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17/03/2023 | FRANCE | N°21/02009

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 17 mars 2023, 21/02009


ARRET N° 23/

FD/XD



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 17 MARS 2023



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 13 Janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/02009 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOF2



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BELFORT

en date du 05 novembre 2021

code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail





APPELANTE



S.A. DALKIA, sise [Adre

sse 2]



représentée par Me Pascale CANTENOT, avocat au barreau de BESANCON





INTIME



Monsieur [O] [H], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Vincent BESANCON, avocat au barreau de BELFOR...

ARRET N° 23/

FD/XD

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 17 MARS 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 13 Janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/02009 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOF2

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BELFORT

en date du 05 novembre 2021

code affaire : 80J

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

APPELANTE

S.A. DALKIA, sise [Adresse 2]

représentée par Me Pascale CANTENOT, avocat au barreau de BESANCON

INTIME

Monsieur [O] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Vincent BESANCON, avocat au barreau de BELFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DOMENEGO Florence, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Madame Catherine RIDE-GAULTIER, greffier lors des débats

Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, lors de la mise à disposition

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 17 Mars 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 15 novembre 2021 par la SA DALKIA du jugement rendu le 5 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Belfort qui, dans le cadre du litige l'opposant à M. [O] [H], a :

- rejeté la demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut de salarié protégé;

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné en conséquence la SA DALKIA à payer à M. [O] [H], les sommes

suivantes :

- 31 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1500 euros sur le fondement de l`article 700 du code de procédure civile

- rejeté le surplus des demandes

- condamné la SA DALKIA aux entiers dépens

- rappelé le caractère exécutoire de la décision ;

Vu les dernières conclusions transmises le 7 février 2022, aux termes desquelles la SA DALKIA, appelante, demande à la cour de :

- à titre principal, juger le licenciement de M. [H] justifié et infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes

- à titre subsidiaire, juger les sommes demandées par M. [H] pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse non justifiées

- réduire le montant accordé à la somme de 7 252,50 euros bruts au visa de l'article L 1235-3 du code du travail

- condamner M. [H] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 5000 euros au visa de l'article 700 de code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises le 22 avril 2022, aux termes desquelles M. [O] [H], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- condamner la SA DALKIA à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022;

SUR CE,

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [O] [H] a été embauché par la SA DALKIA en qualité de technicien d'exploitation, par plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 9 septembre 2003 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2008.

Le 29 avril 2019, M. [O] [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 mai 2019 et a été licencié par lettre en date du 22 mai 2019, l'employeur lui reprochant une indiscipline caractérisée, une attitude irrespectueuse à l'endroit de sa hiérarchie et une insuffisance professionnelle.

Soutenant ne pas avoir été destinataire de la lettre de convocation à l'entretien préalable et contestant par ailleurs les conditions de la rupture de son contrat de travail, M. [O] [H] a saisi le 6 juin 2019 le conseil de prud'hommes de Belfort de différentes demandes indemnitaires, saisine ayant donné lieu au jugement entrepris;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aucun appel incident n'a été formé par le salarié à l'encontre du chef de jugement rejetant la demande de nullité du licenciement invoquée en première instance pour non-respect du statut protecteur.

Tout autant n'est plus contestée à hauteur de cour par le salarié la régularité de la procédure que les premiers juges ont retenue au motif que la preuve d'une irrégularité dans l'envoi du courrier de convocation à l'entretien préalable au licenciement n'était pas rapportée.

- Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Aux termes de l' article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit avoir une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve n'incombe pas particulièrement à une des parties, il appartient cependant à l'employeur d'alléguer les faits sur lesquels il fonde le licenciement en fournissant les éléments propres à caractériser le caractère sérieux et réel des motifs invoqués.

Si un doute subsiste, il doit profiter au salarié en application de l'article L 1235-1 du code du travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement, aux termes de laquelle la cour se réfère pour un plus ample exposé des motifs et qui fixe les limites du litige, reproche à M. [H] :

- d'avoir répondu à son supérieur de façon injurieuse et virulente le 28 mars 2019 en lui disant ' tu vas pas me faire chier tout au matin!', puis de s'être levé brutalement et d'avoir tapé un grand coup sur la table avant de se rasseoir

- d'avoir visé ainsi à déstabiliser son responsable devant son équipe, de ne pas lui avoir présenté des excuses et d'avoir provoqué l'avance prématurée du départ en retraite de son supérieur hiérarchique, qui ne s'estimait plus en sécurité en sa présence

- d'avoir déjà adopté un tel comportement agressif et irrespectueux de telle sorte que l'entourage de travail et d'autres responsables d'équipe refusaient de l' accueillir au sein de leurs équipes

- d'avoir, malgré 915 heures de formation en 2018, un engagement et un niveau de compétence laissant à désirer et d'être en dessous des attendus d'un technicien chez DALKIA

- d'avoir ainsi des résultats très inférieurs à la moyenne constatée dans les principaux domaines du métier ( électricité, régulation etc...) et de ne pas s'être amélioré

- d'être demeuré pendant 1 h 10 dans son véhicule le 13 mars 2019 sur le chantier au vu de l'ensemble des résidents de la copropriété, ce qui a nui à l'image de marque de la société, et d'avoir pointé 1 H 20 de temps d'intervention sur les outils reporting Hold et 45 minutes dans le cahier chaufferie, ce qui constituait une fausse déclaration

faits constituant des manquements professionnels inacceptables de la part d'un technicien responsable et justifiant le licenciement.

Pour en justifier, l'employeur produit les attestations de M. [K] [M], N+1 de M. [H], et de M. [R] [F], technicien d'exploitation, qui confirment tous deux la survenance d'un incident le 28 mars 2019, au cours duquel le salarié, suite à un rappel de son supérieur hériarchique sur les procédures à suivre lors des interventions en urgence, a déclaré 'tu vas pas me faire chier dès le matin' en se levant, en tapant du poing sur la table et puis en se rasseyant' avant de quitter les lieux.

Si M. [H] conteste dans ses conclusions avoir tenu de tels propos et soutient avoir au contraire quitté la pièce après s'être vu signifier ' tu mets tout le monde dans la merde' par M. [M], aucun élément ne vient cependant étayer de telles allégations.

Aucune pièce n'établit ainsi l'attitude discourtoise qu'aurait eue à son encontre M. [M]. M. [F] confirme au contraire que M. [M] n'a sollicité que des précisions sur une intervention sans mentionner de quelconques propos désobligeants et souligne l'altercation qui s'en est suivie, dans un contexte qui ressort manifestement comme éloigné de la situation calme décrite par le salarié dans ses conclusions et qui a pu légitimement perturber M. [M] et lui laisser craindre que le salarié ' voulait en découdre'.

L'attitude irrespectueuse et agressive ainsi reprochée le 28 mars 2019 est donc établie, sans que pour autant ne soit démontrée ni la récurrence invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement d'un tel comportement ni le lien avec l'anticipation par M. [M] de son départ en retraite.

Aucun autre fait précis n'est ainsi mentionné et la répétition invoquée ne saurait résulter des seules mentions de 'une partie de l'année a été compliquée dans les relations avec la hiérarchie' dans son évaluation 2017, '[O] est en progression dans le savoir-faire et le savoir-être' dans son évaluation 2018 et '[O] doit améliorer son relationnel' dans son évaluation 2019.

Tout autant, s'agissant du 13 mars 2019, il résulte des échanges de courriels entre Mme [T], chargée d'affaires, et M. [M] le 13 mars 2019, que ce même jour, des copropriétaires se sont plaint d'un technicien qui n'avait fait qu' une intervention de dix minutes et était demeuré une heure dans son véhicule, alors même que les dysfonctionnements manifestement perduraient, technicien qui s'est avéré être M. [H].

Si M. [H] conteste une telle attitude de sa part et soutient que son intervention a été au contraire correctement réalisée dans les temps nécessaires, aucun élément ne vient cependant contredire les doléances dont a été destinataire Mme [T], telles que rappelées dans son attestation ( pièce 15), et qui ne sont imputables qu'à M. [H] puisque les trois points évoqués dans son courriel concernent le même client et manifestement le même lieu d'intervention, contrairement à ce que le salarié soutient dans ses conclusions.

Les relevés horodatés confirment par ailleurs une arrivée sur les lieux à 15 h 04, la rédaction du compte-rendu d'intervention sur le cahier de chaufferie à 15 h 30, laquelle intervient indéniablement à son issue, et un départ du site à 16 h 08, soit plus de 38 minutes après la fin matérielle des contrôles opérés, délai sur lequel M. [H] n'apporte pas de réelles explications. Ce dernier ne saurait en effet correspondre au temps nécessaire pour noter les informations sur le PAD et ce d'autant que le salarié soutient dans ses conclusions maîtriser parfaitement un tel outil informatique. Un tel délai, manifestement incompris par certains copropriétaires, a par ailleurs indéniablement alerté leur vigilance et conduit ces derniers à en informer la société DALKIA, nuisant ainsi au sérieux et au professionnalisme que cette dernière entendait garantir à ses clients.

Ce grief est en conséquence établi.

Quant à l'insuffisance professionnelle soulevée, si cette dernière ne présente pas de caractère fautif, elle peut cependant être invoquée à l'appui d'un licenciement personnel, en complément des fautes invoquées.

En l'état, pour en justifier, l'employeur se prévaut des résultats obtenus en mai 2018 par M. [H] aux tests ICT mis en place au sein de l'entreprise à compter de décembre 2017, lesquels ont selon lui mis en évidence des lacunes en électricité, régulation, mécanique et traitement d'eau alors que le salarié avait une ancienneté de 15 ans et avait bénéficié de très nombreuses heures de formation.

Pour autant, si les résultats mettent effectivement en évidence des résultats plus faibles dans certaines disciplines, l'employeur reconnaît lui-même que 'ces résultats sont conformes aux exigences de références' , de telle sorte que quand bien même l'employeur serait déçu des performances de son salarié, lequel justifie bénéficier de toutes les habilitations et autorisations professionnelles nécessaires, l'insuffisance professionnelle n'est pas démontrée.

Ce motif n'est en conséquence pas établi.

Si les faits des 13 mars et 28 mars 2019 sont bien caractérisés et autorisaient l'employeur à faire usage de son pouvoir disciplinaire à l'encontre de M. [H], leur absence de répétition et l'absence de tout passé disciplinaire du salarié malgré une ancienneté non-négligeable de 15 ans rendent cependant disproportionnée la sanction de licenciement ainsi prise.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré le licenciement de M. [H] sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte-tenu de l'ancienneté de M. [H], ce dernier peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 13 mois de salaires en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail.

Si les premiers juges ont alloué à M. [H] 13 mois de salaire, les circonstances de fait ci-dessus détaillées, l'âge de ce dernier lors du licenciement ( 36 ans) et sa situation personnelle et professionnelle, ce dernier ayant indiqué lors de l'audience de départage avoir retrouvé un emploi chez ENGIE en septembre 2019 en CDI avec une rémunération équivalente, commandent au contraire de réduire l'indemnité ainsi fixée en première instance et de lui allouer la somme de 15 000 euros (6 mois) en réparation du préjudice réel subi.

Une telle appréciation prend en compte la 'souffrance au travail' invoquée par le salarié, laquelle ne peut cependant conduire à la majoration dans les proportions demandées par M. [H], dès lors que le salarié a été déclaré apte au travail par le médecin lors de sa visite périodique du 18 janvier 2019 ; qu'aucune alerte n'a été adressée à l'employeur avant la notification du licenciement et qu'aucun fait de harcèlement moral ou d'exécution déloyale par l'employeur de ses obligations n'est invoqué dans la présente instance.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et la SA DALKIA condamnée aux paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- Sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les parties succombant toutes deux en appel conserveront à leur charge leurs frais irrépétibles.

La SA DALKIA supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Belfort en date du 5 novembre 2021 sauf en ce qu'il a condamné la SA DALKIA à payer à M. [O] [H] la somme 31 000 euros à titre de dommages et intérêts

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

- Condamne la SA DALKIA à payer à M. [O] [H] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la SA DALKIA aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix sept mars deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02009
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-17;21.02009 ?
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