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16/05/2023 | FRANCE | N°21/01530

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 16 mai 2023, 21/01530


ARRÊT N°



JFL/LZ





COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 16 MAI 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 14 mars 2023

N° de rôle : N° RG 21/01530 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENHV



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 6] en date du 06 juillet 2021 [RG N° 19/00707]

Code affaire : 72D Demande d'un copropriétaire tendant à la cessation et/ou à

la sanction d'une atteinte à la propriété ou à la jouissance d'un lot





[P] [Z] C/ [C] [N], S.A.R.L. AGENCE MOUREY, Syndic. de copro. [Adresse 1]



PARTIES EN CAUSE :





Madame...

ARRÊT N°

JFL/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 16 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 14 mars 2023

N° de rôle : N° RG 21/01530 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENHV

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 6] en date du 06 juillet 2021 [RG N° 19/00707]

Code affaire : 72D Demande d'un copropriétaire tendant à la cessation et/ou à la sanction d'une atteinte à la propriété ou à la jouissance d'un lot

[P] [Z] C/ [C] [N], S.A.R.L. AGENCE MOUREY, Syndic. de copro. [Adresse 1]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [P] [Z]

née le 26 Avril 1979 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Véronique DURLOT de la SELARL DURLOT HENRY, avocat au barreau de BESANCON, avoat plaidant

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

APPELANT E

ET :

Madame [C] [N]

née le 24 Décembre 1969 à [Localité 6], de nationalité française

Profession : Agent d'affaires, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Lidwine SIMPLOT, avocat au barreau de BESANCON

S.A.R.L. AGENCE MOUREY

immatriculée au RCS sous le numéro 407 986 116 dont le siège social se situe [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal

sise [Adresse 3]

Représentée par Me Christophe CARRE de la SCP CHARDIN CARRE, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représentée par Me Grégoire FAURE de la SELARL SELARL DECOT - FAURE - PAQUET - SCHMIDT, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

Syndic. de copro. [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice, la SAS FONCIA ALSACE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, venant aux droits d'ESTIMM, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 678 501 172, dont le siège social se trouve [Adresse 2], ayant agence à [Adresse 7], représentée par son gérant en exercice, domicilié es-qualité audit siège.

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Florence ROBERT de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 14 mars 2023 a été mise en délibéré au 16 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

Copropriétaire d'un appartement au premier étage d'un immeuble sis [Adresse 1], Mme [P] [Z] a entamé des travaux de rénovation à la fin du mois de novembre 2014. La SARL Agence Mourey (l'agence Mourey), syndic du syndicat des copropriétaires, s'est enquis de la nature des travaux, le 2 décembre 2014, auprès de Mme [Z] qui lui a répondu que les travaux ne toucheraient par les parties communes de l'immeuble. Alerté toutefois le 12 puis le 17 décembre par M. [N], alors propriétaire de l'appartement du dessus et conseil syndical, de risques d'atteintes à la solidité, le syndic s'est rendu sur place le 19 décembre et a constaté la démolition des plafonds et la reprise de l'ensemble des poutres du plafond, mais n'a relevé aucune inquiétude sur la solidité du plancher. Il a toutefois mandaté un huissier de justice qui, le 22 décembre, a constaté que les travaux comportaient une solidification des poutres du plafond, sans modification et a estimé que la solidité du bâtiment n'était pas affectée. Puis, le 28 janvier 2015, il a informé le syndic que les travaux affectaient désormais les parties communes en ce que Mme [Z] avait découpé la cloison du couloir commun pour agrandir et déplacer sa porte d'entrée.

Sur déclaration de sinistre faite le 30 janvier 2015 auprès de son assureur par Mme [C] [N], occupante de l'appartement supérieur dont elle est devenue propriétaire le 9 juin suivant, une expertise Texa a relevé que les travaux avaient comporté d'une part la démolition de cloisons de briques plâtrières qui avait entraîné chez elle une flexion du plancher et des fissures à la cueillie des plafonds et d'autre part la modification des planchers intermédiaires, des entrevous en bois et le retrait du hourdage en scories, qui étaient des parties communes.

Après nouveau constat d'huissier du 23 mai 2016 relevant que les planchers de Mme [N] présentaient des flèches et que ses plafonds étaient affaissés et fissurés, un des assureurs a demandé au syndic de faire intervenir un bureau d'étude, ce que toutefois l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 30 mars 2017 lui a refusé.

L'expert judiciaire désigné par la suite a retenu, dans son rapport du 9 novembre 2018, que les deux cloisons de brique plâtrière déconstruites n'étaient pas porteuses mais, dans un immeuble ancien, participaient à la rigidité de l'ensemble du bâtiment et de ce fait limitaient les déformations et la propagation des vibrations, que la déformation du plancher provenait du manque d'inertie des solives et surtout du sommier, qui toutefois restait seul concerné compte-tenu de la suppression des scories du plancher intermédiaire et de leur poids, et que les travaux de reprises dans les deux appartements concernés s'élevaient à 37 427,50 euros. L'expert judiciaire a estimé que Mme [Z] aurait dû saisir la copropriété s'agissant de travaux d'ampleur portant sur des cloisons qui dans les bâtiments anciens participent à la rigidité du bâtiment, mais que le syndic, pourtant venu sur place, n'avait pas su appeler les compétences nécessaires, telle celles d'un bureau d'étude technique (BET), pour émettre un avis sur la solidité du plancher et sur les renforts qui auraient pu être mise en oeuvre facilement lors des travaux initiaux, et qu'ainsi la responsabilité incombait majoritairement au syndic et dans une moindre part à Mme [Z].

Sur assignation en réalisation de travaux de renforcement et en réparation de ses préjudices délivrée le 26, 27 et 28 mars 2019 par Mme [N] à Mme [Z], à l'agence Mourey et au syndicat des copropriétaires, le tribunal judiciaire de Besançon, par jugement du 6 juillet 2021, a :

- débouté Mme [N] de ses demandes contre l'agence Mourey ;

- condamné Mme [Z] à payer à Mme [N] la somme de 1 242,27 euros ;

- débouté Mme [N] de sa demande relative au coût des études du BET [W] ;

- condamné le syndicat des copropriétaires aux travaux de reprise décrits par l'expert judiciaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard passés cinq mois de la signification du jugement et pendant douze mois ;

- dispensé Mme [N] de toute participation au paiement de l'astreinte ;

- débouté Mme [N] de sa demande en paiement des sommes de 22 275 euros pour les travaux de son appartement et de 11 400 euros au titre de la maîtrise d'oeuvre afférente ;

- condamné Mme [Z] payer à Mme [N] 2 500 euros de dommages et intérêts ;

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande contre l'agence Mourey ;

- condamné Mme [Z] à payer au syndicat la somme de 37 427,50 euros ;

- condamné Mme [Z] à payer au syndicat 3 239 euros de dommage et intérêts ;

- débouté Mme [Z] de son appel en garantie contre l'agence Mourey ;

- condamné Mme [Z] à remettre en l'état antérieur la porte palière de son appartement sous astreinte de 50 euros par jour de retard passés cinq mois de la signification du jugement et pendant douze mois ;

- condamné Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer 2 000 euros à Mme [N], 1 500 euros à l'agence Mourey et 1 500 euros au syndicat des copropriétaires  ;

- débouté Mme [Z] du même chef et condamné celle-ci aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire et de la consultation technique confiées à M. [Y], avec recouvrement direct au profit des avocats qui le demandaient ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, au visa des articles 1382 ancien du code civil et des articles 9, 10-1, 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis :

- que Mme [Z] avait commis plusieurs fautes en faisant des travaux affectant les plafonds, qui étaient des parties communes, sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, de surcroît sans l'avis d'un bureau d'études, ni le concours d'un professionnel, sauf l'entreprise [X] toutefois étrangère à la démolition du plafond, et en supprimant des murs en briques plâtrières, ce qui avait aggravé l'affaissement du plancher et provoqué des fissures dans les murs de l'appartement supérieur ;

- qu'ainsi responsable des préjudices subis par Mme [N], Mme [Z] devait l'indemniser au titre des travaux de renforcement provisoire de son plafond, mais pas au titre du coût de l'étude du cabinet [W], la demande n'étant fondée ni en droit ni en fait, ni chiffrée, et pas non plus au titre des travaux et de la maîtrise d'oeuvre de la réfection de son appartement, dès lors que les désordres ne concernaient pas ses parties privatives mais des parties communes ;

- que le syndic, qui n'était pas un professionnel de la construction et à qui ne pouvait être reproché son inaction jusqu'à l'apparition des premiers désordres au mois de janvier 2015, n'avait par la suite, malgré les mails relatifs aux désordres envoyés par Mme [N], accompli aucune diligence jusqu'à l'assemblée générale extraordinaire du 30 mars 2017 qui avait rejeté la désignation d'un BET, manquant fautivement à son obligation de faire procéder d'initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble qu'il avait la charge d'administrer, mais que pour autant, rien ne permettant d'affirmer que le recours à un BET aurait pu empêcher la réalisation du préjudice subi par Mme [N] et par la copropriété, la responsabilité du syndic n'était pas engagée envers Mme [N] ;

- que le syndicat des copropriétaires, en revanche, avait laissé Mme [N] subir seule les conséquences des travaux depuis le mois de juillet 2015, sans être intervenu pour remédier aux désordres, ayant refusé la désignation d'un bureau d'études aux assemblées générales du 30 mars 2017 puis des 14 octobre et 10 décembre 2020 ; qu'en conséquence il devait être condamné aux travaux décrits par l'expert judiciaire et à mandater un maître d'oeuvre, sous astreinte à laquelle Mme [N] devait être dispensée de participer ;

- que la demande indemnitaire du syndicat, non chiffrée, était en réalité chiffrable au regard de la seule solution aboutie disponible à l'issue des interventions de l'expert, qui était celle présentée par le BET [W] pour un montant de 37 427,50 euros  comprenant les travaux, la maîtrise d'oeuvre et l'assurance dommage ouvrages ;

- que Mme [Z], seule responsable, devait y être condamnée ;

- que Mme [Z] devait également supporter les frais de suivi de la procédure par le syndic pour 864 euros, une facture BET [W] pour assistance technique à la mise en place d'étais pour 1 440 euros, et une facture [F] pour la mise en place des mêmes étais, pour 935 euros ;

- que Mme [Z] devait encore être condamnée à remettre sa porte palière dans l'état antérieur, aucune validation de ces travaux ne ressortant du procès-verbal de l'assemblée générale du 10 décembre 2020.

Mme [Z] a interjeté appel de cette décision contre les trois autres parties par déclaration parvenue au greffe le 16 août 2021. L'appel critique le jugement en ce qu'il a :

- condamné Mme [Z] à payer à Mme [N] la somme de 1 242,27 euros ;

- condamné Mme [Z] à payer au syndicat 3 239 euros de dommage et intérêts ;

- débouté Mme [Z] de son appel en garantie contre l'agence Mourey ;

- condamné Mme [Z] à remettre en l'état antérieur la porte palière de son appartement sous astreinte ;

- condamné Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer 2 000 euros à Mme [N], 1 500 euros à l'agence Mourey et 1 500 euros au syndicat des copropriétaires  ;

- débouté Mme [Z] du même chef et condamné celle-ci aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire et de la consultation technique confiées à M. [Y], avec recouvrement direct au profit des avocats qui le demandaient.

Par conclusions transmises le 20 février 2023 visant les articles 1383 et suivants anciens du code civil, la loi du 10 juillet 1965 et les articles 9 et suivants du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

- réformer les chefs de jugement critiqués par l'appel ;

- débouter 'les défendeurs au principal' de toute demande ;

- dire que Mme [N] ne peut lui réclamer qu'au plus 414,80 euros au titre des travaux de renforcement provisoire ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement de 864 euros au titre des frais exposés ;

- statuer ce que de droit sur les demandes formées par le syndicat au titre des factures [W] et [F] relatives à la mise en place d'étais, sans dépasser la somme de 1 920,20 euros ;

- débouter le syndicat au titre de la porte palière ;

- le débouter des prétentions formées au titre de son appel incident ;

- condamner l'agence Mourey à la garantir de toute condamnation qui pourrait excéder 5 % du total des sommes allouées au titre de la reprise des désordres affectant l'appartement de Mme [N] ainsi qu'au titre des désordres affectant son propre appartement ;

- débouter l'agence Mourey de toutes demandes ;

- condamner l'agence Mourey à lui payer 4 500 euros pour ses frais irrépétibles, et à payer les dépens, comprenant les frais de la mission de consultation confiée à M. [Y] par ordonnance de mise en état du 13 février 2020.

Mme [Z] soutient :

- que seule une part égale à 414,80 euros de sa condamnation à payer 1 247,27 euros correspond à l'étayage provisoire, le surplus correspondant à un arriéré de charges de copropriété arrêté au 23 mai 2020 ;

- que les factures [W] et [F] ne peuvent être rattachées au litige ;

- que le syndicat ne peut obtenir plus de 1 440 euros au titre de l'assistance de M. [W] et 935 euros au titre de l'intervention de l'entreprise [F], dont à soustraire les 414,80 euros précités allouée au titre des mêmes prestations à Mme [N], soit un total de 1 960,20 euros et non de 3 239 euros ;

- que le déplacement de la porte palière a finalement été validé par l'assemblée générale des copropriétaires du 27 juin 2019 et que la porte a été finalement peinte de la même teinte que celles des autres appartements ;

- que la responsabilité de l'agence Mourey est engagée au vu du rapport d'expertise judiciaire, selon lequel elle n'a su ni faire appel à un BET structure pour bien évaluer la situation, notamment quant à la solidité des planchers et quant aux renforts à mettre en oeuvre, ni prendre les dispositions qui s'imposaient, notamment stopper les travaux dans l'attente de l'avis du bureau d'études, faisant preuve d'une légèreté blâmable alors qu'elle-même pouvait seulement se voir reprocher, ayant engagé des travaux sur les parties privatives non soumis à autorisation des copropriétaires, d'avoir finalement dû intervenir, en cours de réalisation, sur les solives qui sont des parties communes ;

- qu'ainsi la part de responsabilité de l'agence doit être fixée à 95 %, de sorte qu'elle devra l a garantir de toute condamnation qui excéderait 5 % des sommes nécessaires aux travaux de reprise ;

- qu'il ne pourra être fait droit aux demandes complémentaires formées devant la cour par le syndicat dès lors que celui-ci avait indiqué expressément qu'il acceptait les termes du jugement ;

- que ces demandes complémentaires, qui portent sur un surcoût des travaux et sur des frais de maîtrise d'oeuvre sont infondées en ce que le syndicat pouvait réagir dès l'expertise et faire exécuter les travaux en temps opportun, et en ce que le maître d'oeuvre n'est autre que le BET [W] qui était intervenu comme sapiteur de l'expert et qui connaissait donc déjà le dossier.

Mme [N], par conclusions transmises le 9 février 2022 portant appel incident et visant les articles 1240 et suivants du code civil, demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [Z] à lui payer 2 500 euros de dommages et intérêt, et sauf en ce qu'il a écarté des dépens de coût du constat d'huissier de Me [R] établi le 23 mai 2016 ;

- condamner Mme [Z] à lui payer 6 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice immatériel ;

- condamner Mme [Z] aux dépens de l'instance incluant les frais d'expertise judiciaire, les frais de l'instance de référé-expertise et les frais du constat établi par Me [R] le 23 mai 2016, dont distraction au profit de Me Simplot, avocat ;

- condamner Mme [Z] à lui payer 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

Mme [N] soutient :

- que le tribunal a exactement retenu la responsabilité de Mme [Z] ;

- que les copropriétaires ont pris en charge la mise en oeuvre des étais et qu'à ce titre elle a dû régler elle-même 1 242,27 euros, que le tribunal a exactement condamné Mme [Z] à lui rembourser ;

- que le premier juge a sous-estimé le préjudice immatériel qu'elle subit depuis 2014 et constitué de fissures, déformation du plancher, de la peur que celui-ci s'écroule depuis 2014, de travaux à subir pendant deux à trois semaines, et de l'accès aux sanitaires impossible pendant une semaine imposant un déménagement ;

- que le constat d'huissier du 23 mai 2016, utile au regard de l'aggravation des désordres et la nécessité d'en attester dans la perspective de solliciter une expertise judiciaire, doit en conséquence être intégré aux dépens.

Le syndicat des copropriétaires, par conclusions transmises le 23 septembre 2022 visant les articles 9 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

y ajoutant,

- condamner Mme [Z] à payer au syndicat les sommes de :

* Surcoût des travaux par rapport à l'estimation de l'expert 8 131,61 euros TTC

* Maîtrise d'oeuvre 6 400 euros TTC

* Assurance dommages-ouvrage 1 850 euros TTC

* Honoraires de suivi des travaux et de la procédure judiciaire 960 euros TTC

- et la condamner à payer au syndicat la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Robert et Mordefroy.

Le syndicat soutient :

- que Mme [Z] a commis une faute en engageant sans autorisation des travaux d'ampleur portant sur les parties communes ;

- qu'elle n'a au demeurant pas fait appel de sa condamnation à payer au syndicat la somme de 37 427,50 euros au titre des travaux de reprise ;

- que le tribunal a exactement apprécié son préjudice,

- dont n'est pas à déduire la somme de 414,80 euros allouée à Mme [N], qui est sans rapport avec les sommes avancées par le syndicat ;

- que si le déplacement de la porte palière a effectivement été régularisé par l'assemblée générale, tel n'était pas le cas de son remplacement par une porte d'aspect différent, qui toute fois a été finalement remise à l'identique ;

- que les travaux concernant l'appartement de Mme [Z] ont été réalisés par le syndicat conformément au jugement ;

- qu'en revanche pour les travaux à réaliser dans l'appartement de Mme [N], les devis établis par le cabinet [W] s'élèvent à 40 059,11 euros HT, soit 8 131,61 euros 'TTC' de plus que le montant de 31 927,50 euros HT retenu par le tribunal ;

- que les honoraires de maîtrise d'oeuvre suivant devis du cabinet [W] s'établissent à 11 400 euros et non à 5 000 comme l'a retenu le tribunal ;

- que les demandes complémentaires au titre des travaux et de la maîtrise d'oeuvre ne sont pas nouvelles en ce qu'elles résultent de devis postérieurs de deux ans à l'expertise, qui de plus avait manifestement sous-évalué ces postes ;

- que le coût de l'assurance dommage-ouvrage, non évalué par l'expert, n'a pas à être supporté par le syndicat qui n'est pas à l'origine des désordres ;

- et enfin que Mme [Z] devra acquitter les honoraires complémentaires facturés par le syndic.

L'agence Mourey, par conclusions transmises le 20 février 2023 visant l'article 1240 du code civil, demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- subsidiairement débouter les autres parties de leurs demandes dirigées contre l'agence ;

- plus subsidiairement condamner Mme [Z] à la garantir de toute condamnation ;

- en tout été de cause condamner Mme [Z] ou subsidiairement toute partie succombante à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

L'agence Mourey soutient :

- que le premier juge l'a justement mise hors de cause, n'étant pas tenu par l'avis donné par l'expert sur les responsabilités, par une appréciation juridique qui excédait ses pouvoirs ;

- que Mme [Z] a commis des fautes en engageant les travaux sans autorisation de la copropriété alors qu'elle ne pouvait ignorer que les parties du bâtiment se trouvant entre son plafond et le plancher de l'appartement supérieur étaient des parties communes, et en ne confiant pas les travaux à des professionnels, comme l'y obligeait l'article 3 du règlement de copropriété ;

- que le syndic n'est pas un professionnel du bâtiment et n'a pas la compétence pour apprécier la qualité ou l'opportunité des travaux, ni pour suivre le chantier ;

- que l'agence n'a pour sa part commis aucune faute s'étant enquise de la nature des travaux dès qu'elle a été avertie de leur existence, ayant eu de Mme [Z] une réponse mensongère selon laquelle les parties communes n'étaient pas concernées par les travaux, s'étant ensuite rendue sur place au regard des craintes exprimées par M. [N], membre du conseil syndical, à qui elle a rendu compte, alors que les travaux étaient déjà réalisés ;

- que le tribunal a justement retenu qu'il n'était pas démontré que la désignation d'un BET aurait permis d'éviter les préjudices invoqués, et ce d'autant que le syndicat des copropriétaires avait ensuite lui-même refusé de voter la désignation d'un BET ;

- qu'au demeurant Mme [Z] ne demande pas la garantie de l'agence au titre de sa condamnation envers le syndicat, dès lors que sa demande de garantie au titre 'des sommes qui seront exposées pour la reprise des travaux au niveau de l'appartement de Mme [P] [Z]' n'est pas une demande au sens de l'article 562 du code de procédure civile

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 21 février 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 14 mars 2023 et mise en délibéré au 16 mai 2023.

Motifs de la décision

Sur les responsabilités

Le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a exactement retenu la responsabilité de Mme [Z] envers sa voisine de l'étage supérieur Mme [N] et envers le syndicat des copropriétaires, en raison de fautes qu'elle a commises en faisant les travaux dommageables, qui ont notamment provoqué l'affaissement du plancher supérieur et des fissures au plafond de l'appartement supérieur, sans le concours d'un professionnel alors qu'elle était profane, et sans autorisation du syndicat des copropriétaires alors qu'une partie de ces travaux affectaient les parties communes de l'immeuble.

Il n'est pas reproché au syndic d'avoir omis de faire arrêter les travaux pour la raison qu'ils touchaient aux parties communes de l'immeuble sans avoir été autorisés par le syndicat. Sa faute ne peut donc être retenue à ce titre.

Il lui est seulement reproché de ne pas avoir arrêté ces travaux en raison de la menace qu'ils faisaient peser sur la solidité de l'immeuble, mais à tort, dès lors qu'en demandant dès le 2 décembre 2014 des précisions à Mme [Z] sur les travaux qu'elle avait débuté le 20 novembre précédent, puis en se rendant sur place le 19 décembre pour examiner les travaux qui à ses yeux ne montraient pas de danger pour la solidité, puis en faisant procéder le 22 décembre à un constat par l'huissier [O] selon lequel les travaux comportaient une solidification des poutres du plafond, sans les modifier, et n'affectaient pas la solidité du bâtiment, le syndic avait procédé, conformément à sa mission légale de conservation l'immeuble, à des diligences répétées exclusives de la négligence qui lui est reprochée. Il est indifférent que par la suite le syndic ait pu tarder à soumettre l'intervention d'un bureau d'études à l'assemblée générale des copropriétaires, dès lors que le sinistre était réalisé dès le mois de janvier 2015 et qu'il n'est pas établi que le syndic ait disposé, depuis le constat d'huissier du 22 décembre précédent qui ne faisait pas apparaître de risque, d'informations supplémentaires l'alertant sur une soudaine urgence et lui permettant de prévenir la survenance des désordres.

En conséquence, comme le premier juge, mais par substitution de motifs concernant le syndic, la cour retiendra la seule et entière responsabilité de Mme [Z].

Sur le préjudice du syndicat au titre du surcoût de travaux et de maîtrise d'oeuvre

Alors que le premier juge a condamné Mme [Z] à payer au syndicat la somme de 37 427,50 euros, en se fondant sur l'estimation du bureau d'étude technique [W] retenue par l'expert, dont le montant s'élevait à ce montant TTC, le syndicat demande à la cour d'ajouter un surcoût de travaux par rapport à l'estimation de l'expert, ainsi que le coût de la maîtrise d'oeuvre, le coût de l'assurance dommages-ouvrage, et les honoraires de suivi des travaux et de la procédure judiciaire facturés par le syndic.

Mme [Z] conteste la recevabilité de ces demandes indemnitaires complémentaires nouvellement présentées par le syndicat devant la cour, mais seulement dans les motifs de ses écritures, et non dans leur dispositif qui seul saisit la cour, laquelle n'a donc pas à statuer de ce chef.

Par ailleurs, il ne résulte pas du courrier en date du 17 août 2021 adressé par le syndicat à Mme [Z], pour l'informer que l'assemblée générale des copropriétaires avait voté contre la résolution visant à faire appel du jugement et lui demander d'exécuter ses condamnations, que le syndicat serait irrecevable ou infondé à demander à la cour des dommages et intérêts complémentaires, dès lors qu'en l'absence de preuve que les copropriétaires avaient voté en sachant que Mme [Z] avait elle-même formé appel la veille, leur vote peut être regardé comme une renonciation à former appel principal, mais non une renonciation à former appel incident en cas d'appel principal formé par Mme [Z].

Le syndicat justifie, par les factures des travaux exécutés dans l'appartement de Mme [Z] en avril et mai 2022 et par les devis des travaux restant à exécuter dans l'appartement de Mme [N], établis de mars à juillet 2022, d'un coût actualisé des travaux de 40 059,11 euros HT, soit avec une TVA de 10 % un coût de 44 065,02 euros TTC, qui représente, par rapport au montant accordé par le premier juge, un surcoût justifié de 6 637,52 euros (44 065,02 - 37 427,50).

La légitimité d'un surcoût de maîtrise d'oeuvre n'est en revanche pas intégralement justifiée par la nouvelle proposition établie par le bureau [W] en date du 25 mai 2020 pour un montant de 11 400 euros TTC, alors que le même bureau facturait la même prestation 3 250 euros TTC le 31 octobre 2018, montant que l'expert avait prudemment porté à 5 000 euros TTC. En effet, le coût des travaux retenus par l'expert s'élevait alors à 37 427,50 euros TTC, dont 5 000 de maîtrise d'oeuvre, soit un coût des travaux hors maîtrise d'oeuvre de 32 427,50 euros et une maîtrise d'oeuvre rémunérée à 15,42 % du montant des travaux. L'application du même taux au montant des travaux actualisé par la cour, soit 44 065,02 euros TTC, permet de retenir un juste coût de maîtrise d'oeuvre de 6 794,82 euros TTC (44 065,02 x 15,42 %), soit un surcoût justifié de 1 794,82 euros (6 794,82 -5 000), qui sera accordé au syndicat.

Le coût de l'assurance dommages-ouvrage, obligatoire pour la réalisation des travaux à la charge du syndicat, constitue pour lui un préjudice indemnisable, que l'expert judiciaire n'avait pas pris en compte dans son évaluation, et dont le montant sera fixé à 1780 euros au regard du devis souscrit le 6 décembre 2021.

De même, le syndicat n'a pas à supporter la charge finale des honoraires spécifiques qu'il a du verser au syndic Foncia pour le suivi de la procédure et des travaux, s'élevant à 960 euros TTC selon facture.

Au regard des précédents éléments, la cour, ajoutant à la condamnation de Mme [Z] à payer au syndicat la somme de 37 427,50 euros TTC qui n'est pas frappée d'appel, condamnera Mme [Z] à lui payer la somme de 11 172,34 euros TTC (6 637,52 + 1 794,82 + 1780 + 960 euros).

Sur le préjudice du syndicat au titre des frais engagés

La condamnation de Mme [Z] à payer au syndicat 3 239 euros de dommage et intérêts sera confirmée, par adoption des motifs du premier juge, au titre des frais de suivi de la procédure par le nouveau syndic Estimm pour 864 euros, d'une facture BET [W] pour assistance technique à la mise en place d'étais pour 1 440 euros, et d'une facture [F] pour la mise en place des mêmes étais pour 935 euros, sommes dont il est justifié, qui portent sur l'installation d'étais pour soutenir le plancher affaibli par les travaux de Mme [Z] et sont par conséquent en lien avec le litige, et dont Mme [Z] n'établit pas qu'elles aient été déjà prises en compte au titre des autres indemnisations accordées au syndicat.

Sur le préjudice du syndicat au titre de la porte palière modifiée

Sera infirmée la condamnation de Mme [Z] à remettre en l'état antérieur la porte palière de son appartement sous astreinte, qui n'est plus demandée par le syndicat, les parties s'accordant sur le fait que la porte litigieuse est désormais en conformité avec les règles de la copropriété.

Sur le préjudice de Mme [N] au titre des frais de renforcement provisoire

Si Mme [N] n'a pas a supporter la charge finale, à hauteur de sa quote-part de copropriétaire, des frais avancés par la copropriété au titre des travaux d'étayage de son plancher, elle ne justifie pas subir à ce titre un préjudice à hauteur de 1 247,27 euros.

En effet, d'un part, cette somme correspond à un appel de charges de copropriété du 3 juillet 2020 qui ne comprend une provision pour travaux qu'à hauteur de 414,80 euros, mais dont le surplus est constitué d'un solde comptable antérieur arrêté au 23 juin 2020, étranger au litige.

D'autre part, les frais d'étayage engagés par le syndicat des copropriétaires, s'ils ont motivé l'appel d'une provision de 414,80 euros, lui ont été ou lui seront remboursés par Mme [Z] en exécution de sa condamnation à lui payer 3 239 euros, précédemment confirmée, ce qui aboutira au remboursement de la provision de 414,80 euros par le syndic à Mme [N], dont le préjudice n'est donc pas caractérisé.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [Z] à payer à Mme [N] la somme de 1 242,27 euros et celle-ci sera déboutée de ce chef.

Sur le préjudice de Mme [N] au titre de la privation de jouissance

Bien que retenant comme le premier juge que le préjudice de jouissance subi par Mme [Z] est caractérisé par le fait qu'elle dû subir un plancher déformé et fragilisé depuis la fin de l'année 2014, un appartement difficilement accessible pendant trois semaines, un déménagement pendant une semaine, le déménagement du mobilier, la dépose des sanitaires et des revêtements de sol dans une des chambres et les sanitaires, la cour évalue ce préjudice à 4 000 euros. La condamnation de Mme [Z] payer à Mme [N] 2 500 euros de dommages et intérêts sera donc infirmée pour en élever le montant.

Sur la garantie de Mme [Z] par l'agence Mourey

La responsabilité du syndic à l'époque des faits n'étant pas retenue, la cour confirmera le débouté de l'appel en garantie dirigé par Mme [Z] contre l'agence Mourey.

Sur les dépens

En application de l'article 695 du code de procédure civile, les frais du référé expertise et de l'expertise elle-même constituent des dépens afférents à l'instance, mais non le coût du constat d'huissier établi le 23 mai 2016 par Me [R], huissier de justice, qui n'est pas afférent à l'instance. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas inclus, dans les dépens mis à la charge de Mme [Z], cette somme relevant en réalité des frais irrépétibles qu'elle a été condamnée à Mme [N] et qui seront confirmés.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu entre les parties le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon, sauf en ce qu'il a condamné Mme [P] [Z] à remettre sa porte palière en l'état antérieur, avec astreinte, en ce qu'il a condamné Mme [Z] à payer à Mme [N] la somme de 1 242,27 euros, et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer 2 500 euros de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés et y ajoutant,

Constate que la condamnation de Mme [Z] à remettre sa porte palière dans son état antérieur n'est plus demandée ;

Condamne Mme [Z] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] la somme complémentaire de 11 172,34 euros TTC ;

Déboute Mme [N] de sa demande en condamnation de Mme [Z] à lui payer une somme de 1 247,27 euros ;

Condamne Mme [Z] à payer à Mme [N] 4 000 euros de dommages et intérêts ;

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne du même chef à payer la somme de 2 500 euros à chacun à Mme [N], au syndicat des copropriétaires, et à la SARL Agence Mourey ;

La condamne aux dépens d'appel ;

Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01530
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.01530 ?
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