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01/06/2023 | FRANCE | N°23/00010

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 01 juin 2023, 23/00010


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président



ORDONNANCE N° 23/



DU 01 JUIN 2023





ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



N° de rôle : N° RG 23/00010 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ET32

Code affaire : 9A Demande d'autorisation de faire appel immédiat devant le premier président





L'affaire, retenue à l'audience du 11 mai 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillère délégataire de Madame la première présidente, a

ssistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 1er juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait ren...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président

ORDONNANCE N° 23/

DU 01 JUIN 2023

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

N° de rôle : N° RG 23/00010 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ET32

Code affaire : 9A Demande d'autorisation de faire appel immédiat devant le premier président

L'affaire, retenue à l'audience du 11 mai 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseillère délégataire de Madame la première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 1er juin 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

Sise [Adresse 4]

DEMANDERESSE

Représenté par Me Yannick GAY, avocat au barreau du JURA, avocat postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Jean-François PUGET, avocat au barreau de PARIS

ET :

Madame [L] [S] épouse [V]

née le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 2]

DÉFENDERESSE

Représenté par Me Cécile PION, avocat au barreau de MARSEILLE, et ayant pour avocat postulant Me Laure FROSSARD, avocat au barreau de BESANCON

**************

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'une vaste opération de promotion portée par la société Apollonia, consistant à proposer à des particuliers des investissements à but de défiscalisation entièrement financés par emprunt dans le secteur locatif professionnel du meublé, M. [T] [V] et Mme [L] [S], son épouse (les époux [V]) ont acquis plusieurs biens immobiliers en l'état futur d'achèvement situés dans les communes d'[Localité 6] et [Localité 8].

Afin de financer ces acquisitions immobilières, les époux [V] ont contracté plusieurs crédits auprès du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) :

Un crédit n° 208 1347 H/001 de 239 000 euros

Un crédit n° 208 4437 S/001 de 180 000 euros

Un crédit n° 208 4433 M/001 de 91 000 euros

Un crédit n° 208 4435 P/001 de 91 000 euros

A la suite de nombreuses plaintes d'investisseurs particuliers, parmi lesquels figurent les époux [V], s'estimant victimes d'escroquerie commise en bande organisée, une information judiciaire a été ouverte le 2 juin 2008 devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille.

A la suite d'impayés, la banque a poursuivi les époux [V] en paiement des sommes prêtées, outre intérêts.

Par jugement rendu le 18 juin 2019, signifié le 8 septembre 2022, le tribunal de grande instance de Besançon, devenu tribunal judiciaire de Besançon, a notamment condamné les emprunteurs à payer à la banque :

- la somme de 599 317,70 euros au titre du capital emprunté suivant les quatre contrats de crédit

- la somme de 25 500 euros au titre de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2009, avec capitalisation

Par arrêt rendu le 11 mai 2021, signifié le 30 juin 2021, la cour d'appel de Besançon a confirmé le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la banque irrecevable comme prescrite, en sa demande portant sur les échéances de janvier 2009 pour les quatre prêts pour un montant de 3 796,11 euros et a accordé des délais de paiement aux époux [V].

Un pourvoi a été formé par les emprunteurs.

Par jugement du 20 février 2023, le tribunal de proximité de Pontarlier a prononcé le sursis à statuer sur la procédure de saisie des rémunérations jusqu'à la survenance d'une décision pénale définitive à l'encontre de Maître [G], notaire, dans l'affaire dite "Apollonia".

Par assignation signifiée le 20 mars 2023 à Madame [L] [S] épouse [V], le CIFD a saisi la première présidente de la cour d'appel de Besançon d'une demande d'autorisation d'interjeter appel de la décision de sursis rendue le 20 février 2023 par le tribunal de proximité de Pontarlier, sur le fondement de l'article 380 du code de procédure civile. Il demande, en outre, que les dépens soient réservés.

Dans ses dernières écritures, visées par le greffe le 9 mai 2023, le CIFD maintient l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières écritures visées par le greffe le 10 mai 2023, Madame [L] [S] épouse [V] sollicite le rejet de la demande d'autorisation d'interjeter appel formée par le CIFD ainsi que la condamnation de celui-ci à verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens de l'instance.

Lors de l'audience du 11 mai 2023, les parties ont déclaré leurs observations orales conformes à leurs écritures, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé du litige et des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

En vertu de l'article 380 du code de procédure civile la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.

La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S'il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, selon le cas.

Au soutien de sa demande, le CIFD rappelle qu'il bénéficie depuis 2013 d'une garantie de l'Etat en raison d'une crise de liquidités affectant le groupe, cette garantie étant accordée notamment sous conditions d'arrêt de l'activité d'octroi de crédit du groupe, de restructuration du groupe, de rémunération de la garantie de l'Etat français par le versement de commissions annuelles pour un coût de 2,4 milliard d'euros et de versement de dividendes aux actionnaires à compter de l'année 2018.

Il prétend justifier de l'existence de motifs graves par l'obligation de recouvrer à bref délai les créances nées des prêts qu'il a accordés et fait valoir que le sursis à statuer, par l'entrave au recouvrement qu'il cause, est de nature à aggraver sa charge financière en le privant de sa faculté de versement des commissions annuelles au profit de l'Etat français.

Le CIFD invoque également au titre des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance auprès de Madame [L] [S] épouse [V] l'endettement excessif des emprunteurs dont le montant total des crédits souscrits s'élève à 3 191 388 euros, outre intérêts, ainsi qu'une dévalorisation des biens locatifs, dès lors qu'il bénéficie d'hypothèques conventionnelles sur lesdits biens et d'une promesse de délégation des loyers.

Le CIFD estime justifier par ailleurs du caractère légitime de sa demande en soutenant que le notaire rédacteur de trois des quatre prêts litigieux n'est pas concerné par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal judiciaire statuant en matière correctionnelle des chefs de complicité rendue par le juge d'instruction le 15 avril 2022, confirmé par l'arrêt de la chambre de l'instruction du 15 mars 2023. Il soutient encore que le prêt rédigé par maître [G] n'a pas été cité parmi ceux qui seraient entachés d'irrégularités.

Le CIFD soutient par ailleurs que l'instance pénale en cours n'est pas de nature à porter atteinte au droit de la banque d'exercer le recouvrement forcé de sa créance, outre que le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de suspendre l'exécution d'une décision, le prononcé d'un sursis à statuer s'analysant, selon le CIFD, en une suspension.

En réponse, Madame [L] [S] épouse [V] soutient qu'il appartient à la banque de démontrer l'existence d'une mise en péril du groupe de CIFD par la décision de sursis à statuer et estime que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'ordonnance de règlement a été rendue le 15 avril 2022, que la chambre de l'instruction a rendu son arrêt le 15 mars 2023 et que l'issue de l'instance pénale peut être raisonnablement évaluée entre 3 et 4 ans.

Madame [L] [S] épouse [V] soutient en outre que le CIFD ne produit aucune attestation de son commissaire aux comptes relatives aux conséquences économiques d'un sursis à statuer de 3 ou 4 ans sur une saisie de rémunération de l'emprunteur, alors même que les commissions restant dues à l'Etat s'élèveraient à une somme de l'ordre de 1 450 000 000 euros. Madame [L] [S] épouse [V] fait également observer l'existence d'un versement de dividendes par le CIFD à ses actionnaires ainsi que d'un niveau important de fonds propres lui ayant permis de négocier avec l'Etat français la possibilité de verser ces dividendes.

En l'espèce, il appartient au CIFD de justifier du motif grave et légitime, les conditions de gravité et de légitimité étant cumulatives, s'il entend voir prospérer sa demande d'autorisation de relever appel immédiat de la décision de sursis à statuer rendue le 20 février 2023 par le tribunal de proximité de Pontarlier.

Or, en l'état des pièces produites par le demandeur à l'action, force est de constater que ce dernier échoue à établir que l'attente générée par le sursis à statuer dans le recouvrement des créances résultant des résiliations des contrats de prêt pour incident de paiement par le biais d'une saisie des rémunérations de Madame [L] [S] épouse [V] aurait des conséquences financières graves, mettant en danger sa trésorerie, son fonctionnement, voire son existence.

En effet, en comparaison des éléments chiffrés communiqués, ce sursis provisoire ne saurait affecter l'entier équilibre financier de la banque, étant observé que l'état financier n'est attesté par aucune pièce comptable, bilan ou attestation de commissaire aux comptes actualisée, alors même que, dans la mesure où l'établissement dispose d'une garantie de l'Etat, sa santé financière doit être particulièrement documentée et mise à jour afin d'en rendre compte.

En outre, le niveau de fonds propres du CIFD, dont celui-ci fait état dans ses propres écritures, lui permet de verser des dividendes à ses actionnaires depuis 2018, ce qui dément l'existence d'une mise en péril par le prononcé d'un sursis à statuer dans le cadre de la procédure de recouvrement de sa créance par la voie d'une saisie des rémunérations.

Enfin, la chambre de l'instruction d'Aix-en-Provence a rendu un arrêt le 15 mars 2023 de sorte qu'en dépit du pourvoi formé par le notaire concerné, l'issue de l'instance pénale peut être raisonnablement évaluée à 3 ou 4 ans.

Dans ces conditions, en l'absence de motif grave et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le caractère légitime du motif invoqué par le CIFD, ce dernier ne peut être autorisé à faire appel du jugement ayant ordonné le sursis à statuer.

Sa demande sera donc rejetée.

L'équité commande de condamner le CIFD à payer à Madame [L] [S] épouse [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, le CIFD est condamné aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La conseillère délégataire de la première présidente de la cour d'appel de Besançon, statuant en audience publique, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande formée par le Crédit Immobilier de France Développement.

CONDAMNE le Crédit Immobilier de France Développement à payer à Madame [L] [S] épouse [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE le Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 23/00010
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;23.00010 ?
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