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04/04/2023 | FRANCE | N°21/01280

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 04 avril 2023, 21/01280


ARRÊT N°



JFL/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 04 AVRIL 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 31 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01280 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMYM



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BELFORT en date du 10 juin 2021 [RG N° 20/00774]

Code affaire : 72E Demande en réparation du préjudice causé à un copropriétaire par des

travaux régulièrement décidés par l'assemblée générale





[Y] [L], [M] [U], [J] [N] C/ S.A.S. SOPREMA ENTREPRISES





PARTIES EN CAUSE :





Madame [Y] [L],

demeurant [Ad...

ARRÊT N°

JFL/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 31 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01280 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMYM

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BELFORT en date du 10 juin 2021 [RG N° 20/00774]

Code affaire : 72E Demande en réparation du préjudice causé à un copropriétaire par des travaux régulièrement décidés par l'assemblée générale

[Y] [L], [M] [U], [J] [N] C/ S.A.S. SOPREMA ENTREPRISES

PARTIES EN CAUSE :

Madame [Y] [L],

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Brice MICHEL de la SELARL SYLVIE TISSERAND-MICHEL-BRICE MICHEL-LEANDRO GIAGNOLINI-SARA H WEINRYB, avocat au barreau de BELFORT

Madame [M] [U]

de nationalité française, demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Brice MICHEL de la SELARL SYLVIE TISSERAND-MICHEL-BRICE MICHEL-LEANDRO GIAGNOLINI-SARA H WEINRYB, avocat au barreau de BELFORT

Madame [J] [N],

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Brice MICHEL de la SELARL SYLVIE TISSERAND-MICHEL-BRICE MICHEL-LEANDRO GIAGNOLINI-SARA H WEINRYB, avocat au barreau de BELFORT

APPELANTES

ET :

S.A.S. SOPREMA ENTREPRISES

RCS de STRASBOURG n° 485 197 552,

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé.

L'affaire, plaidée à l'audience du 31 janvier 2023 a été mise en délibéré au 04 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

Sur assignation délivrée le 13 novembre 2020 par Mmes [Y] [L], [M] [U] et [J] [N], propriétaires indivises d'un appartement affecté d'infiltrations d'eau provenant d'une terrasse supérieure (les indivisaires) et par Mme [F] [V], propriétaire d'un autre appartement victime des mêmes désordres, tendant à la condamnation à dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], sis [Adresse 1] et [Adresse 6] à [Localité 7] (le syndicat), lequel a assigné en intervention forcée la SAS Soprema (la Soprema), qu'il avait missionnée pour faire les travaux d'étanchéité nécessaires, le tribunal judiciaire de Belfort, par jugement du 10 juin 2021, a :

- dit la Soprema responsable des désordres ;

- condamné celle-ci à payer au syndicat la somme de 1 430 euros ;

- débouté les quatre propriétaires de leur demande contre le syndicat ;

- dit que la responsabilité délictuelle de la Soprema est engagée envers les propriétaires ;

- condamné la Soprema à payer la somme de 6 600 euros à Mmes [L], [U] et [N] ;

- débouté celles-ci de leur demande en réparation d'un préjudice immatériel ;

- condamné la Soprema à payer à Mme [V] la somme de 2 135 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la Soprema sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer au syndicat la somme de 1 000 euros et à Mme [V] la même somme de 1 000 euros, et à payer les dépens comprenant les frais d'expertise.

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

- que la Soprema était intervenue à plusieurs reprises sur le toit-terrasse fuyard suite aux déclarations de sinistres successives effectuées par le syndicat des copropriétaires, mais n'avait pas mis un terme aux infiltrations d'eau ;

- que si l'expert judiciaire avait relevé que ces interventions avaient mis fin aux désordres affectant l'appartement des indivisaires, ce ne fut pas le cas de l'appartement de Mme [V] car le raccordement de l'évacuation du toit terrasse faisant partie des travaux et refait à neuf par la Soprema présentait une fuite au niveau d'un tuyau en fonte transitant dans l'angle de la cuisine de Mme [V] ;

- qu'il en résultait une faute caractérisée, à l'origine des dégradations subies dans l'appartement des indivisaires comme dans celui de Mme [V] ;

- que le préjudice matériel subi par les indivisaires devait être évalué suivant l'expert à 6 600 euros ;

- que l'expert évaluait les loyers perdus constitutifs du préjudice immatériel des indivisaires à 8 100 euros, au regard d'un départ du locataire survenu le 29 juillet 2019 ;

- que toutefois un courrier des locataires faisait état d'un projet de quitter l'appartement au début de l'année 2020 sans qu'il soit établi qu'ils aient effectivement donné congé ;

- qu'en outre il n'était pas justifié du montant du loyer.

Mmes [L], [U] et [N] ont interjeté appel de cette décision contre la seule Soprema par déclaration parvenue au greffe le 9 juillet 2021. L'appel porte sur le débouté de leur demande en réparation d'un préjudice immatériel.

Par conclusions transmises le 23 décembre 2021 visant les articles 1240 et suivants du code civil, les appelantes demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de leur demande en réparation d'un préjudice immatériel ;

- condamner la Soprema à leur payer 8 100 euros de dommages et intérêts ;

- outre 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

Les appelantes soutiennent :

- que selon l'expert la responsabilité de la Soprema est engagée pour avoir accepté de se raccorder sur un jeu de coudes non-conformes aux règles de l'art, alors qu'elle aurait dû raccorder directement la chute d'eaux pluviales sur la canalisation de chute en fonte ;

- qu'il résulte en outre de l'expertise amiable Saretec que la Soprema acceptait de reprendre les travaux et reconnaissait ainsi sa responsabilité ;

- que le préjudice matériel a été exactement apprécié par l'expert ;

- que le premier juge a mal interprété les pièces relatives au préjudice immatériel ;

- que le couple de locataires a bien quitté les lieux, conformément à leur courrier du 27 mai précédent qui annonçait et expliquait ce départ, et ainsi que le confirme l'état des lieux de sortie.

La Soprema, par conclusions transmises le 31 janvier 2022 portant appel incident et visant les mêmes textes que les appelants, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit sa responsabilité engagée envers les appelantes et en ce qu'il l'a condamnée à leur payer 6 600 euros ;

- dire que sa responsabilité n'est pas engagée envers les appelantes ;

- les débouter de toutes demandes ;

- les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Michel Economou.

L'intimée soutient :

- qu'elle n'a nullement reconnu sa responsabilité devant l'expert amiable ;

- que l'expert judiciaire, contrairement à ce qu'à retenu le premier juge, n'a jamais caractérisé de faute à l'encontre de la Soprema, mais a au contraire constaté qu'une intervention de celle-ci pour des travaux complémentaires avait permis de mettre fin aux désordres ;

- que toutefois les travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture terrasse n'ont pas concerné l'ensemble des ouvrages d'origine, dont certains sont restés en l'état ;

- qu'il ne résulte pas du courrier émanant des anciens locataires ou de l'état des lieux nouvellement produit en appel que leur départ était dû aux infiltrations, ni qu'il ait été ensuite impossible de relouer l'appartement, la privation de loyers pendant 10 mois n'apparaissant pas justifiée alors que selon l'expert tout était rentré dans l'ordre le 4 février 2020.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 10 janvier 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du 31 janvier 2023 et mise en délibéré au 4 avril 2023.

Motifs de la décision

Sur la responsabilité de la Soprema envers les appelantes

Les infiltrations qui ont affecté l'appartement des indivisaires à compter au moins du 1er décembre 2018 proviennent d'une toiture terrasse qui avait fait l'objet de travaux de rénovation d'étanchéité effectués par la Soprema entre le 5 novembre 2014 et le 28 juillet 2015.

L'expert Saretec, intervenu le 22 février 2019, était missionné par l'assureur dommage-ouvrage du syndicat des copropriétaires qui avait commandé les travaux, ce qui induit que sa mission portait sur la responsabilité du constructeur qu'était la Soprema, présente aux opérations d'expertise. L'expert Saretec lui impute tout d'abord les infiltrations survenues dans la chambre contiguë au séjour causée par un décollement de l'étanchéité à l'endroit du fil d'eau d'une évacuation d'eaux pluviales de la toiture terrasse traversant l'acrotère vers l'auvent abritant des balcons. L'expert impute de même à la Soprema les écoulements d'eaux depuis le plafond de la cuisine à chaque épisode pluvieux fort, causé par une hauteur insuffisante du relevé d'étanchéité contre l'acrotère bordant la terrasse supérieure, dont l'eau accumulée dépassait le niveau en cas de fortes pluies. Dans ce contexte, la proposition faite par cette société, devant l'expert, de réaliser elle-même les travaux de reprises nécessaires pour mettre fin aux infiltrations affectant l'appartement des indivisaires, suivie de la réalisation effective ce ces travaux, ne pouvait que valoir reconnaissance de sa responsabilité contractuelle au titre de ces désordres.

L'expert judiciaire, intervenu sur les lieux le 4 février 2020 après réalisation des travaux de reprise par la Soprema dans les suites de l'expertise Saretec, a pu constater dans l'appartement des indivisaires que les murs et plafonds victimes des infiltrations étaient désormais secs. L'expert judiciaire s'est toutefois borné à constater l'efficacité des travaux de reprise réalisés par la Soprema, sans se prononcer sur les causes initiales de ce désordre.

En conséquence, la cour retient les causes clairement identifiées par l'expert Saretec, que la Soprema n'a contestées ni devant cet expert ni devant l'expert judiciaire, et qu'elle a au contraire validées en proposant puis en réalisant les travaux de reprises qui se déduisaient des constatations de l'expert Saretec, reconnaissant ainsi, comme précédemment relevé, sa responsabilité contractuelle envers le syndicat des copropriétaires

Envers les indivisaires, les mêmes causes de désordres relevées par l'expert Saretec caractérisent une mise en oeuvre défaillante du dispositif d'étanchéité constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, qui rend la Soprema responsable des dommages qui en ont résulté. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la responsabilité délictuelle de la Soprema est engagée envers les propriétaires.

Sur les préjudices

La Soprema ne critique pas sa condamnation à réparer le préjudice matériel subi par les indivisaires autrement qu'en contestant le principe de sa responsabilité. Celle- ci étant confirmée, la condamnation à réparer le préjudice matériel le sera également, étant relevé que son évaluation est parfaitement conforme aux conclusions de l'expert.

Le préjudice immatériel invoqué par les indivisaires est constitué de dix mois de loyers perdus en raison des désordres, conformément à l'avis de l'expert judiciaire.

A l'apparition des désordres, l'appartement était loué aux époux [D]. Ceux-ci ont subi de façon récurrente les infiltrations, humidité des murs, délitement des plâtres, décollement des papiers peints, et même des fuites nécessitant de placer une bassine sur le lit, ainsi qu'il résulte des constats d'huissiers produits par les indivisaires. Dans leur courrier de congé en date du 27 mai 2019, particulièrement circonstancié, ils expliquaient que ces désordres leur étaient devenus insupportables et qu'ils quitteraient l'appartement, ce qu'ils ont fait le 29 juillet 2019, date de l'état des lieux de sortie contradictoire qui mentionne toujours la présence d'humidité et les nombreux dégâts causés par les infiltrations dans plusieurs pièces. Il résulte de ces éléments que les infiltrations litigieuses et leurs conséquences étaient directement à l'origine du départ des locataires, et empêchaient de relouer l'appartement, trop dégradé. Est à cet égard indifférent le fait que les locataires, âgés, se soient alors relogés dans un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), cette circonstance ne retirant rien aux importantes dégradations causées à l'appartement par les infiltrations.

Les indivisaires ne pouvaient ensuite procéder aux travaux de remise en état avant de connaître les conclusions de l'expert judiciaire, dont l'intervention a été demandée peu après la sortie des locataires par assignation du 16 juillet 2019, a donné lieu à deux visites sur les lieux le 4 et le 20 février 2020, alors que l'appartement n'était toujours ni réparé ni occupé, puis au dépôt du rapport le 25 mai 2020.

Ainsi, le délai écoulé entre le départ des locataires et les constatations de l'expert était de sept mois, ce qui, en y ajoutant le temps nécessaire à la réalisation des travaux, tels qu'évalué par l'expert, établit l'impossibilité de relouer l'appartement pendant les dix mois allégués.

Sur la base d'un loyer mensuel de 810 euros, tel que retenu par l'expert judiciaire, le préjudice immatériel des indivisaires s'établit à 8 100 euros que la Soprema sera condamnée à leur payer, après infirmation du débouté prononcé de ce chef par le premier juge.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu entre les parties le 10 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Belfort, sauf en ce qu'il a débouté Mmes [Y] [L], [M] [U] et [J] [N] de leur demande en réparation d'un préjudice immatériel ;

statuant à nouveau du chef ainsi infirmé et y ajoutant,

Condamne la SAS Soprema Entreprises à payer à Mmes [Y] [L], [M] [U] et [J] [N], ensemble, la somme de 8 100 euros ;

La condamne à leur payer, ensemble, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel ;

Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01280
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;21.01280 ?
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