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14/03/2023 | FRANCE | N°21/02098

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 14 mars 2023, 21/02098


ARRÊT N°



DR/FA



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 14 MARS 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Contradictoire

Audience publique du 10 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/02098 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOLJ



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VESOUL en date du 10 décembre 2019 [RG N° 18/00903]

Code affaire : 56Z Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services




>[B] [Y] épouse [F], [J] [F] C/ [I] [F]







PARTIES EN CAUSE :





Madame [B] [Y] épouse [F]

née le 16 Mai 1948 à [Localité 4], de nationalité française, retraitée,

demeurant [Ad...

ARRÊT N°

DR/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 14 MARS 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 10 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/02098 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOLJ

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VESOUL en date du 10 décembre 2019 [RG N° 18/00903]

Code affaire : 56Z Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services

[B] [Y] épouse [F], [J] [F] C/ [I] [F]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [B] [Y] épouse [F]

née le 16 Mai 1948 à [Localité 4], de nationalité française, retraitée,

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

Monsieur [J] [F]

né le 21 Septembre 1945 à [Localité 6], de nationalité française, retraité,

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTS

ET :

Monsieur [I] [F] agissant en qualité d'ayant droit de Mr [Z] [F], décédé le 11 octobre 2020 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice-président placé,

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice-président placé, magistrat rédacteur.

L'affaire, plaidée à l'audience du 10 janvier 2023 a été mise en délibéré au 14 mars 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Le 6 novembre 2003, M. [Z] [F] a été victime d'un accident de la route l'ayant lourdement handicapé.

Il a été accueilli au domicile de M. [J] [F] et de Mme [B] [Y], épouse [F] (les époux [F]), ses frère et belle-s'ur, du 16 septembre 2005 jusqu'à la cessation de leur aide le 30 septembre 2020.

M. [Z] [F] a été placé sous tutelle, l'exercice de cette mesure ayant été confié à l'UDAF de Haute Saône.

En date du 22 septembre 2011, l'UDAF de Haute Saône a accepté, pour le compte de M. [Z] [F], la somme proposée par la Mutuelle d'Assurance du Corps de Santé Français au titre de l'indemnisation de son préjudice, soit 487 400 euros, dont 231 843,37 euros au titre de l'assistance à tierce personne.

Par exploit, en date du 13 juillet 2018, les époux [F] ont fait assigner M. [Z] [F] ainsi que l'UDAF 70, ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Vesoul, aux fins d'être indemnisés au titre de leur soutien familial à hauteur de 96 200 euros pour la période allant du 16 septembre 2005 au 16 juin 2018, et à hauteur de 6 199,99 euros pour la période allant du 16 juin 2018 à la date de cessation de leur aide.

L'UDAF 70 a soulevé l'irrecevabilité des demandes fautes d'indication d'un fondement juridique, ainsi qu'au regard de la prescription, subsidiairement a conclu au débouté.

Par jugement du 10 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Vesoul, a':

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation ;

- rejeté la fin de non-recevoir liée à la prescription de l'action';

- rejeté la demande en paiement des époux [F] ;

- condamné les époux [F] à verser la somme de 2000 euros à l'UDAF de Haute Saône, agissant en qualité de tuteur de M. [Z] [F], au titre des frais irrépétibles ;

- condamné les époux [F] aux entiers dépens ;

- rejeté les demandes plus amples et contraires.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que':

- que le fondement juridique de l'action avait été précisé dans lesdernières écritures des demandeurs ;

- que la prescription ne courait qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit l'avait connu ou aurait dû le connaître, et que l'UDAF de Haute Saône ne démontrait pas à quelle date les époux [F] avaient eu connaissance de l'acceptation de la transaction du 22 septembre 2011, date des faits à l'origine de l'action ;

- que la demande en paiement était formée sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; - que les époux [F] ne démontraient pas s'être appauvris, alors qu'ils avaient perçu la somme de 152 843,68 euros au titre de la prestation de compensation pour l'aide familiale apportée à M. [Z] [F] entre 2006 et 2018, que, résidant sous le même toit que celui-ci, ils profitaient des dépenses faites pour son compte, savoir l'utilisation de son véhicule personnel et des équipements ménagers acquis pour son compte, et ne lui apportaient pas leur aide quotidiennement sur 24 heures, l'intéressé bénéficiant de l'assistance de la société Eliad à hauteur de 60 heures par mois ;

- qu'il ne pouvait être considéré que M. [Z] [F] s'était enrichi en percevant une indemnisation tiers personne réparant le prejudice subi.

Par déclaration parvenue au greffe le 4 février 2020, les époux [F] ont interjeté appel de cette décision.

M. [Z] [F] étant décédé le 11 octobre 2020, l'interruption de l'instance a été constatée par ordonnance du 16 décembre 2020.

L'instance a été reprise par M. [I] [F], en sa qualité d'héritier de M. [Z] [F], son père.

Par conclusions n°5 transmises le 28 février 2022, les appelants demandent à la cour':

Vu l'article 1371 du code civil,

Recevant les époux [F] en leur appel,

- de les dire bien fondés et justifiés,

Par conséquent,

Infirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Vesoul le 10 décembre 2019,

Et statuant à nouveau,

- de condamner M. [I] [F] pris en qualité d'hériter de feu son père [Z] [F] à payer aux époux [F] :

* 80 711,95 euros au titre de l'indemnisation tierce personne allouée à [Z] [F] avant consolidation ;

* 139 936,50 euros au titre de l'indemnisation tierce personne allouée à [Z] [F] après consolidation ;

* 403 017,12 euros pour période de juin 2011 à juin 2020 au titre de la rente à vie allouées à [Z] [F] (11 648,07euros / trimestre) ;

* 11 648,07 euros du 1er juillet au 30 septembre 2020 ;

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Claude, avocat.

Par conclusions révapitulatives transmises le 21 février 2022, M. [I] [F], agissant en qualité d'ayant droit de feu [Z] [F], décédé le 11 octobre 2020 à [Localité 5] (70), demande à la cour :

- de juger recevable la reprise d'instance de M. [I] [F], en sa qualité d'ayant droit de son père [Z] [F]';

- d'infirmer le jugement du 10 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée relative à la prescription de l'action';

- de juger prescrite l'action intentée par les époux [F]';

En tout état de cause,

- de confirmer le jugement du 10 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande en paiement des époux [F]';

Y ajoutant,

- de condamner solidairement les époux [F] à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner solidairement les époux [F] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022 et l'affaire, appelée à l'audience du 10 janvier 2023 suivant, a été mise en délibéré au 14 mars 2023.

Pour l'exposé complet des moyens, tant de l'appelant que de l'intimé, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

- Sur la prescription,

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Pour pousuivre l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, M. [I] [F] fait valoir qu'au vu de leur résidence commune avec son père, les appelants ne pouvaient en aucun cas avoir ignoré dès son intervention l'existence de la transaction ayant indemnisé le préjudice, laquelle avait au demeurant nécessairement été portée à leur connaissance puisqu'ils versaient aux débats la proposition d'indemnisation de la MACSF, l'acceptation de l'UDAF de Haute Saône, ainsi que les relevés de compte de feu [Z] [F].

Force est cependant de constater que, ce faisant, M. [I] [F] ne procède que par allégation, alors qu'il lui incombe de démontrer à quelle date exacte les époux [F] ont avec certitude pris connaissance de l'existence de l'indemnisation de laquelle ils déduisent l'intervention d'un enrichissement sans cause à leur détriment.

Les éléments qu'il invoque à l'appui de son argumentation sont en effet insusceptibles d'attester avec certitude d'une telle prise de connaissance antérieurement à l'année 2018, date à laquelle ces derniers situent quant à eux, sans être objectivement contredits sur ce point, la date à laquelle l'UDAF leur avait remis la proposition d'indemnisation de la MACSF, l'acceptation, les relevés de compte, ainsi qu'une requête et une ordonnance en date des 10 et 11 septembre 2012, rendue par le juge des tutelles en charge de la mesure de protection de feu [Z] [F]. Il doit à cet égard être rappelé que, durant l'exercice de la mesure de protection, l'UDAF de Haute Saône, en sa qualité de tuteur, était seule destinataire du courrier de feu [Z] [F].

Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé du chef de la recevabilité.

- Sur les sommes sollicitées au titre de l'enrichissement injustifié,

Les appelants fondent leur action sur la théorie de l'enrichissement sans cause.

Ils exposent à l'appui de leur appel que leur frère et beau-frère s'était enrichi en percevant des indemnités intégrant l'indemnisation tierce-personne, qui, pour l'essentiel, était assurée par eux-mêmes, ainsi qu'une rente à vie, et qu'eux-mêmes s'étaient appauvris au motif que les sommes correspondantes ne leur avaient pas été reversées, alors qu'ils s'étaient quotidiennement consacrés à son entretien,15 ans durant.

Aux termes de l'article 1303 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige dès lors que les demandes portent sur une période s'étendant jusque courant 2020, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Il appartient aux époux [F] de rapporter la preuve de l'appauvrissement de leur patrimoine et corrélativement de l'enrichissement de celui de feu [Z] [F], ainsi que de l'absence de cause de cet enrichissement.

D'une part, il y a lieu de rappeler que la perception par M. [Z] [F] d'indemnités pour assistance par tierce personne, sous forme d'un capital, puis d'une rente, ne peut en elle-même s'analyser comme un enrichissement, alors que les sommes ainsi réglées correspondent à la réparation intégrale, sans perte ni profit, du préjudice qu'il a subi en suite de l'accident de la circulation dont il a été victime.

Il se pose néanmoins la question de savoir si, en ne reversant pas aux appelants totalité ou partie des sommes qui lui avaient été spécifiquement allouées pour faire face aux dépenses d'assistance par tierce personne, alors que cette assistance était, en grande partie, assurée par les époux [F], M. [Z] [F] s'était enrichi de manière injustifiée au détriment de ces derniers.

A cet égard, la seule constatation du défaut de reversement des sommes est insuffisante, alors qu'il incombe aux appelants de démontrer et de chiffrer leur appauvrissement, étant rappelé qu'aux termes du texte précité l'indemnisation de l'éventuel enrichissement injustifié ne peut excéder la plus faible des valeurs correspondant respectivement à l'enrichissement et à l'appauvrissement.

Or, il apparaît d'abord au vu des éléments versés aux débats que, bien que cohabitant avec lui au quotidien, les époux [F] n'étaient pas seuls à intervenir au soutien de M. [Z] [F], le premier juge ayant pertinemment relevé le bénéfice des services de la société Eliad à concurrence de 60 heures par mois.

Ensuite, les appelants ont reconnu avoir perçu une pension versée mensuellement par l'UDAF de Haute Saône à hauteur de 500 euros par mois jusqu'en août 2019, et 400 euros ensuite, aux fins de participation aux frais d'hébergement de M. [Z] [F], outre la somme de 1 000 euros par an, pour les vacances d'octobre 2005 jusqu'à l'année 2016.

Ils ne contestent par ailleurs pas avoir fait l'objet, de la part de l'UDAF 70, du reversement de la prestation de compensation pour l'aide familiale perçue par M. [Z] [F], soit une somme mensuelle d'environ 1 100 euros.

Par ailleurs, ainsi qu'en attestent les documents relatifs à la gestion de la mesure de tutelle, les époux [F] sont à l'origine de demandes tendant notamment à l'achat, sur les deniers de M. [Z] [F], d'un véhicule Renault Scénic pour 13 990 euros en 2012, outre l'assurance afférente et les frais de contrôle technique, de gros électroménagers, tels que réfrigérateur et cuisinière, ou encore, entre 2012 et 2014, de meubles de salon et de chambre pour un total de près de 13 000 euros. Si certes ces achats étaient motivés au premier chef par les besoins de M. [Z] [F], ce qui justifiait leur financement par celui-ci, il n'en demeure pas moins qu'eu égard à la cohabitation sous le même toit, les appelants ont eux-mêmes profité au quotidien de la plupart des équipements ainsi acquis.

Au regard de ces éléments, les époux [F] ne démontrent pas que les sommes dont ils ont réellement bénéficié ont été insuffisantes à couvrir les frais et peines exposés par eux au titre de l'assistance par tierce-personne, de sorte qu'ils ne caractérisent pas la réalité d'un appauvrissement du fait de l'exercice de celle-ci.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement des époux [F].

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties le 10 décembre 2019 par tribunal judiciaire de Vesoul.

Y ajoutant,

Condamne solidairement Mme [B] [Y], épouse [F] et M. [J] [F] aux dépens d'appel.

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, les déboute de leur demande et':

- condamne solidairement Mme [B] [Y], épouse [F] et M. [J] [F] à payer 3'000'euros à M. [I] [F]';

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02098
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.02098 ?
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