ARRÊT N°
MW/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 18 AVRIL 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 14 février 2023
N° de rôle : N° RG 21/00811 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EL3T
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD en date du 24 mars 2021 [RG N° 18/00328]
Code affaire : 74A Demande relative à une servitude d'usage ou de passage des eaux
[S] [N] épouse [P], [T] [P] C/ [J] [F], [U] [M] épouse [F], [X] [O] épouse [G], S.C.P. GILLES JUILLARD - PASCAL FERRY - ANNE NADLER - STÉ PHANIE BERTRAND ET MÉLANIE THOUVENOT-FAGEOT
PARTIES EN CAUSE :
Madame [S] [N] épouse [P]
née le 07 Février 1961 à [Localité 13] (BOSNIE HERZEGOVINE)
de nationalité française, sans profession,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Anne-Sophie DE BUCY de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [T] [P]
né le 01 Juin 1956 à [Localité 10] (BOSNIE HERZEGOVINE),de nationalité française, agent entretien,
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Anne-Sophie DE BUCY de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTS
ET :
Monsieur [J] [F]
né le 27 Août 1951 à [Localité 11] (Maroc), de nationalité française, sans profession, demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD
Madame [U] [M] épouse [F]
née le 09 Septembre 1958 à [Localité 14] (MAROC), sans profession,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD
Madame [X] [O] épouse [G]
née le 08 Septembre 1946 à [Localité 12], de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Olivier GUICHARD de la SELARL OXO AVOCATS, avocat au barreau de BELFORT, avocat plaidant,
Représentée par Me Elodie DE ALMEIDA de la SELARL OXO AVOCATS, avocat au barreau de BELFORT, avocat postulant
S.C.P. GILLES JUILLARD - PASCAL FERRY - ANNE NADLER - STÉ PHANIE BERTRAND ET MÉLANIE THOUVENOT-FAGEOT
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Vanessa MARTINVAL de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 14 février 2023 a été mise en délibéré au 18 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Mme [X] [G], née [O], et son époux étaient propriétaires de la parcelle bâtie cadastrée commune de [Localité 17], section AC n°[Cadastre 6], ainsi que des parcelles non bâties cadastrées commune de [Localité 17], section AC n°[Cadastre 7] et commune de [Localité 16], section AD n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4], ces parcelles étant toutes attenantes les unes aux autres.
Courant 2000, les époux [G] ont mis la parcelle n°[Cadastre 6] en copropriété, et ont fait créer sur les parcelles n°[Cadastre 7] et [Cadastre 3] une servitude de passage permettant d'accéder à la parcelle n°[Cadastre 6].
En juillet 2001, ils ont fait diviser la parcelle n°[Cadastre 7] en deux parcelles distinctes désignées commune de [Localité 17], section AC n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9].
Dans un courrier adressé aux époux [G] le 7 janvier 2002, Maître [A] [I], notaire, leur a indiqué qu'une servitude de passage serait créée au bénéfice de la parcelle n°[Cadastre 9], mais qu'aucune servitude n'était nécessaire pour la parcelle n°[Cadastre 8].
Par acte authentique reçu par Maître [W] le 12 avril 2002, les époux [G] ont vendu les parcelles n°[Cadastre 8] et [Cadastre 3] à M. [J] [F] et son épouse, née [U] [M], lesquels y ont ensuite fait bâtir une maison d'habitation.
Par acte authentique du 16 février 2007 reçu par Maître [I], les époux [G] ont vendu la parcelle n°[Cadastre 9] à M. [T] [P] et son épouse, née [S] [N], lesquels y ont ensuite fait bâtir une maison d'habitation, après avoir fait établir un dossier de permis de construire auquel ils ont joint le courrier du notaire du mois de janvier 2002.
Un litige est survenu par la suite entre les époux [F] et les époux [P], les premiers reprochant aux seconds de passer sur leur fonds pour accéder à leur propriété.
Par exploit du 31 mai 2018, les époux [F] ont fait assigner les époux [P] devant le tribunal de grande instance de Montbéliard afin qu'il leur soit fait injonction de cesser sous astreinte toute intrusion sur leur propriété.
Par exploits séparés du 31 mai 2018, les époux [P] ont fait assigner en intervention forcée la SCP Juillard Ferry Nadler Bertrand Thouvenot-Fageot, en sa qualité de successeur du notaire ayant reçu l'acte d'acquisition de leur parcelle, ainsi que Mme [G], en sa qualité de vendeur de cette parcelle.
Les procédures ont été jointes.
Les époux [F], faisant valoir que les époux [P] ne disposaient d'aucun droit de passage sur leur propriété, ont maintenu leur demande tendant à ce qu'il leur soit fait injonction de cesser sous astreinte toute intrusion et de retirer les ouvrages installés sur leur propriété, subsidiairement ont sollicité la condamnation de leurs voisins à leur payer la somme de 15 000 euros à titre d'indemnisation.
Les époux [P], soutenant qu'il bénéficiaient d'une servitude de passage sur le fonds contigu, ont conclu au rejet des demandes formées à leur encontre, subsidiairement ont réclamé la garantie du notaire, pour avoir omis de formaliser une servitude de passage résultant de la commune intention des parties, et de Mme [G].
La SCP de notaires a soulevé la prescription de l'action formée à son encontre par les époux [P], subsidiairement a invoqué l'absence de faute et le défaut de lien de causalité entre le préjudice subi et la faute prétendue pour conclure au rejet des demandes formées à son encontre.
Mme [G] a demandé que le jugement à rendre lui soit déclaré opposable.
Par jugement du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire a :
Sur les demandes principales :
- dit que M. [T] [P] et Mme [S] [P] ne sont titulaires, au titre de leur fonds, d'aucune servitude de passage sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 16] section AD n° [Cadastre 3] et commune de [Localité 17] section AC n°[Cadastre 8] ;
En conséquence,
- fait injonction à M. [T] [P] et Mme [S] [P] de cesser toute intrusion sur l'une ou l'autre de ces parcelles, sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction, et ce à compter du 4ème mois suivant la présente décision ;
- débouté M. et Mme [F] de leur demande à ce qu'injonction soit faite aux époux [P] d'avoir à retirer les ouvrages installés, clôture et portail ;
Sur les demandes reconventionnelles :
- déclaré recevable les demandes reconventionnelles de M. [T] [P] et Mme [S] [P] relatives à la mise en jeu de la responsabilité civile et professionnelle de l'office notarial Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand, Mélanie Thouvenot-Fageot ;
- déclaré la décision à intervenir commune et opposable à l'office notarial Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand, Mélanie Thouvenot-Fageot et à Mme [G] ;
- débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabilite civile et professionnelle de l'office notarial Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand, Mélanie Thouvenot-Fageot ;
- débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabitité civile de Mme [G] ;
- débouté les parties de leurs plus amples ou autres demandes ;
- condamné in solidum M. [T] [P] et Mme [S] [P] aux dépens ;
- dit n'y avoir pas lieu à article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande visant à ordonner l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- que le titre de propriété des époux [F] ne mentionnait aucune servitude de passage au profit de la parcelle voisine, et que le titre des époux [P] ne mentionnait le bénéfice d'aucune servitude à charge de la propriété voisine ; que les deux actes de vente reprenaient strictement les mêmes dispositions relativement à la servitude passive créée au bénéfice de la seule parcelle n°[Cadastre 6] ; qu'aucune servitude de passage conventionnelle n'avait donc été établie au profit des époux [P] sur les fonds des époux [F], les éléments relatifs à la commune intention des parties étant inopérants pour constater une servitude de passage, qui ne s'établissait que par titre ;
- qu'il n'existait pas de situation d'enclave, le fonds des époux [P] bordant la voie publique, et la situation d'enclavement devant s'apprécier au moment de l'acquisition, et non à raison d'une situation créée par le propriétaire du fait de ses choix de construction ;
- que les époux [F] ne produisaient aucun élément de nature à établir un empiétement sur leur fonds des installations des époux [P] ;
- que la mise en cause de l'office notarial ne pouvait être sollicitée qu'à compter du jour où les époux [F] avaient introduit une demande en justice interrogeant l'existence de la servitude litigieuse, de sorte que les demandes en garantie des époux [P] n'étaient pas prescrites ;
- que le courrier du notaire aux époux [G] du 7 janvier 2002 n'était pas de nature à démontrer la volonté des parties au moment de la vente aux époux [P], intervenue 5 années plus tard, et qui devait nécessairement impliquer l'accord des époux [F] pour la création d'une servitude ; qu'aucun élément ne permettait d'établir un tel accord, dont le refus pouvait être suggéré par l'absence de mention relative à la servitude dans leur propre acte de vente ; que l'absence d'action des époux [F] pendant plusieurs années n'était pas davantage de nature à prouver leur accord ; qu'il ne pouvait être tiré de conséquence du fait que le courrier du notaire, et une attestation qui y était jointe, aient conduit à l'obtention du permis construire des époux [P], dès lors que cette attestation avait été établie en 2002 à destination de la DDE et non des époux [P], auxquels elle n'avait pas été remise par le notaire ; que les époux [P] avaient en outre reçu une demande de justification de la mairie, à laquelle ils avaient répondu par la production de cette attestaion vieille de 5 ans, de sorte qu'ils avaient été alertés sur la problématique posée par la servitude, ce qui aurait dû les amener à solliciter les époux [F], ou, en tout état de cause, à faire montre de vigilance lors de la signature de l'acte de vente qui ne mentionnait pas cette servitude ; qu'il ne pouvait donc être reproché au notaire de n'avoir pas créé une servitude pour une parcelle non enclavée et pour laquelle le souhait des parties n'était pas démontré ;
- que, s'agissant de Mme [G], les époux [P] n'exposaient pas quelle était la faute qui pouvait lui être reprochée.
Les époux [P] ont relevé appel de cette décision le10 mai 2021, en déférant à la cour l'ensemble des chefs suivants :
- dit que M. [T] [P] et Mme [S] [P] ne sont titulaires, au titre de leur fonds, d'aucune servitude de passage sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 16] section AD n° [Cadastre 3] et commune de [Localité 17] section AC n°[Cadastre 8] ;
- fait injonction à M. [T] [P] et Mme [S] [P] de cesser toute intrusion sur l'une ou l'autre de ces parcelles, sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction, et ce à compter du 4ème mois suivant la présente décision ;
- débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabilite civile et professionnelle de l'office notarial Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand, Mélanie Thouvenot-Fageot ;
- débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabitité civile de Mme [G] ;
- débouté les parties de leurs plus amples ou autres demandes ;
- condamné in solidum M. [T] [P] et Mme [S] [P] aux dépens.
Par conclusions transmises le 23 décembre 2022, les appelants demandent à la cour :
Rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires,
Vu les articles 637 et suivants du code civil,
Vu les articles 686 et suivants du code civil,
Vu l'article 682 du code civil,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
*dit que M. [T] [P] et Mme [S] [P] ne sont titulaires, au titre de leur fonds, d'aucune servitude de passage sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 16] section AD n° [Cadastre 3] et commune de [Localité 17] section AC n°[Cadastre 8] ;
*fait injonction à M. [T] [P] et Mme [S] [P] de cesser toute intrusion sur l'une ou l'autre de ces parcelles, sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction, et ce à compter du 4ème mois suivant la présente décision ;
* débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabilite civile et professionnelle de l'office notarial Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand, Mélanie Thouvenot-Fageot ;
* débouté M. [T] [P] et Mme [S] [P] de leur demande de mise en cause de la responsabitité civile de Mme [G] ;
*débouté les parties de leurs plus amples ou autres demandes ;
* condamné in solidum M. [T] [P] et Mme [S] [P] aux dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- de dire que M. [T] [P] et Mme [S] [P] sont titulaires, au titre de leur fonds cadastré commune de [Localité 17] cadastrée section AC n°[Cadastre 9], d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 16] section AD n°[Cadastre 3] et commune de [Localité 17] section AC n°[Cadastre 8] ;
A titre subsidiaire,
- de condamner Mme [X] [G] et la SCP Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand et Mélanie Thouvenot-Fageot à garantir M. [T] [P] et Mme [S] [P] de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre ;
- de condamner la SCP Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand et Mélanie Thouvenot-Fageot à garantir M. [T] [P] et Mme [S] [P] des éventuels travaux de reprise de l'enclave créée en suite de ses défaillances, dans la limite d'un certain montant fixé par la présente décision ;
En tout état de cause,
- de débouter M. [J] [F], Mme [U] [F], Mme [X] [G] et la SCP Gilles Juillard, Pascal Ferry, Anne Nadler, Stéphanie Bertrand et Mélanie Thouvenot-Fageot de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [T] [P] et Mme [S] [P] ;
- de condamner solidairement M. [J] [F] et Mme [U] [F], ou tout succombant, à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner solidairement M. [J] [F] et Mme [U] [F], ou tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Anne-Sophie de Bucy, avocat associé au sein de la SELARL Terryn Aitali Gros Carpi Le Denmat, sur son affirmation de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 20 septembre 2021, les époux [F] demandent à la cour :
Rejetant toute prétention plus ample ou contraire,
Vu les articles 544 et suivants du code civil,
Vu les articles 684 et suivants du même code,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- de condamner M. et Mme [P] à payer à M. et Mme [F] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Alexandre Bergelin, avocat sur ses affirmations de droit comme il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 26 octobre 2022, la SCP Juillard Ferry Nadler Bertrand Thouvenot-Fageot demande à la cour :
A titre principal
Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile et 2224 du code civil,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Statuant à nouveau,
- de déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [T] [P] et Mme [S] [P] comme prescrites ;
- de les débouter ;
A titre subsidiaire,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
- de confirmer le jugement pour le surplus ;
En tout état de cause,
- de condamner M. [T] [P] et Mme [S] [P], ou tout succombant, à payer à la SCP Juillard - Ferry - Nadler - Bertrand - Thouvenot-Fageot la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner M. [T] [P] et Mme [S] [P], ou tout succombant, aux entiers dépens.
Par conclusions transmises le 4 janvier 2023, Mme [G] demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré ;
- de condamner in solidum l'office notarial et les époux [P] à verser, à Mme [G],
la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de le (sic) condamner aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 17 janvier 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Sur la servitude de passage
Le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a constaté l'absence de servitude conventionnelle, laquelle ne s'établit que par titre, dès lors que ni le titre des époux [F], ni celui des époux [P] ne fait état d'une servitude de passage consentie sur le fonds des premiers au bénéfice de celui des seconds. Bien évidemment, l'existence d'une telle servitude ne peut en aucun cas résulter du fait que les propriétés respectives des parties sont toutes deux grevées d'une servitude de passage au bénéfice de la seule parcelle AC [Cadastre 6], propriété d'un tiers. L'argument relatif à la commune intention des parties au regard du courrier du notaire du 7 janvier 2002 est quant à lui totalement inopérant, en l'absence de titre, et en tout état de cause inopposable aux époux [F], sur le fonds duquel l'exercice de la servitude est revendiquée, et dont il n'est pas démontré, ni même soutenu, qu'ils aient jamais exprimé l'intention de voir grever le fonds qu'ils ont acquis d'une telle servitude.
C'est ensuite vainement que les appelants invoquent l'existence d'une servitude par destination du père de famille, alors qu'il n'existe aucun signe apparent de servitude entre les deux fonds. Ensuite, et en tout état de cause, alors que l'article 694 du code civil exige que le contrat par lequel il est disposé de l'héritage ne contienne aucune convention relative à la servitude, l'acte d'acquisition de leur parcelle par les époux [P] comporte une clause expresse selon laquelle il n'a pas été constitué ou laissé constituer par les époux [G] de servitude sur ce fonds.
Enfin, l'argument tiré de l'enclave a été à juste titre écarté par le premier juge, dès lors qu'il ne résulte en rien de la configuration des lieux l'impossibilité de desservir le fonds des époux [P] autrement qu'en passant par la propriété voisine appartenant aux époux [F], étant rappelé que la propriété des appelants est bordée par la voie publique que constitue la [Adresse 15]. C'est en vain que les appelants se prévalent d'une forte déclivité naturelle du terrain, alors que les propriétés directement voisines, dont celle des époux [F], qui sont situées dans une configuration exactement similaire, disposent quant à elle d'un accès direct par la voie publique, ce qui suffit à démontrer qu'une orientation adaptée de la construction aurait permis un accès direct par la voie publique, y compris par automobile. S'il est encore fait état d'un arrêté municipal qui interdirait un tel accès, force est de constater qu'il n'en est pas justifié, alors que les photographies versées aux débats démontrent que les autres immeubles de la rue, à commencer par celui des époux [F], disposent bien d'un accès direct sur la voie publique, ce qui tend à prouver, soit l'inexistence de l'arrêté invoqué, soit, à tout le moins, la possibilité d'y déroger. Dès lors ainsi qu'en faisant construire de leur propre initiative leur maison selon une configuration interdisant l'accès au garage depuis la rue, mais imposant la prise d'un passage sur l'une ou l'autre des parcelles contiguës, les époux [P] sont eux-mêmes à l'origine de la situation d'enclavement dont ils se plaignent, de sorte qu'ils ne peuvent, pour y remédier, revendiquer une servitude de passage sur le fonds voisin.
La décision querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes des époux [P] tendant à se voir reconnaître un droit de passage sur le fonds des époux [F], et en ce qu'elle leur a, en conséquence, fait interdiction sous astreinte de pénétrer sur la propriété de ces derniers.
La confirmation s'impose également s'agissant du rejet de la demande en retrait d'ouvrages formée par les époux [F], cette disposition n'étant pas remise en cause à hauteur d'appel.
Sur la responsabilité du notaire
A titre subsidiaire, les époux [P] recherchent la responsabilité du notaire ayant instrumenté leur acte de vente.
Le tribunal sera approuvé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société d'étude notariale, en relevant que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée par les époux [P] contre le notaire devait être fixé à la date à laquelle les époux [P] s'étaient vus assigner par leur voisin en interdiction de passer sur leur propriété, cette action révélant aux appelants la contestation de la servitude de passage dont il n'est pas contesté qu'ils avaient usé jusque là.
La cour se réfèrera à la motivation circonstanciée du premier juge ayant écarté la commission d'une faute par le notaire. Elle ajoutera que c'est vainement que les appelants ajoutent que le notaire ne les aurait pas mis dans la capacité de saisir la portée des termes de l'acte par lequel ils se sont portés acquéreurs de leur fonds, en raison d'un défaut de compréhension de la lanque française dont ils ne justifient en effet aucunement, et qui ne saurait se présumer du seul fait de leur origine étrangère.
En tout état de cause, le débat sur la responsabilité du notaire ne présente en réalité pas de véritable enjeu, faute de formulation à son encontre d'une demande utile.
Les époux [P] sollicitent en effet, en premier lieu, la condamnation de l'office notarial, conjointement avec Mme [G], à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre. Or, la seule condamnation prononcée consiste dans une injonction qui leur est faite sous astreinte de ne pas pénétrer sur le fonds de leur voisin, laquelle n'est pas susceptible d'être garantie, dès lors que sa violation résulterait nécessairement d'un comportement volontaire dont le notaire ne pourrait en aucun cas être tenu pour responsable.
Les appelants réclament ensuite la condamnation de l'office notarial à les garantir 'des éventuels travaux de reprise de l'enclave créée en suite de ses défaillances, dans la limite d'un certain montant fixé par la présente décision'. Cette demande apparaît doublement irrecevable, comme étant à la fois hypothétique et indéterminée, étant rappelé en tant que de besoin que la cour n'a été saisie d'aucune demande sollicitant qu'il soit statué sur la détermination ou le chiffrage de quelques travaux que ce soit.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à l'encontre de la SCP notariale.
Sur la responsabilité de Mme [G]
Toujours à titre subsidiaire, les appelants recherchent la responsabilité de Mme [G]. Pour tout fondement à leur demande, ils invoquent une éviction, sans pourtant aucunement caractériser de quoi l'intimée les aurait évincés, alors qu'elle leur a cédé un terrain à bâtir ne bénéficiant d'aucune servitude de passage sur le fonds contigu, et qu'ils sont toujours à ce jour en possession de cet immeuble, sur lequel ils ont fait construire leur maison d'habitation.
Au demeurant, il sera constaté que la seule demande formée par les époux [P] à l'encontre de Mme [G] porte sur la garantie des condamnations prononcées à leur encontre, ce qui amène nécessairement la même observation que celle faite à propos du notaire s'agissant de l'absence d'objet réel de cette demande de garantie eu égard à la seule condamnation prononcée, qui se résume à une injonction de ne pas pénétrer sur le fonds voisin.
La confirmation s'impose en conséquence s'agissant du rejet de la prétention formée contre Mme [G].
Sur les autres dispositions
La décision déférée sera encore confirmée en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.
Les appelants seront condamnés aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer aux époiux [F] ainsi qu'à Mme [G] la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée de ce dernier chef par l'office notarial sera rejetée.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Montbéliard ;
Y ajoutant :
Condamne M. [T] [P] et son épouse, née [S] [N], aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [P] et son épouse, née [S] [N], à payer à M. [J] [F] et son épouse, née [U] [M], la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [P] et son épouse, née [S] [N], à payer à Mme [X] [O], épouse [G], la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,