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30/03/2023 | FRANCE | N°22/00055

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 30 mars 2023, 22/00055


COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président



ORDONNANCE N° 23/

DU 30 MARS 2023





ORDONNANCE





N° de rôle : N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERQE

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire





L'affaire, plaidée à l'audience publique du 23 février 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de gre

ffe, a été mise en délibéré au 23 mars 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe. Le délibé...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Le Premier Président

ORDONNANCE N° 23/

DU 30 MARS 2023

ORDONNANCE

N° de rôle : N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERQE

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire

L'affaire, plaidée à l'audience publique du 23 février 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 23 mars 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe. Le délibéré a été prorogé au 30 mars 2023.

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [P] [M]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6]

demeurant Chez Madame [J] [U] - [Adresse 5]

DEMANDEUR

Représenté par Maître Ornella SPATAFORA, de la SELARL SELARL SCHWERDORFFER WEIERMANN PICHOFF DE MAGALHAES SPATAFORA, avocats au barreau de BESANCON, substitué par Maître Jules BRIQUET, avocat au barreau de BESANCON, à l'audience de ce jour

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, [Adresse 4]

DEFENDEUR

Représenté par Maître Agathe HENRIET de la SELARL A. HENRIET, avocat au barreau de BESANCON

En présence de Madame Caroline NOIROT, avocate générale

**************

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [M], né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6], de nationalité française, a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre et placé en détention provisoire du 17 juin 2013 au 17 octobre 2013 et du 5 mars 2021 au 19 mai 2021, soit 197 jours.

Par requête visées par le greffe le 25 août 2022, Monsieur [P] [M] a sollicité l'indemnisation des préjudices découlant de la détention provisoire subie et a demandé':

19.700,00 euros en réparation de son préjudice moral';

2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ainsi que la condamnation de l'État aux entiers dépens de l'instance.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 26 janvier 2023 date à laquelle elle a été renvoyée l'audience du 23 février 2023 pour être plaidée et mise en délibéré.

A l'audience Monsieur [P] [M] reprend ses écritures déposées au greffe de la première présidence le 24 novembre 2022.

Il expose qu'il a fait l'objet d'une décision d'acquittement rendue le 1er juillet 2022 par la cour d'assises d'appel du Doubs et que cette décision est devenue définitive.

Monsieur [P] [M] soutient que le choc carcéral subi était d'une particulière intensité compte tenu du fait qu'il était détenu dans le cadre d'une instruction criminelle, pour des faits punis de 30 ans de réclusion et qu'il n'a jamais cessé de clamer son innocence.

ll explique que sa réincarcération pour une durée de 15 ans, à l'issue de la décision de première instance, a eu des retentissements psychologiques.

Monsieur [P] [C] précise par ailleurs qu'il entretenait des relations avec Mme [J] [U] avant sa détention, laquelle l'a empêché d'avoir une relation sentimentale normale.

Par conclusions visées par le greffe le 28 octobre 2022, l'agent judiciaire de l'État concluait à l'irrecevabilité de la requête, moyen abandonné à l'audience.

Il sollicite une réduction du montant alloué à Monsieur [P] [M] au titre de son préjudice moral et propose la somme de 14.000,00 euros. Il sollicite en outre la réduction du montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'agent judiciaire fait notamment valoir que le casier judiciaire de Monsieur [P] [M] comporte 30 mentions dont plusieurs incarcérations avant le premier procès devant la cour d'assises, puis pendant et après l'arrêt d'acquittement par la cour d'assises du Doubs. L'agent judiciaire soutient également que Monsieur [P] [M] ne démontre pas l'existence de sa relation avec Mme [J] [U].

Le procureur général dans ses réquisitions orales abandonne le moyen tenant à l'irrecevabilité de la requête IL sollicite une réduction du montant alloué à Monsieur [P] [M] au titre de son préjudice moral et propose la somme de 14.000,00 euros. Il sollicite en outre la réduction du montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

MOTIFS

1. Sur la recevabilité de la requête

L'article 149 du code de procédure pénale dispose que, sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

L'article 149-2 du code de procédure pénale dispose que le premier président de la cour d'appel, saisi par voie de requête dans le délai de six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, statue par une décision motivée.

En l'espèce, la requête a été remise au greffe contre récépissé le 25 août 2022.

Il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [P] [M] a été placé en détention provisoire du 17 juin 2013 du 17 juin 2013 au 17 octobre 2013 et du 5 mars 2021 au 19 mai 2021, soit 197 jours pour des faits de tentative de meurtre.

Monsieur [P] [M] produit la décision d'acquittement de la cours d'assises d'appel du Doubs s'agissant des faits de tentative de meurtre. Monsieur [P] [M] produit également un certificat de non pourvoi.

Monsieur [P] [M] démontre ainsi avoir fait l'objet d'une décision d'acquittement devenue définitive pour les faits ayant fondé son placement détention provisoire.

Par conséquent, sa requête est déclarée recevable.

2. Sur la réparation de la détention provisoire injustifiée

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [P] [M] a fait l'objet d'une détention provisoire de 197 jours.

Cette mesure privative de liberté lui a nécessairement causé un préjudice moral qui doit être indemnisé en fonction, notamment de la durée de détention, de ses conditions particulières, de sa répercussion sur son état de santé physique et psychique.

Le casier judiciaire de Monsieur [P] [M] comporte 30 condamnations et plusieurs peines d'emprisonnement. Le choc carcéral subi par Monsieur [P] [M] doit donc être minoré par les différentes incarcérations dont il a fait l'objet.

Les proclamations d'innocence ne sont pas de nature à justifier la majoration du choc subi. A l'inverse le quantum de la peine prononcée pour les faits criminels en première instance, en l'occurrence, 15 ans de réclusion criminelle, sont de nature à majorer le choc carcéral subi.

Enfin, il convient de majorer le choc carcéral en retenant l'existence d'une relation affective avec Mme [J] [U], démontrée par la production de photos, dont une datée de février 2020, soit antérieure à sa seconde période d'incarcération.

Ainsi, il convient donc de fixer le préjudice moral subi par Monsieur [P] [M] à la somme de 16.000,00 euros et condamner l'Etat à lui verser cette somme.

Par conséquent, il convient de fixer le préjudice total subi par Monsieur [P] [M] à la somme de 16.000,00 euros et de condamner l'État à lui verser cette somme.

3. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner l'État à verser à Monsieur [P] [M] la somme qu'il convient de fixer à 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'État est condamné aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La première présidente de la cour d'appel de Besançon statuant par décision contradictoire';

DÉCLARE recevable la requête formée par Monsieur [P] [M]';

FIXE le préjudice moral subi par Monsieur [P] [M] à la somme de 16.000,00 euros';

CONDAMNE l'État au paiement de la somme de 16.000,00 au titre du préjudice total subi par Monsieur [P] [M] du fait de la détention provisoire injustifiée';

CONDAMNE l'État à verser à Monsieur [P] [M] la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE l'État aux entiers dépens de l'instance.

Fait et jugé le 30 mars 2023 à Besançon

LE GREFFIER, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 22/00055
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;22.00055 ?
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