ARRÊT N° 23/
FD/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 09 MAI 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 07 mars 2023
N° de rôle : N° RG 21/01300 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMZO
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS-LE-SAUNIER en date du 16 juin 2021 [RG N° 18/00756]
Code affaire : 64B Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels
S.C.I. [E] C/ [R] [Z], [J] [N], [B] [A], S.A. ALLIANZ, S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, S.A.S. OLIGER FRANCE, Compagnie d'assurance ALLIANZ, S.A. AXA FRANCE IARD
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. [E] [T] Prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur [M] [E]
Sise [Adresse 8]
Représentée par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTE
ET :
Monsieur [R] [Z]
demeurant [Adresse 7]
Madame [J] [N]
demeurant [Adresse 7]
Représentés par Me Quentin DODANE de la SELARL FAVOULET - BILLAUDEL - DODANE, avocat au barreau de JURA
Monsieur [B] [A]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Jean-Marie LETONDOR de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR MAIROT, avocat au barreau de JURA
Représenté par Me Fabrice CHARLEMAGNE de la SCP BEZIZ-CLEON - CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON
S.A. ALLIANZ
Sise [Adresse 1]
RCS de Nanterre sous le numéro 542 110 291
Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Jean-Pierre FAVOULET de la SELARL FAVOULET - BILLAUDEL DODANE, avocat au barreau de JURA, avocat plaidant
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD
Sise [Adresse 5]
RCS de Strasbourg sous le numéro B352 406 748
Représentée par Me Carole MARMET de la SCP SCP BOBILLIER-MONNOT - MARMET, avocat au barreau de JURA
S.A.S. OLIGER FRANCE
Sise [Adresse 6]
RCS de Metz sous le numéro B327 469 243
Représentée par Me Sandrine ARNAUD de la SELARL ARNAUD - LEXAVOUE BESANCON, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par me Dominique RIEGEL, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant
Compagnie d'assurance ALLIANZ ès qualité d'assureur de la SAS OLIGER FRANCE
Sise [Adresse 3]
RCS de Nanterre sous le numéro 542 110 291
Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
S.A. AXA FRANCE IARD
Sise [Adresse 4]
RCS de Nanterre sous le numéro B722 057 460
Représentée par Me Jean-Marie LETONDOR de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR MAIROT, avocat au barreau de JURA
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame Florence DOMENEGO et Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseillers.
GREFFIER : Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Madame Florence DOMENEGO, magistrat rédacteur et Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 07 mars 2023 a été mise en délibéré au 09 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits et prétentions des parties :
En 2007, M.et Mme [E] ont fait construire un chalet en bois sur la commune de [Localité 9] (39) et l'ont équipé d'un poêle à bois de type OLIGER - modèle Enzo acquis auprès de la société OLIGER, qui en a soustraité l'installation à l'entreprise DARRIGADE.
Le chalet a été vendu par les époux [E] à la SCI [E] , laquelle l'a donné à bail à Mme [J] [N] et à M. [R] [Z], selon acte sous seing privé en date du 1er juin 2016.
Le chalet a été détruit par incendie le 22 décembre 2016.
Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier en date du 14 juin 2017, une expertise a été ordonnée à la demande des locataires pour déterminer la cause et l'importance des dommages.
En suite du dépôt du rapport de l'expert, la SCI [E] a saisi le 5 juillet 2018 aux fins d'obtenir la réparation du préjudice subi le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier, lequel a :
- condamné la SCI [E] à payer à la compagnie d'assurances Allianz, en sa qualité d'assureur des consorts [Z]-[N], la somme de 63 339 euros et in solidum avec la compagnie d'assurance ACM-CIC la somme de 54 214 euros TTC au titre de sa garantie, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, date des conclusions ayant fait état de ce chef de prétention ;
- condamné la compagnie d'assurances ACM-CIC à relever et garantir la SCI [E] du paiement de la somme de 54 124 euros, outre intérêts moratoires ;
- débouté les parties pour le surplus ;
- condamné sous le même lien de solidarité la SCI [E] et la compagnie d'assurances ACM-CIC à supporter les entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, l'assureur étant tenu de relever et de garantir l'assuré du montant représentatif de ces frais.
Pour statuer ainsi, le premier juge a :
- écarté la présomption de responsabilité des locataires prévue à l'article 1733 du code civil aux motifs que l'expertise n'avait pas conclu à un usage trop intensif du poêle à bois mais avait au contraire mis en lien le sinistre d'une part, avec une distance de sécurité que M. [E] lors de la fabrication des caissons d'habillage en 2012 n'avait pas respectée et qui constituait un vice de construction et d'autre part, avec une déformation de la voûte du poêle dont le bailleur n'avait pas vérifié, au titre des grosses réparations lui incombant la fiabilité du système de chauffage ;
- écarté la responsabilité de M. [A], ramoneur intervenu sur site au mois de septembre 2016, à défaut pour la SCI [E] de démontrer que le désordre affectant le conduit existait lors de l'intervention du prestataire ;
- rejeté la demande présentée à l'encontre de la société OLIGER FRANCE, fournisseur de l'équipement de chauffage, à défaut de justifier de l'antériorité du vice à la livraison que la demande soit engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés ou de la responsabilité de produits défectueux ;
- rejeté sa demande tendant à obtenir des indemnités complémentaires de la part de la compagnie d'assurance ACM-CIC, à défaut de s'être acquittée de ses obligations dans les délais contractuellement requis ( reconstruction de l'immeuble dans un délai de deux ans avec production des factures) ;
- fait droit au recours subrogatoire de la compagnie Allianz, compagnie d'assurance des locataires ;
- rejeté la demande des locataires au regard des frais non-pris en charge par la compagnie d'assurance à défaut pour ces derniers d'en justifier.
Par déclaration en date du 13 juillet 2021, la SCI [E] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises le 3 mars 2023, la SCI [E] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- lui donner acte de ce que la SA ACM. CIC ASSURANCES a procédé au règlement de la somme de 237 742.84 euros suivant à son profit décomposé ainsi :
- la somme de 21000 euros au titre des garanties contractuelles perte de loyer et remboursement d'emprunt, non déductible du préjudice matériel ;
- la somme de 185 324,12 euros directement au CIC suite à une opposition de la part de l'établissement le 13 février 2019 ;
- la somme de 31 418,72 euros par chèque CARPA transmis à son conseil par courrier officiel en date du 6 mars 2019 ;
- juger la SA ACM. CIC ASSURANCES subrogée dans ses droits et actions pour la somme de 237 742,84 euros ;
- juger que les consorts [Z]-[N] sont défaillants dans l'administration de la preuve de l'existence d'un vice de construction ;
- juger qu'ils sont responsables de plein droit de l'incendie et des conséquences du dommage qu'elle a subi ;
- condamner in solidum les consorts [Z]-[N] , et leur compagnie d'assurance, à lui payer les sommes de :
- 276 871, 05 euros, (solde restant dû déduction faite de la provision versée au titre du préjudice matériel par la SA ACM CIC ASSURANCES à hauteur de 216 742.84 euros) au titre de la réalisation des travaux de démolition reconstruction avec indexation portant sur la somme totale de 493 613,89 euros TTC en fonction de l'indice FFB valeur de 974.8 au 31 décembre 2017 avec réactualisation à la date des règlements ;
- 148 306,76 euros sauf à parfaire, au titre des préjudices financiers annexes qu'elle a subis ;
- subsidiairement, juger que la société OLIGER engage sa responsabilité ;
- juger qu'elle est responsable de l'incendie et des conséquences du dommage qu'elle a subi ;
- condamner in solidum la société OLIGER, et sa sompagnie d'assurance à lui payer les sommes de :
- 276 871.05 euros TTC, (solde restant dû déduction faite de la provision versée au titre du préjudice matériel par la SA ACM CIC ASSURANCES à hauteur de 216 742,84 euros) au titre de la réalisation des travaux de démolition reconstruction avec indexation portant sur la somme totale de 493 613,89 euros TTC en fonction de l'indice FFB valeur de 974.8 au 31 décembre 2017 avec réactualisation à la date des règlements ;
- 148 306,76 euros sauf à parfaire au titre des préjudices financiers annexes qu'elle a subis ;
- à défaut, juger qu'il y a un partage de responsabilité entre les consorts [Z]-[N] et la société OLIGER ;
- condamner in solidum les consorts [Z]-[N] et la société OLIGER, et sa compagnie d'assurance, à lui payer les sommes de :
- 276 871,05 euros TTC, (solde restant dû déduction faite de la provision versée au titre du préjudice matériel par la SA ACM CIC ASSURANCES à hauteur de 216 742,84 euros au titre de la réalisation des travaux de démolition reconstruction avec indexation portant sur la somme totale de 493 613,89 euros TTC en fonction de l'indice FFB valeur de 974.8 au 31 décembre 2017 avec réactualisation à la date des règlements ;
- 148 306,76 euros sauf à parfaire au titre des préjudices financiers annexes subis
- à titre infiniment subsidiaire, juger que M [B] [A] en sa qualité de professionnel aurait dû attirer son attention si une non-conformité existaits'agissant du poêle ou du caisson ;
- condamner M [B] [A], ou si mieux aime la cour sa compagnie d'assurance, à la garantir de toutes responsabilités et condamnations pouvant être prononcée à son encontre
- condamner en conséquence in solidum les consorts [Z]-[N], la société OLIGER, M [B] [A], leurs compagnies d'assurance ou si mieux aime la cour, la SA ACM CIC ASSURANCES, à lui payer la somme de :
- 276 871,05 euros TTC, (solde restant dû déduction faite de la provision versée au titre du préjudice matériel par la SA ACM CIC ASSURANCES à hauteur de 216 742,84 euros) au titre de la réalisation des travaux de démolition reconstruction avec indexation portant sur la somme totale de 493 613,89 euros TTC en fonction de l'évolution de l'indice du cout de la construction base 1er trimestre 2017 soit 1650 avec réactualisation à la date des règlements ;
- 148 306,76 euros sauf à parfaire au titre des préjudices financiers annexes subis
- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- en tout état de cause, juger que le contrat d'assurances s'entend de reconstruction valeur à neuf, sans limitation de sommes ;
- juger que la SA ACM CIC ASSURANCES devra lui garantir le paiement de la part de vétusté qui serait appliquée sur les lots 01 à 15 du chiffrage retenu par l' expert judiciaire au titre de ses garanties contractuelles ;
- juger que la SA ACM CIC ASSURANCES devra lui garantir le règlement des frais de procédure engagés conformément aux pages 16 et 44 des conditions générales du contrat d'assurance ;
- condamner la SA ACM CIC ASSURANCES à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;
- condamner in solidum les consorts [Z]-[N], la société OLIGER, [B] [A], leurs compagnies d'assurance, la SA ACM CIC ASSURANCES à lui payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi ;
- condamner in solidum les consorts [Z]-[N], la société OLIGER, M [B] [A], leurs compagnies d'assurance, la SA ACM CIC ASSURANCES , à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Mme [W] [I], lesquels comprendront les frai sd'expertise amiable du cabinet EBC et les frais d'huissier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui, la SCI [E] fait principalement valoir que la cause première de l'incendie provient d'une perturbation de fonctionnement de la voûte du poêle qui a entraîné un dysfonctionnement et une élévation extraordinaire de la température dans le conduit d'évacuation des fumées ; que le non-respect de la distance de sécurité du caisson en partie basse du conduit d'évacuation des fumées n'est pas à l'origine du désordre ; que lors du ramonage, aucune anomalie n'a été constatée sur la voûte par M. [A] ; que la voûte était par ailleurs garantie pendant 15 ans ; que la présomption de responsabilité doit en conséquence s'appliquer à défaut pour les locataires de rapporter la preuve que la détérioration du poêle résultait d'un vice de construction ou d'un cas fortuit. Subsidiairement, elle soutient que la responsabilité de la société OLIGER peut être recherchée en sa qualité de constructeur d'un ouvrage sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ou en tant que producteur, sur le fondement de l'article 1245-9 du code civil.
Dans ses dernières conclusions transmises le 10 février 2023, la SA ACM-CIC ASSURANCES, intimée et appelante incidente, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- juger que les consorts [Z]-[N] sont responsables de plein droit des conséquences de l'incendie du 22 décembre 2016 ;
- à titre subsidiaire, dire et juger que M. [A] a manqué à son obligation de résultat et à son devoir de mise en garde ;
- confirmer le jugement du 16 juin 2021 en ce qu'il a débouté la SCI [E] de ses demandes dirigées à son encontre au titre de ses préjudices matériels sans limitation de garantie ;
- en tout état de cause, débouter la SCI [E] de sa demande à son encontre relative à la garantie de paiement de la part de vétusté qui serait appliquée sur les lots n° 1 à 15 ;
- débouter la SCI [E] de sa demande de garantie à son encontre au titre du règlement des frais de procédure, ainsi que de celle tendant à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre à titre de réparation d'un préjudice moral ;
- débouter la SCI [E] de toutes autres demandes ;
- à titre subsidiaire, dire que toutes ses éventuelles condamnation au titre de la part de vétusté, de la démolition et de la maîtrise d''uvre, expert d'assuré ne pourra être mise en 'uvre que sur présentation des factures originales s'agissant d'indemnités différées ;
- dire qu'elle ne saurait être condamnée ou tenue à garantie au profit de la SCI [E] au-delà des garanties souscrites en application des conditions générales et particulières du contrat « Protection Bailleur » ;
- rejeter purement et simplement les demandes des consorts [Z]-[N] et ALLIANZ IARD en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la société ALLIANZ IARD à la somme de 54 214 euros et débouter les consorts [Z]-[N] de leur demande au titre de leur préjudice moral, en ce qu'elle est dirigée en son encontre ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles.
- constater qu'elle a versé à la SCI [E] la somme de 237 742,84 euros à titre d'indemnité ;
- dire qu'elle est subrogée dans les droits et actions de la SCI [E] à concurrence de ladite somme de 237 742,84 euros ;
- en conséquence, condamner solidairement M. [R] [Z] et Mme [J] [N], et leur assureur, la Société ALLIANZ IARD, ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 237 742,84 euros , outre intérêts au taux légal jusqu'à complet et parfait paiement ;
- condamner solidairement les consorts [Z]-[N] et leur assureur, la société ALLIANZ IARD, ou qui mieux le devra, à la relever et la garantir de toutes sommes éventuellement mises à sa charge ;
- subsidiairement, condamner solidairement M. [B] [A] et son assureur, la société AXA France IARD, ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 237 742,84 euros, outre intérêts au taux légal jusqu'à complet et parfait paiement ;
- condamner solidairement M.[B] [A] et son assureur, la société AXA France IARD, ou qui mieux le devra, à la relever et la garantir de toutes sommes éventuellement mises à sa charge ;
- en tout état de cause, débouter l'ensemble des parties de leurs demandes plus amples ou contraires dirigées à son encontre ;
- condamner solidairement les consorts [Z]-[N] et leur assureur, la société ALLIANZ, ou qui mieux le devra, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'appui, la SA ACM-CIC ASSURANCES fait principalement valoir que la responsabilité des locataires doit être retenue, et subsidiairement celle de M. [A] du fait du manquement de ce dernier à son obligation de mise en garde ; qu'elle ne doit pas garantie de la part de vétusté des lots n°1 à 15 à la SCI [E] et qu'elle doit au contraire être indemnisée par les locataires et leur assurance des sommes dont elle s'est acquittée entre les mains de son assurée.
Dans leurs dernières conclusions réceptionnées le 18 octobre 2021, M. [R] [Z], Mme [J] [N] et la SA ALLIANZ IARD, intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :
- condamné la SCI [E] à payer à la compagnie d'assurances ALLIANZ, en sa qualité d'assureur des consorts [Z]-[N] la somme de 63 339 euros et in solidum avec la compagnie d'assurances ACM-CIC la somme de 54 214 euros TTC au titre de sa garantie, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, date des conclusions ayant fait état de ce chef de prétention ;
- condamné la compagnie d'assurances ACM-CIC à relever et garantir la SCI [E] du paiement de la somme de 54.124 euros outre intérêts moratoires ;
- condamné solidairement la SCI [E] et la compagnie d'assurances ACM-CIC à supporter les entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
- débouter la SCI [E] de l'ensemble de ses chefs de demandes dirigés contre eux ;
- débouter la compagnie d'assurances ACM-CIC de toutes demandes qu'elles serait amenée à formuler à leur encontre par voie d'éventuelles conclusions à venir d'appel incident de sa part - infirmer la décision de première instance en ce qu'elle les a déboutés de leur demande indemnitaire et statuant à nouveau de ce chef ;
- condamner solidairement la SCI [E] et son assureur la compagnie ACM. CIC ASSURANCES à payer à M. [R] [Z] et Mme [J] [N] la somme de 16 689 euros outre intérêts au taux légal ;
- condamner solidairement la SCI [E] et son assureur la compagnie ACM. CIC ASSURANCES à payer à la compagnie ALLIANZ I.A.R.D ès qualités d'assureur des consorts [Z]-[N], la somme de 10 000 euros outre intérêts au taux légal sur le fondement de l 'article 700 du CPC et aux entiers dépens tant de la présente instance.
A l'appui, M. [R] [Z], Mme [J] [N] et la SA ALLIANZ IARD font valoir principalement que le non-respect des distances de sécurité pour la création du caisson constitue un vice de construction ; que la déformation de la voûte était par ailleurs indécelable et ne pouvait être diagnostiquée que lors des opérations de maintenance ; que ce dysfonctionnement préexistait manifestement à leur entrée dans le logement ; que l'expert n'a pas retenu une faute de leur part dans l'utilisation du poêle et que la présomption de responsabilité ne peut en conséquence s'appliquer.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 9 mars 2022, M. [B] [A] et la SA AXA FRANCE IARD demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes dirigées à leur encontre ;
- débouter la SCI [E] et la SAS ACM-CIC ASSURANCES de leur appel incident et de leurs demandes dirigées contre eux ;
- condamner in solidum la SCI [E] et la SAS ACM-CIC ASSURANCES à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux dépens.
A l'appui, M. [A] et la SA AXA FRANCE IARD font principalement valoir que l'incendie ne provient pas d'un problème de ramonage du conduit ; que M. [A] n'était aucunement tenu d'un devoir de conseil à l'égard de la SCI [E] ; qu'il n'avait pas à procéder au diagnostic des installations en place pour vérifier leur conformité au DTU ; qu'aucun élément ne vient démontrer que la voûte était dans le même état en juillet 2016 que lors de l'incendie ; qu'il n'a au contraire pas constaté d'anomalies lors de son intervention ; qu'aucune faute ne peut en conséquence lui être reprochée.
Dans ses conclusions transmises le 5 octobre 2022, la SAS Oliger France demande à la cour de :
Sur l'appel principal :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- condamner la SCI [E] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur l'appel incident de la SCI [E] :
- débouter la SCI [E] de son appel incident ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- condamner la SCI [E] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 7 février 2023, la SA ALLIANZ, ès qualités d'assureur de la société OLIGER, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société OLIGER et la SA ALLIANZ, es-qualités d'assureur ;
- débouter la SCI [E] et toutes autres parties de toutes prétentions à leur égard ;
- condamner la SCI [E] à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI [E] aux dépens.
A l'appui, la SA ALLIANZ conteste tout vice du poêle et soutient au contraire que l'incident provient d'une part, de l'installation non conforme du caisson d'habillage réalisé par M. [E] qui n'a pas permis l'évacuation de la chaleur et a fait monter excessivement cette dernière, de telle sorte que la voûte a fondu, et d'autre part, d''ne utilisation excessive et inadéquate par les locataires. Elle conteste également avoir été liée par un contrat de louage d'ouvrage avec la SCI [E], soutenant n'avoir que vendu le poêle, de telle sorte que les dispositions de l'article 1792 du code civil visées subsidiairement par la SCI [E] sont inapplicables. Elle soutient enfin que le poêle ne présentait aucun défaut et que la responsabilité de la société OLIGER ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1245-9 du code civil.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2023.
Motifs de la décision :
- Sur la présomption de responsabilité des locataires :
Aux termes de l'article 1733 du code civil, le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
En l'espèce, le chalet, propriété de la SCI [E], a été détruit en suite d'un incendie survenu le 22 décembre 2016, alors qu'il avait été donné à bail depuis le 1er juin 2016 à M. [Z] et Mme [N].
Si la SCI [E] et sa compagnie d'assurance font grief au premier juge d'avoir inversé la charge de la preuve pour écarter la présomption de responsabilité posée par l'article susvisé, ce dernier s'est cependant fondé sur l'expertise communiquée par les locataires pour écarter cette présomption et n'a nullement fait peser sur la SCI la démonstration d'une quelconque faute des preneurs.
L'expertise réalisé par M. [F] met en effet en exergue que l'incendie survenu le 22 décembre 2016 résulte de deux facteurs, l'un tenant à la 'distance de sécurité par rapport aux matériaux combustibles non respectée par M. [E] lors de la fabrication des caissons d'habillage et plus particulièrement celui réalisé en 2012" et l'autre tenant 'à la déformation de la voûte et plus particulièrement le trou formé en partie haute du poêle qui a joué sur l'évacuation de flammes et des gaz chauds'.
L'expert a ainsi conclu que le 'sinistre résultait d'une perturbation de fonctionnement du poêle dû à la déformation de sa voûte qui a entraîné la formation d'un trou en partie haute', qui a provoqué 'une élévation anormale de la température des fumées et gaz chauds lors du passage dans les conduits d'évacuation' et qui 'conjuguée au non-respect de la distance de sécurité par rapport aux matériaux combustibles ( NF DTU 24.1)', a généré le sinistre incendie par 'un phénomène de convection à l'intérieur puis à l'extérieur des caissons d'habillage'.
Si aucun élément ne permet d'établir que préalablement à l'intervention le 13 juillet 2016 de M. [A], ramoneur, la voûte du poêle était défectueuse, quand bien même l'ancien locataire a pu constater l'insuffisance du poêle pour atteindre une température de 19/21°, cet équipement, dont il appartenait au bailleur de vérifier la fiabilité à défaut de figurer au rang des réparations locatives prévues par le décret n° 87-712 du 26 août 1987, présentait manifestement un vice d'entretien, quand bien même l'état des lieux d'entrée n'aurait pas relevé d'anomalies sur ce dernier.
En effet, l'employeur ne justifie pas, à l'exclusion des entretiens annuels du conduit de cheminée, de l'examen et de la vérification dont le poêle aurait pu spécifiquement faire l'objet alors même que la voûte était une pièce d'usure et qu'elle devait être remplacée dans un délai non-déterminé dans la notice d'utilisation mais évalué à 15 ans selon M. [H] de la société OLIGER, comme le relève l'expert dans son rapport.
Or, ce défaut d'entretien du bailleur est assimilable à un vice de construction s'il est à l'origine de l'incendie ( Cass civ 3ème- 15 juin 2005 n° 04-12.243), ce qui est manifestement le cas en l'espèce.
En effet, contrairement ce que soutient l'appelante, l'expertise a exclu l'usage anormal par les locataires du poêle, indiquant que la consommation de stères de bois ressortait comme normale pour la période considérée, consommation qu'ont également confirmée les anciens locataires, de telle sorte qu'aucun élément ne permet de mettre en lien la déformation de la voûte avec une quelconque action des locataires et un 'effet de forge'.
Outre la détérioration de la voûte du poêle, l'expertise a retenu l'insuffisance de la distance de sécurité lors de la fabrication des caissons d'habillage par M. [E], lesquels présentaient une distance de 12,5 cm et de 18 cm au lieu des 45 cm imposés par la norme NF DTU 24.1 Fumisterie et constituaient de fait un vice de construction, comme le revendiquent à raison les locataires.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le lien étant fait entre les deux vices de construction et l'incendie, les locataires s'étaient exonérés de la présomption de responsabilité qui pesait sur eux et ne pouvaient en conséquence se voir rechercher en paiement, tout comme leur compagnie d'assurance, par la SCI et la société ACM-CIC ASSURANCES.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.
- Sur la responsabilité de la société OLIGER :
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendre impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a pas lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'article 1792-4 du code civil dispose quant à lui que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminée à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les article 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabriquant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.
Si à hauteur d'appel, la SCI se prévaut de ces fondements pour mettre en jeu la responsabilité de la société OLIGER, celle-ci et son assureur, la SA ALLIANZ IARD, rappellent cependant à raison que la société OLIGER France n'était aucunement liée avec la SCI par un contrat de louage d'ouvrage mais seulement par un contrat de vente d'un poêle.
En effet, quand bien même la société OLIGER a assuré, par le biais d'un sous-traitant, l'installation du poêle, cette intervention, qui ne représentait que 5,7 % du prix, qui ne tendait qu'à 'brancher' le poêle sur le conduit de fumée préexistant selon la facture de l'entreprise DARRIGADE et qui n'était en conséquence qu'un accessoire à l'obligation principale de vente, ne saurait caractériser 'une construction d'ouvrage' au sens de l' article 1792 du code civil.
Il n'est ainsi aucunement allégué et a fortiori démontré par l'appelante que le poêle aurait été construit spécifiquement pour la SCI et aurait au surplus nécessité la création d'un réseau de conduits d'évacuation ou la réalisation de travaux particuliers pour répondre aux contraintes de l'habitation existante. (Civ 1ère 14 décembre 1999 n° 97-19.620).
Le poêle constituait par ailleurs un mode de chauffage secondaire, l'habitation étant équipée de 'radiateurs électriques présents et fonctionnels' comme l'a relevé l'expert en page 24.
La responsabilité de la société OLIGER ne peut en conséquence être recherchée sur ces fondements.
Cette responsabilité ne saurait pas plus être mobilisée sur le fondement de l'article 1386-9 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige.
En effet, à supposer que la déformation importante au niveau de la voûte du poêle constatée par l'expert constitue un défaut au sens de cet article, la responsabilité de plein droit de la société OLIGER ne peut être retenue au titre des produits défectueux dès lors que, compte-tenu des circonstances qui ont permis une utilisation sereine de ce mode de chauffage pendant neuf ans, il ne peut qu'être déduit que le produit mis en circulation par cette société ne présentait pas le défaut et que ce dernier est manifestement né postérieurement, conformément aux dispositions de l'article 1386-11 du code civil dans sa rédaction en vigueur à cette date.
La participation indéniable de la SCI au dommage, par la fabrication de caisson d'habillage bois ne répondant pas aux normes applicables, constitue au surplus une cause d'exonération, partielle voire totale, de la société OLIGER , en application de l'article 1386-13 du code civil.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société OLIGER et de sa compagnie d'assurance.
- Sur la responsabilité de M. [A] :
Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que
l'inexécution provient du cause étrangère qui ne peut lui être imputée, sauf mauvaise foi de sa part.
En l'espèce, si la SCI reproche à M. [A], ramoneur, de ne pas avoir rempli à son égard son devoir de conseil ou de mise en garde en ne l'avisant pas, après son intervention du 13 juillet 2016, de l'état dégradé du pôele, cette dernière ne rapporte cependant pas la preuve, alors qu'une telle charge lui incombe, que le défaut préexistait à la réalisation du ramonage.
Au contraire, il ressort des propres conclusions de la SCI que lors de l'état des lieux d'entrée des locataires le 1er juin 2016, la voûte du poêle ne présentait aucun défaut et aucun élément ne vient démontrer que la déformation de la voûte serait apparue entre cette date et la visite du ramoneur, alors même que la période de chauffe n'avait manifestement pas débuté.
Par ailleurs, si la SCI revendique dans ces mêmes conclusions 'un vice interne, révélé par la fusion de la voûte', ce dernier ne pouvait cependant manifestement pas être observé par le ramoneur, dont l'intervention consistait selon ses explications à l'expert en 'un ramonage de la cheminée' par le passage d'un hérisson et non en 'un ramonage de chaudière' comme en témoignent les certificats produits.
Tout autant, il ne relevait pas des obligations contractées par M. [A] d'informer la SCI de la non-conformité des caissons, dès lors qu' il n'exécutait aucune intervention sur ces derniers.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la SCI de se demandes à l'encontre de M. [A] et de sa compagnie d'assurance.
- Sur l'indemnisation des préjudices de la SCI :
La SCI fait grief au premier juge de ne pas avoir fait droit à sa demande de versement des indemnités pour une 'reconstruction valeur à neuf' et de ne pas avoir recherché si, comme elle le demandait, la SA ACM-CIC ASSURANCES devait être condamnée à lui verser le montant correspondant à la valeur, même vétusté déduite, du préjudice fixé par l'expert judiciaire.
En l'espèce, l'expert judiciaire a fixé le coût :
- des travaux de démolition et préparation du chantier : 47 814 euros TTC
- des travaux de reconstruction : 360 223,36 euros TTC
- des frais de travaux (architecte, maîtrise d'oeuvre...) : 66 414,81 euros TTC
selon le devis de la société EBC et a proposé pour les postes 1 à 15 l'application d'un coefficient de vétusté de 20 %.
Si la SA ACM -CIC ASSURANCES conteste le caractère contradictoire de cette évaluation des dommages, soutenant que l'expert n'a pas provoqué une nouvelle rencontre des parties ni sollicité une explication de ces dernières sur l'évaluation ainsi proposée, cette évaluation a cependant été mise dans les présents débats et soumise à la contradiction des parties, lesquelles ont disposé d'un délai suffisamment long pour la critiquer et y apporter des modérations.
Or, si la SA ACM-CIC ASSURANCES conteste les frais imputés à la reprise complète du revêtement de sol, de la chappe et du complexe isolant, elle ne produit cependant aucune pièce de nature technique venant contredire la nécessité d'engager de tels travaux que la société EBC a pourtant estimé utile de mener avant de procéder à la reconstruction complète du chalet.
Aucun élément sérieux ne permet en conséquence d'écarter l'évaluation proposée par l'expert, comme la juste minoration qu'il a faite au titre de la vétusté dont le bâtiment était manifestement atteint.
Reste que la SA ACM-CIC ASSURANCES n'est tenue d'indemniser son assurée que dans la limite des clauses du contrat souscrit par cette dernière.
Or, les garanties prises par la SCI n'intègrent aucunement 'une garantie reconstruction à neuf pour les biens immobiliers avec un montant garanti illimité' comme le soutient à tort cette dernière.
Les conditions particulières dont elle se prévaut et qui doivent effectivement primer prévoient en effet expressément que les indemnisations ont lieu 'dans les limites et plafonds fixés aux présentes conditions particulières et conditions générales'. La mention ' sans limitation de somme' ne tend pas par ailleurs à définir le montant d'indemnisation alloué, mais la valeur initiale du bien immobilier garanti, lequel n'est effectivement soumis à aucun seuil maximal à la différence des biens mobiliers garantis dans la limite de 5 000 euros.
La SCI ne justifie pas en conséquence avoir souscrit une telle garantie spécifique comme d'avoir acquitté la surprime correspondante de telle sorte qu'elle ne peut revendiquer ni le remboursementà neuf ni le rejet de l'indmenité vétusté, cette dernière étant contractuellement prévue.
Seules doivent au contraire s'appliquer les stipulations des articles 11.1 et 11.4 des conditions générales, desquelles il résulte que les assurés avaient droit à une indemnité immédiate 'dite indemnité vétusté déduite', pouvant être limitée à la valeur vénale de l'immeuble et qui pouvait être complétée d'une 'indemnité différée dite valeur à neuf' correspondant au règlement de l'intégralité de la part de vétusté, sous réserve de la présentation des factures ou d'une somme correspondant à 25 % de la vétusté.
L'article 11.1 prévoit également que 'les bâtiments sont estimés d'après la valeur au prix de reconstruction au jour du sinistre, déduction faite, corps de métier par corps de métier, de la vétusté' et que 'dans tous les cas, l'indemnité ainsi déterminée ne pourra excéder la valeur de vente des biens avant sinistre'.
Cette stipulation est conforme aux dispositions de l'article L 121-1 du code des assurances précisant que l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité et que l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, de telle sorte que la SCI ne peut revendiquer l'indemnisation au-delà de la valeur vénale de son immeuble détruit.
Or, en l'état, le bien immobilier avant destruction de la SCI a été évalué à la somme de 215 000 euros, somme non contredite objectivement par l'appelante, et la valeur de reconstruction, vétusté déduite, à 372 015 euros.
C'est donc à raison que la compagnie d'assurance a limité l'indemnité immédiate à verser à son assurée à la somme de 215 000 euros correspondant à la valeur vénale.
Quant à l'indemnité différée dite 'valeur à neuf', à laquelle l'assurée pouvait prétendre, cette dernière était cependant dépendante, selon les stipulations de l'article 11-4, de la réalisation des travaux dans le délai de deux ans à compter du sinistre.
Ce délai, qui est sans lien avec celui prévu à l'article L 114-2 du code des assurance puisqu'il constitue une prescription contractuelle et non une prescription légale, n'est pas susceptible d'interruption de telle sorte qu'à défaut pour la SCI d'avoir engagé de tels travaux dans le délai requis, cette dernière n'est pas recevable à solliciter ce versement complémentaire.
Elle n'est pas plus recevable à soulever une quelconque mauvaise foi de la SA ACM-CIC ASSURANCES, cette dernière ayant manifestement rempli l'ensemble de ses obligations dans les délais impartis en présentant son offre d'indemnisation le 28 novembre 2018, et seule la SCI ayant tardé dans la réalisation des démarches qui n'incombaient qu'à elle-seule.
Il ne saurait en effet être reproché à la compagnie d'assurance l'opposition faite par la banque de la SCI sur les fonds alloués pour solder le prêt immobilier dont elle restait redevable. Tout autant, dès lors que l'expertise avait été diligentée, la SCI demeurait libre de disposer de son bien, contrairement à ce que cette dernière soutient en procédant à une interprétation erronée des articles 10.3 et 10.4 des conditions générales.
Enfin, la SCI reconnaît dans ses conclusions n'avoir engagé aucun travaux ni déposé de demande de permis de construire, de telle sorte qu'indépendamment de tout délai, les conditions posées à l'article 11.4 des conditions générales ne sont manifestement aucunement réunies.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de ses demandes formulées à l'encontre de la SA ACM-CIC ASSURANCES.
- Sur l'indemnisation des locataires :
La responsabilité des locataires ayant été écartée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI [E] à payer à la compagnie d'assurances Allianz, en sa qualité d'assureur des consorts [Z]-[N], la somme de 63 339 euros et in solidum avec la compagnie d'assurance ACM-CIC la somme de 54 214 euros TTC au titre de sa garantie, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019.
Quant à la demande reconventionnelle des locataires, il n'est pas contesté que leur préjudice a été contradictoirement fixé à la somme de 75 028 euros, selon procès-verbal signé par les experts des compagnies ACM-CIC ASSURANCES et ALLIANZ après expertises contradictoires des 25 juillet et 13 mars 2018 et que seule la somme de 63 339 euros leur a été versée par la SA ALLIANZ, en application des stipulations contractuelles.
Ces derniers sont donc parfaitement fondés à solliciter l'indemnisation de leur entier préjudice à leur bailleur, sans que ne puisse leur être opposée une quelconque limite de garantie.
Ils doivent également être dédommagés du préjudice moral subi, ce dernier, quand bien même il ne serait justifié par aucune pièce, étant indéniable.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ces chefs et la SCI [E] et sa compagnie d'assurance seront condamnés in solidum à payer à M. [R] [Z] et à Mme [J] [N] la somme de 11 689 euros au titre de leur préjudice matériel.
La SCI [E] sera également tenue à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, laquelle ne sera assortie d'aucune solidarité dès lors que l'article 27.2 des conditions générales de son assurance ne prévoit pas une telle garantie de la SA ACM-CIC ASSURANCES.
- Sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la SCI et de la SA ACM-CIC ASSURANCES les frais irrépétibles de première instance, lesquels incluent les frais de l'expertise judiciaire.
En effet, quand bien même les stipulations contractuelles n'incluent pas de tels frais dans la protection juridique souscrite par la SCI, la juridiction désigne souverainement les parties succombantes dont elle estime devoir supporter les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Il en est de même pour l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile relatives aux frais irrépétibles.
La SA ACM-CIC ASSURANCES sera en conséquence déboutée de son appel incident de ces chefs, cette dernière étant bien partie perdante en première instance.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande de garantie des frais de procédures engagés, dès lors que la garantie souscrite ne s'applique bien évidemment pas lorsque l' action est engagée contre l'assureur lui-même.
La SCI conservera par ailleurs à sa charge ses frais d'expertise amiable et d'huissier de justice, lesquels ne constituent pas des dépens mais des frais irrépétibles à défaut pour les professionnels concernés d'avoir été désignés par les premiers juges intervenus dans le présent litige, en application de l'article 695 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] et Mme [N] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et du préjudice matériel ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- Condamne solidairement la SCI [E] [T] et la SA ACM-CIC ASSURANCES à payer à M. [R] [Z] et à Mme [J] [N] la somme de 11 689 euros au titre du préjudice matériel ;
- Condamne la SCI [E] [T] à payer à M. [R] [Z] et à Mme [J] [N] la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
- Condamne in solidum la SCI [E] [T] et la SA ACM-CIC ASSURANCES aux dépens d'appel, avec autorisation donnée à Mme Texeira, avocat, de les recouvrer conformment aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Et vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum la SCI [E] [T] et la SA ACM-CIC ASSURANCES à payer :
* à la SA ALLIANZ IARD, ès qualités d'assureur de M. [R] [Z] et de Mme [J] [N], la somme de 4 000 euro ;
* à M. [A] et la SA AXA FRANCE IARD, ensemble, la somme de 3 000 euros ;
- condamne la SCI [E] [T] à payer :
* à la SA ALLIANZ IARD, ès qualités d'assureur de la société OLIGER, la somme de 3 000 euros ;
* à la SAS OLIGER France la somme de 3 000 euros ;
- et les déboute de leurs demandes présentées sur le même fondement.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,