ARRÊT N°
FD/ FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 20 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique
du 16 Février 2023
N° de rôle : N° RG 22/01251 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERHS
S/appel d'une décision
du Juge des contentieux de la protection de BESANCON
en date du 21 juin 2022 [RG N° 1222000157]
Code affaire : 51A
Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d'assurance et ordonner l'expulsion
[S] [L], [B] [J] C/ [E] [N] [O] [G]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 7] ([Localité 7]), de nationalité française, sans profession,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 25056/2022/846 du 04/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
Madame [B] [J]
née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 8] ([Localité 8]), de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/00845 du 04/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
APPELANTS
ET :
Monsieur [E] [N] [O] [G]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 6], de nationalité française, menuisier,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Emmanuel SANCEY, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame Florence DOMENEGO, conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame Florence DEMENEGO, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur Michel WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 16 février 2023 a été mise en délibéré au 20 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits et prétentions des parties :
Selon acte sous seing privé en date du 25 septembre 2019, M. [E] [G] a donné à bail à M. [S] [L] et Mme [B] [J] un logement sis [Adresse 1] (25) moyennant un loyer mensuel de 603 euros.
En suite de loyers demeurés impayés, M. [E] [G] a fait délivrer le 10 novembre 2021 à M. [S] [L] et Mme [B] [J] un commandement de payer rappelant la clause résolutoire, lequel est demeuré infructueux.
A défaut pour les locataires d'avoir régularisé paiement des sommes ainsi dues, M. [E] [G] a saisi en référé le 2 mars 2022 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Besançon, lequel a, dans son ordonnance du 21 juin 2022 :
- constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 11 janvier 2022 ;
- condamné solidairement M. [L], dans la limite de 2 997,67 euros, et Mme [J] à payer à M. [G], à titre de provision, la somme de 5 034,51 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges échus au 31 mai 2022, avec intérêts au taux légal sur la somme de 2 036,84 euros à compter du 10 novembre 2021, du 2 mars 2022 pour le surplus, dans la limite de 3 884,17 euros, et à compter de la présente décision pour le restant dû ;
- condamné solidairement M. [L] et Mme [J] à payer à M. [G] une indemnité mensuelle d'occupation de 603,93 euros à compter du 11 janvier 2022 et jusqu'à libération effective des lieux ;
- ordonné à M. [L] et Mme [J] de libérer les lieux loués de tous occupants et de tous biens ;
- ordonné à défaut leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef dans le délai de deux mois suivant la signification du commandement de quitter les lieux, si besoin avec le concours de la force publique ;
- condamné M. [L] et Mme [J] à payer à M. [G] la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [L] et Mme [J] aux dépens, qui comprendront le coût du commandement de payer du 10 novembre 2021.
Par déclaration en date du 25 juillet 2022, M. [S] [L] et Mme [B] [J] ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 20 octobre 2022,M. [S] [L] et Mme [B] [J] demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses ispositions l'ordonnance de référé en date du 21 juin 2022 et statuant à nouveau :
- leur accorder des délais de paiement d'une durée de trois ans afin de régler leur dette locative ;
- juger que la solidarité entre eux se limitera à la somme de 1 278,21 euros concernant M. [L] ;
- débouter M. [E] [G] de toutes ses demandes et prétentions et ce compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 26 septembre 2022, M. [E] [G] demande à la cour de :
- juger l'appel de M. [L] et Mme [J] tant irrecevable que mal fondé ;
- débouter M. [L] et Mme [J] de toutes leurs demandes ;
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 juin 2022 sauf à actualiser la dette de loyer ;
- au titre de l'arriéré locatif, condamner solidairement par provision M. [L] et Mme [J], la solidarité du règlement de la dette concernant M. [L] s'appliquant au-delà de la somme de 2 036,84 euros effacée, soit en l'espèce la somme de 1 281,21 euros, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, la somme de 3 315,05 euros de loyer et impayés au 23 septembre 2022, sous réserve des loyers à échoir ;
- condamner sous la même solidarité M. [L] et Mme [J] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et charges qui aurait dû être versé en cas de continuation du bail à compter du 11 janvier 2022 jusqu'au jour où les lieux auront été libérés et ce avec indexation ;
- condamner in solidum M. [L] et Mme [J] à lui payer la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Emmanuel Sancey, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2023.
Motifs de la décision :
- Sur la recevabilité de la demande de délais :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'absence de constitution en première instance d'une partie ne dispense pas la cour de rechercher si les demandes, nouvellement émises par une partie se constituant en appel, remplissent les conditions posées par les articles 564 et suivants du code de procédure civile. (Cass civ 2ème 20 mai 2021 n° 20-14339)
En l'espèce, M. [L] et Mme [J] sollicitent à hauteur de cour l'octroi de délais de paiement pour s'acquitter de leur dette locative et s'opposer ainsi au jeu de la clause résolutoire insérée au bail.
Si le bailleur soulève l'irrecevabilité de cette prétention dans le corps de ses dernières écritures, il ne formule toutefois à cet égard aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ces mêmes conclusions, qui seules saisissent la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.
Au surplus, cette demande, certes nouvelle, est cependant reconventionnelle dès lors qu'elle tend à obtenir un autre avantage que le simple rejet de la prétention de son adversaire, ce qu'autorise l'article 567 du code de procédure civile.
Elle porte par ailleurs sur l'application de la clause résolutoire et présente donc un lien manifeste et suffisant avec l'instance en résiliation de bail engagée, conformément à l'article 70 du code de procédure civile.
- Sur le bien fondé de l'appel :
Aux termes des articles 7 et 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus, et à défaut de satisfaire à une telle obligation et en présence d'une clause expresse stipulée dans le contrat, le bail peut être résilié de plein droit après un commandement de payer demeuré infructueux pendant plus de deux mois.
En l'espèce, M. [G] a fait délivrer le 10 novembre 2021 à M. [L] et Mme [J] un commandement rappelant la clause résolutoire insérée au bail en raison d'impayés locatifs, queles intéressés n'ont pas régularisés dans le délai de deux mois imparti, de telle sorte que le premier juge a constaté l'acquisition de cette clause et la résiliation subséquente du contrat de bail au 11 janvier 2022.
Si M. [L] et Mme [J] contestent implicitement cette résiliation du bail et sollicitent la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement pour s'acquitter de leur dette locative, ces derniers ne contestent cependant pas présenter au 10 février 2023 une dette locative à hauteur de 3 315,05 euros selon le dernier décompte communiqué par la SAS Agence Trilogie. (Pièce 16-1).
Or, il se déduit de ce décompte que si les locataires ont certes repris, avec le concours de l'aide personnalisée au logement, le paiement de leur loyer courant depuis le mois d'août 2022, ils n'ont cependant versé aucune somme au titre de l'arriéré de loyers qu'ils ont laissé s'accumuler de telle sorte que leur dette locative demeure identique depuis le mois d'août 2022.
Les avis d'imposition qu'ils produisent par ailleurs pour les revenus 2021 ne font état que d'un revenu de 8 052 euros annuels pour M. [L], soit 671 euros mensuels, et de 0 euros pour Mme [J], revenus qui ressortent en l'état totalement insuffisants pour faire face à leurs obligations contractuelles.
Leur situation sur 2022 est au surplus inconnue, aucun pièce n'étant communiquée en ce sens et les conclusions ne s'expliquant pas sur les revenus actuellement dégagés par le couple.
Enfin, la commission de surendettement des particuliers du Doubs a constaté l'inadéquation des ressources du couple avec le loyer et a ainsi expressément préconisé leur déménagement dans l'avis motivé qu'elle a pris pour adopter la mesure de rétablissement personnel dans sa séance du 30 décembre 2021, compte-tenu de lasituation financière très dégradée de ce débiteur et de sa compagne. L'examen de l'état détaillé des créances met au surplus en exergue que les locataires, ou à tout le moins M. [L] seul déposant, étaient également débiteurs de leur ancien bailleur à hauteur de 9 937,19 euros.
M. [L] et Mme [J] n'apparaissent pas en conséquence en situation de régler leur dette locative dans le délai de trois ans prévus à l'article 24-V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, une telle perspective ne pouvant se déduire exclusivement de l'hypothétique indemnisation qu'espère obtenir M. [L] dans l'instance prud'homale engagée à l'encontre de son ancien employeur et dont il a été en grande partie débouté en première instance.
C'est donc à bon droit que le premier juge a tiré les conséquences du commandement de payer rappelant la clause résolutoire et a constaté la résiliation du bail consenti par M. [G] à M. [L] et Mme [J] à compter du 11 janvier 2022.
M. [L] et Mme [J] seront en conséquence déboutés de leur demande de délais de paiement et le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, sauf à actualiser les sommes restant dues au titre des arriérés de loyers.
L'ordonnance entreprise sera infirmée de ce dernier chef, les locataires étant condamnés solidairement à acquitter, à titre de provision, la somme de 1 281,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2021, pour tenir compte de la dette effacée à hauteur de 2 036,84 euros dans le plan de surendettement, et Mme [J] seule la somme de 2 033,84 euros avec intérêts au 23 septembre 2022.
Quand bien même les appelants bénéficient de l'aide juridictionnelle, l'équité ne commande pas de priver M. [G] d'une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager en première instance et à hauteur d'appel compte-tenu des circonstances de l'espèce.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
- Déboute M. [L] et Mme [J] de leur demande de délais de paiement et de suspension implicite des effets de la clause résolutoire insérée au bail ;
- Confirme l'ordonnance de référé prise par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Besançon en date du 21 juin 2022, sauf en ce qu'elle a fixé la créance locative à la somme de 5 034,51 euros ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
- Fixe la créance due à M. [G] au titre des loyers impayés au 10 février 2023 à la somme de 3 315,05 euros ;
- Condamne solidairement M. [S] [L] et Mme [B] [J] à payer à M. [E] [G], à titre de provision, la somme de 1 281,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2021 et condamne Mme [J] à payer seule au bailleur la somme de 2 033,84 euros avec intérêts au 23 septembre 2022 ;
- Condamne in solidum M. [S] [L] et Mme [B] [J] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon règles propres à l'aide juridictionnelle avec autorisation donnée à M. [M] [P], avocat, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [L] et Mme [J] à payer à M. [E] [G] la somme de 1 000 euros et les déboute de leur demande présentée sur le même fondement.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,