ARRET N° 23/
FD/XD
COUR D'APPEL DE BESANCON
ARRET DU 17 MARS 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 13 Janvier 2023
N° de rôle : N° RG 21/01886 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EN6C
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTBELIARD
en date du 16 septembre 2021
code affaire : 80P
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
APPELANT
Monsieur [P] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre-etienne MAILLARD, avocat au barreau de BELFORT
INTIMES
Maître [I] [X] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL ARPITEC demeurant [Adresse 1]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4], sise [Adresse 3]
représentés par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DOMENEGO Florence, Conseiller, entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Madame Catherine RIDE-GAULTIER, greffier lors des débats
Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, lors de la mise à disposition
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 17 Mars 2023 par mise à disposition au greffe.
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Statuant sur l'appel interjeté le 18 octobre 2021 par M. [P] [W] du jugement rendu le 16 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard qui, dans le cadre du litige l'opposant à Maître [I] [X], ès-qualités de liquidateur de la SARL ARPITEC, et l'AGS-CGEA de [Localité 4], a :
- fixé les créances de M. [W] sur la liquidation de la SARL ARPITEC aux sommes suivantes :
- 2 994,80 euros bruts au titre des dommages et intérêts
- 3 319,86 euros au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés
- débouté M. [W] de ses autres chefs de demande ;
- condamné Maître [I] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL ARPITEC, aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions transmises le 16 mai 2022, aux termes desquelles M. [P] [W], appelant, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance sur la liquidation judiciaire de la SARL ARPITEC aux sommes suivantes :
- 2 994,80 euros à titre de dommages et intérêts.
- 3 319,86 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés
- infirmer le jugement en ce qu'il l' a débouté de ses demandes relatives au paiement d'une prime de vacances et à sa demande de prise en charge des frais irrépétibles
- fixer 'sa créance au redressement judiciaire' de la SARL ARPITEC aux sommes suivantes :
- 7 187,50 euros brut à titre de rappel de salaire sur prime de vacances
- 718,75 euros brut à titre de congés payés afférents
- subsidiairement, fixer la créance relative au rappel de salaires sur prime de vacances à 2 395,83 euros brut, outre 239,58 euros brut à titre de congés payés afférents
- débouter l'AGS-CGEA de [Localité 4] et Maître [X], ès-qualités de liquidateur de la SARL ARPITEC, de l'intégralité de leurs demandes
- condamner Maître [X], ès-qualités de liquidateur de la SARL ARPITEC, à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance
- condamner également Maître [X], ès-qualités de liquidateur de la SARL ARPITEC à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions transmises le 27 juin 2022, aux termes desquelles l'UNEDIC- délégation AGS- CGEA de [Localité 4] , intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a fixé la créance de M. [W] au passif de la liquidation de la SARL ARPITEC à la somme 2 994,80 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.
- confirmer le jugement pour le surplus
- débouter M. [W] de sa demande de rappel de salaire sur prime de vacances et de congés payés afférents
- juger que le CGEA n'a pas à garantir les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- subsidiairement, juger que le CGEA de [Localité 4], ès-qualités de gestionnaire de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19, L 3253-20,
L 3253-21, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail
- juger que le CGEA ne devra s'exécuter, toutes créances effectuées pour le compte dusalarié confondues, qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et sur présentation d''un relevé présenté par le mandataire judiciaire.
- juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes sommes et créances avancées pour le compte du salarié confondues, à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail
- statuer ce que de droit sur les dépens qui, en toute hypothèse, ne pourront être mis à la charge du CGEA de [Localité 4] ;
Vu les dernières conclusions transmises le 31 mars 2022, aux termes desquelles Maître [X], ès-qualités de liquidateur de la SARL ARPITEC, intimé et appelant incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [W] au passif da la liquidation de la SARL ARPITEC à la somme de 2 994,80 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement
- débouter M. [W] de sa demande indemnitaire au titre de l'irrégularité de procédure
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus
- débouter M. [W] de sa demande de rappel de salaire sur prime de vacances et congés payés afférents
- mettre les entiers dépens à la charge de M. [W]
- condamner M. [W] à lui verse la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022 ;
Vu l'audience du 13 janvier 2023 au cours de laquelle la cour a recueilli les observations des parties sur les demandes dont elle était réellement saisie par l'acte d'appel et les conclusions des parties ;
SUR CE,
EXPOSE DU LITIGE :
Selon contrat à durée indéterminée en date du 15 juin 2013, M. [P] [W] a été embauché par la SARL ARPITEC en qualité de Technicien en automatisme et robotique industrielle.
La SARL ARPITEC a été placée en redressement judiciaire le 5 juin 2018.
Le 30 janvier 2019, M. [W] a été déclaré inapte par la médecine du travail suite à un arrêt maladie de longue durée qui a commencé en juillet 2016.
Le 12 février 2019, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire avec désignation de Maître [X] en qualité de liquidateur.
Par lettre du 13 février 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique et a accepté le 12 mars 2019 le contrat de sécurisation professionnelle proposé lors de l'entretien.
Contestant les conditions de la rupture et soutenant que le licenciement était nul pour avoir été prononcé au mépris des dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail, M. [W] a saisi le 8 janvier 2020 le conseil de prud'hommes de Montbéliard de différentes demandes indemnitaires, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur le litige dévolu à la cour :
Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, si Me [X] a contesté dans le corps de ses uniques conclusions intitulées CONCLUSIONS D INTIME AVEC APPEL INCIDENT d'une part les dommages et intérêts alloués au titre de l'irrégularité de procédure et d'autre part, le solde d'indemnité compensatrice de congés payés, il n'a formulé cependant dans son dispositif aucune demande d'infirmation concernant cette indemnité et a circonscrit son appel au seul montant des dommages et intérêts pour le vice de procédure, sollicitant expressément la confirmation de l'ensemble des autres chefs de jugement.
La cour n'est en conséquence pas saisie d'un appel concernant l'indemnité de congés payés allouée par les premiers juges à hauteur de 3 319,86 euros, les autres parties n'ayant pas relevé appel elles-mêmes de ce chef de jugement.
- Sur l'irrégularité de procédure de licenciement :
Aux termes de l'article L 1226-2-1 du code du travail, lorsqu' un salarié a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude par le médecin du travail et qu' il est impossible à l'employeur de lui proposer un autre emploi, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel.
De telles dispositions ne font pas obstacle à un licenciement pour motif économique, si la rupture du contrat de travail s'impose pour cause de cessation totale d'activité d'une entreprise n'appartenant à aucun groupe.
En effet, dans une telle hypothèse, la procédure de licenciement pour motif économique prime sur la procédure de licenciement pour inaptitude, que cette dernière soit d'origine ou non professionnelle. (Cass soc- 4 octobre 2017 n° 16-16.441 ; 15 septembre 2021 n ° 19-25.613)
En l'espèce, si M. [W] ne conteste plus à hauteur de cour le caractère économique du licenciement dont il a fait l'objet, il maintient cependant d'une part l'irrégularité de procédure dont a fait preuve à son encontre son employeur en ne l'informant pas, préalablement à la rupture de son contrat de travail, des raisons qui s'opposaient à son reclassement, et d'autre part, le préjudice qu'il en a subi.
M. [W] ne peut cependant se prévaloir des dispositions de l'article L 1226-2-1 du code du travail susvisé, dès lors que la SARL ARPITEC, qui ne dépendait d'aucun groupe, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec cessation immédiate et totale d'activité le 12 février 2019, supprimant de fait tous les emplois.
Par ailleurs, M. [W] ne rapporte pas la preuve que la procédure de licenciement pour motif économique n'aurait pas été correctement appliquée, alors même qu'il a été destinataire de la lettre de convocation à l'entretien préalable ainsi qu'à une réunion d 'information le 25 février 2019 et qu'il s'est vu remettre à cette occasion l'ensemble des éléments prévus aux articles L 1233-12 et L 1233-66 du code du travail pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, contrat qu'il a accepté le 12 mars 2019.
Contrairement à ce que M. [W] soutient, ce dernier avait parfaitement conscience des difficultés financières de la SARL ARPITEC clairement évoquées dans la convocation, de leurs conséquences sur la pérennité de la totalité des emplois et de son impossibilité de reclassement en l'absence de toute appartenance à un groupe.
C'est donc à tort que, tout en reconnaissant le caractère bienfondé du licenciement économique, les premiers juges ont retenu l'irrégularité de procédure et accordé un mois de salaire sur le fondement de l'article L 1235-2 du code du travail.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et M. [W] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur le rappel de salaire sur prime de vacances et les congés payés afférents :
Aux termes de l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.
En l'espèce, M. [W] soutient ne pas avoir bénéficié du paiement de cette prime pour la fin d'année 2016 et pour les années 2017 et 2018, et revendique un rappel à hauteur de 7 187,50 euros brut, outre les congés payés afférents.
Si M. [W] fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande, les bulletins de salaires désormais produits permettent d'établir que ce dernier a été en arrêt-maladie continu de juillet 2016 à décembre 2018 ; qu'il a bénéficié du maintien de son salaire jusqu'en septembre 2016 par son employeur dans la limite de 100 % pour le premier mois et de 80 % pour les deux autres mois, conformément à l'article 43 de la convention collective et qu'il a perçu ensuite des indemnités de prévoyance à hauteur de 80 % du salaire brut, lequel était calculé sur la moyenne des douze mois précédant l'événement conformément à l'article 8 de l'accord du 27 mars 1997.
Or, si M. [W] soutient à raison que l'article 31 susvisé n'assujettit pas le versement de la prime de vacances à une présence effective du salarié dans l'entreprise au cours de la période considérée, cette prime a cependant été incluse dans le salaire de référence du calcul des indemnités de prévoyance de telle sorte que ce dernier n'est pas fondé à en réclamer une deuxième fois le paiement pour la période allant du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2018.
Le salaire de référence a en effet été déterminé sur la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, laquelle comprenait le versement d'une prime de vacances à hauteur de 1 437,50 euros brut en juin 2016, celle versée en novembre correspondant à une 'prime de fin d'année'.
Tout autant, le bulletin de salaire de juin 2017 témoigne que M. [W] a bénéficié du prorata de sa prime de vacances pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2016, préalablement à la mise en place de l'indemnité de prévoyance, et a ainsi perçu la somme de 345 euros.
Enfin, aucun élément ne permet d'établir que la prime de vacances, qui était de 1 375 euros brut en juin 2015 et de 1 437 euros en juin 2016, aurait été majorée en 2017 et 2018 et justifierait le rappel de salaire que réclame M. [W] à hauteur de 7 187,50 euros sans justifier des calculs opérés pour parvenir à une telle somme, ni de celle plus faible qu'il sollicite à titre subsidiaire.
C'est donc à raison que les premiers juges ont débouté M. [W] de sa demande de rappel au titre de la prime de vacances.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
- Sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie succombant en appel, M. [W] sera condamné aux dépens.
Chacune des parties conservera ses frais irrépétibles en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Besançon en date du 16 septembre 2021 en ce qu'il a fixé la créance de M. [P] [W] sur la liquidation de la SARL ARPITEC à la somme de 2 994,20 euros à titre de dommages et intérêts
- Confirme le jugement sur les autres chefs critiqués
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
- Déboute M. [P] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement
- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties à hauteur d'appel
- Condamne M. [P] [W] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix sept mars deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,