ARRÊT N°
JFL/LZ
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 16 MAI 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 14 mars 2023
N° de rôle : N° RG 21/01408 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENAB
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 22 juin 2021 [RG N° 21/00169]
Code affaire : 35Z Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
S.A.S. LBI DEVELOPPEMENT, S.E.L.A.S. LABORATOIRES DE PROXIMITE ASSOCIES C/ [C] [K], [N] [A], [W] [X], [P] [D], [M] [J], [L] [R], [Y] [V], [B] [T], SAS ANYWAY INVEST, Société civile NEW FLIGHT, SAS AHR HOLDING, Société SFLEH, SELAS CENTRE DE BIOLOGIE MEDICALE 25 CBM 25, SAS D.PHI HOLDING, Société MAA, Société SPARO, SAS MCP HOLDING
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. LBI DEVELOPPEMENT Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège
Sise [Adresse 7]
RCS de Metz N° 378 096 127
Représentée par Me Pierre-Emmanuel FENDER du LLP GIBSON DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant,
Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
S.E.L.A.S. LABORATOIRES DE PROXIMITE ASSOCIES Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège
Sise [Adresse 20]
RCS de Vesoul N° 430 216 689
Représentée par Me Pierre-Emmanuel FENDER du LLP GIBSON DUNN & CRUTCHER, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant,
Représentée par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
APPELANTES
ET :
Madame [C] [K]
née le [Date naissance 13] 1970 à [Localité 21]
de nationalité française, demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [N] [A]
né le [Date naissance 10] 1964 à [Localité 25]
de nationalité française, demeurant [Adresse 9]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [W] [X]
né le [Date naissance 16] 1971 à [Localité 22]
de nationalité française, demeurant [Adresse 12]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [P] [D]
né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 24]
de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [M] [J]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 23]
de nationalité française, demeurant [Adresse 18]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Madame [L] [R]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 22]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [Y] [V]
né le [Date naissance 14] 1963 à [Localité 26]
de nationalité française, demeurant [Adresse 8]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Monsieur [B] [T]
né le [Date naissance 15] 1975 à [Localité 22]
de nationalité française, demeurant [Adresse 19]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
SAS ANYWAY INVEST agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 3]
RCS de Besançon N° 803 109 743
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Société civile NEW FLIGHT agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
Sise [Adresse 18]
RCS de Paris N° 803 211 796
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
SAS AHR HOLDING agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 11]
RCS de Besançon N° 510 155 468
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Société SFLEH agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 8]
RCS de Besançon N° 803 109 941
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
SELAS CENTRE DE BIOLOGIE MEDICALE 25 CBM 25 agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 17]
RCS de Besançon N° 712 821 081
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
SAS D.PHI HOLDING prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 12]
RCS de Besançon N° 504 937 947
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Société MAA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 9]
RCS de Besançon N°803 109 859
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
Société SPARO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 19]
RCS de Besançon N° 803 077 718
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
SAS MCP HOLDING agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 5]
RCS de Besançon N° 518 849 63
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD, avocat plaidant
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame [L] ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 14 mars 2023 a été mise en délibéré au 16 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Exposé du litige
Selon contrat d'affiliation du 1er septembre 2016, la SAS LBI Développement (la société LBI), qui regroupe plusieurs laboratoires de biologie médicale, a consenti à la SELAS CBM25, qui exploite un laboratoire de même nature sur plusieurs sites, l'utilisation de l'enseigne et des méthodes LBI. L'article 19 de ce contrat réservait à l'affiliante, dans l'éventualité d'une cession des titres de l'affiliée à un tiers, un 'droit de préférence' lui permettant de 'préempter' les titres aux conditions du projet de cession, à exercer dans les quatre mois suivant la notification du projet de cession, lequel devait indiquer 'a minima' diverses informations relatives au cessionnaire, au nombre de titres à céder, à leur prix ou valeur, et aux modalités de paiement.
Un projet de cession de titres de la société CBM 25 à la société CAB a été notifié le 15 mai 2020 à la société LBI Développement par son affiliée et par les associés de celle-ci, monsieur [N] [A], madame [L] [R], madame [C] [K], monsieur [M] [J], monsieur [P] [D], monsieur [B] [T], monsieur [W] [X], monsieur [Y] [V], la SAS AHR Holding, la SAS Anyway Invest, la SAS D.Phi Holding, la société MAA, la SAS MCP Holding, la société Sfleh, la société civile New Flight et la société Sparo.
La société LBI estimant toutefois n'avoir pas obtenu l'information loyale et sincère sur les conditions de la cession qui lui paraissait nécessaire avant d'exercer son droit de préférence, a d'abord assigné en référé la société CBM 25 et ses associés cédants aux fins d'obtenir notamment la suspension de son délai de préemption, à compter du 5 juin 2020 et jusqu'à l'obtention d'une décision au fond sur la communication d'éléments d'information complémentaires, suspension qui lui a été accordée par ordonnance de référé du 25 août 2020.
Sur assignation à jour fixe délivrée parallèlement les 3 et 4 août 2020 par la société LBI Développement à la société CBM 25 et à ses associés cédants aux fins de communication des éléments d'information manquants, le tribunal judiciaire de Besançon, par jugement du 24 novembre 2020 frappé d'appel, a ordonné à la société CBM 25 et ses associés, sous astreinte, de communiquer à la société LBI divers documents, et a
ordonné la suspension du délai d'exercice du droit de préemption à compter du 5 juin 2020 jusqu'à la complète exécution du jugement.
Le 4 décembre 2020, la société CAB a signifié la caducité du protocole de cession à la société CBM25, qui à son tour, avec les autres cédants, a notifié son repentir à la société LBI par courrier recommandé du même jour, auquel la société LBI a répondu en signifiant aux cédants qu'elle exerçait son droit de préférence et qu'elle se substituait à cet effet la société Laboratoires de proximité associés (la société LPA), par acte du 8 décembre.
Par arrêt du 1er juillet 2021 tirant les conséquences de cette nouvelle circonstance, cette cour a infirmé le jugement du 24 novembre 2020 et débouté la société LBI de ses demandes en communication d'informations, en suspension du délai d'exercice de son droit de préemption et en dommages et intérêts, aux motifs que la communication des informations et pièces litigieuses, préalable à l'appréciation de l'opportunité d'exercer le droit de préférence, de même que la prolongation du délai pour exercer le droit de préférence, était devenue sans utilité depuis que ce droit avait été exercé le 8 décembre 2020.
Cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi, actuellement pendant.
La présente instance a été engagée par assignation délivrée le 15 janvier 2021 par la société LBI et par la société Laboratoires de proximité associés (la société LPA) à la société CBM 25 et aux associés cédants aux fins de voir reconnaître l'efficacité de l'exercice du droit de préférence, ainsi que la substitution de la société LPA à la société CAB dans la préemption, et subsidiairement aux fins de dommages et intérêts.
Le tribunal judiciaire de Besançon, par jugement du 22 juin 2021, a :
- débouté les sociétés LBI et LPA de leur demande tendant à ordonner la substitution de la société LPA dans les droits et prérogatives de la société CAB ainsi que de l'ensemble de leurs demandes subséquentes ;
- les a déboutées de leur demande de condamnation au titre de la clause pénale ;
- les a déboutées de l'ensemble de leurs autres demandes ;
- les a condamnées in solidum à payer à l'ensemble des défendeurs la somme de 5 000 euros pour leurs frais irrépétibles et à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Bauer, avocat ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que la clause du contrat d'affiliation relative au droit de préférence, en prévoyant qu'en cas d'exercice de ce droit par 'l'affilié' (en réalité l'affiliante), la cédante ne pourra pas se prévaloir d'un droit de repentir et renoncer à la cession, induit a contrario que la cédante peut valablement se repentir et renoncer à la cession tant que le droit de préférence n'est pas exercé ;
- que de plus le protocole de cession suspendait celle-ci au non-exercice par la société LBI de son droit de préemption ;
- que la société LBI n'avait pas encore exercé son droit de préemption lorsque les cédants lui ont notifié leur repentir ;
- que la société LPA ne pouvait être substituée à la société CAB dès lors que celle-ci avait fait valoir antérieurement la caducité de son offre ;
- qu'au surplus, même s'il était établi que la société CBM25 et ses associés entretenaient des relations étroites avec les dirigeants de Biogroup, ce rapprochement n'avait engendré aucun transfert de droits réels ni d'actions pouvant justifier l'exercice du droit de préférence ;
- et qu'ainsi la notification du droit de préférence, tardive, était sans effet.
Le premier juge a ensuite considéré que si le contrat d'affiliation prévoit que toute opération réalisée par l'affiliée en violation du droit de préférence sera sanctionnée à titre de clause pénale par l'allocation de dommages et intérêts forfaitaires au profit de l'affiliante, d'un montant équivalent à la moitié du montant de l'opération, cette clause était sans application dès lors que finalement aucune opération n'a été réalisée.
Les sociétés LBI Développement et LPA ont a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 24 juillet 2021. L'appel critique expressément tous les chefs de jugement, ainsi que le rejet de leur demande de réouverture des débats et le rejet des conclusions et pièces déposées à l'appui de cette demande, que le premier juge a motivés mais n'a pas prononcés.
Par ordonnance du 2 mars 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par les appelantes dans l'attente de l'issue du pourvoi déposé contre l'arrêt qui a rejeté leur demande de communication d'information et de suspension du délai de préemption.
Par conclusions n° 3 transmises le 17 février 2023 visant les articles 31 du code de procédure civile, 1134 ancien, 1123, 1291, 1226 à 1233 et 1152 du code civil, et l'adage fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout), les appelantes demandent à la cour de :
- réformer le jugement ;
à titre principal,
- les dire recevables en leur action ;
- ordonner la substitution de la société LPA dans les droits et prérogatives de la société CAB en ce compris la cession à son profit de 25 % du capital et des droits de vote et de 99,99 % des droits financiers de la société CBM25 et conférer à la société LPA le droit d'intervenir et d'opposer son veto dans toutes les décisions collectives et significatives de la société CBM25 telles que visées dans les statuts de celle-ci ;
- dire que la substitution emporte agrément de la société LPA par les associés de la société CBM25 ;
- constater l'accord des associés de la société CBM25 pour procéder à une fusion de celle-ci avec la société Santé Labo, une des affiliées de Biogroup ;
- dire que les associés de la société CBM25 ne sauraient s'opposer à une fusion de celle-ci avec LPA sur les bases suivantes 'a minima' :
* Valorisation de CBM25 à la somme de 71 843 168 euros déterminée sur la base du prix de cession des actions ordinaires représentant 99,99 % de la valeur de la société conformément aux stipulations statutaires ;
* Garantir la détention par chaque biologiste de la société CBM25 de disposer d'au moins un titre de la société absorbante de manière à lui permettre de continuer à exercer ses fonctions de biologiste médical dans les conditions actuelles, notamment de rémunération, révélées lors des audits ;
* Nommer les biologistes, le cas échéant, mandataires sociaux de la société absorbante, sans rémunération ;
- désigner aux frais des intimés un mandataire ad hoc pour conduire et régulariser la cession de titres de la société CBM25 et la fusion selon les termes ci-avant et de manière générale tous les actes matérialisant la sortie effective de la société CBM25 et la résiliation de ses engagements vis à vis de la société CAB et des entités affiliées à Biogroup ;
- dire que le mandataire ad hoc rendra compte à la cour de toute difficulté liée à l'exercice de sa mission ;
- fixer la rémunération du mandataire ad hoc et dire qu'elle sera à la charge des intimés ;
à titre subsidiaire ;
- condamner in solidum les intimés à payer aux appelantes la somme de 35 917 992 euros à raison de la seule violation du pacte de préférence ;
en tout état de cause ;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- réserver les droits de la société LBI et de la société LPA quant à l'indemnisation des faits de concurrence déloyale distincts de la violation du droit de préférence, ainsi que l'indemnisation du préjudice consécutif aux infractions pénales commises dans ce contexte et l'indemnisation de l'abus du droit d'ester en justice ;
- ordonner la publication intégrale de l'arrêt dans deux publications généralistes à grand tirage au choix des sociétés LBI et LPA et aux frais avancés des intimés ;
- condamner in solidum les intimés à leur payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et a payer les dépens, dont distraction au profit de Me Elodie Chesneau, avocat.
Les appelantes soutiennent :
- que la société CBM25 et ses associés n'appartiennent au réseau LBI qu'en apparence et sont de fait contrôlés et dirigés par Biogroup ;
- que le champ d'application du droit de préférence couvre largement tout projet de cession et toute opération qui conduirait au changement de contrôle d'un membre du réseau LBI ;
- qu'un accord occulte avait été passé entre CAB et CBM25 et ses associés, auquel ceux-ci n'avaient jamais renoncé, la déclaration de caducité de l'offre litigieuse n'étant qu'un artifice destiné à masquer que la cession était non pas abandonnée mais seulement reportée à l'expiration du contrat d'affiliation ;
- que l'intérêt à agir de la société LBI réside dans les droits contractuels qu'elle tire du contrat d'affiliation auquel elle est partie, notamment le droit de se substituer une affiliée telle la société LPA pour bénéficier du droit de préférence ;
- que l'intérêt à agir de la société LPA réside dans l'exécution du pacte de préférence dont la substitution la rend bénéficiaire, substitution opposable aux cédants dès lors qu'elle leur a été notifiée ;
- que l'intérêt à agir de ces deux sociétés demeure malgré la résiliation du contrat d'affiliation et malgré la cession des actions à la société CAB qui est ensuite intervenue, dès lors que la société CBM25 devait rester membre du réseau jusqu'au 31 août 2021, date d'effet de la résiliation du contrat d'affiliation, mais s'est en réalité placée sous l'influence de CAB, et que l'objet de l'action est de faire sanctionner le comportement frauduleux des intimés sans lequel les actions auraient été cédées aux sociétés LBI ou LPA et non à la société CAB ;
- que la cession est d'ores et déjà intervenue puisque Biogroup prend les décisions significatives touchant à la société CBM25 depuis 2019, seule l'officialisation de cette prise de contrôle ayant été retardée, l'acte de caducité et ses suites n'ayant été que pure simulation ;
- que la déclaration de caducité est frauduleuse puisqu'il y est prétendu que le protocole de cession était abandonné, alors qu'en réalité il était déjà réalisé ;
- que cette fraude suffit à détruire les conséquences du prétendu repentir ;
- que la notification du projet de cession faite le 15 mai 2020 emportait promesse de cession au bénéficiaire du droit de préemption, promesse dont la révocation n'empêchait pas la formation du contrat promis ;
- qu'il résulte de l'article 1123 nouveau du code civil, entré en vigueur après les faits mais venu codifier la jurisprudence alors applicable, que lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte de préférence, le bénéficiaire peut demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ;
- qu'en application des articles 1321 devenu 1201 du code civil, lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties mais n'est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s'en prévaloir ;
- que le pacte de préférence, comme l'ensemble du contrat d'affiliation signé par la société CBM25 est opposable à touts ses associés, ainsi que jugé par le tribunal le 19 décembre 2019
- qu'il en va de même de la faculté de substitution réservée à LBI, qu'ils ont acceptée par avance ;
- qu'en conséquence la cour doit ordonner l'exécution forcée du pacte de préférence.
Les appelantes ajoutent :
- qu'à défaut d'ordonner l'exécution forcée la cour devra appliquer la clause pénale, dont le montant, égal à la moitié du montant de l'opération contrevenant au droit de préférence, n'est pas manifestement excessif ;
- que la promesse de porte-fort souscrite par l'affiliée à l'article 19 du contrat d'affiliation vaut pour la sanction des violations du pacte de préférence, prévue dans le même article ;
- que les associés, bien que non signataires du contrat d'affiliation, l'ont tacitement ratifié, ainsi qu'ils le reconnaissent et ainsi que l'a jugé le tribunal le 19 décembre 2019 et ainsi qu'il résulte de la notification du 15 mai 2020 qu'ils ont tous signée, de sorte qu'ils sont eux aussi débiteurs de la clause pénale.
La société CBM 25 et ses associés, par conclusions transmises le 10 mars 2023 visant les articles 1134 ancien et 1126 du code civil, 514-1 et 122 du code de procédure civile, demandent à la cour de :
- dire LBI et LPA dépourvues d'intérêt à agir au titre de leur appel principal ;
- les débouter de toutes leurs demandes ;
- les condamner à leur payer 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens ;
- subsidiairement réduire le montant de l'indemnité forfaitaire.
Les intimés soutiennent :
- que le litige est strictement circonscrit au sort des actions de la société CBM25 et à la question de savoir si le droit de préférence reconnu à la société LBI a été violé ;
- que le droit litigieux, étant un droit de préemption et non un droit de préférence, confère à son titulaire un droit à l'information moindre, limité au contenu de l'acte de cession ;
- que ce droit de préemption ne trouve à s'exercer qu'en cas de cession finalisée, permettant à son titulaire d'acquérir les droits cédés à la place du cessionnaire initial ;
- que la caducité de l'offre d'acquisition faite par la société la société CAB, suivie du repentir des actionnaires de la société CBM25, avait rendu inopérant l'exercice postérieur du droit de préemption par la société LBI ;
- que la résiliation du contrat d'affiliation prive désormais les sociétés LBI et LPA de leur intérêt à agir ;
- qu'en outre l'accord qui substitue les sociétés LPA à LBI pour l'exercice du droit de préemption a retiré à LBI son intérêt à agir ;
- que pour autant LPA n'est pas davantage recevable à agir contre la société CBM25 à qui l'accord de substitution n'a pas été notifié et reste donc inopposable ;
- que la société LPA ne peut être substituée dans des droits qui n'existent pas, dès lors que le droit de préemption a été exercé tardivement après repentir des cédants ;
- qu'en effet il résulte de l'article 19 du contrat d'affiliation que les cédants peuvent user d'une faculté de retrait du projet de cession jusqu'à ce que le bénéficiaire ait préempté ;
- que le droit de repentir relève de la liberté contractuelle consacrée à l'article 1102 du code civil, qui inclut la liberté de ne pas contracter ;
- que ce droit n'a pu être exercé par fraude puisqu'il n'a pas à être juridiquement causé et est au contraire discrétionnaire ;
- que même à admettre que la notification de la cession constituait une offre de contracter, la rétractation de celle-ci pendant son délai de validité empêchait le contrat de se former et n'obligeait l'ancien promettant qu'à des dommages et intérêts ;
- que le moyen tiré d'un contrôle effectif exercé par la société CAB sur la société CBM25 nonobstant la caducité du projet de cession, s'il traduit le souhait non dissimulé des associés de la société CBM25 de se rapprocher de Biogroup, et s'il pourrait caractériser d'éventuelles infractions au volet purement commercial du contrat d'affiliation, reste sans emport sur l'usage du droit de préférence et son efficacité, qui suppose que des actions soient cédées, en application de l'article 19 précité ;
- que, surabondamment, l'article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice des professions libérales réglementées sous forme de société et aux sociétés de participations financières de professions libérales impose l'agrément des nouveaux associés à la majorité des deux tiers, s'agissant d'une disposition d'ordre public à laquelle la cour ne pourrait contrevenir en ordonnant un agrément judiciaire ;
- c'est pourquoi le contrat d'affiliation, n'a pu prévoir en cas de préemption un agrément d'office mais seulement stipuler que la cédante se portait fort de ce que ses associés agréeraient le préempteur, l'agrément constituant un droit attaché à la personne insusceptible d'exécution forcée ;
- qu'aucun accord n'est jamais intervenu en faveur d'une fusion de la société CBM25 avec la société Santé Labo, affiliée à Biogroup ;
- et que même à admettre l'existence d'un tel projet, il ne justifierait en rien une fusion entre la société CBM25 et la société LPA, qui est une société distincte ;
- que la clause pénale ne peut être invoquée que par l'affiliante, soit la société LBI et non la société LPA, contre l'affiliée, soit la société CBM25 à l'exclusion de ses associés ;
- que la promesse de porte-fort consentie par la société CBM25 ne fait pas de ses associés des parties au contrat d'affiliation, même en admettant qu'ils aient ratifié tacitement la promesse de porte-fort en notifiant à l'affiliante le projet de cession ;
- qu'aucun manquement contractuel ne justifie la mise en oeuvre de la clause pénale, dès lors qu'aucune opération n'est intervenue en violation du droit de préemption, puisque l'exercice du droit de repentir n'était pas fautif et puisque la cession n'est intervenue qu'après l'expiration du contrat d'affiliation ;
- et subsidiairement que le montant de la clause pénale, sélevant à près de 35 millions d'euros est manifestement excessif au regard du préjudice réellement subi.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée le 13 mars 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 14 mars 2023 et mise en délibéré au 16 mai 2023.
Motifs de la décision
Sur la réouverture des débats et le rejet de conclusions et pièces
Aucune demande n'étant présentée à la cour des chefs de la réouverture des débats et du rejet de conclusions et pièces devant le premier juge, qui de plus a avait omis de statuer, la cour, qui ne peut compléter le jugement d'office, ne peut que le confirmer en l'état.
Sur la recevabilité de l'appel par LBI et LPA
La résiliation du contrat d'affiliation, dépourvue d'effet rétroactif, ne retire pas à LBI et à LPA leur intérêt a faire valoir les droits qu'ont pu leur conférer le contrat lorsqu'il était en vigueur.
La société LBI n'a pas été privée d'intérêt à agir par la convention de substitution qu'elle a passée au profit de la société LPA, dès lors qu'elle conserve un intérêt a faire valoir le droit de préférence quelle prétend tenir du contrat d'affiliation et dont elle entend céder le bénéfice à CAB.
De même, la société LPA n'est pas irrecevable faute d'intérêt à agir en raison de la prétendue inopposabilité de la convention de substitution aux tiers à cet acte que sont la société CBM25 et ses associés, dès lors qu'elle conteste cette inopposabilité et qu'en tout état de cause elle a intérêt à agir en exécution du pacte de préférence dont elle soutient être devenue bénéficiaire.
En conséquence, la cour rejettera la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de LBI et LPA.
Sur le droit de préférence
Le droit de préférence revendiqué par la société LBI ne peut être examiné que dans ses effets sur le seul protocole de cession en date du 14 mai 2020 notifié le 15 mai suivant, dès lors que, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, même s'il est établi que la société CBM25 et ses associés entretenaient des relations étroites avec les dirigeants de Biogroup, ce rapprochement n'avait engendré aucun transfert de droits réels ni d'actions pouvant justifier l'exercice du droit de préférence, autre que le précédent projet de cession annulé par le tribunal de grande instance par jugement du 19 décembre 2019.
La cour adopte les motifs par lesquels le premier juge a exactement retenu que l'article 19 du contrat d'affiliation permettait à l'affiliée de se repentir de son projet de cession de parts à un tiers tant que l'affiliante n'avait pas exercé son droit de préférence.
La cour y ajoute que la notification du projet de cession à la société CBM25 ne peut être regardée comme une promesse de vente des droits litigieux que l'affiliée aurait consentie à l'affiliante et qu'elle n'aurait pu valablement rétracter, alors que la volonté de la société CBM25 et de ses associés était au contraire expressément d'empêcher toute transmission de leurs droits à l'affiliante, ainsi que le montre notamment la stipulation, au protocole de cession notifié, d'une clause résolutoire en cas d'exercice du droit de préférence par l'affiliante.
C'est dès lors valablement que la société CBM 25 et ses associés ont notifié leur repentir, en date du 4 décembre 2020, à la société LBI qui ne leur avait pas encore signifié l'exercice de son droit de préférence, ne l'ayant fait que le 8 décembre suivant.
Aucune fraude de nature à anéantir ce repentir ne résulte du fait qu'un accord occulte aurait été passé entre la société CBM25 ainsi que ses associés et le groupe Biogroup, rival du groupe LBI, dès lors que leur volonté commune de rapprochement était connue par la société LBI, notamment pour avoir donné lieu à la précédente tentative annulée par jugement du 19 décembre 2019 du tribunal de grande instance de Besançon.
Aucune fraude ne résulte davantage du fait que le repentir n'était pas définitif, que le projet de cession des parts de la société CBM 25 à la société CAB n'était que différé dans le temps et que la cession a finalement eu lieu après la résiliation du contrat d'affiliation, dès lors qu'il n'était pas frauduleux, mais au contraire respectueux du contrat d'affiliation, de notifier le projet de cession de parts à l'affiliante puis, devant les difficultés, d'y renoncer temporairement puis d'attendre pour le réaliser ultérieurement sans plus se heurter au contrat ni l'enfreindre.
En conséquence, l'exercice du droit de repentir par l'affiliée et ses associés cédants ayant précédé l'exercice du droit de préférence par l'affiliante, celui-ci était devenu sans objet, ce qui entraîne la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés LBI et LPA de leur demande tendant à ordonner la substitution de la société LPA dans les droits et prérogatives de la société CAB ainsi que de l'ensemble de leurs demandes subséquentes.
Sur la clause pénale
Adoptant les motifs par lesquels le premier juge exactement retenu que la clause pénale stipulée à l'article 19 du contrat d'affiliation, suivant laquelle toute opération réalisée par l'affiliée en violation du droit de préférence sera sanctionnée par l'allocation de dommage et intérêts égaux à la moitié du montant de l'opération contrevenante, était sans application en l'absence d'opération contrevenante réalisée, la cour confirmera encore le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés LBI et LPA de leur de leur demande de condamnation au titre de la clause pénale.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SAS LBI Développement et de la SELAS Laboratoires de proximité associés ;
Confirme le jugement rendu entre les parties le 22 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon :
Déboute la SAS LBI Développement et la SELAS Laboratoires de proximité associés de leur demande pour frais irrépétibles ;
Les condamne in solidum du même chef à payer la somme de 50 000 euros à la SELAS CBM 25, monsieur [N] [A], madame [L] [R], madame [C] [K], monsieur [M] [J], monsieur [P] [D], monsieur [B] [T], monsieur [W] [X], monsieur [Y] [V], la SAS AHR Holding, la SAS Anyway Invest, la SAS D.Phi Holding, la société MAA, la SAS MCP Holding, la société Sfleh, la société civile New Flight et la société Sparo, ensemble ;
Les condamne aux dépens d'appel ;
Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.
La greffière Le président de chambre