ARRÊT N°
MW/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 31 MAI 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Défaut
Audience publique
du 28 Mars 2023
N° de rôle : N° RG 21/01729 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENUH
S/appel d'une décision
du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BESANCON
en date du 20 juillet 2021 [RG N° 19/02576]
Code affaire : 62B
Demande en réparation des dommages causés à une chose mobilière ou immobilière par un immeuble
S.A. AVIVA ASSURANCES C/ [T] Es qualités LJ de la sarl Axia [G], S.C.I. ILP GROUPES, S.A.R.L. AXIA
PARTIES EN CAUSE :
S.A. AVIVA ASSURANCES En qualité d'assureur de la SARL AXIA, société prise en la personne de son Directeur Général demeurant pour ce audit siège, inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 306 522 665
Sise[Adresse 2]
Représentée par Me Isabelle TOURNIER de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Franck PETIT, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
Maître [T] [G] Mandataire Judiciaire, pris en sa qualité de mandataire judiciaire et désormais de liquidateur Judiciaire de la SARL AXIA selon jugement du Tribunal de Commerce de BESANCON en date du 16 octobre 2019 prononçant la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement ouverte par jugement du Tribunal de Commerce de BESANCON en date du 23.10.2019
de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
N'ayant pas constitué avocat
S.C.I. ILP GROUPES Société Civile Immobilière (SCI) immatriculée au RCS de BESANCON sous le numéro 501 257 703, ayant son siège social [Adresse 3], prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié de droit en cette qualité audit siège social
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
S.A.R.L. AXIA Société placée en redressement judiciaire selon jugement du Tribunal de Commerce de BESANCON en date du 16 octobre 2019 et désormais en liquidation judiciaire selon jugement de conversion rendu le 18 décembre 2019 par le Tribunal de Commerce de BESANCON désignant Maître [T] [G], Mandataire Judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire.
Sise [Adresse 3]
N'ayant pas constitué avocat
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRATS RAPPORTEURS : Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre, et Madame B. MANTEAUX, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur J.F LEVEQUE et Madame B. MANTEAUX, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 28 mars 2023 a été mise en délibéré au 31 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
La SCI ILP Groupes est propriétaire d'un immeuble à usage commercial sis [Adresse 3] à [Localité 4].
Par contrat du 24 décembre 2014, la SCI ILP Groupes a donné à bail commercial une partie de ces locaux à la SARL Axia, assurée auprès de la SA Aviva Assurances.
Dans la nuit du 19 novembre 2018, un incendie a intégralement détruit l'immeuble appartenant à la SCI ILP Groupes.
Deux expertises contradictoires amiables ont été réalisées, aux termes desquelles aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties.
Par jugement du 16 octobre 2019, la société Axia a été placée en redressement judiciaire, Maître [T] [G] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Par exploits du 25 octobre 2019, la SCI ILP Groupes a fait assigner la société Aviva Assurances, la société Axia ainsi que Maître [G], ès qualités, devant le tribunal de grande
instance de Besançon en indemnisation des préjudices résultant de la destruction de son immeuble.
Dans le dernier état de ses prétentions, faisant valoir qu'il était constant que l'incendie avait pris naissance dans les locaux occupés par la société Axia, qui devait en être déclarée responsable en application de l'article 1733 du code civil, la SCI ILP Groupes a demandé au tribunal :
- de déclarer la société Axia responsable de plein droit de l'incendie ;
- de condamner solidairement la société Axia et son assureur à l'indemniser des dommages matériels, des pertes de loyer, des préjudices financiers, des frais d'expertise, des frais de mise en sécurité de l'ouvrage et du préjudice de jouissance ;
- de l'autoriser à ressaisir la juridiction pour obtenir réparation du préjudice d'impossibilité de reconstruire à l'identique ou lié au surcoût de reconstruction lié aux nouvelles normes ;
- subsidiairement, d'ordonner l'expertise sollicitée par la société Aviva Assurances aux frais de cette dernière, et de lui allouer une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
La société Aviva Assurances a conclu au rejet des demandes formées à son encontre, subsidiairement a considéré qu'il devait être sursis à statuer dans l'attente de la mise en cause de l'assureur propriétaire non occupant de la SCI ILP Groupes, et a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. Elle a exposé que la présomption de responsabilité du locataire ne s'appliquait pas lorsque, comme en l'espèce, le propriétaire occupait une partie des locaux, et qu'en tout état de cause le propriétaire aurait dû diviser ses poursuites entre les différents locataires. Elle a remis en cause les conclusions des expertises amiables, et fait valoir qu'elle produisait des conclusions contraires, de sorte qu'une expertise judiciaire était le cas échéant nécessaire pour déterminer la cause exacte de l'incendie, et pour déterminer l'existence d'une cause exonératoire de la responsabilité du locataire.
Par jugement rendu le 20 juillet 2021 en l'absence de comparution de la société Axia et de Maître [G], ès qualités, le tribunal judiciaire a :
- condamné in solidum la SARL Axia et la SA Aviva Assurances à payer à la SCI ILP Groupes les sommes suivantes :
* 325 105 euros au titre des dommages matériels,
* 23 400 euros au titre des pertes de loyers au 31 décembre 2019 outre la somme mensuelle de 1 800 euros à compter du mois de janvier 2020 jusqu'à l'achèvement complet des travaux de reconstruction de l'immeuble,
* 6 627,76 euros au titre des préjudices financiers ;
- fixé la créance de la société ILP Groupes à hauteur de ces sommes, au passif de la procédure
collective de la société Axia ;
- condamné in solidum la SARL Axia et la SA Aviva Assurances à payer à la SCI ILP Groupes la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SARL Axia et la SA Aviva Assurances aux entiers dépens ;
- rejeté toutes autres prétentions et demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- qu'il ressortait de deux rapports d'expertise précis et concordants que l'incendie avait pris naissance dans les locaux loués par la société Axia, que l'origine était accidentelle, et que le lieu de départ du feu se situait au niveau du four de décolletage présent dans ces locaux ; qu'il n'était pas démontré par la société Aviva Assurances que la SCI ILP Groupes occupait les locaux dans les mêmes conditions qu'un locataire, alors qu'il apparaissait au vu des pièces que si la SCI était domiciliée à l'adresse du lieu du sinistre, il ne s'agissait que d'une boîte aux lettres ; qu'il importait par ailleurs peu que l'immeuble soit également loué à plusieurs autres sociétés, dès lors que le lieu de départ de l'incendie se situait à l'évidence dans les locaux de la société Axia ;
- qu'il appartenait à la société Aviva Assurances, si elle l'estimait nécessaire, de mettre en cause l'assureur de la SCI ILP Groupes ;
- que l'analyse technique fournie par la société Aviva Assurances ne se basait que sur la lecture des rapports d'expertise amiables, et ne revêtait pas d'intérêt en présence de constatations faites par des experts s'étant déplacés sur les lieux ;
- qu'un procès verbal de constatations relatives aux causes et circonstances du sinistre ainsi qu'à l'évaluation des dommages avait été régularisé entre les différents experts intervenant pour les compagnies d'assurances du propriétaire et du locataire ; que les dommages matériels ont été évalués à la somme de 325 105 euros vétusté déduite, qu'il n'y avait pas lieu d'écarter ;
- que la SCI ILP Groupes percevait des loyers d'un montant mensuel total de 1 800 euros TTC, dont elle devait être indemnisée de la perte ;
- que la demanderesse justifiait avoir été contrainte de solliciter un réaménagement de ses prêts en l'absence de perception des loyers, les frais de dossiers s'élevant à150 euros pour chacun des deux avenants soit une somme de 300 euros ; qu'elle démontrait également avoir engagé des frais au titre des travaux de mise en sécurité à hauteur de 543,60 euros ainsi que des frais d'assistance à expertises à hauteur totale de 5 784,16 euros ; que les préjudices financiers s'établissaient donc à 6 627,76 euros ;
- que la demande tendant à la réservation d'un préjudice de reconstruction devait être rejetée, en l'absence de caractère certain ;
- que la demande formée au titre du préjudice de jouissance devait être rejetée, la demanderesse n'occupant pas les locaux.
La société Aviva Assurances a relevé appel de cette décision le 22 septembre 2021, en déférant à la cour l'ensemble de ses dispositions.
Par conclusions n°4 transmises le 13 mars 2023, la société Abeille IARD et Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances, demande à la cour :
Vu les articles 15, 16, 56, 753, 954 du code de procédure civile, L. 122-12 et suivants du code
des assurances, 1240, 1700 33 734 du code civil, 1134, 1150 du code civil dans leur rédaction
antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
- de déclarer l'appel interjeté par la SA Abeille IARD et Santé (ex SA Aviva Assurances) recevable ;
- d'infirmer le jugement déféré ;
Et, en conséquence, statuant à nouveau :
I / À titre principal :
- de débouter la SCI ILP Groupes de l'intégralité de ses demandes et prétentions ;
II / À titre subsidiaire :
- d'ordonner à la SCI ILP Groupes de mettre en cause la compagnie d'assurances Alllianz en qualité de propriétaire non occupant de la SCI ILP Groupes, et, à défaut, de débouter la SCI ILP Groupes de l'intégralité de ses demandes et prétentions ;
- d'ordonner une expertise judiciaire aux fins d'éclairer la juridiction dans le respect du contradictoire entre les parties, sur les causes et origines de l'incendie litigieux du 19 novembre 2018 dans les locaux propriété de la SCI ILP Groupes au [Adresse 3], mais aussi sur le chiffrage des préjudices allégués, et, avant dire droit, d'ordonner une telle expertise judiciaire, et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
- en conséquence, de désigner tel expert judiciaire qu'il plaira, en lui donnant pour mission de :
' Se faire communiquer tous documents utiles à sa mission, et notamment la copie du dossier d'enquête pénale, les contrats d'assurance, et tout document utile en ce qui concerne l'incendie litigieux du 19 novembre 2018 dans les locaux propriété de la SCI ILP Groupes au [Adresse 3], et les informations de toutes les personnes s'étant rendues sur place, en qualité d'experts, de techniciens, de sachants, dans le respect du contradictoire en présence des parties ;
' Se rendre sur les lieux de l'incendie, après avoir convoqué les parties contradictoirement, et procéder à toutes les constatations utiles, y compris en procédant sauvegarde nécessaire pour les examens concernant certains matériels ou autres, et, au besoin, procéder à une expertise dite sur pièces en cas d'impossibilité de procéder à des constatations matérielles sur place ;
' Visiter les lieux en procédant, immédiatement ou en tous les cas dans un bref délai, en urgence, aux premières constatations nécessaires, en procédant à tous prélèvements et/ou analyses complémentaires, y compris en faisant transporter les pièces ou biens pouvant être à l'origine de l'incendie dans un autre lieu sécurisé ;
' Entendre les parties, et procéder à toutes constatations utiles en s'adjoignant au besoin tout sapiteur de son choix aux fins de rechercher et de déterminer les causes et origines du sinistre de l'incendie du 19 novembre 2018 ;
- de déclarer que l'expert judiciaire aura pour mission la recherche des causes, circonstances et origines de l'incendie, y compris l'évaluation des préjudices subis par toutes les parties ou du moins allégués par toutes les parties en s'adjoignant au besoin un sapiteur comptable ;
- de déclarer que l'expert judiciairedéposera une note de synthèse à l'issue de chaque réunion d'expertise, ainsi qu'un pré-rapport d'expertise en donnant à l'issue de celui-ci un délai d'au moins un mois aux parties pour pouvoir présenter des dires avant de déposer son rapport définitif ;
- de surseoir à statuer sur toutes les demandes dans l'attente de la mise en cause de la SA Allianz et du dépôt du rapport d'expertise ;
III / À titre très subsidiaire :
- de débouter la SCI ILP Groupes de sa demande au titre des 'dommages matériels', et, partant, de sa demande de condamnation au titre de la reconstruction (419 284,88 euros TTC en appel, 390 163 euros TTC en première instance) ;
- de débouter la SCI ILP Groupes de sa demande au titre d'un préjudice indépendant pour les pertes de loyers, et, partant, de sa demande de condamnation de 23 400 euros TTC pour la perte de loyers jusqu'au 31 décembre 2019, et de 1 800 euros TTC par mois du 1er janvier 2020 jusqu'à la reconstruction et relocation complète de l'immeuble ;
- en cas de condamnation pour perte de loyers contre la SA Abeille IARD & Santé, de limiter le montant de cette condamnation à une année de perte de loyers, soit 21 600 euros TTC, et, en conséquence, de débouter la SCI ILP Groupes de toutes demandes contraires ;
- de débouter la SCI ILP Groupes de sa demande au titre des préjudices financiers, et, en partant, de la débouter de ses demandes au titre : des préjudices financiers (3 500 euros TTC),
des frais et honoraires d'experts d'assuré (2 500 euros TTC), de l'indemnisation des frais et honoraires d'experts amiables (3 285 euros TTC), et de mise en sécurité de l'ouvrage à la demande de la mairie (544 euros TTC) ;
- de déduire de toutes les condamnations au bénéfice de la SCI ILP Groupes la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et ne prononcer à son bénéfice par conséquent que des condamnations
hors taxes, à la charge de la SA Abeille IARD et Santé ;
- de confirmer le jugement entrepris s'agissant du débouté de la demande de la SCI ILP Groupes au titre du préjudice pour impossibilité de reconstruction ;
- de confirmer le jugement entrepris s'agissant du débouté de la SCI ILP Groupes de sa demande visant à réserver le poste de préjudice concernant la reconstruction éventuelle de son bâtiment ;
- de confirmer le jugement entrepris s'agissant du débouté au titre du préjudice de jouissance de la SCI ILP Groupes ;
IV / En tout état de cause :
- de débouter la SCI ILP Groupes de toutes ses demandes contraires, y compris au titre des frais irrépétibles et au titre des dépens ;
- de condamner la SCI ILP Groupes à payer à la SA Abeille IARD et Santé la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne les frais irrépétibles de première instance ;
- de condamner la SCI ILP Groupes aux entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant :
- en cas de condamnation de la SA Abeille IARD et Santé, de déduire des indemnisations mises à sa charge le montant des sommes perçues par la SCI ILP Groupes de son assureur Allianz pour l'indemnisation du sinistre objet du litige (62 223 euros), et les sommes trop versées en vertu de l'exécution provisoire, s'agissant des pertes de loyers (39 600 euros), et d'ordonner la compensation judiciaire des sommes dues entre les parties ;
- de condamner la SCI ILP Groupes à payer à la SA Abeille IARD et Santé 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;
- de condamner la SCI ILP Groupes aux entiers dépens d'appel, avec droit pour la SCP CODA de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- de rejeter l'appel incident de la SCI ILP Groupes.
Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 13 mars 2023, la SCI ILP Groupes demande à la cour :
Vu les articles L. 122-1 et suivants du code des assurances,
Vu l'article 1733 du code civil,
- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
* limité à 325 105 euros la somme allouée à la société ILP Groupes au titre des réparations ;
* rejeté la possibilité pour la société ILP Groupes de solliciter amélioration de son indemnisation en cas d'impossibilité de reconstruire pour motifs d'urbanisme ;
* débouté la société ILP Groupes de sa demande au titre du préjudice de jouissance ;
* limité à 2 000 euros les frais irrépétibles alloués à la société ILP Groupes ;
- de réformer le jugement entrepris sur les chefs de demandes précités, et statuant à nouveau
sur ces chefs :
- de condamner la SA Abeille IARD et Santé à payer à la société ILP Groupes les sommes suivantes :
* dommages matériels : 446 301,56 euros HT;
* préjudice de jouissance : 50 000 euros ;
- de juger que la société ILP Groupes sera recevable à solliciter indemnisation du préjudice lié à l'éventuelle impossibilité de reconstruire l'immeuble en raison des règles d'urbanisme ;
- de débouter les parties de toutes demandes contraires ;
- de condamner la SA Abeille IARD et Santé à payer à la société ILP Groupes une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, telle que justifiée par ses pièces n°28 et 30, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
L'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel à la société Axia ainsi qu'à Maître [G], ès qualités, par actes remis respectivement le 10 novembre 2021 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et le 4 novembre 2021 à domicile.
La société Axia et Maître [G], ès qualités, n'ont pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt de défaut.
La clôture de la procédure a été prononcée le 15 mars 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Sur la responsabilité
L'article 1733 du code civil dispose que le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve :
- que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction.
- ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
L'article 1734 du même code énonce quant à lui que, s'il y a plusieurs locataires, tous sont responsables de l'incendie, proportionnellement à la valeur locative de la partie de l'immeuble qu'ils occupent ; à moins qu'ils ne prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, auquel cas celui-là seul en est tenu ; ou que quelques-uns ne prouvent que l'incendie n'a pu commencer chez eux, auquel cas ceux-là n'en sont pas tenus.
Pour voir écarter la présomption appliquée par le premier juge, l'assureur de la société Axia fait valoir que cette présomption cesse lorsque le bailleur occupe lui-même une partie des locaux, et qu'en tout état de cause, l'immeuble de la SCI ILP Groupes étant constitué de plusieurs locaux donnés à bail à des locataires différents, la bailleresse devait diviser ses poursuites entre ceux-ci, et non poursuivre un seul d'entre eux en indemnisation de l'ensemble de son préjudice.
D'une part, cependant, le tribunal a à bon droit retenu que le bailleur devait occuper de manière effective une partie de l'immeuble lui appartenant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, où il n'est justifié d'aucune occupation matérielle de locaux physiques par la SCI ILP Groupes, alors qu'il est uniquement établi qu'elle y avait établi son siège social lequel, s'agissant d'une SCI sans activité de production ou de service, et sans personnel, se traduisait par la simple présence d'une boîte aux lettres.
D'autre part, l'occupation de locaux par le bailleur, tout comme la présence d'autres locataires, ne sont pas de nature à faire échec à la présomption de l'article 1733 lorsqu'il est établi que l'incendie n'a pas pris dans les locaux occupés par le bailleur ou par ces autres locataires.
Or, il ressort en l'occurrence tant des rapports d'expertises amiables que des photographies versées aux débats, faisant apparaître, au niveau de la toiture, l'endroit d'où s'échappaient les flammes, que l'incendie a pris naissance dans les locaux donnés en location à la société Axia. Ce point n'est pas remis en cause par le propre rapport d'expertise que produit l'appelante, lequel ne conteste pas le siège d'origine de l'incendie, mais critique la cause retenue par les premiers experts, en incriminant, non pas le four de décolletage ou l'installation électrique, mais le système de VMC.
Dès lors ainsi qu'il est établi que l'incendie s'est déclaré dans l'enceinte des locaux pris à bail par la société Axia, celle-ci doit en répondre, à moins qu'elle-même ou son assureur n'administre la preuve que l'incendie est arrivé par cas fortuit, force majeure, ou vice de construction, ou a été communiqué par une maison voisine.
En l'état des pièces produites, et notamment des divers rapports d'expertises, qui sont divergents sur l'origine du sinistre, et dont aucun n'est catégorique sur ce point, s'en tenant à l'émission d'hypothèses retenues comme étant plus ou moins probables, force est de considérer que la société Abeille ne rapporte pas la preuve exigée pour renverser la présomption de responsabilité de son assurée.
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité de la société Axia.
La demande d'expertise destinée à déterminer l'origine du sinistre ne pourra qu'être rejetée, dès lors d'abord qu'elle n'est formée qu'à titre subsidiaire, ce qui la rend inutile dès lors qu'il a été statué au principal, et dans la mesure ensuite, et en tout état de cause, où il n'appartient pas au juge de pallier par une mesure d'instruction à la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
Sur l'indemnisation
Si l'action directe ouverte à la victime contre l'assureur du responsable peut être engagée peu important que la victime ait ou non souscrit une assurance susceptible de l'indemniser des mêmes dommages, ce dont il résulte que la victime n'est pas tenue de déclarer le sinistre à son propre assureur avant d'actionner l'assureur du responsable, il n'en demeure pas moins que, lorsque la victime a d'ores et déjà été indemnisée par son propre assureur, son action contre l'assureur du responsable ne peut plus porter que sur la part du préjudice restée à sa charge.
En l'espèce, il est constant que la SCI ILP Groupes a déclaré le sinistre litigieux à son propre assureur, la société Allianz, avant d'agir contre la société Aviva, ainsi que cela résulte nécessairement du fait qu'un expert amiable a été désigné par la compagnie Allianz en la personne du cabinet Lavoué. L'appelante indique par ailleurs, sans être contredite sur ce point par la SCI ILP Groupes, que cette dernière a produit en première instance une pièce attestant du versement par la société Allianz de diverses sommes au titre de son indemnisation, pour un montant total de plus de 60 000 euros.
Pour autant, il n'a pas été tenu compte de cette pièce par le tribunal, qui n'y fait pas référence et n'opère pas déduction des montants concernés. La SCI ILP Groupes n'en tire pas plus de conclusions, y compris dans le cadre de la présente procédure d'appel, dès lors qu'elle ne déduit aucune indemnité du préjudice total dont elle réclame le paiement par l'assureur de son locataire.
Or, le tribunal ne pouvait faire fi de la difficulté tenant à l'intervention antérieure d'une indemnisation de la SCI ILP Groupes par son propre assureur sur la seule considération qu'il appartenait à la société Aviva, aujourd'hui Abeille, de mettre cet assureur en cause si elle l'estimait utile, alors qu'en présence d'un tel versement, l'allocation des sommes réclamées par la SCI aboutissait au moins partiellement à une double indemnisation du préjudice de celle-ci.
Si la mise en cause de la société Allianz par son assurée, telle que réclamée par l'appelante, n'apparaît pas indispensable à l'issue du litige, il est cependant nécessaire pour statuer sur l'indemnisation du préjudice de la SCI ILP Groupes que celle-ci justifie des sommes qu'elle a effectivement perçues de la part de son assureur.
Or, la cour ne trouve au dossier ni la pièce évoquée par l'appelante, ni aucune autre en provenance de la compagnie Allianz. Si l'appelante indique dans ses conclusions que l'intimée produirait ce document en pièce n°27 de son bordereau, force est de constater que tel n'est pas le cas, la pièce n°27 du bordereau de communication de pièces de la SCI ILP Groupes consistant en effet en une attestation de régularité fiscale relative à son assujettissement à la TVA.
Il en résulte que la cour reste dans l'ignorance des sommes exactes qui ont été versées par la société Allianz à la SCI ILP Groupes, lesquelles doivent pourtant nécessairement venir en déduction de l'indemnisation due à cette dernière par la société Abeille, en sa qualité d'assureur du responsable de l'incendie.
Il y a donc lieu de rouvrir les débats et d'enjoindre à la SCI ILP Groupes de produire un état établi par la société Allianz, et détaillant l'ensemble des sommes que celle-ci a versées à son profit dans le cadre du sinistre litigieux.
Par ces motifs
Statuant par arrêt de défaut, après débats en audience publique,
Confirme le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL Axia dans l'incendie du 19 novembre 2018 ayant détruit l'immeuble appartenant à la SCI ILP Groupes ;
Rejette la demande subsidiaire d'expertise destinée à déterminer l'origine du sinistre ;
Ordonne la réouverture des débats s'agissant de l'indemnisation des préjudices ;
Fait injonction à la SCI ILP Groupes de produire un état établi par son assureur, la société Allianz, et détaillant l'ensemble des sommes que celle-ci a versées à son profit dans le cadre du sinistre litigieux ;
Impartit à la SCI ILP Groupes un délai de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt pour procéder à cette production ;
Impartit aux parties un délai de deux mois à compter de la production pour faire valoir leurs observations éventuelles sur cette pièce ;
Désigne le président de chambre pour le suivi de ce calendrier ;
Réserve les dépens.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,