans le cadre de la législation sur les accidents du travail, il n'a subi aucune perte de revenus par rapport au salaire qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler pour son employeur.
Il a limité par conséquent sa demande en paiement à la somme de 2 050 euros correspondant au 13ème mois pour l'année 2021 compte tenu de la réintégration, outre un solde de 13ème mois de 1 078 euros au titre de l'année 2020, et expose que les premiers juges ont statué ultra petita en condamnant l'employeur aux salaire et avantage dont les 13ème mois du 23 avril 2021 jusqu'à la réintégration effective.
Le jugement déféré sera par conséquent infirmé de ce chef et il sera alloué à l'appelant la somme de 2 050 euros correspondant au 13ème mois de l'année 2021, dès lors que du fait de l'annulation du licenciement et de la réintégration il doit être considéré qu'il aurait dû être présent à l'effectif au 31 décembre 2021.
S'agissant du solde du 13ème mois de l'année 2020, l'intimée ne peut valablement soutenir que le versement de ce 13ème mois n'est maintenu qu'en cas d'absence pour accident du travail mais pas en cas de maladie, dès lors que rétroactivement, en application de la décision de la Commission de recours amiable du 21 janvier 2021, le salarié se trouvait effectivement en arrêt de travail consécutivement à un accident du travail. Il convient de faire droit à la demande de l'appelant, non contestée dans son quantum.
III- Sur les demandes accessoires
Partie perdante, la société GROUPE HELIOS sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et sera condamnée à verser à son salarié une indemnité de procédure de 1 800 euros et supportera les dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur les rappels de salaire, avantages et 13ème mois.
L'INFIRME de ces seuls chef, statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS GROUPE HELIOS à payer à M. [L] [F] la somme de 2 050 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2021 et celle de 1 078 euros au titre du reliquat de 13ème mois pour l'année 2020.
DEBOUTE la SAS GROUPE HELIOS de sa demande d'indemnité de procédure d'appel.
CONDAMNE la SAS GROUPE HELIOS à payer à M. [L] [F] la somme de 1 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNE la SAS GROUPE HELIOS aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt trois juin deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,