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02/05/2023 | FRANCE | N°21/02130

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 02 mai 2023, 21/02130


ARRÊT N°



CS/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 02 MAI 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Audience publique du 28 février 2023

N° RG 21/02130 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EONF



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 23 novembre 2021 [RG N° 18/01634]

Code affaire : 32B

Demande en paiement formée contre le loueur et/ou le locataire-gérant





[Y] [K

] C/ S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE





PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [Y] [K]

né le 09 Novembre 1977 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Elodie CHESNEAU, avoca...

ARRÊT N°

CS/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 02 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Audience publique du 28 février 2023

N° RG 21/02130 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EONF

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 23 novembre 2021 [RG N° 18/01634]

Code affaire : 32B

Demande en paiement formée contre le loueur et/ou le locataire-gérant

[Y] [K] C/ S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [Y] [K]

né le 09 Novembre 1977 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Elodie CHESNEAU, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Jean-christophe BONFILS, avocat au barreau de DIJON

APPELANT

ET :

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

RCS de Saint-Etienne sous le n°428 268 023

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 28 février 2023 a été mise en délibéré au 02 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte sous seing privé daté du 6 septembre 2011, M. [Y] [K] s'est engagé en qualité de caution personnelle et solidaire des engagements de M. [J] [V] et Mme [L] [R] épouse [V] vis-à-vis de la SAS Distribution Casino France pour un montant de 12 000 euros et pour une durée de treize ans soit jusqu'au 6 septembre 2024.

Par contrat du 8 octobre 2011 complété par un avenant du même jour, M. [V] et Mme [R] ont signé avec la société Distribution Casino France une convention de cogérance mandataire non salariée à titre précaire de magasins de vente au détail, dans le cadre du remplacement des co-gérants titulaires lors de congés ou de vacance de poste.

Par contrat du 25 février 2012 complété par un avenant du même jour, ils se sont vu confier la co-gérance mandataire non-salariée du magasin exploité sous l'enseigne SPAR n° F2816 à [Localité 4].

Par un nouveau contrat du 30 mai 2013, la SAS Distribution Casino France a consenti à M. [V] et Mme [R] la cogérance mandataire non salariée du magasin exploité sous l'enseigne 'Petit Casino' n° F4009 situé [Adresse 3].

Par acte d'huissier de justice délivrée à personne le 31 juillet 2018, la société Distribution Casino France a fait citer M. [K] devant le tribunal de grande instance de Besançon au visa des articles 1134 et 2288 et suivants du code civil, aux fins de :

- voir constater que le solde débiteur du compte général de dépôt 'des époux [V]' s'élève à la somme de 15 490,78 euros ;

- faire condamner M. [K] à lui verser la somme de 12 000 euros outre intérêts de droit à compter du 24 février 2016, date de la première mise en demeure outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- voir ordonner la capitalisation des intérêts ;

- le voir condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.

M. [K] sollicitait en première instance le rejet des demandes en invoquant le fait que l'acte de cautionnement du 6 septembre 2011 n 'a été souscrit que pour l'exécution du premier contrat de cogérance intérimaire du 8 octobre 2011, que la société Distribution Casino France n'a pas respecté les conditions fixées par l 'article 22 B des accords collectifs du 18 juillet 1963 lors de la souscription du cautionnement et que l'acte de cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Par ordonnance du 24 janvier 2019, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Vesoul opposant la société Distribution Casino France aux débiteurs principaux, lequel a, par jugement rendu le 6 mars 2020, condamné solidairement ces derniers à payer à la société Distribution Casino France la somme de 15 490,78 euros outre intérêts avec capitalisation, ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement rendu le 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a, au bénéfice de l'exécution provisoire, condamné M. [K] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 12 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation de ceux-ci ainsi que la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'a débouté de sa demande présentée sur ce fondement et l'a condamné aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré qu'aux termes de l'article 2 de l'acte de cautionnement du 6 septembre 2011, la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son cautionnement, qu'elle reconnaît avoir pris connaissance du contrat de gérance mandataire non salarié liant le cautionné au créancier, qu'il lui appartient de suivre personnellement la situation du cautionné et que le créancier satisfera à son obligation annuelle d'inforrnation par la production d'un listing informatique faisant foi entre eux.

Par déclaration du 3 décembre 2021, M. [K] a interjeté appel de l'ensemble des chefs de ce jugement et conclut, selon ses dernières conclusions transmises le 15 septembre 2022, à son infirmation en demandant à la cour statuant à nouveau de débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes, de la condamner outre les entiers dépens à lui payer la somme de 6 522,10 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel et de 'dire' que l'indemnité de première instance de 800 euros mise à sa charge n'est pas due.

Il fait valoir :

- à titre principal, que l'acte de cautionnement du 6 septembre 2011 ne concerne que le contrat du 8 octobre 2011 auquel il est fait référence et relatif à une gestion intérimaire, dont il ne procède aucun déficit, et ne peut être étendu à d'autres contrats comportant au surplus un risque plus élevé, à savoir les contrats de gestion titulaire de magasins Spar et 'Petit Casino' des 25 février 2012 et 30 mai 2013 ;

- subsidiairement, au visa de l'article L. 341-4 du code de la consommation lequel n'est pas applicable qu'aux opérations de crédit, que le cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens, inexistants, ainsi qu'à ses revenus chiffrés à la somme de 18 220,99 aux cours des douze mois précédents ;

- encore plus subsidiairement, au visa de l'article 22-B des accords collectif du 18 juillet 1963 réglementant le statut des gérants mandataires non salariés, que le cautionnement n'a pas été régularisé à la signature du contrat de cogérance, que la société Distribution Casino France n'a pas respecté le plafonnement du cautionnement à 5 % de la valeur du stock et ne l'a pas tenu informé de la situation anormale d'inventaire des débiteurs principaux ;

- infiniment plus subsidiairement, que la dette principale est en cours de règlement sans défaillance par les débiteurs principaux selon le plan d'apurement arrêté par la commission de surendettement des particuliers du [Localité 5] du 30 avril 2021.

La société Distribution Casino France a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 31 mai 2022 pour demander à la cour la confirmation du jugement entrepris 'sauf à ramener la somme due en principal à 10 849,87 euros' correspondant au solde débiteur du compte général des débiteurs principaux et, y ajoutant, de condamner M. [K] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec capitalisation des intérêts, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle expose :

- que l'antériorité de l'engagement de caution par rapport au contrat de gestion est sans incidence, étant observé que la responsabilité pécunière des gérants intérimaires est identique à celle des gérants titulaires ;

- que l'article L. 332-1 du code de la consommation n'est applicable qu'aux opérations de crédit, tandis que la disproportion manifeste n'est pas établie ;

- concernant l'article 22-B des accords collectif du 18 juillet 1963, que si ce texte prévoit la possibilité pour la maison mère de solliciter des garanties de la part des gérants, il ne s'agit là que d'une faculté au moment de la signature du contrat tandis que le plafond de 5 % ne concerne que le cautionnement au titre du dépôt de garantie accordé par les cogérants mandataires non-salariés mais pas le contrat de caution régularisé par un tiers ;

- qu'elle a rempli son obligation d'information imposée par l'article 2293 du code civil en adressant à M. [K] des courriers portant à sa connaissance l'état du solde débiteur de M. [V] et Mme [R], tandis que la caution n'a pas mis fin à son engagement alors même qu'elle a été régulièrement informée de cette situation déficitaire ;

- que le plan de surendettement 'n'est pas opposable à la caution', M. [K] ayant renoncé au bénéfice de discussion et de division tandis que la dette ne sera réglée, le cas échéant, que lorsque les débiteurs principaux auront respecté l'intégraIité du plan et qu'il appartient ensuite à la caution d'exercer son recours contre ces débiteurs principaux.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 28 février suivant et mise en délibéré au 2 mai 2023.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, l'article 1134, devenu 1103 et 1104, du même code applicable au litige, dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Enfin, l'article 2292 du code précité dans sa version applicable au jour de la signature de l'acte de cautionnement, celui-ci ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

En l'espèce, si l'acte de cautionnement établi le 6 septembre 2011 a pour objet de garantir tous engagements de M. [V] et Mme [R] envers la société Casino Distribution France et précise que la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son cautionnement, il mentionne explicitement dans le même article 2 que 'la caution reconnaît avoir pris connaissance du contrat de gérance mandataire non salarié qui lie le cautionné au créancier'.

Il n'est pas contesté par les parties que cet engagement de caution constituait un préalable à la signature d'un contrat de gérance par M. [V] et Mme [R], ce qui a été réalisé le 8 octobre 2011.

Dès lors, 'le' contrat de gérance mandataire non salarié, au singulier, expressément visé dans l'acte de cautionnement, fait référence à celui dont la signature a été rendue possible le 8 octobre 2011 par la garantie consentie par M. [K].

Ainsi, si aux termes des dispositions contractuelles le changement de la situation du cautionné ne peut être valablement invoqué par la caution pour se soustraire à son engagement, cette disposition ne saurait être interprétée, au regard de l'effet relatif des contrats, comme étendant l'obligation de la caution à toute convention ultérieurement conclue par les débiteurs principaux avec le créancier et ayant une incidence sur le risque garanti, à plus forte raison alors que l'acte de cautionnement vise sans ambigïté un contrat de gérance au singulier, dans la perspective duquel la garantie a été octroyée à la société Distribution Casino France.

La cour relève d'ailleurs que la société Distribution Casino France a, par courrier daté du 7 décembre suivant adressé à ce dernier, visé précisément ce seul contrat de co-gérance en rappelant que son engagement avait pour objet de 'garantir conjointement et solidairement avec [les débiteurs principaux] les obligations découlant du contrat de gérance qu'ils ont régularisé' et en insistant sur le fait que la caution 'constitue une condition essentielle et indissociable de la formation et de l'exécution dudit contrat de cogérance et qu'elle a été déterminante dans sa conclusion'.

Par ce courrier, la société Distribution Casino France transmettait d'ailleurs à la caution la copie de l'acte de cautionnement et 'du contrat de gérance de Mr', soit nécessairement le seul contrat conclu avant le 7 décembre 2011.

Au surplus, le contrat de co-gérance du 8 octobre 2011 présentait un objet spécifique puisqu'il consistait en des seules fonctions de remplacement de gérants titulaires durant leurs congés ou de gestion provisoire d'un magasin.

Dès lors, si aux termes des dispositions prévues à l'article 1 du contrat, les co-gérants sont responsables de l'apurement des comptes découlant du contrat, cette responsabilité, bien que juridiquement identique à celle découlant des contrats de co-gérance de magasins spécifiques signés postérieurement les 25 février 2012 et 30 mai 2013, recouvre un volume d'activité nécessairement plus restreint lié au caractère intérimaire de la gestion de sorte que le risque n'est pas de même importance.

Or, il résulte de l'examen des arrêtés de compte après inventaire, du compte général de dépôt actualisé et des relevés de compte produits par la société Distribution Casino France que l'intégralité des sommes réclamées correspondent à des soldes débiteurs constitués postérieurement à la signature du contrat de co-gérance du magasin 'Petit Casino' le 30 mai 2013.

Ces considérations, relevant de l'appréciation des faits spécifiques au cas d'espèce, empêchent de considérer que l'acte de cautionnement signé le 6 septembre 2011 par M. [K] en référence au contrat de co-gérance intérimaire signé le 8 octobre suivant peut être valablement invoqué pour solliciter sa condamnation au règlement de dettes contractées dans le cadre de l'exécution de contrats de co-gérance ultérieurs pour lesquels aucun engagement n'a été expressément souscrit par la caution.

Le jugement dont appel donc infirmé en toutes ses dispositions et la société Distribution Casino France sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 23 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon ;

Statuant à nouveau :

Déboute la SAS Distribution Casino France de l'ensemble de ses demandes ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande et la condamne à payer à M. [Y] [K] la somme de 3 000 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02130
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;21.02130 ?
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