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31/05/2023 | FRANCE | N°22/00275

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 31 mai 2023, 22/00275


ARRÊT N°



MW/FA







COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 31 MAI 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Contradictoire

Audience publique du 28 Mars 2023

N° RG 22/00275 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPIX



S/appel d'une décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VESOUL en date du 02 décembre 2021 [RG N° 21/00196]

Code affaire : 56C- Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exÃ

©cution



S.A.S.U. SASU LOCATELLI HABITAT C/ [F] [M], [W] [N] épouse [M]





PARTIES EN CAUSE :





S.A.S.U. SASU LOCATELLI HABITAT

Sise [Adresse 1], inscrite au RCS de Vesoul...

ARRÊT N°

MW/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 31 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 28 Mars 2023

N° RG 22/00275 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPIX

S/appel d'une décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VESOUL en date du 02 décembre 2021 [RG N° 21/00196]

Code affaire : 56C- Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution

S.A.S.U. SASU LOCATELLI HABITAT C/ [F] [M], [W] [N] épouse [M]

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S.U. SASU LOCATELLI HABITAT

Sise [Adresse 1], inscrite au RCS de Vesoul sous le numéro 323 624 296

Représentée par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [F] [M]

né le 05 Novembre 1964 à [Localité 3], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Madame [W] [N] épouse [M]

née le 20 Juillet 1952 à [Localité 4], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTIMÉS

Lors des débats :

MAGISTRATS RAPPORTEURS : Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre, et Madame B. MANTEAUX, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur J.F LEVEQUE et Madame B. MANTEAUX, conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 28 mars 2023 a été mise en délibéré au 31 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Par devis accepté le 30 septembre 2017, M. [F] [M] et son épouse, née [W] [N], ont confié à la SASU Locatelli Habitat (Locatelli) des travaux de remplacement du liner de leur piscine pour un montant de 3108 euros TTC.

Les travaux ont été réalisés en mai 2018 et facturés le 28 mai 2018 pour un montant de 3 192 euros TTC.

Se plaignant de fuites au niveau du skimmer et de la présence de trous sur l'une des parois de la piscine, les époux [M] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Vesoul qui, par ordonnance du 15 octobre 2019, a mis en oeuvre une expertise judiciaire.

L'expert a déposé le rapport de ses opérations le 12 novembre 2020 concluant à l'absence d'éléments permettant de retenir la responsabilité de la société Locatelli dans les désordres constatés.

Par exploit du 5 mai 2021, les époux [M] ont fait assigner la société Locatelli devant le tribunal judiciaire de Vesoul en paiement de la somme de 5 318 euros en réparation de leur préjudice. Ils ont fait valoir que l'expert n'avait pas répondu précisément à la mission qui lui avait été confiée, que les désordres n'existaient pas avant l'intervention de la société Locatelli, que, s'agissant du skimmer, il avait nécessairement été démonté, puis remonté par la société Locatelli, laquelle, si le remplacement de cet organe était nécessaire, aurait dû le leur signaler au titre de son obligation d'information. Ils ont ajouté que leur préjudice s'établissait à 6 910 euros, duquel il y avait lieu de déduire le solde des travaux, soit 1 592 euros. Ils ont contesté avoir réceptionné les travaux.

La société Locatelli a conclu au rejet des demandes formées à son encontre, ainsi qu'à la condamnation reconventionnelle des demandeurs à lui payer la somme de 1 592 euros au titre du solde sur facture resté impayé. Elle a indiqué ne pas être intervenue sur le skimmer, et que l'origine de trous dans la structure de la piscine n'avait pu être déterminée. Elle a encore considéré qu'en tout état de cause les époux [M] avaient tacitement réceptionné les travaux le 25 mai 2018, date à laquelle ils avaient pris possession des lieux, de sorte que tout désordre apparent non réservé ne pouvait plus faire l'objet de contestations.

Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal a :

- dit que les revendications émises par les époux [M] et le non-paiement du prix du solde de la facture excluent la réception tacite des travaux ;

- condamné la SASU Locatelli Habitat à payer à Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] la somme de 4 910 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné solidairement Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] à payer à la SASU Locatelli Habitat la somme de 1 592 euros au titre du solde restant dû sur sa facture du 28 mai 2018 ;

- rappelé que la compensation s'opère de plein droit entre les sommes dues par la SASU Locatelli Habitat aux époux [M] et le montant de sa facture ;

- condamné la SASU Locatelli Habitat à payer à Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la SASU Locatelli Habitat aux dépens de I'instance, aux dépens du référé, aux frais du constat d'huissier du 7 novembre 2018, ainsi qu'aux frais de l'expertise judiciaire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les conditions de la réception tacite n'étaient pas réunies ;

- que, n'ayant pas défini les causes des désordres qu'il avait constatés, l'expert n'avait pas fourni à la juridiction les éléments techniquement utiles à la solution du litige, qui devaient donc être souverainement appréciés au vu des pièces produites et des arguments des parties ;

- s'agissant du skimmer, que les photographies avant travaux établissaient que le skimmer remplissait son office en avalant l'eau de la piscine ; que le liner ne pouvant être installé sans démonter préalablement l'avaloir du skimmer, qu'il était du devoir de conseil de la société Locatelli, si la pièce était fissurée, d'informer les époux [M] qu'il était nécessaire de la remplacer pour éviter les fuites ;

- s'agissant du liner, que les photographies avant travaux établissaient que la paroi de la piscine n'était pas endommagée, ce dont il s'ensuivait que la dégradation à l'origine de la création de poches dans le liner n'avait pu se produire qu'au moment des travaux ; que la société Locatelli avait écrit elle-même dans un courrier du 3 mai 2019 que les poches étaient apparues quelques jours après les travaux ;

- que le préjudice s'établissait à 960 euros au titre du remplacement du skimmer, à 1 200 euros au titre de la reprise du liner, à 250 euros au titre de la surconsommation d'eau, et à 2 500 euros au titre du préjudice de jouissance, la piscine ayant été régulièrement utilisée, et le désagrément ne résidant que dans le fait d'avoir dû assurer régulièrement le niveau d'eau ; que le préjudice se compensait avec le solde de facture impayé.

La société Locatelli a relevé appel de cette décision le 15 février 2022, sauf en sa disposition relative au paiement du solde sur facture.

Par ordonnance d'incident du 19 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formée par la société Locatelli.

Par conclusions notifiées le 10 février 2023, l'appelante demande à la cour :

Vu l'article 1792-6 du code civil,

- de juger la SASU Locatelli Habitat recevable et bien fondée en son appel ;

- d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

* dit que les revendications émises par les époux [M] et le non-paiement du prix du solde de la facture excluent la réception tacite des travaux ;

* condamné la SASU Locatelli Habitat à payer à Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] la somme de 4 910 euros à titre de dommages et intérêts ;

* rappelé que la compensation s'opère de plein droit entre les sommes dues par la SASU Locatelli Habitat aux époux [M] et le montant de sa facture ;

* condamné la SASU Locatelli Habitat à payer à Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

* condamné la SASU Locatelli Habitat aux dépens de I'instance, aux dépens du référé, aux frais du constat d'huissier du 7 novembre 2018, ainsi qu'aux frais de l'expertise judiciaire ;

- de le réformer et statuant à nouveau : :

- de fixer la date de réception des travaux au 25 mai 2018, date de prise de possession de la piscine par les époux [M] après travaux ;

- de constater l'absence de responsabilité de la société Locatelli Habitat dans les désordres relevés par les époux [M] ;

- de débouter les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes à l'égard de la société Locatelli Habitat ;

- de condamner solidairement les époux [M] à payer à la société Locatelli Habitat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les dépens de la procédure de référé, le constat d'huissier du 7 novembre 2018 et les frais d'expertise judiciaire.

Par conclusions transmises le 1er mars 2023, les époux [M] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré ;

- de débouter la société Locatelli Habitat de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner la société Locatelli Habitat à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Locatelli Habitat aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 mars 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Il sera observé en premier lieu que la disposition du jugement ayant condamné solidairement les époux [M] au paiement du solde des travaux de la société locatelli n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. La confirmation s'impose donc de ce chef.

La décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la société Locatelli tendant à la fixation à la date du 25 mai 2018 de la réception tacite des travaux, le tribunal ayant à bon droit constaté qu'en présence de la contestation par les époux [M] de la qualité des prestations réalisées, et du défaut de paiement du solde du prix de ces prestations, les intéressés n'avaient pas entendu réceptionner les travaux.

S'agissant en premier lieu du skimmer, rien ne permet en l'état du dossier d'établir que la fissuration constatée par l'expert judiciaire ait été causée par la société Locatelli lors de l'exécution de ses travaux. Au contraire, le technicien impute de manière probable ce désordre au fait que l'équipement était âgé de plus de 20 ans, de sorte que le PVC le composant était devenu cassant. Pour ce qui est du grief tiré par les époux [M] du défaut d'information et de conseil, il doit être rappelé que la société Locatelli a été missionnée par ceux-ci pour le seul remplacement du liner de la piscine, de sorte que cette société, qui n'était pas chargée d'expertiser la piscine dans son ensemble, n'était pas tenue d'une obligation d'information et de conseil relativement aux organes techniques situés hors du champ de son intervention. Elle n'avait donc pas à examiner le skimmer, installation technique spécifique destinée à la filtration de l'eau, et ne se devait d'informer ses donneurs d'ordre que des désordres affectant cet équipement dont elle aurait éventuellement pu se convaincre à l'occasion des travaux dont elle avait la charge. Or, pour procéder au remplacement du liner, la société Locatelli n'avait pas, comme semblent le soutenir les intimés, à déposer le skimmer lui-même, mais seulement le cache démontable situé à l'intérieur de la piscine. C'est ce que confirme clairement l'expert judiciaire. Dès lors que la fissure à l'origine des fuites n'affectait pas l'élément démonté, mais le corps du skimmer, et qu'aucune des pièces du dossier ne permet de démontrer que cette fissuration était décelable à l'occasion des seules opérations de dépose et repose du cache, il n'est pas établi que la société Locatelli ait manqué à une obligation d'information des époux [M]. C'est dès lors à tort que le premier juge a mis à la charge de la société appelante le coût du remplacement du skimmer, la cour observant au surplus que, dans le cadre d'un manquement au devoir d'information et de conseil, le préjudice des époux [M] ne pouvait en tout état de cause consister dans le coût du remplacement de l'organe, qu'ils auraient en effet dû prendre en charge même dans le cas où l'information correspondante leur aurait été fournie.

S'agissant ensuite des trous apparus dans la paroi de la piscine et ayant entraîné la déformation corrélative du liner, l'expertise judiciaire conclut expressément à l'absence de tout élément permettant d'en imputer la survenue à la société Locatelli. Si les parties s'accordent pour considérer que ce désordre n'existait pas antérieurement aux travaux réalisés par la société Locatelli, force est cependant de constater que sa date précise d'apparition n'est pas connue. Surtout, rien ne permet en l'état de déterminer avec certitude les circonstances de la survenue de ces trous. L'expert judiciaire indique en effet à cet égard que s'ils paraissaient consécutifs à un choc contre la paroi, l'origine de ce choc restait inconnu. Dans ces conditions, la seule circonstance que les poches soient apparues postérieurement à l'intervention de la société Locatelli ne suffit pas, en l'absence de démonstration d'un élément causal par le biais des pièces produites par ailleurs, à consacrer de manière certaine la responsabilité de celle-ci. La décision déférée sera donc également désapprouvée en ce qu'elle a imputé ces désordres à la société intimée.

Le jugement sera en définitive infirmé en ce qu'il a alloué aux époux [M] la somme de 4 910 euros à titre de dommages et intérêts et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties.

Il sera également infirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Les époux [M] seront condamnés aux entiers dépens de première instance, incluant les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, et d'appel. Le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 7 novembre 2018 ne peut être intégré aux dépens, comme ne constituant pas un acte de procédure, et son coût restera à la charge des époux [M].

Les intimés seront enfin condamnés à payer à l'appelante la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vesoul en ce qu'il a rejeté la demande relative à la réception tacite des travaux, et en ce qu'il a condamné solidairement Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] à payer à la SASU Locatelli Habitat la somme de 1 592 euros au titre du solde restant dû sur sa facture du 28 mai 2018 ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] à l'encontre de la SASU Locatelli Habitat ;

Condamne Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] aux entiers dépens de première instance, incluant les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, et d'appel ;

Dit que le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 7 novembre 2018 restera à la charge de Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] ;

Condamne Mme [W] [N] épouse [M] et M. [F] [M] à payer à la SASU Locatelli Habitat la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00275
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;22.00275 ?
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