ARRÊT N°
FD/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 20 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique
du 16 Février 2023
N° de rôle : N° RG 22/01264 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERIR
S/appel d'une décision
du Juge de l'exécution de Belfort
en date du 30 juin 2022 [RG N° 21/00623]
Code affaire : 78K
Demande en nullité et/ou de mainlevée d'une mesure conservatoire
[K] [N] C/ [V] [D]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [K] [N]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 5]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD
APPELANT
ET :
Madame [V] [D]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5], de nationalité française, décoratrice, demeurant [Adresse 4]
Comparante en personne
Représentée par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame Florence DOMENEGO, conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame Florence DEMENEGO, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur Michel WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 16 février 2023 a été mise en délibéré au 20 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits et prétentions des parties :
De l'union de Mme [V] [D] et de M. [K] [N] sont nées [Z] et [G].
En suite de la séparation du couple, le juge aux affaires familiales a fixé la contribution paternelle aux frais d'éducation et d'entretien des deux enfants à la somme de 105 euros, par mois et par enfant, dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2013, pension alimentaire qui a été réduite à la somme de 90 euros par ordonnance du juge de la mise en état du 10 mars 2017, puis supprimée avec effet rétroactif au 1er avril 2018 dans le jugement de divorce du 7 janvier 2019.
L'ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2013 a également mis à la charge de M. [N] une pension alimentaire de 400 euros en faveur de Mme [D] au titre du devoir de secours, laquelle a cessé lors du prononcé du divorce.
Par acte d'huissier en date du 12 juillet 2021, Mme [D] a fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes bancaires détenus par M. [N] dans les livres de la SA BNP PARIBAS pour un montant de 1 247,80 euros, qui a été dénoncée à ce dernier par acte d'huissier en date du 16 juillet 2021.
Contestant cette saisie, M. [K] [N] a saisi le 3 août 2021 le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Belfort, lequel a, dans son jugement du 30 juin 2022 :
- déclaré irrecevable la contestation formée par M.[N] ;
- déclaré la demande indemnitaire formée par Mme [D] pour le compte de [Z] [N] (irrecevable) à défaut de qualité à agir ;
- débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. [N] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles ;
- condamné M. [N] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que si M. [N] avait contesté dans le délai légal la saisie attribution pratiquée, il ne justifiait cependant pas avoir dénoncé à l'huissier instrumentaire sa contestation de saisie , laquelle était en conséquence irrecevable ;
- que [Z] [N] étant majeure, Mme [D] n'avait pas qualité à agir en son nom ;
- que l'intention de nuire de M. [N] n'était pas établie et que Mme [D] ne rapportait pas la preuve au surplus d'un préjudice autre que celui résultant des frais exposés pour sa défense.
Par déclaration en date du 27 juillet 2022, M. [N] a relevé appel de cette décision
Dans ses dernières conclusions transmises le 2 septembre 2022, M. [N] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable sa contestation, l'a débouté de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles et l'a condamné aux dépens et statuant à nouveau ;
- déclarer sa contestation recevable ;
- ordonner la mainlevée immédiate de la saisie attribution pratiquée pour le compte de Mme [D] sur les comptes ouverts à son nom auprès de la SA BNP PARIBAS ;
- condamner Mme [D] à rembourser à M. [N] les frais pour la saisie pratiquée de manière concomitante auprès de la banque CIC EST ;
- condamner Mme [D] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouter Mme [D] de ses demandes ;
- la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
A l'appui, M. [N] soutient principalement avoir acquitté les sommes, objet de la saisie-attribution, et ne pouvoir en conséquence être recherché une deuxième fois en paiement.
L'intimée a constitué avocat le 29 août 2022, lequel n'a pas conclu et a indiqué dans une lettre du 14 septembre 2022 ne plus intervenir pour le compte de Mme [D].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.
Motifs de la décision :
A titre liminaire, il sera rappelé qu'en application de l'article 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, comme c'est le cas en l'espèce, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline.
Dès lors qu'aucune nouvelle constitution n'est intervenue au soutien des intérêts de Mme [D], l'avocat qui s'était initialement constitué pour elle n'est pas déchargé de son mandat, et continue de la représenter valablement.
- Sur la recevabilité de la contestation de la saisie attribution :
Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
L'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
En l'espèce, si le premier juge a déclaré irrecevable la demande de M. [N] à défaut de justifier d'avoir dénoncé à l'huissier instrumentaire sa contestation de saisie, l'appelant produit cependant à hauteur de cour la copie du courrier adressé par pli recommandé en date du 3 août 2021 informant la SCP LEXLEGATI de son recours et son accusé de réception en date du 5 août 2021 desquels il résulte que l'intéressé a parfaitement rempli les obligations de forme posées par l'article susvisé.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et M. [N] sera déclaré recevable en sa contestation de la saisie attribution opérée sur ses comptes ouverts à la SA BNP PARIBAS.
- Sur le bien fondé de la saisie-attribution :
Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'organisation judiciaire, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation, en application de l'article L. 111-6 du même code.
En l'espèce, la saisie attribution litigieuse a été pratiquée le 12 juillet 2021 aux fins d'obtenir le paiement d'un arriéré de deux mois de contribution aux frais d'éducation et d'entretien dus pour [Z] à hauteur de 180 euros et de trois mois de devoir de secours à hauteur de 570 euros.
Il n'est pas contesté à hauteur de cour que Mme [D] disposait de titres exécutoires pour ce faire, la saisie litigieuse ayant été opérée aux visas de l'ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort en date du 1er juillet 2013, de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 4 juillet 2014 et du jugement de divorce du 7 janvier 2019, ayant fait l'objet d'un acquiescement des parties les 24 et 31 janvier 2019, décisions toutes définitives.
Si M. [N] soutient que les sommes ainsi saisies auprès de la SA BNP PARIBAS, n'étaient pas dues, ce dernier ne rapporte cependant pas la preuve d'avoir acquitté la pension alimentaire échue pour les frais d'éducation et d'entretien de sa fille [Z], pour les mois de février et mars 2018, alors même qu'une telle charge de la preuve lui incombe en application de l'article 1353 du code civil.
M. [N] ne produit ainsi aucun relevé contemporain de ses comptes bancaires ou autre document permettant de démontrer que ce dernier aurait payé la contribution aux frais d'éducation et d'entretien de sa fille aînée jusqu'au terme de cette obligation.
Au contraire, le courrier du conseil de M. [N] en date du 4 juin 2019 confirme que ce père a interrompu tout paiement en faveur de sa fille [Z] à compter de 2016, alors même que son obligation n'a cessé qu'au 1er avril 2018 selon le jugement de divorce.
Quant à l'obligation de secours, si M. [N] soutient avoir également acquitté les arriérés de pension alimentaire qui restaient en souffrance, ce dernier ne se réfère cependant qu'aux mois d'octobre, novembre et décembre 2013, lesquels ne fondent pas la présente demande de saisie.
En effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, la saisie attribution litigieuse concerne l'année 2016, période au cours de laquelle d'une part, M. [N] a réduit sa participation financière envers son épouse, comme en témoignent le procès-verbal de saisie lui-même et le courrier adressée par Mme [D] à sa fille [G] (pièce 4), et pour laquelle d'autre part, il ne justifie d'aucune régularisation ultérieure.
Aucun élément ne vient ainsi établir que la dette de M. [N] contractée au titre de ses obligations paternelles et conjugales a été éteinte par le paiement qu'il en a effectué spontanément ou de manière forcée.
Il n'est pas plus démontré que cette dette a été compensée par celle que Mme [D] a elle-même contractée à l'égard de leur deuxième fille. En effet, si le courrier (pièce 4) met en exergue que Mme [D] a déduit la somme de 190 euros sur la pension qu'elle devait pour sa fille [G] en septembre 2019, les éléments exposés par cette mère en première instance et repris par le premier juge dans sa décision indiquent qu'en suite de cette retenue, elle a fait l'objet d'une saisie attribution de la part de M. [N] pour obtenir le recouvrement de la totalité des sommes qu'elle avait ainsi éludées.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que Mme [D] justifiait bien d'une créance liquide et exigible pour faire procéder à la saisie attribution à hauteur de 750 euros en principal, outre les frais et les intérêts échus.
Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la mainlevée immédiate de la saisie attribution pratiquée pour le compte de Mme [D] sur les comptes ouverts au nom de M. [K] [N] auprès de la SA BNP PARIBAS.
M. [N] sera en conséquence débouté de ce chef de demande, comme de sa demande subséquente de dommages et intérêts pour procédure abusive.
M. [N] sera également débouté de sa demande tendant au remboursement des frais de la saisie opérée à la même date et sur le fondement de la même créance par Mme [D] auprès de la banque CIC EST ( pièce 5), dès lors que l'appelant reconnaît lui- même dans ses conclusions que la mainlevée de cette saisie a été effectuée par l'huissier instrumentaire, sans en préciser toutefois les raisons et sans justifier des frais qui auraient pu être maintenus à sa charge.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :
- Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Belfort en date du 30 juin 2022, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation de M. [K] [N] ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
- Déclare recevable la contestation de M. [K] [N] à l'encontre de la saisie attribution opérée sur ses comptes ouverts à la SA BNP PARIBAS et dénoncée à sa personne le 16 juillet 2021 ;
- Dit que cette saisie attribution est cependant bien fondée en son principe et en son montant ;
- Déboute en conséquence M. [K] [N] de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée immédiate de la saisie attribution pratiquée pour le compte de Mme [D] sur ses comptes ouverts auprès de la SA BNP PARIBAS ;
- Déboute M. [N] de ses autres demandes ;
- Condamne M. [N] aux dépens d'appel ;
- et vu l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,