ARRÊT N°
CS/LZ
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 28 MARS 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 24 janvier 2023
N° de rôle : N° RG 21/01168 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMRP
S/appel d'une décision du PRESIDENT DU TJ DE BESANCON en date du 16 mars 2021 [RG N° 20/00129]
Code affaire : 59B Demande en paiement relative à un autre contrat
[Z] [D] C/ [J] [Y]
PARTIES EN CAUSE :
Madame [Z] [D]
née le 07 Juillet 1959 à [Adresse 4]
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Emmanuelle HUOT, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTE
ET :
Monsieur [J] [Y]
né le 09 Août 1961 à [Localité 5]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Isabelle TOURNIER de la SCP SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 24 janvier 2023 a été mise en délibéré au 28 mars 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Dans le cadre de la procédure de divorce entre Mme [Z] [D] et M. [J] [Y], prononcé par jugement du 31 janvier 2019 infirmé selon les parties concernant le montant de la prestation compensatoire par arrêt rendu le 15 octobre 2020, la gestion des biens communs a été provisoirement confiée par ordonnance de non conciliation rendue le 7 janvier 2016 à M. [Y] à charge de reddition des comptes dans le cadre des opérations de liquidation.
Par acte signifié à domicile le 5 août 2020, Mme [D] a assigné M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Besançon en sollicitant, au visa des articles 815-11 du code civil et 1118 du code de procédure civile, sa condamnation à lui payer les sommes de 6 000 euros au titre d'avance sur ses droits dans le compte d'administration, de 500 euros par mois à compter du mois de septembre 2020 et jusqu'à liquidation des intérêts communs et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [D] faisait valoir devant le juge de première instance que M. [Y], demeurant gestionnaire de fait sans établir de comptes, avait cessé de lui verser l'avance sur ses droits à liquidation.
M. [Y] invoquait, outre l'incompétence de la juridiction saisie, le fait qu'il n'est pas gestionnaire de l'indivision, que les droits de chacun des époux ne sont pas établis et que les sommes sollicitées par Mme [D] excèdent le bénéfice généré par les locations. Il demandait la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 16 mars 2021, le président du tribunal judiciaire de Besançon a :
- rejeté 'le moyen de procédure' ;
- rejeté les demandes formées par Mme [D] ;
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [D] aux dépens.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
- que l'erreur de désignation de la juridiction compétente dans l'assignation ne fait pas grief au défendeur qui a constitué avocat et conclu à l'audience ;
- que la demande d'avance sur les droits dans le compte d'administration est infondée en l'absence de tout élément de nature à établir le montant des fonds disponibles au sens de l'article 815-11 du code civil ;
- que la demande en paiement d'une somme mensuelle au titre des droits dans le compte d'administration ne correspond pas au versement d'une part annuelle des bénéfices ou à une demande en capital, seules ces dernières étant envisagées par les dispositions susvisées.
Par déclaration du 28 juin 2021, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et, selon ses dernières conclusions transmises le 11 août 2021, elle conclut à son infirmation et demande à la cour statuant à nouveau de condamner M. [Y] à lui verser les sommes de 6 000 euros à titre d'avance sur ses droits dans le compte d'administration, de 500 euros par mois à compter du 1er septembre 2020 à titre d'avance sur ses droits et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fait valoir :
- qu'outre l'ancien domicile conjugal occupé par M. [Y], ils sont propriétaires indivis à hauteur de 50 % de trois biens immobiliers constitués de six appartements au total ;
- que malgré ses demandes, elle n'a été destinataire d'aucune information ni somme afférente à la location des biens situés à [Localité 8] et à [Localité 7], dont la gestion a été confiée par M. [Y] à la SARL AB-Gest Immo ;
- qu'il en est de même concernant la mise en location du bien situé à [Localité 6] dont la gestion est assurée directement par M. [Y] ;
- qu'en considération du seul prêt existant relatif au bien situé à [Localité 8], représentant des échéances mensuelles de 1 538,38 euros, ainsi que de son imposition à hauteur de 11 972 euros au titre des impôts fonciers de l'année 2020, les locations susvisées génèrent un bénéfice encaissé par M. [Y] seul ;
- que par ailleurs l'aperçu de l'état liquidatif de la communauté fait apparaître une part de 400 000 euros à revenir à chacun des époux, alors même qu'elle se trouve dans une situation financière difficile.
M. [Y] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 10 novembre 2021 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [D] de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il expose :
- que s'il gère de fait, en l'absence d'initiative de Mme [D], l'indivision post-communautaire dont la liquidation partage est toujours en cours en raison notamment de l'obstruction de cette dernière, il n'en est pas le représentant dans la mesure où sa désignation provisoire pour assurer la gestion des biens communs est devenue caduque le 8 août 2019 dès lors que Mme [D] n'a pas interjeté appel du prononcé du divorce ;
- que dès lors, il ne peut être condamné à lui régler sur ses fonds personnels les sommes qu'elle demande ;
- qu'elle ne démontre pas la réunion des conditions prévues par l'article 815-11 du code civil, notamment l'existence de fonds disponibles, étant précisé que les biens indivis ne génèrent pas de bénéfices suffisants pour permettre des versements aux indivisaires au regard des charges et dépenses ;
- qu'en effet il résulte des comptes vérifiés par un expert comptable que le bénéfice s'est élevé à la somme de 133 euros par mois en 2019 et de 110 euros par mois en 2020, à partager à parts égales entre les deux indivisaires et qui doit être conservé dans le compte d'indivision.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 24 janvier suivant et mise en délibéré au 28 mars 2023.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
A titre liminaire, la cour constate que M. [Y] ne conteste pas assumer la gestion de fait de l'indivision depuis le prononcé du divorce.
En application de l'article 815-11 du code civil, tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.
En l'espèce, si Mme [D], qui supporte la charge de la preuve, affirme au soutien de sa demande d'avance en capital à valoir sur ses droits dans le partage à intervenir que les revenus locatifs des biens immobiliers en indivision génèrent des bénéfices, les pièces produites en appel sont impropres à établir l'existence de fonds disponibles, en ce que :
- si le relevé de gérance établi par la société AB-Gest Immo fait état d'un solde créditeur à hauteur de 2 370,05 euros, ce document ne concerne que le seul mois de février 2021, soit au surplus il y a plus de deux ans, et ne comptabilise au débit que les seuls honoraires de gestion ainsi que des charges de chauffage concernant le bien situé [Adresse 3] ;
- Mme [D], qui évoque avoir sollicité à de nombreuses reprises la société AB-Gest Immo, ne produit qu'un courriel du 29 janvier 2021et un courrier de son conseil daté du 22 juillet suivant, soit deux correspondances intervenues il y a environ deux ans, étant observé que le gestionnaire immobilier ne dispose que des données relatives aux charges relevant du périmètre de sa mission, c'est à dire celles concernant les charges locatives et les honoraires de gestion ;
- si la déclaration fiscale 2044 spéciale des revenus fonciers 2020 mentionne un résultat global annuel de 11 972 euros, ce montant s'entend hors déduction de l'ensemble des frais et charges non listés dans la rubrique 220 de ladite déclaration, en particulier les charges d'emprunt, de sorte qu'il ne peut en être déduit un bénéfice ;
- le tableau intitulé 'liquidation de communauté [D] [Y]' est daté du 10 juin 2021, soit il y a près de deux ans, tandis qu'il n'établit pas l'existence de fonds disponibles.
Il en résulte, comme relevé par le juge de première instance et indépendamment de la valorisation des actifs immobiliers, que Mme [D] n'établit pas les éléments de nature à établir la réunion des conditions prévues par les dispositions susvisées et à fonder sa demande de condamnation de M. [Y] à lui verser la somme de 6 000 euros à titre d'avance sur ses droits dans le compte d'administration.
Par ailleurs et par de justes motifs que la cour adopte, le juge de première instance a retenu que la demande de Mme [D] visant à la condamnation de M. [Y] à lui verser la somme de 500 euros par mois à compter du 1er septembre 2020 à titre d'avance sur ses droits ne correspond ni à une demande de paiement d'une part annuelle au titre des bénéfices ni à une demande d'avance en capital.
Dès lors, le jugement critiqué sera confirmé en toutes ses dispositions.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 16 mars 2021 par le président du tribunal judiciaire de Besançon ;
Condamne Mme [Z] [D] aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait greffier.
Le greffier, Le président de chambre,