ARRET N° 23/
BUL/XD
COUR D'APPEL DE BESANCON
ARRET DU 26 MAI 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 07 Avril 2023
N° de rôle : N° RG 22/01521 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERZK
S/appel d'une décision
du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON
en date du 19 septembre 2022
code affaire : 89E
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
APPELANTE
Société [3], sise [Adresse 2]
Représentée par Maître HUOT, avocat au barreau de BESANCON, substituant Maître BILLET, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS, sise [Adresse 1]
représentée par Mme [S] [P] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 07 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, conseiller, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller
Mme Florence DOMENEGO, conseiller
qui en ont délibéré,
M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 26 Mai 2023 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 20 janvier 2021, la société [3] a transmis à la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs (ci-après CPAM) une déclaration d'accident du travail pour le compte de son salarié, M. [B] [X], survenu le 18 janvier précédent, dépourvue de réserves et mentionnant les circonstances suivantes : 'Activité de la victime lors de l'accident : manipulation d'un tampon sur le réseau - Nature de l'accident : l'agent déclare avoir ressenti une douleur au dos en refermant manuellement un tampon sur un regard situé sur la voie publique - siège des lésions : dos côté droit'.
Le certificat médical initial établi le 19 janvier 2021 par le docteur [M] mentionne les constatations suivantes : 'lombalgies aiguës communes' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 25 janvier suivant.
Par pli recommandé du 26 janvier 2021 réceptionné le 1er février suivant, la CPAM a notifié à la société [3] sa décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Suivant lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2021, la société [3] a émis des réserves en faisant valoir qu'en l'absence de témoin direct la matérialité de l'accident du travail invoqué par son salarié, survenu sur la voie publique, alors que les constatations médicales étaient postérieures de plus de 24 heures à l'évènement, n'était pas caractérisée.
Contestant l'opposabilité de cette prise en charge, la société [3] a saisi, par pli recommandé du 26 mars 2021, la Commission de recours amiable de la Caisse.
En l'absence de décision dans le délai de deux mois, la société [3] a, par lettre recommandée expédiée le 16 juillet 2021, exercé un recours devant le tribunal judiciaire de Besançon à l'encontre de cette décision implicite de rejet.
Suivant jugement du 19 septembre 2022, cette juridiction a :
- déclaré opposable à la société [3] la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [B] [X] survenu le 18 janvier 2021 au titre de la législation professionnelle
- débouté la société [3] de ses entières demandes
- condamné la société [3] à verser à la CPAM du Doubs la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles
Par déclaration adressée au greffe sous pli recommandé avec avis de réception expédié le 27 septembre 2022, la société [3] a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses écrits, visés le 7 avril 2023, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- dire que la décision de reconnaissance de l'accident du travail de son salarié lui est inopposable
- ordonner à la CPAM du Doubs d'informer le service de tarification de la CARSAT compétente de l'arrêt à intervenir de façon à procéder à un nouveau calcul de son taux de cotisation
- condamner la CPAM à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros
Par écrits visés le 22 mars 2023, la CPAM du Doubs demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de débouter l'appelante de ses entières prétentions.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, auxquelles elles se sont expressément rapportées lors de l'audience de plaidoirie du 7 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
L'accident du travail est défini comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Au soutien de son appel, la société [3] fait tout d'abord valoir que la preuve d'un fait accidentel soudain survenu au temps et au lieu du travail le lundi 18 janvier 2021 au matin n'est pas établie par la Caisse, sur laquelle pèse la charge de cette preuve, dès lors qu'il n'existe aucun témoin des faits et que M. [B] [X] exerce une activité indépendante dans le domaine de la santé le week-end.
Elle fait encore valoir que la Caisse a notifié sa décision de prise en charge de l'accident avant même l'expiration du délai imparti à l'employeur pour émettre des réserves, en violation des dispositions de l'article R.441-6 du code de la sécurité sociale, de sorte que son argument tenant au caractère tardif de la transmission de ses réserves est inopérant et que le principe du contradictoire a été méconnu. Elle en tire pour conséquence que la décision de la Caisse lui est inopposable.
La CPAM lui objecte que la définition de l'accident du travail ne comporte plus l'exigence d'un fait soudain comme le prétend l'appelante et soutient que le fait accidentel est démontré dès lors que le salarié se trouvait à 11 heures le 18 janvier 2021 au temps et au lieu de son travail sous la subordination de son employeur lorsqu'il a ressenti des douleurs en manipulant un tampon sur la voie publique. Elle ajoute que les constatations médicales intervenues le lendemain ne sont pas en contradiction avec les circonstances de l'accident décrites par le salarié de sorte que la présomption d'imputabilité s'applique en l'espèce.
La Caisse fait observer que l'employeur procède par simple supputation lorsqu'il évoque la possibilité d'une lésion survenue durant le week-end dans le cadre d'une activité indépendante du salarié et que cette éventualité ne saurait renverser la présomption susvisée, qui ne peut l'être que par la preuve d'une cause étrangère à l'origine de la lésion médicalement constatée.
Elle explique enfin que si la société [3] a effectivement émis des réserves par courrier du 15 février 2021, elle n'a pu les prendre en compte dans la mesure où elles sont intervenues tardivement, l'article R.441-6 précité lui impartissant à cet effet un délai de dix jours francs courant à compter de sa déclaration d'accident du travail intervenue le 20 janvier 2021, soit jusqu'au 30 janvier 2021 inclus.
Elle conteste néanmoins avoir méconnu les dispositions de l'article R.441-7 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'il ne lui impose pas, pour prendre sa décision, d'attendre l'écoulement du délai de 10 jours francs imparti à l'employeur pour former des réserves, ce d'autant qu'aucune réserve n'avait été évoquée dans la déclaration d'accident du travail, de sorte qu'aucune sanction n'est légalement prévue et ne saurait donc lui être valablement opposée à ce titre. Elle souligne que l'employeur ne justifie d'aucun grief et que, même dans l'hypothèse d'un envoi tardif de réserves, la Caisse peut en tenir compte en déclarant sa décision inopposable à l'employeur, à la condition que ces réserves soient convaincantes et justifiées, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.
I - Sur l'opposabilité à la société [3] de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle
Bien que développé subsidiairement par l'appelante, le moyen relatif à la procédure d'instruction de la déclaration d'accident du travail doit utilement être examiné en premier lieu, dans la mesure où l'éventuel non-respect de la procédure a pour conséquence l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de l'accident du travail sans qu'il soit dès lors nécessaire de se prononcer sur la caractérisation dudit accident.
Il résulte de l'article R.441-6 du code de la sécurité sociale, tel que modifié par le décret n°2019-356 du 23 avril 2019, que 'lorsque la déclaration de l'accident émane de l'employeur, celui-ci dispose d'un délai de dix jours francs à compter de la date à laquelle il l'a effectuée pour émettre, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, des réserves motivées auprès de la caisse primaire d'assurance maladie'.
L'appelante ne peut donc soutenir que ce délai courrait à compter de la réception par la Caisse de la déclaration d'accident effectuée par ses soins le 20 janvier 2021 et c'est à juste titre que cette dernière fait valoir que l'employeur disposait d'un délai expirant le 30 janvier 2021 à minuit pour lui faire parvenir des réserves motivées.
La Caisse dispose pour sa part en vertu de l'article R.441-7 du même code d'un 'délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial prévu à l'article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l'accident, soit engager des investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées émises par l'employeur'.
En l'espèce, la Caisse, en l'absence de réserves motivées de la part de l'employeur et estimant inutile en l'état des éléments du dossier d'engager des investigations, a pris la décision, dès le 26 janvier 2021, d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré le 20 janvier précédent, sans attendre l'expiration du délai imparti à l'employeur pour émettre des réserves.
Si le texte susvisé ainsi modifié aménage désormais au bénéfice de l'employeur un délai de 10 jours francs à compter de la déclaration, au cours duquel ce dernier peut exprimer des réserves motivées, il va de soi qu'il incombe à la Caisse d'attendre l'expiration de ce délai afin d'apprécier l'existence ou l'absence de réserves motivées de la part de l'employeur pour, à son tour, en application de l'article R.441-7, engager ou non des investigations complémentaires ou statuer sur le caractère professionnel de l'accident.
Dès lors qu'un tel délai est accordé à l'employeur il ne peut par ailleurs lui être fait le reproche d'avoir transmis le 20 janvier 2021 la déclaration du travail de son salarié sans émettre concomitamment de réserves, ce d'autant qu'il dispose d'un court délai pour procéder à cette transmission.
L'employeur peut donc valablement exciper d'une inopposabilité de la décision tirée de l'inobservation du principe du contradictoire à son égard de la part de la Caisse et ce, quand bien même il aurait finalement transmis des réserves postérieurement au délai imparti.
Il résulte des développements qui précèdent que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a déclaré opposable à la société [3] la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [B] [X] et en ce qu'il a débouté cette dernière de ses entières demandes.
Il sera par conséquent fait droit aux demandes y compris subséquentes de l'appelante.
II - Sur les demandes accessoires
L'issue du litige commande d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a mis une indemnité de procédure à la charge de la société [3] et de condamner la Caisse à lui verser la somme de 1 500 euros sur ce même fondement et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
DIT que la décision de prise en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs de l'accident du travail survenu le 18 janvier 2021 au préjudice de M. [B] [X] est inopposable à la SCA [3].
ORDONNE à la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs d'informer le service de tarification de la CARSAT compétente de la présente décision afin qu'il procède à un nouveau calcul du taux de cotisation de la SCA [3].
CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs à verser à la SCA [3] une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs aux dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt six mai deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,