ARRÊT N°
JFL/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 18 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 14 février 2023
N° de rôle : N° RG 21/01117 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMOK
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 04 mai 2021 [RG N° 18/01774]
Code affaire : 50A Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
[E] [W], [F] [N] épouse [W] C/ [X] [C] épouse [O], [P] [O]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [E] [W]
né le 12 Octobre 1979 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
Madame [F] [N] épouse [W]
née le 12 Juin 1985 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTS
ET :
Madame [X] [C] épouse [O]
née le 17 Janvier 1964 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Laure FROSSARD de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [P] [O]
né le 18 Septembre 1965 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Laure FROSSARD de la SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 14 février 2023 a été mise en délibéré au 18 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé du litige
Monsieur [E] [W] et son épouse Mme [F] [N] (les consorts [W]) ont acquis de M. [P] [O] et de son épouse Mme [X] [C] (les consorts [O]), le 9 février 2016, un appartement et deux garages faisant partie d'un ensemble immobilier sis à [Localité 5], au prix de 189 000 euros.
Constatant un dégât des eaux peu après leur entrée dans les lieux, les acquéreurs ont fait neutraliser une importante fuite d'eau dans la chape du sol. Relevant cependant la persistance de phénomènes humides, ils ont fait réaliser plusieurs expertises amiables, puis une expertise judiciaire, et, le 7 août 2018, ont assigné les vendeurs en résolution de la vente et dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés, ou subsidiairement sur celui du dol.
Le tribunal judiciaire de Besançon, par jugement du 4 mai 2021, les a déboutés de toutes leurs demandes, les a condamnés solidairement à payer aux consorts [O] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et à payer les dépens, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que la garantie des constructeurs prévue à l'article 1792 du code civil était inapplicable dès lors que rien ne montrait que les vendeurs soient les constructeurs de l'appartement litigieux ; que si la présence d'une canalisation d'eau fuyarde noyée dans la chape avait été découverte peu après la vente, puis mise hors service, les divers rapports produits aux débats montraient que les désordres avaient pour origine un processus de remontées capillaires dans les murs de la maison qui avait perduré malgré le remplacement de la tuyauterie défectueuse ; que ces défauts préexistaient à la vente, rendaient l'appartement impropre à son usage et constituaient des vices cachés, mais qu'aucun élément ne démontrait que les vendeurs en avaient connaissance, et qu'en conséquence la clause exonératoire de garantie stipulée dans l'acte de vente devait s'appliquer. Sur le dol, le premier juge a estimé que les attestations produites par les vendeurs, de même que les photographies annexées à la déclaration de l'agent immobilier et à l'estimation de valeur rédigée par le notaire, montraient que l'appartement ne présentait aucune trace d'humidité au moment de la vente, de sorte que les vendeurs n'avaient pu dissimuler un phénomène qui ne s'était pas encore manifesté ; et qu'en outre la bonne foi des vendeurs avait été précédemment retenue.
Les consorts [W] ont interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 21 juin 2021. L'appel critique expressément tous les chefs de jugement sauf le non-lieu à exécution provisoire.
Par conclusions transmises le 21 janvier 2022 visant les articles 1641, 1240 et suivants, 1103, 1104, 1116 et suivants, 1217, 1231 et suivants, 1792 et suivants du code civil, les appelants demandent à la cour d'infirmer les dispositions critiquées et de :
à titre principal,
- prononcer la résolution de la vente ;
- dire que les vendeurs reprendront leur bien ;
- les condamner in solidum à rembourser le prix de vente avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- les condamner in solidum à leur payer les sommes de 'pour mémoire' au titre des travaux réalisés dans la maison, des frais de notaire et d'agence, des frais bancaires de l'emprunt et des cotisations d'assurance-emprunteur ;
- rejeter les demandes des vendeurs ;
à titre subsidiaire ;
- dire que les consorts [O] ont engagé leur responsabilité ;
- les condamner in solidum à leur payer la somme de 64 988,12 euros au titre des travaux de réfection des désordres ;
- les condamner in solidum à leur payer 20 000 euros sauf à parfaire en réparation de leur préjudice financier ;
- rejeter leurs demandes ;
en tout état de cause,
- condamner les consorts [O] à leur payer 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;
- rejeter leurs demandes ;
- les condamner in solidum à leur payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens d'appel et de première instance comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Lucie Teixeira, avocat.
Les appelants soutiennent que les époux [O] ont la qualité de constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil dès lors qu'ils avaient fait réaliser d'importants travaux de rénovation en 2008, 2010 et 2011, c'est à dire moins de dix ans avant la vente ; que l'importance, la persistance et l'étendue des phénomènes d'humidité étaient de nature à rendre l'habitation impropre à sa destination ; que les époux [O] avaient nécessairement connaissance des désordres au moment de la vente ; que la clause d'exonération de garantie est sans application dès lors que les vendeurs étaient de mauvaise foi ; que les époux [O] ont commis un dol sur les qualités du bien déterminantes de leur consentement en s'abstenant d'informer leurs acquéreurs des vices affectant le bien et en usant de manoeuvres pour conduire les acquéreurs à contracter ; qu'aux travaux de reprises d'un montant de 22 500 euros préconisés par l'expert, dont l'efficacité est aléatoire, doit être préférée la solution d'un cuvelage, s'élevant selon devis à un total de 64 998,12 euros ; qu'ils subissent un préjudice financier du fait de ne pouvoir occuper leur logement pendant quatre mois, à raison de 4 860 euros de frais de relogement mensuel, soit au total 19 440 euros, outre frais de déménagement, stockage des meubles du rez-de-chaussée et réemménagement, pour un total de 20 000 euros ; qu'ils subissent enfin un préjudice moral au regard de la santé de leurs enfants affectée par la qualité de l'air, du fait qu'il s'agissait de leur première acquisition, et qu'ils ont dû subir désordres, expertise et préjudice de jouissance.
Les consorts [O], par conclusions transmises le 14 octobre 2021 visant les articles 1641 et suivants, 1130 et suivants du code civil, indiquant porter appel incident mais ne comportant aucune demande d'infirmation, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [W] de l'ensemble de leurs demandes ;
subsidiairement,
- dire qu'ils ne peuvent être tenus à dommages et intérêts en sus de la restitution du prix ;
- réduire les prétentions financières des consorts [W] ;
'et statuant à nouveau',
- condamner solidairement les consorts [W] à leur payer la somme de 2 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance ;
y ajoutant,
- les condamner solidairement à leur payer la même somme de 2 500 euros chacun pour les frais irrépétibles d'appel ;
- les condamner in solidum aux dépens d'appel.
Les intimés soutiennent que les travaux de rénovation qu'ils ont fait réaliser ne concernent pas les désordres allégués et ne peuvent justifier la résolution de la vente, et ce d'autant que les acquéreurs ont eux-mêmes fait réaliser des travaux avec pose d'un film de polyane ayant selon l'expert accentué l'humidité ; que la vente comporte une clause d'exclusion de garantie, applicable dès lors qu'ils sont vendeurs profanes et ignoraient l'existence du vice allégué ; qu'au demeurant les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies, dès lors que si les vices étaient effectivement cachés, ils sont postérieurs à la vente, ayant été déclenchés par la fuite constatée le 10 février 2016, et ne sont pas assez graves pour diminuer suffisamment l'usage de l'appartement, l'expert ayant justement retenu que la famille [O] y avait résidé de 1995 à 2015 et que la famille [W] y résidait depuis mars 2016 ; qu'en tout cas l'ignorance des vendeurs exclut qu'ils soient tenus à des dommages et intérêts au-delà de la restitution du prix ; que l'absence de connaissance des vices par les vendeurs à la date de la vente empêche de retenir qu'ils les aient dissimulés aux acquéreurs ; que les acquéreurs ne démontrent pas l'insuffisance du procédé préconisé par l'expert, ni la supériorité de celui pour lequel ils produisent des devis d'un coût trois fois plus élevé ; que les frais de relogement demandés sont exorbitants et au demeurant non nécessaires, l'expert judiciaire ayant précisé qu'ils pourraient rester dans leur logement pendant les travaux ; que le prétendu préjudice moral n'est conforté par aucun élément de preuve.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée le 17 janvier 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 14 février 2023 et mise en délibéré au 18 avril suivant.
Motifs de la décision
Le débat engagé par les parties sur la garantie des constructeurs prévue aux articles 1792 et suivants du code civil est sans objet dès lors que cette garantie n'a pas pour effet la résolution du contrat telle que poursuivie par les acquéreurs, et dès lors qu'elle n'est pas le fondement invoqué au soutien de leurs demandes indemnitaires, de sorte que son application est indifférente à l'issue des chefs de litiges soumis à la cour.
Adoptant les motifs circonstanciés et pertinents par lesquels le premier juge a exactement retenu que le bien vendu était affecté de vices cachés à la date de la vente mais qu'il n'était pas établi que les vendeurs en avaient connaissance, de sorte que la clause exonératoire de garantie était applicable et empêchait la résolution de la vente, et adoptant encore les motifs tout aussi exacts par lesquels le premier juge a retenu que l'ignorance des vices par les vendeurs excluait qu'ils aient pu, en les cachant, commettre un dol entraînant l'annulation de la vente, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a débouté les acquéreurs de leurs demandes en résolution ou subsidiairement annulation du contrat, ainsi que de leurs demandes indemnitaires subséquentes.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement rendu entre les parties le 4 mai 2021 ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [E] [W] et Mme [F] [N] aux dépens d'appel.
Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
La greffière Le président de chambre