ARRET N° 23/
FD/XD
COUR D'APPEL DE BESANCON
ARRET DU 17 MARS 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 13 Janvier 2023
N° de rôle : N° RG 22/00265 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPIB
S/appel d'une décision
du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS-LE-SAUNIER
en date du 12 janvier 2022
code affaire : 89E
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
APPELANTE
Société [2], sise [Adresse 1]
représentée par Me Delphine LE GOFF, avocat au barreau de l'AIN
INTIMEE
Organisme CPAM HD, Service Juridique - [Adresse 3]
représentée par Mme [T], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DOMENEGO Florence, Conseiller, entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Madame Catherine RIDE-GAULTIER, greffier lors des débats
Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, lors de la mise à disposition
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 17 Mars 2023 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [H] [M] est salarié en qualité d'ouvrier qualifié de la SAS [2] depuis le 1er mars 2006.
Le 26 mars 2019, la SAS [2] a transmis à la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura (CPAM) une déclaration d'accident du travail survenu le 23 mars 2019 à M. [H] [M], lequel 'alors qu'il était occupé à filmer des cheps et s'était baissé pour tirer sur le film étirable, avait été touché au niveau du haut de la cuisse et du bas du dos par la barre du chep vide présent sur les fourches du chariot de type III conduit par son collègue M. [U], agent logistique'. Un certificat médical initial en date du 24 mars 2019 y était joint et mentionnait 'contusion hanche droite + lombaire'.
Le 29 mars 2019, la CPAM du Jura a notifié à la SAS [2] la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de cet accident du travail.
La SAS [2] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable et devant le rejet implicite de son recours, a saisi le 2 septembre 2019 le pôle social du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier lequel a, dans son jugement du 15 décembre 2020, ordonné avant dire droit une expertise judiciaire sur pièces et commis Mme [L] [V], médecin, pour y procéder.
L'expert a déposé son rapport définitif le 30 août 2021.
Par jugement en date du 12 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a :
- déclaré opposable à la SAS [2] la décision de prise en charge de la CPAM du Jura des soins et arrêts de travail prescrits à M. [M] du 23 mars au 12 avril 2019
- débouté la SAS [2] de sa demande en inopposabilité à compter du 7 avril 2019
- débouté la SAS [2] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SAS [2] aux dépens d'instance qui comprendront les frais d'expertise d'un montant de 800 euros
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Par lettre recommandée en date du 11 février 2022, la SAS [2] a relevé appel de cette décision.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 14 octobre 2022. La réouverture des débats a été ordonnée à l'audience du 13 janvier 2023, par arrêt en date du 25 novembre 2022.
Dans ses dernières écritures réceptionnées le 21 juillet 2022, soutenues à l'audience, la SAS [2] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau
- déclarer que les arrêts de travail et soins prescrits à compter du 12 avril 2019 sont exclusivement en lien avec un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte indépendamment de l'accident du travail du 23 mars 2019
- déclarer en conséquence les arrêts de travail et soins prescrits à M. [M] à compter du 12 avril 2019 inopposables à la SAS [2]
- condamner la CPAM du Jura au paiement de la somme de 800 euros au titre du remboursement de la provision versée par la société [2]
- condamner la CPAM du Jura à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, la SAS [2] soutient que la date de consolidation a été fixée par l'expert au 7 avril 2019 et non au 12 avril 2019 et que les arrêts de travail postérieurs ne pouvaient en conséquence lui être opposables. Elle rappelle par ailleurs que l'expertise, qu'elle avait sollicitée, lui a été favorable ; qu'elle n'a en conséquence pas à en assumer le coût définitif et qu'elle doit au surplus pouvoir bénéficier du remboursement de ses frais irrépétibles.
Dans ses dernières écritures réceptionnées le 10 octobre 2022, soutenues à l'audience, la CPAM du Jura demande à la cour de :
- constater qu'elle ne conteste pas les conclusions de l'expert en ce qu'elles déclarent que du 23 mars 2019 au 12 avril 2019 les arrêts de travail et soins prescrits à M. [M] étaient en lien avec son accident du travail du 23 mars 2019
- constater que les soins et arrêts de travail prescrits du 23 mars 2019 au 12 avril 2019 sont opposables à la SAS [2]
- constater que le tribunal n'a pas déclaré inopposables les arrêts de travail prescrits à compter du 13 avril 2019
- confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- débouter la SAS [2] de toutes ses demandes, notamment de celle tendant à la voir condamner au paiement des frais d'expertise et à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SAS [2] aux dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'opposabilité des arrêts de travail et soins prescrits à M. [H] [M] :
Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
L'accident du travail est défini comme un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
La présomption d'imputabilité énoncée par ces dispositions implique que toute lésion survenue au temps et au lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail sauf s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.
En l'espèce, les premiers juges ont retenu la matérialité du fait accidentel survenu à M. [M] le 23 mars 2019 ainsi que le lien direct entre cet accident du travail et les arrêts de travail et soins prescrits à l'intéressé du 23 mars au 12 avril 2019, date au-delà de laquelle le docteur [V] a mis en lien les arrêts de travail et les soins avec un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, en relevant notamment que tous les certificats médicaux émis à compter du 12 avril 2019 se rapportent à une lombosciatique en lien avec l'état antérieur du patient, qui est indépendant de l'accident du travail du 23 mars 2019.
Il doit être effectivement relevé que le certificat initial du 23 mars 2019, de même que ceux des 28 mars, 2 avril et 8 avril 2019 transmis par la caisse au médecin expert dans le cadre d'un dire et annexés au rapport d'expertise, font tous état d'une 'contusion hanche droite + lombaire', alors que celui du 12 avril 2019 et les suivants mentionnent une lombosciatique droite.
Le médecin expert conclut en particulier que l'état antérieur évolue pour son propre compte au-delà du 12 avril 2019 : 'lombosciatique droite' et qu'il s'agit des suites de la hernie discale lombaire opérée en 2017, sans lien avec l'accident du travail du 23 mars 2019.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré opposable à la SAS [2] la décision de prise en charge de la CPAM du Jura des soins et arrêts de travail prescrits à M. [M] du 23 mars 2019 au 12 avril 2019 et ont débouté l'employeur de sa demande d'inopposabilité à compter du 7 avril 2019, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.
En outre, il est fait observer que par-delà sa demande d'infirmation, la société [2] sollicite exclusivement devant la cour que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [H] [M] à compter du 12 avril 2019 lui soient déclarés inopposables.
A cet égard, il ressort des écritures des parties et deleur échange de courriels en date du 10 février 2022 que l'absence dans la décision de première instance d'une disposition expresse portant sur l'inopposabilité à l'employeur des arrêts de travail et soins prescrits à M. [H] [M] postérieurement au 12 avril 2019 a suscité une difficulté d'exécution.
La caisse expose en effet : 'Au regard de la rédaction du jugement qui d'une part déclare opposables les arrêts de travail et soins prescrits du 23.03.2019 au 12.04.2019 et d'autre part déboute la société [2] de sa demande en inopposabilité à compter du 07.04.2019, la caisse ne pouvait retirer du compte employeur les arrêts prescrits à compter du 13.04.2019".
Dès lors, complétant le jugement, la cour déclarera inopposables à la société [2] les arrêts de travail et soins prescrits à M. [H] [M] postérieurement au 12 avril 2019.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La caisse n'a pas succombé en première instance, étant précisé que s'agissant de la période de soins postérieure au 12 avril 2019 sur laquelle les premiers juges n'ont pas expressément statué, elle s'en remettait à l'appréciation souveraine du tribunal pour homologuer le rapport d'expertise.
Dans ces conditions, la décision attaquée sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société [2] aux dépens, comprenant les frais d'expertise d'un montant de 800 euros.
En revanche, l'appel a été formé parce que la caisse a refusé de retirer du compte employeur les arrêts de travail prescrits à M. [H] [M] à compter du 13 avril 2019.
Or, s'ils n'ont pas expressément statué sur les arrêts de travail et soins postérieurs au 12 avril 2019, les premiers juges les ont néanmoins implicitement mais nécessairement exclus de la période opposable à l'employeur, en déclarant opposable à celui-ci la décision de prise en charge de la CPAM du Jura des soins et arrêts de travail prescrits à M. [M] du 23 mars au 12 avril 2019 et en relevant dans les motifs de leur décision que l'état antérieur du patient évoluait pour son propre compte au-delà du12 avril 2019.
Dans ces conditions, il convient de condamner la caisse aux dépens d'appel et d'allouer, en équité, à la société [2] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier en date du 12 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare inopposables à la société [2] les arrêts de travail et soins prescrits à M. [H] [M] postérieurement au 12 avril 2019 ;
Condamne la CPAM du Jura à payer à la SAS [2] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la CPAM du Jura aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix sept mars deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,