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02/05/2023 | FRANCE | N°21/01221

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 02 mai 2023, 21/01221


ARRÊT N°



CS/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 02 MAI 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Audience publique du 28 février 2023

N° RG 21/01221 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMVB



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE PROXIMITE DE LURE en date du 30 avril 2021 [RG N° 1118000354]

Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité





S.A. LE

ROY MERLIN FRANCE C/ [X] [J], [R] [U] épouse [J], S.A.R.L. JEANDEL GROSDEMANGE, S.A.M.C.V. MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE





PARTIES EN CAUSE :





S.A. LEROY MERLIN FRANCE

RC...

ARRÊT N°

CS/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 02 MAI 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Audience publique du 28 février 2023

N° RG 21/01221 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMVB

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE PROXIMITE DE LURE en date du 30 avril 2021 [RG N° 1118000354]

Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

S.A. LEROY MERLIN FRANCE C/ [X] [J], [R] [U] épouse [J], S.A.R.L. JEANDEL GROSDEMANGE, S.A.M.C.V. MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE

PARTIES EN CAUSE :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

RCS de Lille n°384 560 942

sise [Adresse 7]

Représentée par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me Philippe SIMONEAU de la SELARL ADEKWA, avocat au barreau de LILLE

APPELANTE

ET :

Monsieur [X] [J]

né le 12 Janvier 1959 à Rosendael

demeurant [Adresse 2] / FRANCE

Représenté par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON

Madame [R] [U] épouse [J]

née le 04 Avril 1957 à Vesoul

demeurant [Adresse 5] / FRANCE

Représentée par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON

S.A.R.L. JEANDEL GROSDEMANGE

RCS de Vesoul n°676 950 041

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

S.A.M.C.V. MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE

RCS n°775 709 702

sise [Adresse 3] / FRANCE

Représentée par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame Bénédicte MANTEAUX et Monsieur Cédric SAUNIER, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 28 février 2023 a été mise en délibéré au 02 mai 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

Faits, procédure et prétentions des parties

Selon facture n° 095878 du 28 octobre 2016, Monsieur [X] [J] et Madame [R] [U] ont acquis le même jour auprès de l'établissement exploité à [Localité 6] par la SA Leroy Merlin France un poêle à granulés de marque Freepoint modèle Pretty d'une puissance de 8,5 kw au prix de 1 266,50 euros TTC.

Les travaux d'installation du poêle, incluant la réalisation d'un tubage d'évacuation des fumées de diamètre 80 mm ont été réalisés le 15 novembre 2016 par la SARL Jeandel Grosdemange au prix de 1 793 euros TTC selon facture n° 05830 du 21 novembre suivant.

Après avoir procédé à la mise en service du poêle le 16 novembre 2016, l'EURL TP Energie est intervenue pour tenter de remédier à des bruits accompagnés de dégagement de fumées observés au cours du mois de novembre 2017.

Monsieur [J] et Madame [U] indiquent avoir cessé d'utiliser le poêle suite à l'ouverture subite de la porte de celui-ci survenue au début du mois de décembre 2017 et ayant entraîné des dépôts de suie.

La société Polyexpert, mandaté par la SAMCV Maif en qualité d'assureur protection juridique des acquéreurs, a procédé à une expertise amiable le 24 janvier 2018 en présence des sociétés Leroy Merlin France, Jeandel Grosdemange et TP Energie et a conclu au défaut de conformité du tubage ne dépassant pas de quarante centimètres du faîtage, en estimant le coût des travaux à la somme de 3 901,74 euros correspondant à la décontamination de l'immeuble ainsi qu'au remplacement du poêle à granulés à l'identique et à la remise en conformité de l'installation.

Par acte d'huissier de justice signifié le 22 octobre 2018, M. [J] et Mme [U] ont fait assigner devant le tribunal d'instance de Lure les sociétés Jeandel Grosdemange et Leroy Merlin France en sollicitant, au visa de l'obligation de délivrance conforme et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation in solidum de ces dernières à leur payer les sommes de 3 901,74 euros au principal, de 4 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance causé par l'absence de chauffage et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par jugement du 2 août 2019, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. [F] [P], lequel a établi son rapport le 15 mai 2020.

La société Maif est intervenue volontairement à la procédure en qualité d'assureur de M. [J] et de Mme [U]. Ils sollicitaient, outre frais irrépétibles et dépens et sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- que leur action soit déclarée recevable ;

- à titre principal, la condamnation de la société Leroy Merlin France à restituer à M. [J] et à Mme [U] le prix du poêle à granulés, outre les sommes indemnitaires de 1 227,80 euros au titre de leur préjudice matériel et de 4 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, ainsi que sa condamnation à payer à la société Maif la somme de 1 876,24 euros correspondant au oût du diagnostic de l'installation et du nettoyage ;

- à titre subsidiaire, la condamnation de la société Jeandel Grosdemange à payer à M. [J] et à Mme [U] les sommes de 2 491,30 euros en indemnisation de leur préjudice matériel et de 4 000 euros en indemnisation de leur trouble de jouissance, ainsi que sa condamnation à payer à la société Maif la somme de 1 876,24 euros.

En première instance, la société Leroy Merlin France sollicitait, outre frais irrépétibles et dépens:

- à titre principal, que l'action de M. [J] et Mme [U] soit déclarée irrecevable à défaut de démonstration de leur qualité à agir ;

- à titre subsidiaire, le rejet de leurs demandes à défaut d'établir un défaut de conformité et son antériorité à la conclusion du contrat nonobstant la présomption simple d'antériorité prévue par l'article L. 217-7 du code de la consommation, ainsi que le rejet des demandes formées par la société Maif ;

- à titre très subsidiaire, le rejet des demandes de dommages-intérêts formées par M. [J] et Mme [U] au titre de la franchise contractuelle, de la reprise des peintures et des plâtres ainsi que de leur préjudice moral ;

- en toute hypothèse, de dire n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Jeandel Grosdemange demandait au tribunal, outre frais irrépétibles et dépens :

- de déclarer M. [J] et Mme [U] irrecevables à défaut de démontrer leurs qualité et intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire et en tout état de cause, leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du caractère abusif de la procédure, du préjudice moral et de l'atteinte à son image de marque.

Par jugement du 30 avril 2021, le tribunal de proximité de Lure a :

- déclaré M. [J] et Mme [U] recevables en leurs demandes dirigées à l'encontre des sociétés Leroy Merlin France et Jeandel Grosdemange ;

- condamné la société Leroy Merlin France à restituer la somme de 1 266,50 euros correspondant au coût du poêle à granulés acquis par M. [J] et Mme [U] le 28 octobre 2016 ;

- l'a condamnée à récupérer, à ses frais, le poêle à granulés objet du litige dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, sauf meilleur accord entre les parties ;

- l'a condamnée à payer à M. [J] et à Mme [U] la somme de 1 000 euros au titre du trouble de jouissance et la somme de 227,80 euros au titre du préjudice matériel ;

- l'a condamnée à payer à la société Maif la somme de 1 876,24 euros ;

- l'a condamnée à payer à M. [J] et à Mme [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a débouté la société Jeandel Grosdemange de l'ensemble de ses demandes ;

- a rejeté toutes autres demandes ;

- a condamné la société Leroy Merlin France aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise ;

- a dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

- que l'article 12 du code de procédure civile confère au juge le pouvoir, lorsqu'une partie n'a invoqué aucun fondement juridique à l'appui de sa prétention, de rechercher d'office le fondement applicable et de vérifier que les conditions d'application de la loi sont remplies ;

- que le tribunal n'est pas tenu de statuer sur les demandes de 'dire' et 'juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens ;

- que l'action engagée par M. [J] et Mme [U] est recevable en considération de leur intérêt à agir lié à l'installation du poêle antérieurement à la vente de leur bien immobilier et au fait qu'ils étaient propriétaires de l'immeuble et du poêle à la date de l'assignation ;

- au visa des articles L. 217-4 et L. 217-7 du code de la consommation, que les dysfonctionnements du poêle apparus un an après son installation et le rendant impropre à son usage habituellement attendu ne sont, aux termes du rapport d'expertise judiciaire, pas liés à son installation mais à la désolidarisation d'une pièce de métal noir munie d'un pas de vis empêchant la fermeture de la porte et générant une prise d'air dans le foyer, le dévissage de cette pièce ayant pu intervenir lors de la fabrication du poêle, de son transport entre l'usine de fabrication située en Italie et le lieu de vente, de son transport entre le lieu de vente et l'habitation des acquéreurs ou lors de son fonctionnement et des manipulations de la porte ;

- que la société Leroy Merlin France, qui n'a pas donné une suite favorable à la mise en essai proposée aux parties par l'expert judiciaire, s'est privée de la possibilité de convaincre du fait que le dévissage serait la conséquence et non la cause du désordre ;

- que la même société n'établit pas que la mauvaise fixation de la pièce litigieuse n'existait pas à la date de la délivrance du poêle litigieux, alors que lorsque la cause du désordre n'est pas déterminée avec certitude, le doute profite au consommateur ;

- que dès lors le défaut de conformité de la pièce en métal noire équipée d'un pas de vis permettant la fermeture de la porte du poêle litigieux doit être retenu ;

- que la réparation du poêle n'est pas envisagée par l'expert judiciaire alors que son remplacement n'est pas opportun voire impossible en raison de la vente du bien immobilier, de sorte que le contrat de vente doit être résolu ;

- qu'indépendamment de la restitution du prix de vente et du poêle, la société Leroy Merlin France doit être condamnée à payer :

. d'une part à M. [J] et Mme [U] la somme de 125 euros corrrespondant au montant de la franchise d'assurance, ainsi que le coût de 102,80 euros du poêle à gaz acquis pour palier la mise hors service du poêle litigieux et la somme de 1 000 euros en indemnisation de leur préjudices de jouissance et moral, étant précisé qu'ils ne justifient pas du coût des travaux de plâtrerie et de peinture qu'ils invoquent ;

. d'autre part la somme de 1 876,24 euros à la société Maif au titre des frais de décontamination réglés par celle-ci ;

- que la société Jeandel Grosdemange ne démonte pas le caractère abusif des demandes présentées par M. [J] et Mme [U].

Par déclaration du 5 juillet 2021, la société Leroy Merlin France a interjeté appel de l'ensemble des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Jeandel Grosdemange de l'ensemble de ses demandes et a dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Selon ses dernières conclusions transmises le 27 janvier 2022, elle conclut à son infirmation et demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer M. [J] et Mme [U] irrecevables en leur action faute pour ces derniers de démontrer leur qualité à agir ;

- subsidiairement, de les débouter de l'ensemble de leurs dirigées à son encontre, de débouter la société Maif de l'ensemble de ses demandes et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

Elle fait valoir :

- concernant la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir :

. que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du demandeur est admise lorsque l'instance a été introduite par une personnne ayant ultérieurement cédé l'intégralité de ses droits à un tiers, seul l'acquéreur ayant dès lors qualité à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun accessoire de la chose ;

. que le poêle constitue un immeuble par destination du fait de son rattachement fixe et durable à l'immeuble par nature que constitue la maison, de sorte que M. [J] et Mme [U] sont irrecevables à agir suite à la cession dudit bien immobilier ;

- au fond, que la suppression du conduit d'évacuation des fumées a empêché l'expert judiciaire de constater l'existence d'éventuels désordres, alors même que la désolidarisation de la pièce en métal noire comportant un pas de vis n'est pas datée ni causée ;

- que dès lors M. [J] et Mme [U], qui supportent la charge de la preuve, ne caractérisent pas le défaut de délivrance conforme étant observé qu'aucune disposition ne prévoit que le doute sur l'origine d'un désordre profite au seul consommateur ;

- que par ailleurs la présomption prévue à l'article L. 217-1 du code de la consommation porte sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l'existence du défaut lui-même ;

- que le rapport d'expertise amiable produit par les demandeurs à l'appui de leur assignation a conclu à une mauvaise installation du poêle ;

- qu'à supposer que le dévissage de la pièce métallique constitue un défaut de conformité, celui-ci ne peut être apparu que postérieurement à la conclusion du contrat de vente, alors même que le poêle a été utilisé sans difficulté pendant toute la saison de chauffe 2016/2017.

M. [J], Mme [U] et la société Maif ont formé appel incident et répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 23 décembre 2021 en sollicitant à titre principal la confirmation du jugement critiqué et à titre subsidiaire son infirmation sauf en ce qu'il les a déclarés recevables en leurs demandes et sollicitent de la cour statuant à nouveau de condamner la société Jeandel Grosdemange à payer, outre les dépens comprenant les frais d'expertise :

- à la société Maif la somme de 1 876,24 euros en principal ;

- à M. [J] et Mme [U] les sommes indemnitaires de 2 494,30 euros au titre de leur préjudice matériel et de 4 000 euros au titre de leur trouble de jouissance, ainsi que celle de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel.

Ils font valoir :

- concernant la recevabilité de leur demande :

. que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par des circonstances postérieures ;

. que l'intérêt à agir, au succès ou au rejet d'une prétention, s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice ;

. qu'il résulte des articles 528 et 525 du code civil que le poêle à granulés ne constitue pas un immeuble par destination mais un bien meuble, en ce qu'il est transportable et a d'ailleurs été déplacé, son enlèvement n'ayant pas altéré la substance de la maison alors même qu'il constituait un chauffage d'appoint ;

. que le poêle à granulés n'a fait l'objet d'aucune cession à un tiers ;

- concernant le défaut de conformité :

. que celui-ci se déduit de l'explosion du poêle et du rapport d'expertise judiciaire 'bien que l'expert n'ait pas pu le constater directement', le dévissage d'une pièce ne permettant pas au matériel de fonctionner correctement ;

. qu'aux termes de l'article L. 217-7 du code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien sont présumés exister lors de la délivrance, sauf preuve contraire non rapportée ;

- subsidiairement, que l'installation du poêle par la société Jeandel Grosdemange n'a pas été réalisée conformément aux prescriptions du manuel d'installation, à défaut de tubage dépassant de quarante centimètres du faitage, cet élément étant à l'origine de l'explosion survenue le 5 décembre 2017 indépendamment du fait que le poêle a fonctionné normalement pendant la première saison.

La société Jeandel Grosdemange a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 9 mars 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner in solidum M. [J] et Mme [U] 'voire la société Leroy Merlin France' à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil.

Elle expose :

- que M. [J] et Mme [U] ont perdu leurs qualité et intérêt à agir en cédant leur bien immobilier ;

- qu'ils ont modifié intégralement leur installation avant d'engager la procédure judiciaire et ont refusé de faire analyser le poêle, de sorte que l'expert judiciaire n'a pu qu'émettre des hypothèses;

- qu'elle même n'a pas réalisé l'installation du poêle, mais s'est limitée à la réalisation d'un tubage et à la fourniture et pose d'un chauffe-eau ;

- que l'expert n'a pu constater la non-conformité du tubage en sortie de toiture.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 25 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de M. [J], Mme [U] et la société Maif de leur demande de radiation de l'appel pour défaut d'exécution du jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 28 février suivant et mise en délibéré au 2 mai 2023.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

- Sur la recevabilité de l'action formée par M. [J] et Mme [U],

L'article 122 du code de procédure civile définit les fins de non-recevoir comme les moyens qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du code précité, l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention.

En application de l'article 32 du code précité, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Il est constant que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures.

En l'espèce, il résulte de l'examen de l'acte introductif d'instance signifié le 22 octobre 2018 par lequel M. [J] et Mme [U] ont fait assigner devant le tribunal d'instance de Lure les sociétés Jeandel Grosdemange et Leroy Merlin France que les demandeurs demeuraient [Adresse 4], cette adresse correspondant à celle figurant sur les factures établies par les défenderesses.

L'adresse de M. [J] et Mme [U] à la date de cet acte introductif est confortée par le fait que l'expert judiciaire indique avoir procédé le 29 novembre 2019 à une réunion d'expertise au domicile de M. [J] et Mme [U] à l'adresse susmentionnée, étant observé que ni la société Jeandel Grosdemange ni la société Leroy Merlin France ne contestent ce point.

Dès lors, le juge de première instance a, à bon droit, écarté les fins de non-recevoir et déclaré recevable l'action engagée par M. [J] et Mme [U]. Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé sur ce point.

- Sur les demandes indemnitaires formées par M. [J], Mme [U] et la société Maif,

En application de l'article L. 217-4 du code de la consommation, en vigueur à la date de conclusion du contrat de vente du poêle litigieux, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.

L'article L. 217-5 du même code précise que le bien est conforme au contrat :

- s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant, s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle et s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

- ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

L'article L. 217-4 du code précité dispose que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.

Il résulte des articles L. 217-9 à L. 217-11 du code de la consommation qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.

Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.

Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

Ces dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages-intérêts.

Enfin, en application de l'article 1147 du code civil applicable au litige devenu l'article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Etant rappelé que l'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions, la cour constate que la retranscription de la nature et de la chronologie d'apparition des désordres dans le courriel établi le 5 décembre 2017 par M. [J], dans le rapport d'expertise amiable du 4 octobre 2018 et dans le rapport d'expertise judiciaire du 15 mai 2020 n'est fondée que sur les seules déclarations de M. [J] lui-même.

La facture n° 2166 du 22 novembre 2017 établit que la société TP Energie a réalisé une intervention de recherche de panne et indique avoir relevé la présence d'eau dans le tampon suite à des infiltrations.

Par ailleurs, la non conformité de l'installation d'évacuation des fumées est mentionnée, sans aucune autre précision de mesurage notamment ni photographie probante, dans le diagnostic établi le 27 février 2018 par la SAS SDHV sous la référence 11078 et dans le rapport d'expertise amiable susmentionné.

Ces pièces n'établissent cependant pas le rôle causal des constatations effectuées dans la survenance du sinistre déclaré à la société Maif et ayant donné lieu à la cessation de l'utilisation du poêle.

M. [P], désigné en qualité d'expert judiciaire, a, en l'absence notable d'essai du poêle concerné, constaté le seul dévissage d'une pièce de métal noire du corps de l'appareil, montée en usine.

Il en a déduit que les dysfonctionnements de l'appareil, non constatés mais seulement 'décrits par le maître d'ouvrage', sont 'essentiellement dus à la mauvaise fixation et ensuite la désolidarisation de cette pièce'.

Il a précisé que cette pièce 'a pu être fragilisée ou se dévisser' soit lors de la fabrication du poêle, soit lors de son transport entre l'usine de fabrication située en Italie et le lieu de vente, soit lors de son transport entre le lieu de vente et le lieu de pose, soit encore lors de son fonctionnement et des manipulations de la porte du foyer, sans être en mesure d'identifier à quelle étape la désolidarisation est intervenue. Selon lui, le désordre n'a pu intervenir lors des opérations de fumisterie et n'a pu être cause uniquement par 'l'explosion' décrite par M. [J] et Mme [U].

En réponse au dire d'une partie, l'expert a précisé que la présence d'eau dans le tampon constatée par la société TP Energie peut avoir pour origine soit un défaut d'étanchéité de la toiture ou du conduit, soit une condensation des produits de combustion dans le conduit de fumée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'expert n'a pas constaté lui-même les désordres allégués à défaut de test de l'appareil et n'a pas été en mesure d'identifier avec précision la ou les causes exhaustives des désordres rapportés par M. [J] et Mme [U].

Au surplus, à supposer que le dévissage d'une pièce de métal du corps de l'appareil, montée en usine, constitue l'unique cause des dysfonctionnements avérés, l'expert judiciaire indique expressément ne pas être en mesure d'identifier si ce dévissage s'est produit lors de la fabrication du poêle, lors de l'une des opérations de transport de celui-ci ou lors de son utilisation.

La cour relève à cet égard que l'expertise amiable, pourtant réalisée le 24 janvier 2018 soit près de deux ans avant la réunion d'expertise judiciaire organisée le 29 novembre 2019, ne mentionne aucune désolidarisation de pièce de l'appareil, constatée ou rapportée par les assurés.

En l'état de ces seules suppositions et alors même qu'il n'appartient pas à la société Leroy Merlin France d'établir, en tout état de cause, que la désolidarisation de la pièce s'est produite postérieurement à la date de délivrance de l'appareil, M. [J] et Mme [U] ne produisent pas la preuve d'un défaut de conformité de celui-ci.

Le jugement critiqué sera donc infirmé et M. [J], Mme [U] et la Maif seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société Leroy Merlin France.

Pour les mêmes motifs résultant de l'absence de preuve d'imputation du dysfonctionnement allégué du poêle, alors même que la non conformité de l'installation d'évacuation des fumées est seulement rapportée par de simples affirmations générales et lacunaires dans le diagnostic établi le 27 février 2018 par la société SDHVet dans le rapport d'expertise amiable sans être corroborée par aucun élément précis, les demandes formées subsidiairement par M. [J], Mme [U] et la Maif à l'encontre de la société Jeandel Grosdemange seront rejetées.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 30 avril 2021 par le tribunal de proximité de Lure, sauf en ce qu'il a d'une part déclaré M. [X] [J] et Mme [R] [U] recevables en leurs demandes formées formées à l'encontre de la SA Leroy Merlin France et de la SARL Jeandel Grosdemange et d'autre part rejeté toutes autres demandes;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, vu l'évolution du litige :

Déboute M. [X] [J], Mme [R] [U] et la SAMCV Maif de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la SA Leroy Merlin France ;

Déboute M. [X] [J], Mme [R] [U] et la SAMCV Maif de l'ensemble de leurs demandes formées subsidiairement à l'encontre de la SARL Jeandel Grosdemange ;

Condamne M. [X] [J], Mme [R] [U] et la SAMCV Maif aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [X] [J], Mme [R] [U] et la SAMCV Maif de leurs demandes et :

- condamne in solidum M. [X] [J] et Mme [R] [U] à payer à la SARL Jeandel Grosdemange la somme de 1 000 euros ;

- condamne M. [X] [J], Mme [R] [U] et la SAMCV Maif à payer à la SA Leroy Merlin France la somme de 1 000 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01221
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;21.01221 ?
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