ARRÊT N°
CE/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 30 MAI 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 26 avril 2022
N° de rôle : N° RG 21/01316 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EM2O
Sur saisine aprés décision
de la Cour de Cassation
en date du 19 mai 2021
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
AUTEUR DE LA DECLARATION DE SAISINE ET APPELANT
Monsieur [K] [O], demeurant Chez Madame [S] [O] - [Adresse 2]
représenté par Me Romain CLUZEAU, Plaidant, avocat au barreau de DIJON absent et substitué par Me Martin LOISELET, Plaidant, avocat au barreau de DIJON, présent
AUTRE PARTIE
S.A.S. CSF, sise [Adresse 5]
représentée par Me Ludovic GENTY, Plaidant, avocat au barreau de LYON, présent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 26 Avril 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MARTIN, Greffière lors des débats et Mme MERSON GREDLER, Greffière lors de la mise à disposition
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Juin 2022 par mise à disposition au greffe. L'arrêt a été prorogé de maniére successive jusqu'au 30 mai 2023.
**************
Statuant sur la déclaration de saisine, sur renvoi après cassation, formée le 6 juillet 2021 par M. [K] [O] à l'encontre de la société par actions simplifiée CSF, exploitant des supermarchés sous l'enseigne Carrefour Market,
Vu le jugement rendu le 13 mars 2017 par le conseil de prud'hommes de Dijon, qui a :
- débouté M. [K] [O] de toutes ses demandes,
- débouté la société CSF France de sa demande (au titre des frais irrépétibles),
- dit que les parties supporteront leurs éventuels dépens,
Vu l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (RG N° 17/00254), qui a :
- confirmé le jugement déféré,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamné M. [O] aux dépens d'appel,
Vu l'arrêt rendu le 19 mai 2021 (n° 19-16.362) par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur de remplacement, outre les congés payés afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, et en ce qu'il le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 14 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon,
- remis sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Besançon,
Vu les dernières conclusions transmises le 4 mars 2022 par M. [K] [O], appelant, qui demande à la cour « l'annulation / réformation » du jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
à titre liminaire :
- déclarer recevables les conclusions qu'il a notifiées,
à titre principal :
- dire et juger que la convention de forfait jours insérée dans son contrat de travail est privée d'effet,
- condamner la société CSF à lui régler les sommes suivantes :
- 27 136,54 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 713,65 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 15 739,98 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2013,
- 1 574 euros bruts à titre de congés incidents,
- 24 888,05 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2014,
- 2 488,81 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 14 188,44 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2014,
- 1 418,84 euros bruts à titre de congés incidents,
- 15 995,43 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2015,
- 1 599,54 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 7 407,62 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2015,
- 740,76 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 40 326 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 40 326 euros pour non-respect du repos hebdomadaire,
- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la société CSF à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CSF aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions transmises le 22 mars 2022 par la société CSF, intimée, qui demande à la cour de :
à titre liminaire :
- constater que M. [K] [O] n'a pas valablement notifié ses conclusions en suite de la signification de sa déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi,
- déclarer irrecevables les conclusions de M. [K] [O] datées du 31 août 2021,
à titre principal :
- juger que la convention de forfait annuelle en jours régularisée par M. [K] [O] est parfaitement valide,
- juger, au demeurant, que M. [K] [O] ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires,
- débouter M. [K] [O] de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
en tout état de cause :
- condamner M. [K] [O] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 avril 2022,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [O] a été engagé à compter du 1er août 2011 par la société CSF sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur de magasin en formation au sein du magasin Carrefour Market de [Localité 4] (69), statut cadre, niveau 7, la relation contractuelle étant soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le contrat stipulait une période d'essai de quatre mois, renouvelable une fois pour une durée maximale de trois mois, et le salarié était soumis à un forfait annuel en jours (215 jours outre la journée de solidarité).
La période d'essai a été renouvelée d'un commun accord le 31 octobre 2011 pour une durée de trois mois à compter du 30 novembre 2011.
Par avenant au contrat de travail du 23 janvier 2012 à effet au 1er février 2012, il a été confié à M. [K] [O] la fonction de directeur du magasin Carrefour Market de [Localité 1] (21), statut cadre, niveau 7, l'avenant incluant une clause de forfait annuel en jours rédigée dans les mêmes termes que dans le contrat initial.
Par un second avenant signé le 13 avril 2015, l'employeur a confié à M. [K] [O] la fonction de directeur de magasin, statut cadre, niveau 8, affecté au Carrefour Market de [Localité 3] ; la clause de forfait annuel en jours insérée au contrat pour une activité de 216 jours travaillés dans l'année, journée de solidarité incluse, stipule en particulier que :
- le salarié est informé qu'en application des accords actuellement en vigueur au sein de la société, un entretien individuel annuel sera organisé, entretien au cours duquel seront abordées les questions de l'organisation, de la charge et de l'amplitude de travail, de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie familiale, du respect des repos quotidien et hebdomadaire et de la rémunération,
- le contrôle de la durée annuelle de travail et le suivi de la charge de travail sont assurés par la remise mensuelle par le salarié à l'employeur d'un état émargé du nombre de jours travaillés,
- les repos supplémentaires liés au forfait jours sont pris dans les conditions définies dans l'entreprise, et notamment conformément à l'accord d'entreprise relatif à l'organisation et à l'aménagement du temps de travail, ainsi qu'à ses avenants éventuels.
Par le truchement de son conseil, M. [K] [O] a écrit le 6 juillet 2015 à son employeur pour déplorer les pressions importantes subies « ces dernières semaines » et l'informer de la dégradation subséquente de son état de santé, déjà fragilisé par son handicap.
A compter du 7 juillet 2015, M. [K] [O] a été placé en arrêt de travail pour maladie, qui sera ensuite régulièrement renouvelé.
Par courrier du 30 juillet 2015, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé le 18 août, auquel le salarié ne s'est pas rendu.
Par lettre du 21 août 2015, l'employeur a notifié son licenciement au salarié. En raison d'un problème d'acheminement postal, le courrier de licenciement a été adressé à nouveau à M. [O] le 27 août 2015.
Le 17 septembre 2015, par la voie de son avocat, M. [K] [O] a écrit à son employeur pour contester les griefs contenus dans la lettre de licenciement, en rappelant qu'il souffre d'une longue maladie et a le statut de travailleur handicapé, et pour savoir s'il envisageait un règlement amiable, que l'employeur déclinait par courriel du même jour.
Contestant son licenciement, M. [K] [O] a saisi le 2 octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Dijon.
C'est dans ces conditions qu'ont été rendus le 13 mars 2017 le jugement entrepris, puis le 14 février 2019 l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Dijon, lequel a été partiellement cassé, ainsi qu'il a été dit, par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 19 mai 2021, pour les motifs suivants :
« Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Pour dire que les conditions de validité de la convention individuelle de forfait en jours, sur l'année, étaient réunies et débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et des indemnités subséquentes, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté qu'un accord collectif relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail au sein de la société a été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux le 30 janvier 2004 prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, bénéficiaient d'une durée de travail organisée selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail, spécifique à l'encadrement, en date du 22 mai 2014.
En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable étaient de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
MOTIFS
1- Sur la recevabilité des conclusions de l'appelant devant la cour de renvoi :
La société CSF poursuit l'irrecevabilité des conclusions de M. [K] [O] dans la mesure où elles ne lui ont pas été signifiées dans les délais impartis par les articles 1037-1 et 911 du code de procédure civile.
Elle rappelle la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation selon laquelle la notification de conclusions à un avocat qui n'a pas été préalablement constitué dans l'instance d'appel est entachée d'une irrégularité de fond et que la constitution ultérieure de cet avocat n'est pas de nature à remédier à cette irrégularité (2è Civ. 27 février 2020 n° 19-10.849).
Elle fait valoir encore que dans une espèce similaire, la Cour de cassation a jugé : « Ayant retenu qu'en application des articles 1037-1 et 911 du code de procédure civile, la société Dukan de Nitya, qui l'avait saisie par déclaration du 20 décembre 2017, devait signifier ses conclusions à la société VR services, qui n'avait pas constitué avocat, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration et ayant constaté qu'une telle signification n'était intervenue que le 26 avril 2018, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de déclarer irrecevables les conclusions de la société Dukan de Nitya. » (3è Civ. 12 novembre 2020 n° 19-17.953).
M. [K] [O] soutient la recevabilité de ses conclusions dans la mesure où les délais prévus par l'article 1037-1 du code de procédure civile ne sont pas sanctionnés à peine d'irrecevabilité.
L'article 1037-1 du code de procédure civile, applicable devant la cour de renvoi lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, dispose en ses alinéas 3 à 6 :
« Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.
Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.
La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.
Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. »
Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.
Il résulte de ces dispositions que l'auteur de la déclaration de saisine dispose d'un délai de trois mois courant à compter de sa déclaration pour signifier ses conclusions à la partie adverse qui n'a pas constitué avocat et que faute de respecter ce délai il est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.
Au cas présent, M. [K] [O] a transmis le 6 juillet 2021 à la cour sa déclaration de saisine, puis il a remis au greffe ses conclusions d'appelant le 31 août 2021 et les a notifiées le même jour à Maître [X], qui n'était pas constitué par la société CSF. Maître [X] s'est constitué pour celle-ci le 12 janvier 2022. Le même jour, Maître [X] a remis ses conclusions au greffe et les a notifiées à l'avocat de l'appelant. Chacune des parties a ensuite remis au greffe et notifié de nouvelles conclusions, les 4 et 22 mars 2022.
La notification de ses conclusions le 31 août 2021 par le déclarant-saisissant à l'avocat de la partie adverse qui n'était alors pas constitué devant la cour d'appel de renvoi est entachée d'une irrégularité de fond à laquelle la constitution ultérieure par la partie adverse de l'avocat qui avait été destinataire des conclusions de l'appelant n'est pas de nature à remédier.
En application des dispositions susvisées, il appartenait à M. [K] [O], qui a saisi la cour d'appel de renvoi le 6 juillet 2021, de signifier ses conclusions à la société CSF, qui n'avait pas constitué avocat, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration, soit au plus tard le 6 octobre 2021, ce dont il s'est abstenu.
Il en résulte que ses conclusions remises au greffe de la cour de renvoi les 31 août 2021 et 4 mars 2022 sont irrecevables et qu'il est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.
Dans la limite des chefs de jugement qui lui sont soumis aux termes de l'arrêt de cassation, la cour de céans se réfère donc expressément, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de l'auteur de la déclaration et appelant, à ses conclusions n° 3 remises au greffe de la première cour d'appel saisie, aux termes desquelles il demandait à celle-ci de :
- dire et juger que la convention de forfait jours insérée dans son contrat de travail est privée d'effet,
- condamner la société CSF à lui régler les sommes suivantes :
- 27 136,54 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 713,65 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 15 739,98 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2013,
- 1 574 euros bruts à titre de congés incidents,
- 24 888,05 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2014,
- 2 488,81 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 14 188,44 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2014,
- 1 418,84 euros bruts à titre de congés incidents,
- 15 995,43 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2015,
- 1 599,54 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 7 407,62 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2015,
- 740,76 euros bruts à titre de congés payés incidents,
- 40 326 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 40 326 euros pour non-respect du repos hebdomadaire,
- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
- condamner la société CSF à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CSF aux entiers dépens.
2- Sur la convention de forfait annuel en jours :
En vertu de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Aux termes des dispositions de l'article L. 3121-43 alors applicables, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 :
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Selon la jurisprudence, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
A cet égard, il a été jugé que les dispositions de l'article 5.7.2. de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, qui dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé (Soc. 5 décembre 2018 n° 17-14.063 et Soc. 4 février 2015 n° 13-20.891).
Mais au cas présent, par delà la convention collective applicable, il existe au sein de l'entreprise un accord collectif régissant les conventions de forfait en jours, au terme duquel les cadres autonomes bénéficient d'une convention de forfait en jours :
- l'accord du 30 janvier 2004, relatif à l'harmonisation des modalités d'aménagement, d'organisation et de réduction du temps de travail au sein de la société CSF, prévoit notamment, en son article 6.3 b) concernant les modalités d'aménagement du temps de travail des cadres autonomes :
« Le bulletin de paie devra faire apparaître que la rémunération est calculée selon un nombre annuel de jours de travail en précisant le nombre.
Les cadres autonomes devront, en outre, bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives.
Les cadres autonomes devront également bénéficier, pour le moins, d'un repos hebdomadaire de 35 heures continues.
Des processus de délégation susceptibles d'améliorer et d'optimiser la gestion et la maîtrise du temps de travail des cadres seront ainsi mis en 'uvre (notamment par la création des fonctions de Manager de Rayons 3, niveau 7).
Le respect des repos quotidiens et hebdomadaires fera l'objet d'une déclaration mensuelle de chaque cadre concerné.
Le salarié relevant d'une convention de forfait définie en jours bénéficiera d'un entretien semestriel avec la Direction au cours duquel seront évoquées l'organisation, la charge et l'amplitude de travail de l'intéressé. »
Il y est également précisé, s'agissant des modalités de décompte des jours de repos supplémentaires :
« Ce forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, au moyen d'un système auto-déclaratif mensuel.
Chaque mois, les cadres devront remettre à la Direction un état indiquant le nombre de journées de travail et le nombre de jours non travaillés au titre du repos supplémentaire. »
- l'accord du 30 décembre 2008, conclu en vue de prendre en compte les évolutions législatives, réglementaires et conventionnelles, reprend exactement les mêmes stipulations.
- les accords sur l'aménagement et l'organisation du temps de travail de l'encadrement, signés les 27 juin 2013 et 22 mai 2014, prévoient tous deux les stipulations suivantes en matière de suivi et de contrôle du temps de travail des cadres soumis au forfait en jours :
« Afin de décompter de façon claire, précise et systématique le nombre de jours travaillés pour contrôler l'application des forfaits jours, il est proposé de mettre en place à compter du 1er janvier 2014 un compteur de jours travaillés pour chaque cadre. Chaque mois, le solde de ce compteur sera porté à la connaissance de chaque cadre sur son bulletin de paie.
Ce compteur sera alimenté en fonction des jours de présence et des jours d'absence qui seront saisis directement dans l'outil de gestion des temps. L'information des jours travaillés sera ensuite transmise dans l'outil de planification ce qui permettra à terme de mettre en place des alertes trimestrielles pour suivre régulièrement le nombre de jours travaillés.
Chaque cadre devra remettre hebdomadairement à la Direction un état émargé du nombre de journées travaillées, du nombre de jours de repos, des astreintes réalisées.
Cet état émargé permettra également de s'assurer que le salarié cadre a respecté ses repos quotidiens et hebdomadaires.
Les états émargés seront tenus à disposition du salarié qui pourra en demander une copie à tout moment et à disposition de l'inspecteur du travail.
Les cadres autonomes doivent bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives.
Ils doivent également bénéficier au minimum d'un repos hebdomadaire de 35 heures continues.
La notion de demi-journée de repos telle que définie par la convention collective de branche ne s'applique pas aux cadres en forfait jours. Ainsi, toute journée ayant donné lieu à un travail constitue une journée travaillée.
Du fait de l'indépendance de ses fonctions, tout salarié cadre autonome s'engage et veille à respecter ces repos quotidiens et hebdomadaires (en journée entière) comme le rappelle leur planning édité par l'outil de planification en mentionnant « tout salarié cadre doit veiller à respecter les repos suivants : un repos quotidien d'au moins 11h consécutives et un repos hebdomadaire de 35h continues ».
Les parties souhaitent réaffirmer leur volonté de développer pour les salariés de l'encadrement un environnement de travail propice à une meilleure conciliation vie professionnelle ' vie personnelle.
Les salariés relevant d'une convention de forfait définie en jours bénéficient d'un entretien annuel avec la Direction au cours duquel seront abordées :
- le temps de travail et les modalités existantes en cas de dépassement du forfait ;
- l'organisation, la charge et l'amplitude de travail,
- l'articulation entre les temps de vie professionnelle et vie familiale : afin de favoriser la parentalité, les engagements de la Charte de la Parentalité seront rappelés lors de cet entretien et il sera remis au salarié un exemplaire de cette Charte,
- le respect des repos quotidien et hebdomadaire,
- la rémunération.
L'organisation et la charge de travail doivent être compatibles avec les exigences liées au respect de la sécurité et la santé du salarié. Pour cette raison, les parties conviennent de mettre en place les garanties collectives et individuelles suivantes :
Garanties collectives
La charge de travail des salariés cadres ne peut jamais justifier le non respect des repos quotidiens et hebdomadaires minimums obligatoires. L'organisation et la charge de travail sont adaptées afin que ces repos soient respectés et font l'objet d'un suivi régulier de la part de la hiérarchie de ces salariés.
La répartition de la charge de travail doit être la plus équilibrée possible dans le temps et entre les personnes susceptibles de répondre à cette charge de travail. La charge de travail ne peut rester chroniquement et anormalement élevée au niveau d'un service ou magasin donné.
Garanties individuelles
Il appartient au supérieur hiérarchique de chaque salarié cadre de suivre régulièrement la charge et l'organisation de travail de celui-ci, afin d'assurer la protection de sa santé et sécurité au travail.
Si entre ses entretiens individuels, le salarié considère qu'il rencontre une difficulté concernant sa charge de travail et/ou l'amplitude de ses journées de travail, il en réfère alors à son supérieur hiérarchique et au Service des Ressources Humaines. Une réunion entre le salarié et son supérieur hiérarchique est alors programmée afin qu'ils puissent examiner la situation et trouver des solutions ensemble. »
- Sur la convention de forfait en jours insérée à l'avenant du 23 janvier 2012 :
La convention de forfait en jours insérée à l'avenant du 23 janvier 2012 est régie par l'accord d'entreprise du 30 décembre 2008.
Au regard de ses stipulations ci-avant rappelées, cet accord prévoit un contrôle du nombre de jours travaillés au moyen d'un système auto-déclaratif mensuel, dont fait mention également la convention de forfait en jours insérée à l'avenant du 23 janvier 2012 :
« Le contrôle de la durée annuelle de travail du collaborateur est assuré par le biais de fiches mensuelles tenues à la disposition du salarié et complétées par ses soins.
Le collaborateur prendra toutes dispositions pour assurer son activité dans le cadre du nombre de jours défini annuellement. ».
Il prévoit en outre le bénéfice d'un entretien semestriel avec la Direction au cours duquel seront évoquées l'organisation, la charge et l'amplitude de travail de l'intéressé
Il ne ressort pas de cet accord qu'il institue un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il résulte que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.
Il s'ensuit que la convention de forfait en jours régissant la relation contractuelle à compter du 1er février 2012 jusqu'au 13 avril 2015, date du second avenant signé par les parties, est nulle, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
La cour précise qu'il en est de même en ce qui concerne la période contractuelle antérieure, étant observé de surcroît que M. [K] [O], certes cadre au niveau 7, ne bénéficiait cependant pas d'une autonomie suffisante dans l'organisation de son emploi du temps en sa qualité de directeur de magasin en formation.
En tout état de cause, l'employeur ne justifie pas avoir organisé les entretiens semestriels prévus par l'accord collectif, ce qui prive d'effets la convention de forfait en jours. En effet, les seuls entretiens communiqués afférents à la période couverte par la convention de forfait en jours signée le 23 janvier 2012 sont des entretiens annuels (entretiens compétences et carrières) tenus les 11 janvier 2013, 10 janvier 2014 et 27 mars 2015.
La clause de forfait en jours étant nulle, le salarié peut prétendre sur la période considérée à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles.
- Sur la convention de forfait en jours insérée à l'avenant du 13 avril 2015 :
La convention de forfait en jours insérée à l'avenant du 13 avril 2015 est quant à elle régie par les accords d'entreprise des 27 juin 2013 et 22 mai 2014.
Compte tenu de leurs stipulations, qui prévoient ainsi qu'il a été rappelé :
- la mise en place d'un compteur de jours travaillés pour chaque cadre, dont le solde sera chaque mois porté à la connaissance du salarié concerné sur son bulletin de paie,
- la transmission de l'information des jours travaillés dans l'outil de planification ce qui permettra à terme de mettre en place des alertes trimestrielles pour suivre régulièrement le nombre de jours travaillés,
- la remise hebdomadaire par chaque cadre d'un état émargé du nombre de journées travaillées, du nombre de jours de repos, des astreintes réalisées,
- le bénéfice d'un entretien annuel avec la direction au cours duquel sont abordés en particulier le temps de travail et les modalités existantes en cas de dépassement du forfait, l'organisation, la charge et l'amplitude de travail, l'articulation entre les temps de vie professionnelle et vie familiale et le respect des repos quotidien et hebdomadaire,
- un suivi régulier, par le supérieur hiérarchique de chaque salarié cadre, de la charge et l'organisation de travail de celui-ci, afin d'assurer la protection de sa santé et sécurité au travail,
La cour retient que ces accords instituent un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il résulte que ces dispositions sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, la convention considérée n'étant donc pas entachée de nullité.
A ce stade, il appartient à la cour de vérifier si ces dispositions conventionnelles ont été effectivement respectées par la société CSF.
Contrairement à l'argumentation de M. [K] [O] (page 20 de ses conclusions), la société CSF justifie de la tenue effective du compte individuel présentant la situation des jours travaillés et des jours de repos, lequel est matérialisé sur les bulletins de paie de l'intéressé par la mention du cumul de jours travaillés ainsi que du nombre de JRTT/JRS pris et restants et par le détail quotidien de la position du salarié (notamment : jours travaillés, jours d'astreinte, jours de congés payés, jours de repos supplémentaire, jours fériés chômés payés, jours d'arrêt maladie).
Elle produit en outre les états hebdomadaires émargés par le salarié, faisant état du nombre de journées travaillées, du nombre de jours de repos, des astreintes réalisées (pièce n° 73).
Elle justifie ainsi avoir mis en 'uvre, conformément à l'accord d'entreprise applicable, un suivi effectif et régulier lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail.
C'est par ailleurs en vain que M. [K] [O] critique les entretiens compétences et carrières tenus les 11 janvier 2013, 10 janvier 2014 et 27 mars 2015, alors qu'ils se rapportent à la période antérieure couverte par la convention de forfait en jours du 23 janvier 2012, que la cour a déclarée nulle.
Et compte tenu du rythme annuel de ces entretiens, organisés en début d'année civile, il ne saurait être reproché à l'employeur de ne pas avoir tenu d'entretien annuel dans le cadre de la convention de forfait en jours du 13 avril 2015, dans la mesure où dès le 7 juillet 2015 le salarié a été placé en arrêt maladie pour ne plus reprendre son poste.
Dans ces conditions, la cour retient que l'employeur a respecté l'accord d'entreprise du 22 mai 2014 et que la convention de forfait en jours signée le 13 avril 2015 produit ses effets, le jugement entrepris étant sur ce point confirmé.
Par voie de conséquence, les demandes financières de M. [K] [O] fondées sur l'accomplissement d'heures supplémentaires au cours de la période contractuelle ayant débuté le 13 avril 2015 ne peuvent prospérer, la décision attaquée étant également confirmée de ces chefs.
3- Sur les heures supplémentaires accomplies sur la période du 1er janvier 2013 au 13 avril 2015 :
Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. En vertu de l'article L. 3171-3 du même code, dans sa version applicable au litige, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Au cas présent, pour la période considérée, M. [K] [O] produit en particulier un tableau récapitulant, semaine par semaine, le nombre total d'heures de travail hebdomadaires accomplies (pièce n° 60), de nouveaux « briefs hebdo » comprenant cette fois-ci ses horaires d'arrivée et de départ quotidiens (pièces n° 56 à 59) et un décompte intégré dans ses conclusions (pages 23 à 27) détaillant, semaine par semaine, les heures supplémentaires effectuées et les modalités de calcul de leur paiement.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Si l'employeur fait observer à juste titre que les nouveaux « briefs hebdo » ont été modifiés par M. [K] [O] pour les besoins de la cause en les complétant notamment de ses horaires d'arrivée et de départ, renseignements qui ne figuraient pas dans les « briefs hebdo » initialement communiqués par le salarié (ses pièces n° 33 et 34), pour autant il ne verse aux débats aucun élément portant sur le nombre d'heures effectuées par le salarié.
Les états hebdomadaires émargés par M. [K] [O] (pièce n° 73 de la société CSF) ne comportent aucun horaire de travail.
Les attestations communiquées par l'employeur (ses pièces n° 35, 69, 77, 84) se rapportent à la période d'emploi à[Localité 3]s.
Le salarié produit en revanche des attestations relatives à la période d'emploi à [Localité 1] (ses pièces n° 41, 42, 43, 44, 45 et 47), qui en dépit de leur imprécision corroborent l'amplitude des temps de présence de M. [K] [O] au magasin de [Localité 1].
En définitive, l'employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les horaires de travail présentés par le salarié.
Considérant ainsi l'ensemble des productions de part et d'autre, la cour acquiert la conviction que M. [K] [O] a effectué des heures supplémentaires durant toute sa période d'emploi à [Localité 1], qu'il y a lieu d'indemniser dans les proportions suivantes, selon les modalités de calcul proposées par le salarié qui ne sont pas autrement critiquées par l'employeur :
- 27 136,54 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 713,65 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 24 888,05 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 488,81 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 8 899 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires du 1er janvier au 13 avril 2015,
- 889,90 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
4- Sur les repos compensateurs :
Selon l'article L. 3121-11 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l'indemnisation du préjudice subi et que cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents (Soc. 24 mars 2010 n° 08-41.515 et Soc. 25 novembre 2020 n° 19-11.518).
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 180 heures par la convention collective applicable.
La contrepartie obligatoire en repos, due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 100 % pour les entreprises de 20 salariés ou plus.
Il ressort des développements qui précèdent que le nombre d'heures supplémentaires accomplies par M. [K] [O] au-delà du contingent prévu par les dispositions conventionnelles ressort à :
- 795,35 heures en 2013,
- 716,95 heures en 2014,
- 107 heures sur la période du 1er janvier 2015 au 13 avril 2015.
Au titre de ces heures, il y a lieu d'indemniser M. [K] [O] dans les proportions suivantes, selon les modalités de calcul proposées par celui-ci, qui ne sont pas autrement critiquées par l'employeur :
- 15 739,98 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2013
- 1 574 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 14 188,44 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2014
- 1 418,84 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 2 354 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour la période du 1er janvier 2015 au 13 avril 2015
- 235,40 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
5- Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en application de l'article L 8223-1 du code du travail.
Il doit être rappelé que la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite (Soc. 28 février 2018 n° 16-19.054).
En l'espèce, compte tenu de la convention de forfait en jours signée par les parties le 23 janvier 2012, il n'est pas établi que l'employeur se soit intentionnellement soustrait au décompte des heures effectuées par le salarié et ait entendu mentionner sur les bulletins de paie de celui-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement réalisé, alors qu'il mentionnait sur chacun de ces bulletins, notamment, le cumul de jours travaillés ainsi que le nombre de JRTT/JRS pris et restants.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté la demande de M. [K] [O] tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
6- Sur la demande d'indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire :
M. [K] [O] sollicite la somme de 40 326 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, en faisant valoir qu'il est aisé de constater au regard des « briefs hebdo » que le repos hebdomadaire n'était jamais respecté.
Il ne précise pas dans ses conclusions quelles sont les semaines au cours desquelles le repos hebdomadaire n'aurait pas été respecté.
Il faut se reporter au tableau constituant sa pièce n° 60 pour relever la présence, en marge dudit tableau, de quelques cases grisées comportant chacune un chiffre, la dernière étant complétée par la mention manuscrite « jours consécutifs ».
Cependant, pour la période ayant couru du 30 décembre 2013 au 31 mai 2015, l'employeur rapporte la preuve, par la production des états hebdomadaires émargés par le salarié, que le repos hebdomadaire a en réalité été respecté.
S'agissant de la période du 1er janvier 2013 au 30 décembre 2013, il est mentionné dans le tableau du salarié (pièce n° 60) un seul non-respect du repos hebdomadaire (9 jours consécutifs au niveau de la semaine 37).
Or, l'étude du « brief hebdo » de la semaine 37 de l'année 2013 (pièce n° 33 du salarié) révèle au contraire que le repos hebdomadaire a été pris au cours de la semaine considérée.
M. [K] [O] sera en conséquence débouté de sa demande au titre du non-respect du repos hebdomadaire, la décision attaquée étant confirmée de ce chef.
7- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
En application de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
La solution donnée au litige conduit à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable d'allouer à M. [K] [O] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant les juridictions du fond depuis l'introduction de la procédure prud'homale.
La société CSF, qui succombe, n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les entiers dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant sur renvoi après cassation, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare irrecevables les conclusions remises au greffe de la cour de renvoi par M. [K] [O] les 31 août 2021 et 4 mars 2022 ;
Rappelle que M. [K] [O] est en conséquence réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'il avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] [O] de ses demandes relatives à la convention de forfait en jours signée le 23 janvier 2012 et de ses demandes subséquentes en paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs et en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la convention de forfait en jours régissant la relation contractuelle à compter du 1er février 2012 jusqu'au 13 avril 2015 est nulle ;
Condamne la société CSF à payer à M. [K] [O] les sommes suivantes, qui porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par la société CSF de sa convocation devant la juridiction prud'homale de première instance :
- 27 136,54 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 713,65 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 24 888,05 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2013,
- 2 488,81 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 8 899 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires du 1er janvier au 13 avril 2015,
- 889,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 15 739,98 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2013,
- 1 574 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 14 188,44 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour l'année 2014,
- 1 418,84 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 2 354 euros bruts au titre du repos compensateur de remplacement pour la période du 1er janvier 2015 au 13 avril 2015,
- 235,40 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus, en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [K] [O] tendant à ce que la convention de forfait en jours du 13 avril 2015 soit privée d'effets ainsi que ses demandes en paiement subséquentes, rejeté sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et rejeté sa demande d'indemnisation pour non-respect du repos hebdomadaire ;
Condamne la société CSF à payer à M. [K] [O] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer devant les juridictions du fond depuis l'introduction de la procédure prud'homale ;
Condamne la société CSF aux entiers dépens exposés devant les juridictions du fond.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente mai deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,