ARRÊT N°
FD/ FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 20 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique
du 16 Février 2023
N° de rôle : N° RG 21/02039 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOHS
S/appel d'une décision
du Juge des contentieux de la protection de VESOUL
en date du 27 juillet 2021 [RG N° 21/00108]
Code affaire : 51A
Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d'assurance et ordonner l'expulsion
[P] [F] C/ [R] [X], [C] [L], [N] [L] épouse [D]
PARTIES EN CAUSE :
Madame [P] [F]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 11] (MAROC)
de nationalité française,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Hélène GUILLIER, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 25056/2021/5630 du 21/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
APPELANTE
ET :
Madame [R] [X]
née le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 9], de nationalité française,
demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Virginie LEONARD de la SELARL LEONARD VIENNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
Monsieur [C] [L]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 10], de nationalité française,
demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Virginie LEONARD de la SELARL LEONARD VIENNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
Madame [N] [L] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 10], de nationalité française,
demeurant [Adresse 8]
Représentée par Me Virginie LEONARD de la SELARL LEONARD VIENNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame Florence DOMENEGO, conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame Florence DEMENEGO, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur Michel WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 16 février 2023 a été mise en délibéré au 20 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
Faits et prétentions des parties :
Selon acte sous seing privé en date du 9 mars 2009, M. et Mme [J] [L] ont donné à bail à Mme [P] [F] un logement sis [Adresse 5], moyennant un loyer de 495 euros.
En suite de loyers demeurés impayés, Mme [R] [X] veuve [L] et M. [C] [L] et Mme [N] [L] épouse [D], venant aux droits de M. [J] [L], ont fait délivrer le 21 décembre 2020 à Mme [F] un commandement de payer rappelant la clause résolutoire, qui est demeuré infructueux.
A défaut pour la locataire d'avoir régularisé paiement des sommes ainsi dues, Mme [R] [X] veuve [L], M. [C] [L] et Mme [N] [L] épouse [D] ont saisi le 23 février 2021 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vesoul, lequel a, dans son jugement du 27 juillet 2021 :
- prononcé la résiliation du bail ;
- condamné Mme [F] à payer aux époux [L] la somme de 4 043,79 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges échus au 10 mai 2021 ;
- dit que Mme [F] devait restituer le logement, en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs ;
- ordonné à défaut son expulsion et celle de tous occupants de son chef dans le délai de deux mois suivant la signification du commandement de quitter les lieux, si besoin avec le concours de la force publique ;
- dit qu'il n'y a pas lieu à autre délai supplémentaire tendant à l'évacuation du logement ;
- dit qu'à compter du présent jugement, Mme [F] sera occupante sans droit ni titre ;
- condamné Mme [F] à payer une indemnité d'occupation égale à 526 euros à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ définitif ;
- condamné Mme [F] à payer aux époux [L] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [F] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que Mme [F] n'avait pas respecté son obligation de paiement du loyer aux termes convenus ; que cette inexécution constituait une violation grave et répétée des obligations de la locataire et justifiait la résiliation judiciaire du bail, seule demande formulée dans l'assignation.
Par déclaration en date du 20 novembre 2021, Mme [F] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises le 21 février 2022, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- juger que les consorts [L] ne justifient pas de leur créance ;
- la réduire dans de très fortes proportions ;
- juger en tout état de cause que cette dernière ne peut être supérieure à la somme de 2 257,17 euros actualisée au 21 février 2022 ;
- lui accorder les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette ;
- subsidiairement, en cas de résiliation de bail et d'expulsion, lui accorder les plus larges délais de paiement pour procéder à la libération des lieux ;
- condamner in solidum les consorts [L] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec droit pour Mme [Y] [B], avocat, de se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 21 juillet 2022, Mme [R] [X] veuve [L], M. [C] [L] et Mme [N] [L] épouse [D], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire et non la résiliation de plein droit du bail ;
- juger que la clause résolutoire est acquise de plein droit et en conséquence, prononcer la résiliation de plein droit du bail ;
- condamner Mme [F] à leur payer la somme de 3 024,96 euros au titre des loyers et charges impayés au 10 mars 2022 ;
- condamner Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel ;
- confirmer le jugement pour le surplus ;
- débouter Mme [F] de son appel et de ses demandes ;
- subsidiairement, confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme [F] à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2023.
Motifs de la décision :
- Sur la résiliation du bail :
Aux termes des articles 4 et 12 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminée par les prétentions respectives des parties et il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et en restituant aux faits leur exacte qualification.
Le premier juge a prononcé la résiliation judiciaire du bail, soutenant n'avoir été saisi que d'une telle demande par les bailleurs dans leur acte introductif d'instance et dans les développements faits à l'audience.
Les bailleurs contestent une telle appréciation et rappellent à raison qu'ils ont présenté en dernier lieu devant la juridiction une demande de résiliation de plein droit du bail, du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, comme en témoignent leurs conclusions remises et soutenues à l'audience du 5 juillet 2021.
La procédure devant le juge des contentieux de la protection étant orale, une telle demande se substituait à celle présentée dans l'acte introductif d'instance.
C'est donc à tort que le premier juge a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail, alors qu'il n'était saisi que d'une demande de résiliation de plein droit sur le visa des articles 7 et 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, aux termes desquels le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus, et à défaut de satisfaire à une telle obligation et en présence d'une clause expresse stipulée dans le contrat, le bail peut être résilié de plein droit après un commandement de payer demeuré infructueux pendant plus de deux mois.
En l'espèce, les bailleurs ont fait délivrer le 21 décembre 2020 un commandement rappelant la clause résolutoire insérée au bail à Mme [F] en raison d'impayés locatifs que cette dernière n'a pas régularisés dans le délai de deux mois imparti, de telle sorte que les consorts [L] sont parfaitement recevables à solliciter la constatation de l'acquisition de cette clause et la résiliation subséquente du contrat de bail au 21 février 2021.
En effet, contrairement à ce que soutient Mme [F], sa dette locative est certaine et s'élevait au 21 décembre 2020 à la somme de 3 242,29 euros en principal au titre des loyers échus impayés depuis le 5 août 2017, selon le décompte précis reprenant ses versements ponctuels et ceux de la caisse d'allocations familiales effectués pour le compte de cette locataire.
Si Mme [F] sollicite de se voir accorder des délais de paiement et implicitement de voir suspendre les effets de la clause résolutoire, la cour relève cependant que la locataire a d'ores et déjà bénéficié les 10 octobre 2018 et 6 février 2020 de deux plans d'apurement de sa dette à l'initiative de la caisse, lesquels se sont soldés par un échec.
La locataire a par ailleurs interrompu tout paiement à compter du mois de mai 2020 et n'a repris le paiement du loyer courant dans son intégralité qu'à compter du mois d'août 2021, en suite de l'audience devant le juge des contentieux de la protection, sans pour autant acquitter le passif locatif, lequel s'élevait au 13 février 2022 à la somme de 3 348,54 euros. (Pièce 11).
Si Mme [F] démontre acquitter une somme de 40 euros mensuels entre les mains de l'huissier instrumentaire depuis avril 2022, cette somme ressort cependant comme parfaitement inadaptée et insuffisante pour apurer le passif restant dû dans le délai de trois ans prévu à l'article 24-V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. La locataire ne justifie au surplus d'aucune perspective d'évolution de sa situation financière, cette dernière venant au contraire d'être reconnue handicapée par la MDPH et attributaire d'une allocation aux adultes handicapés par décision du 6 septembre 2022.
La clause résolutoire incluse au bail du 9 mars 2009 doit donc produire ses effets et conduire à la résiliation de plein droit du bail avec effet au 21 février 2021, à défaut pour la locataire d'apparaître en situation de solder sa dette.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce sens, mais confirmé en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la locataire et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution des lieux et la remise des clefs.
La créance locative sera actualisée à la somme de 3 024,96 euros au 10 mars 2022, selon décompte produit par la créancière et non remis en cause par les pièces produites par l'appelante, qui se prévaut sans en justifier aucunement d'une dette à hauteur de 2 257,17 euros, alors que cette charge lui incombe en application de l'article 1353 du code civil.
- Sur la demande de délais :
Aux termes de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
En l'espèce, si Mme [F] sollicite le bénéfice d'un délai de trois ans pour quitter le logement, cette dernière ne justifie cependant pas de son impossibilité à pouvoir se reloger dans des conditions normales.
Cette preuve qu'il appartient à la locataire de rapporter ne saurait résulter des seuls faits qu'elle a dû subir une opération chirurgicale en février 2022 et qu'elle est mère d'un enfant de 17 ans scolarisé au lycée [12] de [Localité 13]. Mme [F] ne justifie au surplus de l'engagement d'aucune démarche en vue de son relogement auprès des bailleurs sociaux de [Localité 13] et de l'échec de ces dernières.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à délai supplémentaire tendant à l'évacuation du logement.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :
- Confirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vesoul en date du 27 juillet 2021, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail, dit que la locataire était occupante sans droit ni titre du logement à compter du jugement et fixé la créance locative à la somme de 4 043,79 euros ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- Dit n'y avoir lieu à suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail du 9 mars 2009 et constate son acquisition au 21 février 2021 ;
- Constate en conséquence la résiliation de plein droit du bail conclu entre les époux [L] et Mme [F] au 21 février 2021 ;
- Dit que depuis cette date, Mme [P] [F] est occupante sans droit ni titre du logement sis [Adresse 5] (70) ;
- Condamne Mme [P] [F] à payer à Mme [R] [X] veuve [L], M. [C] [L] et Mme [N] [L] épouse [D] la somme de 3 024,96 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation restant dus au 10 mars 2022 ;
- Condamne Mme [F] aux dépens, lesquels seront recouvrés selon les règles propres à l'aide juridictionnelle ;
- et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [P] [F] à payer à Mme [R] [X] veuve [L], M. [C] [L] et Mme [N] [L] épouse [D] la somme de 1 000 euros, lesquels comprendront le coût du commandement de payer, et la déboute de sa demande présentée sur le même fondement.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,