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20/06/2023 | FRANCE | N°21/01894

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 20 juin 2023, 21/01894


ARRÊT N°



BM/FA











COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 20 JUIN 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE











Contradictoire

Audience publique du 18 avril 2023

N° de rôle : N° RG 21/01894 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EN62



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER en date du 30 août 2021 [RG N° 19/00589]

Code affaire : 50D - Demande en garantie des vi

ces cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité





[M] [C] [V] [H] C/ [E] [N]





PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [M] [C] [V] [H]

né le 23 Septembre 1952 à [Localité 8]

de nation...

ARRÊT N°

BM/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 20 JUIN 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 18 avril 2023

N° de rôle : N° RG 21/01894 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EN62

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER en date du 30 août 2021 [RG N° 19/00589]

Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

[M] [C] [V] [H] C/ [E] [N]

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [M] [C] [V] [H]

né le 23 Septembre 1952 à [Localité 8]

de nationalité française, demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]

Représenté par Me Boris LASSAUGE de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de JURA

APPELANT

ET :

Monsieur [E] [N]

né le 02 Février 1969 à [Localité 9]

de nationalité française, demeurant [Adresse 7] - [Localité 5]

Représenté par Me Sandrine ARNAUD de la SELARL ARNAUD - LEXAVOUE BESANCON, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représenté par Me Clara BERARDI, avocat au barreau d'ANNECY, avocat plaidant

INTIMÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS: Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX, magistrat rédacteur et Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 18 avril 2023 a été mise en délibéré au 20 juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé des faits et de la procédure

Selon acte notarié du 31 janvier 2017, M. [E] [N] a acquis de M. [M] [H], pour le prix de 230 000 euros, un immeuble d'habitation consistant en un ancien prieuré datant du XI° siècle cadastré section A n °[Cadastre 3] et [Cadastre 4] devenu section A n°[Cadastre 1] sur la commune de [Localité 5] (39) qu'il avait lui-même transformé en maison d'habitation en 2001.

En janvier 2018, l'immeuble ayant subi des infiltrations à la suite de violents orages, M. [N] a obtenu du juge des référés, selon ordonnance du 17 juillet 2018, l'organisation d'une mesure d'expertise confiée à M. [U] [T], lequel a déposé son rapport le 11 octobre 2019.

Saisi par assignation délivrée par M. [N] le 16 juillet 2019 visant à être indemnisé de ses préjudices sur le fondement des vices cachés, le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a, par jugement rendu le 30 août 2021 :

- condamné M. [H] à payer à M. [N] la somme de 73 391,05 euros TTC en réparation de son préjudice matériel et la somme de 4 000 euros au titre de son trouble de jouissance ;

- débouté les parties du surplus de leur demande ;

- condamné M. [H] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et les frais de « débâchage » de la toiture.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que :

- si les défauts (non-finition, absence d'ouvrage et vétusté) étaient visibles à la livraison, toutes leurs conséquences ne pouvaient être anticipées par l'acheteur à cette date ;

- les dommages décrits par l'expert judiciaire compromettent l'usage de l'immeuble à sa destination et la garantie des vices cachés peut jouer ;

- il y a lieu d'écarter la clause de non garantie des vices cachés en raison du dol commis par le vendeur qui a omis d'informer l'acquéreur de l'existence de ces vices dont il avait connaissance, puisqu'il avait réalisé lui-même les travaux d'aménagement du prieuré et qu'il doit, de ce fait, supporter une présomption irréfragable de connaissance des vices au même titre que le vendeur professionnel ;

- la réfection de la toiture, des menuiseries, de l''il de boeuf et des embellissements représentent un coût de 73 391,05 ; l'indemnisation des troubles de jouissance de 3 000 euros, du dépit et du ressentiment après la survenance des dommages se chiffrent à 1 000 euros ; le préjudice physiologique (bronchite chronique) n'est pas prouvé ni son lien de causalité avec les dommages.

Par déclaration parvenue au greffe le 21 octobre 2021, M. [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 avril 2023 et mise en délibéré au 20 juin 2023.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Selon conclusions transmises le 15 juillet 2022, M. [H] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

$gt; à titre principal :

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes ;

- le condamner à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

$gt; subsidiairement :

- rejeter toute demande indemnitaire relevant de la partie « habitation », à tout le moins s'agissant de cette partie, limiter l'indemnisation à la somme de 2 385,21 euros TTC au titre de la toiture et 648 euros TTC au titre des embellissements ;

- limiter la somme allouée à M. [N] à 6 705,66 euros TTC au titre de la partie « clocher » ;

- rejeter toute demande d'indemnisation d'un trouble de jouissance ou d'un préjudice moral ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que :

- il n'avait jamais subi de désordres d'humidité ou d'infiltration après ses travaux de 2001 et, au contraire, l'immeuble était sec et sain au moment de la vente ;

- ni la vétusté, ni les défauts de la bâtisse (vétusté de la toiture en lauzes recouverte de végétations parasites, vétusté des enduits de façade ; absence de raccordement des évacuations d'eau de pluie du clocher ; défauts de finition des fenêtres) n'ont été dissimulés à M. [N] lors de la vente et étaient parfaitement apparents ; M. [N], qui a pu visiter l'immeuble seul ou accompagné de l'agence immobilière chargée de la vente, durant trois mois, était si conscient de l'existence de ces désordres et de leurs potentielles conséquences qu'il a négocié un abattement du prix de vente de 35 000 euros ;

- la garantie des vices cachés, et spécialement la règle de l'assimilation du vendeur constructeur à un professionnel, doit nécessairement s'articuler avec le délai d'épreuve de la garantie décennale ; or, les travaux ont été réalisés en 2001 et, pendant les seize années de son occupation, il n'a pas subi d'infiltrations ou de phénomènes d'humidité, si bien que pendant la durée d'épreuve de la garantie du vendeur-constructeur, les vices de construction allégués par l'expert n'ont pas compromis la solidité de l'ouvrage existant ou ne l'ont pas rendu impropre à sa destination ; au-delà du délai d'épreuve de dix années suivant la construction, il ne peut plus être tenu à garantie décennale ni être assimilé à un vendeur professionnel pour présumer de sa connaissance des vices de construction de l'ouvrage ;

- il incombe à M. [N] d'administrer la preuve que les vices qu'il considère rédhibitoires sont la cause exclusive, à tout le moins avérée, des désordres affectant le bâti principal ; or, concernant les désordres d'humidité du rez-de-chaussée de la partie habitation, la cause technique de leur origine n'est pas élucidée de façon certaine et les désordres constatés dans cette partie du bâtiment après le sinistre de janvier 2018 peuvent tout autant résulter des causes énoncées par l'expert judiciaire ou de la vétusté de la toiture dont l'étanchéité a pu cesser après la vente en raison des travaux effectués par M. [N].

A titre subsidiaire, sur l'indemnisation des préjudices, M. [H] indique que :

- la cause des infiltrations survenues dans l'habitation principale n'est pas élucidée, de sorte qu'elles ont pu être causées par une perte d'étanchéité de la toiture survenue un an après la vente, dont les conséquences pèsent sur l'acheteur de l'immeuble ancien, la vétusté ne constituant nullement un vice caché lorsqu'elle était parfaitement visible au moment de cette vente ; même s'il avait pu être démontré que les infiltrations proviennent des défauts de finition de la fenêtre de la chambre du premier étage, ce ne sont pas ces défauts qui justifient le changement entier de la toiture ;

- sur les menuiseries du clocher, seules celles du 3e et dernier niveau du clocher sont concernées par les désordres ; s'agissant d'un litige qui n'est pas de construction visant à mobiliser la garantie de parfait achèvement d'un constructeur, mais basé sur la notion de vices cachés qui se limite aux défauts ayant causé des désordres, il n'est pas justifié de lui imputer la réfection de toutes les ouvertures de ce clocher ; le coût de changement des menuiseries du 3e étage est de 6 705,66 euros TTC ;

- sur les demandes au titre des travaux d'embellissement, M. [N] avait déjà projeté, avant l'apparition des désordres, l'enlèvement du lambris et la réfection des embellissements du 3e étage; quand à ceux de la partie habitation, la cause des désordres n'étant pas identifiée, ils n'ont pas à être mis à sa charge ;

- le tribunal a retenu une indemnité de 3000 euros du trouble de jouissance, préjudice qui n'est pas caractérisé et n'était pas retenu par l'expert ; et les juges de première instance n'ont pas motivé leur décision relative à l'indemnisation du préjudice moral de l'acheteur.

M. [N] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 15 avril 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner M. [H] à lui payer la somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

En tout état de cause, il demande à la cour de condamner M. [H] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Arnaud- Lexavoué Besançon, par application de l'article 699 du code de procédure civile, et débouter M. [H] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, à défaut de confirmation du jugement, il demande à la cour de :

- sur le préjudice matériel, condamner M. [H] à lui restituer une partie du prix de vente, à hauteur de 73 391,05 euros, et encore plus subsidiairement, le condamner à lui payer la somme de 72 657,14 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ;

- sur le préjudice immatériel, le condamner à lui payer la somme de 2 970 euros au titre de la perte de chance de ne pas voir sa jouissance du bien troublée pendant plus de deux ans, et la somme de 990 euros au titre de la perte de chance de ne pas subir le préjudice moral lié à la tromperie dont il a fait l'objet et à la présente procédure ;

Il soutient que :

- l'immeuble est affecté d'importantes infiltrations d'eau, survenues dans toutes les pièces du clocher (entrée, 1er, 2e et 3e étages) et dans le salon, la salle-à-manger et les WC du rez-de-chaussée, ainsi que sur les murs et plafonds, infiltrations qui ont pour cause la non-finition des ouvrages concernant les menuiseries extérieures sur l'ensemble du bien immobilier, avec un facteur aggravant tenant à la vétusté avancée de la toiture en pierres ;

- le bien a été vendu comme une ancienne église réhabilitée transformée en une habitation spacieuse et confortable et non comme un bien vétuste et non étanche ; en l'absence de traces d'infiltration, les défauts d'étanchéité résultant de l'état de la toiture et des défauts des menuiseries, les vices n'étaient pas apparents pour lui ; les traces d'humidité avaient été dissimulées par le lambris du clocher, l'enduit des murs refait en 2011, la peinture des murs et plafonds refaite récemment ; même en l'absence de dissimulation volontaire, le vice reste caché puisque lui-même n'avait pas les compétences techniques pour identifier l'état de dégradation de le toiture très particulière en lauzes, ni les malfaçons de pose des menuiseries ou absence de raccordement de la descente d'eau pluviale du clocher, et encore moins d'en apprécier les conséquences sur la survenance à venir de fuites dans l'habitation ;

- la simple présence de végétation sur une toiture n'est pas un signe évident de vétusté et encore moins de défaut d'étanchéité ;

- les vices préexistaient à la vente ;

- les infiltrations sont telles qu'elle rendent le bien impropre à l'habitation et, de surcroît, les travaux pour y mettre fin, sont d'un coût tel (35 % du prix d'acquisition) que, s'il les avait connus avant la vente, il aurait renoncé à celle-ci ou n'en aurait donné qu'un moindre prix ;

- les discussions sur le prix sont fréquentes en matière immobilière et la baisse du prix d'acquisition n'a pas pour effet de couvrir les vices cachés ;

- en sa qualité de maître d'oeuvre et d'ouvrier de la réfection de l'église, M. [H] doit être assimilé à un vendeur professionnel de la construction et ne peut se prévaloir de la clause contractuelle litigieuse d'exonération des vices cachés ; la notion de délai d'épreuve de la garantie décennale du constructeur n'intervient pas.

Concernant les demandes d'indemnisation, il fait valoir que :

- sur les infiltrations au rez-de-chaussée, leurs origines ont été clairement identifiées par l'expert judiciaire comme provenant à la fois du défaut d'étanchéité des ouvertures en toiture et de l'état de la toiture, que l'expert considère comme un facteur aggravant, outre le fait que les eaux pluviales en provenance du clocher se sont écoulées sans précaution sur la toiture pendant des années ; selon l'expert, les traces d'humidité se retrouvaient au rez-de-chaussée dans le salon et non sur le plafond de la voûte du premier étage puisque l'humidité provenait de la fenêtre fuyarde de la chambre de [J], l'eau circulait sur la voûte, laissant des traces d'humidité à l'étage inférieur ;

- il n'a pas effectué de travaux sur la toiture ni supprimé le chéneau en PVC ;

- les travaux à réaliser sur la toiture et les fenêtres qui y sont ouvertes sont indivisibles ;

- sur les travaux d'embellissement, concernant les travaux dans le clocher (remplacement du lambris du premier et du deuxième étage par des plaques de placoplâtre), il n'a fait aucune demande puisque ces travaux étaient prévus et même en cours lors de la survenance des infiltrations ; en revanche, il n'avait aucune intention de reprendre le lambris blanc du troisième étage qui lui convenait tout à fait ; le coût de ces travaux indispensables pour remédier aux vices cachés doit être supporté par M. [H] ;

- sur le préjudice de jouissance, il n'a pas eu d'autre choix depuis janvier 2018 que de vivre dans une habitation bâchée, avec des traces sur les murs et au plafond, qui restent humides et de souscrire un prêt et lancer les travaux pour remédier aux défauts d'étanchéité de la toiture et de ses ouvertures en juin- juillet 2020.

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la responsabilité de M. [H] au titre de la garantie des vices cachés, sur certains des désordres notamment, M. [N] fonde ses demandes au titre du dol, considérant qu'il n'avait pas toutes les informations pour donner son consentement en toute connaissance de cause et que M. [H] lui a dissimulé des informations importantes sur l'état de la bâtisse et notamment de la toiture puisqu'il avait connaissance des infiltrations affectant l'habitation et de la nécessité de refaire intégralement la toiture mais a caché ces faits à son acquéreur, tout comme la préexistence d'une sur-toiture en tuiles qu'il avait enlevée.

Il n'aurait pas donné son consentement à l'acquisition en l'état s'il avait eu ces informations.

Il demande donc la condamnation de M. [N] sur ce fondement en indemnisation à hauteur du coût des travaux qu'il a dû engager ou en réduction de prix ou, à titre plus subsidiaire, au titre de l'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, à hauteur de 99 % compte-tenu du caractère certain de cette perte de chance.

A titre plus subsidiaire, pour fonder ces mêmes demandes indemnitaire du coût des travaux ou de la perte de chance de ne pas contracter, M. [N] invoque un manquement de M. [H] à son devoir d'information précontractuelle et de loyauté sur la survenance d'infiltrations avant la vente, sur la préexistence d'une sur-toiture en tuiles qu'il avait enlevée, et sur la nécessité de refaire intégralement la toiture.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

- Sur la demande d'indemnisation fondée sur la garantie des vices cachés :

Il résulte des articles 1641, 1642 et 1643 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

C'est à l'acquéreur qui recherche la garantie du vendeur de supporter la charge probatoire en démontrant que les désordres qu'il dénonce résultent :

. de vices affectant l'immeuble suffisamment graves qui le rendent impropres à sa destination,

. préexistants à la vente,

. cachés lors de la vente.

Les désordres dénoncés par M. [N], relevés par l'expert judiciaire, sont des désordres d'infiltration d'eau affectant les plafonds et murs dans toutes les pièces du clocher d'une part, et au rez-de-chaussée (salon, salle-à-manger et WC) de la partie habitation (nef et choeur de l'ancienne église) d'autre part.

L'expert estime que ces infiltrations sont liées à la mauvaise réalisation des travaux sur les fenêtres ou de leur non finition (absence de bavettes métalliques ou de seuil en enduit ciment, abergement de l'oculus surdimensionné et donc simplement collé) aggravées par une couverture en pierres de lave en état de ruine et un revêtement en ruine sur les façades de l'immeuble.

Les conséquences des désordres intervenus en janvier 2018 ont été des infiltrations importantes allant jusqu'à la nécessité d'installer des cuvettes pour recevoir l'eau, la détérioration des peintures, l'apparition de moisissures sur les poutres et l'état de ruine des pièces de bois du 2e étage du clocher qui soutiennent la réhausse de son toit formant le 3e étage.

Les malfaçons de pose ou de finition des fenêtres installées par M. [H] concernent les menuiseries posées suite à la réhausse du toit qui ont entraîné la ruine des bois sur lesquelles elle sont posées ainsi que les fenêtres ouvertes dans le toit de lauzes ; pour les menuiseries des étages inférieurs du clocher, l'expert invoque des menuiseries vétustes sans plus de précision, de sorte que la cour ne peut retenir qu'elles étaient affectées d'un vice.

S'agissant de celles dont le vice est établi, la cour retient, au vu des descriptions faites par l'expert et les pièces versées au dossier de l'intimé, qu'il s'agit de vices qui diminuent tellement l'usage de la maison d'habitation que l'acheteur, s'il les avait connus avant la vente, ne se serait pas engagé ou en aurait donné un moindre prix aux fins de pouvoir financer les travaux de réfection.

M. [H] soutient qu'il n'a jamais subi d'infiltrations dans le passé et verse plusieurs attestations de proches l'ayant visité qui confirment l'absence d'humidité dans la maison ; mais ces attestations qui sont vagues et émanent d'amis ne peuvent contredire les attestations produites par M. [N] qui confirment les constatations de l'expert indiquant que les vices préexistaient à la vente et témoignent que des infiltrations avaient eu lieu avant la vente ou, à tout le moins, qu'une humidité importante y régnait. Ainsi, M. [Y] (pièce 16) : « nous avons remarqué des traces d'humidité importantes sur les murs dans la pièce centrale du salon [...] ; l'endroit ne nous a pas semblé très salubre » ; M. [X] [I] (pièce 17) : « reconnais avoir toujours connu et vu des infiltrations d'eau dans la partie hall d'entrée du lieu dit Le Prieuré » ; M. [G] [O] (pièce 18 ) : « après avoir rendu visite à plusieurs reprises à M. [H] [M] qui était mon voisin ; dans la pièce du salon qui a été crépi à la chaux. Quelques temps plus tard apparaissaient des auréoles qui venaient des infiltrations d'eau de la toiture avec des ruissellements importants ».

La cour retient, comme le tribunal l'a fait, que le bâtiment avait, par le passé, déjà été affecté d'infiltrations et que les vices étaient donc antérieurs à la vente.

L'expert indique que l'absence des bavettes ou des seuils sur toutes les menuiseries qui semblent bien posées, étaient visibles pour un professionnel mais peu appréciables pour un non-professionnel. Quand à l'étude des abergements des ouvertures dans la toiture en lauzes, elle est encore plus complexe pour un non-professionnel.

En revanche, l'état de ruine du revêtement des façades et l'état de vétusté avancée de la toiture en pierres de lave étaient visibles même pour un acheteur profane. Que M. [N] soit un non-professionnel de la construction et de l'immobilier n'est pas contesté mais lorsqu'un particulier projette d'acheter un prieuré construit au XI° siècle disposant d'un toit en lauzes d'époque ou, pour le moins, multi-séculaire, bien dont le vendeur n'a pas caché qu'il avait lui-même réalisé les travaux d'aménagement, qu'il a effectué, avant l'achat, maintes visites du lieu seul, avec l'agence, ou avec des tiers, il a l'obligation de prudence essentielle de vérifier l'état de la toiture, dont M. [H] ne lui a jamais caché la vétusté. L'état visuel de la toiture, que la cour peut vérifier à la vue des photographies datant de la vente versées aux débats, aurait dû permettre, à lui seul, à l'acquéreur, même profane, de réaliser que des travaux seraient à envisager au minimum à moyen terme, et qu'il existait des risques importants d'infiltration que n'aurait pas eu un bien construit récemment. De même, l'absence de chéneaux pour éviter que l'eau des gouttières du toit du clocher ne tombe directement et d'une hauteur de cinq mètres sur la toiture en lauzes de la maison d'habitation était visible par tous.

M. [N] ne pouvait donc ignorer les risques en terme d'infiltrations sur la toiture ; la cour considère, contrairement aux juges de première instance, qu'il ne s'agit pas d'un vice caché et, dès lors, que M. [H] ne doit pas sa garantie pour les désordres qui en ont résulté.

Sur les vices relatifs aux menuiseries, M. [H] étant assimilé à vendeur professionnel du fait qu'il a lui-même réalisé les travaux de transformation de l'ancienne église en maison d'habitation et posé les menuiseries fuyardes, il est présumé avoir connaissance des vices de non-finition et de mauvaise qualité de la pose du point de vue de l'étanchéité autour des menuiseries extérieures défectueuses. C'est donc à lui de prouver qu'il n'en avait pas connaissance, ce qu'il échoue à faire, au vu des éléments évoqués ci-dessus ; il en résulte qu'il ne peut opposer à son acquéreur profane la clause contractuelle d'exclusion de garantie.

La garantie des vices cachés n'est pas enfermée dans le délai décennal de garantie légale des constructeurs mais dans la seule prescription de deux ans de l'article 1648 du code civil dont le point de départ se situe à compter de la découverte du vice, prescription qui n'est pas invoquée par M. [H].

- Sur la demande subsidiaire d'indemnisation fondée sur le dol :

Subsidiairement, la cour ne retenant que pour partie la garantie des vices cachés en excluant les désordres imputables à l'état de vétusté de la toiture et des façades, M. [N] présente sa demande d'indemnisation, pour cette part non retenue, sur le fondement du dol.

Il résulte des articles 1137 et 1178 du code civil que, lorsqu'un dol, fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges, ou dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie, est caractérisé, la partie lésée peut demander réparation du dommage qu'elle a subi.

En l'espèce, le fait que M. [H] ait tu qu'il existait, lors de l'achat du bien en 2001, un sur-toit au dessus du toit en lauzes pour le protéger n'est pas un élément qui permet de caractériser une réticence dolosive sur l'état de la toiture puisque, à l'observation des photographies datant de cette époque, il est évident que ce sur-toit qui ne couvrait qu'une partie de la toiture, était dans un état de délabrement tel qu'il ne remplissait plus aucune fonction d'étanchéité.

Les travaux d'embellissement des peintures et plafonds que M. [H] a effectués avant la vente manifestent un souci légitime de présenter à la vente un bien rafraîchi ou restauré pour certains de ces éléments et ne caractérisent pas des manoeuvres dolosives ; il n'est pas contesté que M. [N] a eu tout le loisir de visiter le bien aussi souvent qu'il le souhaitait, accompagné des personnes qu'il souhaitait et qu'il a pu s'installer dans les lieux avant la signature de l'acte authentique ; avant janvier 2018, M. [N] ne s'est pas plaint à M. [H], avec lequel il entretenait des relations amicales, de l'apparition de traces d'humidité.

Ainsi, M. [N], qui a la charge d'administrer la preuve du dol qu'il invoque, ne prouve pas que M. [H] ait menti sur l'état de la toiture ni qu'il ait agi par des manoeuvres répréhensibles ni qu'il ait dissimulé l'état de la toiture alors qu'il avait à ce sujet une information qu'il a tue à l'acquéreur

Les demandes indemnitaires subsidiaires de M. [N] sur ce fondement seront rejetées.

- Sur les demandes indemnitaires subsidiaires pour manquement à son obligation d'information :

L'article 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

S'agissant de l'état de la toiture, M. [H], en qualité de vendeur, n'a pas à supporter l'obligation d'informer M. [N] sur l'état de la toiture, alors que la vétusté était visible et le risque d'infiltration au regard de l'ancienneté du bâtiment était évident.

Les demandes indemnitaires subsidiaires de M. [N] sur ce fondement seront rejetées.

- Sur le montant de l'indemnisation de M. [N] :

Au regard des désordres résultant des seuls vices affectant les menuiseries posées par M. [H], des devis produits et de l'avis de l'expert, la cour retient à la charge de celui-ci, les réparations des désordres suivants :

- 'il de b'uf de la cuisine : 143,40 euros

- travaux sur la toiture pour protéger la fenêtre fuyarde du toit en lauzes (selon les travaux choisis par M. [H]) à hauteur de 5 % des travaux de la toiture, étant précisé que M. [N] ne fournit à la cour aucun élément pour évaluer le coût de reprise de cette fenêtre défectueuse : 2 385,21 euros

- réfection des menuiseries du 3e étage et des boiseries qui les soutiennent : 8 084,39 euros

- travaux de remise en état du 3e étage du clocher : 4 943,87 euros

- travaux de remise en état du rez-de-chaussée de l'habitation (à 50 %, le restant étant imputé à l'état de la toiture ) : 1475,30 euros

soit un total de 17 032,17 euros.

Il est indéniable que les infiltrations ont créé un trouble de jouissance à M. [N] qui ne peut être pris en charge que partiellement compte tenu de l'impact de la vétusté de la toiture et des revêtements de façades qui y ont contribué et que M. [H] n'a pas à supporter. Le trouble de jouissance imputable aux infiltrations de menuiseries consiste dans le fait de vivre, de façon fréquente mais non constante, avec des bassines ou serpillière, de ne pas utiliser certaines pièces et de supporter une humidité permanente ; le préjudice de jouissance, vu la valeur locative de la maison et la durée du trouble (30 mois) a été arrêté par le tribunal à 3 000 euros. Il est établi et son montant n'a pas été contesté par M. [N] ; il fait donc l'objet d'une confirmation par la cour.

Le sentiment d'avoir été trompé par M. [H] et l'angoisse invoquée par M. [N] ne sont pas établis par des éléments objectifs ; la cour, infirmant le jugement, rejette la demande de M. [N] à ce titre.

Au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour infirme le jugement et, prenant en compte également les frais exposés par M. [N] à hauteur de cour, condamne M. [H] à verser à M. [N] la somme de 5 000 euros.

Dispositif : Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :

Infirme le jugement rendu entre les parties le 30 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier sauf en qu'il a condamné M. [M] [H] aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les éléments infirmés :

Condamne M. [M] [H] à garantir M. [E] [N] des désordres résultant des défauts des menuiseries du 3° étage du clocher et des fenêtres ouvertes dans la toiture de l'habitation, à l'exclusion des désordres relevant des autres menuiseries, de la vétusté de la toiture et de l'état des revêtements des façades ;

Condamne en conséquence M. [M] [H] à verser à M. [E] [N] les sommes suivantes :

. 17 032,17 euros au titre de son préjudice matériel

. 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

Déboute M. [E] [N] de sa demande au titre de son préjudice moral ;

Condamne M. [M] [H] aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [M] [H] de sa demande et le condamne à payer à M. [E] [N] la somme de 5 000 euros au titre des frais tant de première instance que d'appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01894
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.01894 ?
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