ARRÊT N°
CS/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 18 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 14 février 2023
N° de rôle : N° RG 21/01448 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENCF
S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 21 mai 2021 [RG N° 2020J56]
Code affaire : 55B Action en responsabilité exercée contre le transporteur
S.A.R.L. BMJE AUTO DEUTSCHLAND C/ S.A.R.L. BCV TRANSP. VENANT AUX DROITS DE LA SARL PRESSEXPRESS
PARTIES EN CAUSE :
S.A.R.L. BMJE AUTO DEUTSCHLAND Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Lons le Saunier sous le numéro 753 572 296
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas LEGER de la SELARL BPS, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
S.A.R.L. BCV TRANSP. Venant aux droit de la SARL PRESSEXPRESS, immatriculée au RCS de Lons le Saunier sous le numéro ,843 679 283
Sise[Adresse 1]
Représentée par Me Julien VERNET, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Cédric SAUNIER, magistrat rédacteur.
L'affaire, plaidée à l'audience du 14 février 2023 a été mise en délibéré au 18 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Il n'est pas contesté entre les parties que le 20 février 2019, la société Blue Fox a mandaté les sociétés UPS, d'une part, et Chronopost, d'autre part, afin de transporter deux colis distincts entreposés dans les locaux de la SARL BMJE Auto Deutschland.
La SARL Pressexpress, radiée le 3 mai 2021 suite à une opération de fusion avec effet au 28 février 2021 et à laquelle la société BCV Transp. vient aux droits, indique avoir été chargée en qualité de sous-traitante de la société Chronopost de l'enlèvement du colis étiqueté 'Chronopost'.
Aux termes des écritures déposées par les parties, alors que les deux colis susvisés ont été pris en charge le 21 février 2019 par la société Pressexpress par l'intermédiaire de son salarié M.
[W] [X], puis déposés à l'agence Chronopost située à [Localité 3], le colis étiqueté 'UPS', contenant selon la société BMJE Auto Deutschland une pièce automobile d'une valeur de 1 477,90 euros, a été égaré.
La société BMJE Auto Deutschland indique avoir mis en demeure, en vain, la société Pressexpress en premier lieu de l'indemniser par courrier du 18 mai 2019 et par courrier simple du 6 septembre 2019 établi par le GIE Civis, puis en second lieu d'effectuer une déclaration de sinistre à son assureur par courrier du 12 décembre suivant.
Par acte introductif d'instance signifié le 22 septembre 2020, la société BMJE Auto Deutschland a assigné la société Pressexpress devant le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier aux fins de la voir condamner, sur le fondement de l'article 1242 du code civil et outre frais irrépétibles et dépens, à lui verser la somme de 3 817,90 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel outre celle de 4 000 euros au titre de son préjudice moral.
La société Pressexpress, sollicitant le rejet des demandes, invoquait en première instance, d'une part, une faute commise par le salarié de la demanderesse lors de la prise en charge du colis litigieux et, d'autre part, la responsabilité de la société UPS.
Par jugement rendu le 21 mai 2021, le tribunal de commerce a débouté la société BMJE Auto Deutschland de l'intégralité de ses demandes, a laissé les dépens à la charge de cette dernière et a rejeté toutes autres demandes.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que si le lien entre la société Pressexpress et son salarié préposé n'est pas contesté, la demanderesse ne caractérise pas la faute commise par ce dernier étant observé que le colis litigieux a été remis par ce salarié au centre Chronopost.
Par déclaration du 28 juillet 2021, la société BMJE Auto Deutschland a régulièrement interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions et, selon ses premières et dernières conclusions transmises le 22 octobre 2021, elle conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau sur le fondement de l'article 1242 du code civil, de condamner la société Pressexpress à lui verser la somme de 3 817,90 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel, la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir :
- que M. [X], qui ne détenait qu'un seul bon d'enlèvement pour le colis étiqueté 'Chronopost', a pourtant déposé dans son véhicule deux colis, dont l'un étiqueté 'UPS' ;
- que celui-ci a reconnu son erreur devant son gérant M. [D] [N], avant de revenir sur ses déclarations suite au refus de son assureur personnel de prendre en charge le sinistre ;
- que son propre salarié M. [O] [Y] s'est limité à aider M. [X] à porter les colis ;
- qu'il en résulte que la responsabilité civile de la société Pressexpress est engagée en raison de la faute de son préposé ;
- qu'elle subi un préjudice matériel correspondant au prix de la pièce soit 1 477,92 euros, aux frais de mise à disposition d'un véhicule pendant soixante-dix-huit jours soit 2 340 euros, ainsi qu'un préjudice moral au titre de l'atteinte à son image de marque et à sa réputation chiffré à la somme de 4 000 euros.
La SARL BCV Transp. a répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 15 janvier 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de son conseil.
Elle expose que le tribunal a, pour d'exacts motifs, rejeté la demande indemnitaire à défaut pour la société BMJE Auto Deutschland d'établir la faute de M. [X], alors même que M. [Y] a lui-même commis une faute de négligence.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 février suivant et mise en délibéré au 18 avril 2023.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
Aux termes de l'article 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Ainsi, les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
En l'espèce et comme relevé à bon droit par le juge de première instance, la qualité de préposé de M. [X] vis-à-vis de son employeur, la société Pressexpress, lors de l'opération de transport litigieuse n'est pas contestée.
Par ailleurs et indépendamment de l'absence de production de toute pièce relative à l'opération de transport malgré les affirmations des parties sur le déroulement de celle-ci, aucune d'entre-elles ne remet en cause le fait que M. [X], chargé d'un transport, a emporté dans son camion non seulement le colis étiqueté 'Chronopost' mais aussi, à tort, un second colis étiqueté 'UPS'.
L'enlèvement parfaitement conscient de deux colis est corroboré par les attestations établies tant le 23 septembre 2019 par M. [X] lui-même que le 26 novembre 2020 par M. [Y].
Si les versions des deux susnommés divergent sur le rôle exact du second dans le chargement du colis litigieux étiqueté 'UPS', ce point est sans incidence sur le fait que M. [X] a emporté un colis pour lequel il n'était pas missionné, alors même qu'il n'est pas démontré une capacité de M. [Y] de détecter l'erreur de chargement.
Par ailleurs, le fait que le transporteur indique avoir déposé le colis étiqueté 'UPS' au sein de l'agence Chronopost de Chemaudin, en faisant donc valoir ne pas être responsable de sa perte, est sans rapport avec l'enlèvement dudit colis sans mandat à cette fin.
Dès lors, M. [X], salarié de la société Pressexpress, a commis une faute en emportant sciemment un colis pour lequel il n'était chargé d'aucune instruction d'enlèvement, tandis que le fait qu'un salarié de la société BMJE Auto Deutschland ait participé en tout ou partie au chargement et que le colis ait ensuite été déposé dans une agence Chronopost ne sont pas de nature à influer sur ce caractère fautif, à charge pour la société responsable de se retourner contre toute autre personne qu'elle estimerait fautive dans la perte du colis litigieux.
Le jugement dont appel sera donc infirmé et la société BCV Transp., venant aux droits de la société Pressexpress, sera condamnée à payer à la société BMJE Auto Deutschland la somme de 1 477,92 euros correspondant au prix d'achat de la pièce acquise par cette dernière à la SAS Savy Dijon selon facture DVM002953 du 2 mai 2019.
Par ailleurs, en considération de l'atteinte à l'image et à la réputation de la société BMJE Auto Deutschland liée à son défaut de fiabilité en raison d'une immobilisation prolongée du véhicule en réparation, la société BCV Transp., venant aux droits de la société Pressexpress, sera condamnée à lui payer la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, tandis que la société BMJE Auto Deutschland sera déboutée pour le surplus.
La demande indemnitaire formée par la société BMJE Auto Deutschland au titre du remboursement des frais de location d'un véhicule qui aurait été mis à disposition de M. [O] [K] sera cependant rejetée, dans la mesure où d'une part celle-ci n'établit pas que la pièce contenue dans le colis égaré ait été spécifiquement destinée au véhicule de ce dernier et d'autre part le document produit par la société BMJE Auto Deutschland au soutien de sa demande indemnitaire à hauteur de 2 340 euros a été établie par elle-même et ne consiste qu'en un seul devis de location.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 21 mais 2021 par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier en ce qu'il a débouté la SARL BMJE Auto Deutschland de l'intégralité de ses demandes et a laissé les dépens à la charge de cette dernière;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la SARL BCV Transp., venant aux droits de la SARL Pressexpress, à payer à la SARL BMJE Auto Deutschland :
- la somme de 1 477,92 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ;
- la somme de 500 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ;
La déboute du surplus de sa demande indemnitaire ;
Condamne la SARL BCV Transp., venant aux droits de la SARL Pressexpress, aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SARL BCV Transp., venant aux droits de la SARL Pressexpress, de sa demande et la condamne à payer à la SARL BMJE Auto Deutschland la somme de 2 000 euros.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,