ARRÊT N°
BM/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 13 décembre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00920 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMC2
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 27 avril 2021 [RG N° 18/01618]
Code affaire : 91C Demande en décharge ou en réduction des droits d'enregistrement portant sur des mutations à titre gratuit ou des partages
[I] [E] C/ DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [I] [E]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4], de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Hélène GUILLIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représenté par Me Clotilde LE GO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
APPELANT
ET :
DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit Siège
dont le siège social est [Adresse 3]
Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, magistrat rédacteur et Florence DOMENEGO, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 13 décembre 2022 a été mise en délibéré au 14 février 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé des faits et de la procédure
Par courrier du 10 avril 2014, la direction générale des finances publiques a adressé une demande de justification modèle 3907-SD à M. [I] [E] l'invitant, en application de l'article L. 23C du livre des procédures fiscales, à donner toute justification utile sur ses avoirs détenus ou utilisés auprès de la banque HSBC en Suisse pour la période de novembre 2005 à novembre 2006.
M. [E] a répondu le 11 avril 2014 en demandant la communication de documents.
Le 11 septembre 2014, l'administration fiscale lui a envoyé une mise en demeure n°3907 BIS-SD puis, le 17 décembre 2014, une proposition de rectification selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 71 du livre des procédures fiscales, sur un montant de 267 426,30 USD soit 209 424 euros au titre de droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 % pour des droits s'élevant ainsi à la somme de 125 654 euros.
M. [E] a répondu à cette proposition le 30 décembre 2014 puis le 20 juillet 2015 en sollicitant communication de documents.
Un avis de mise en recouvrement n° 15 08 00001 a été émis le 27 août 2015 pour un montant total de 125 654 euros. M. [E] a contesté cette imposition suivant réclamation contentieuse du 19 décembre 2017 qui a abouti à une décision de rejet par l'administration fiscale en date du 8 juin 2018.
Saisi par assignation délivrée par M. [E] en date du 18 juillet 2018 visant à annuler la décision de rejet du 8 juin 2018 et à prononcer la décharge des rappels, le tribunal judiciaire de Besançon a, par jugement rendu le 27 avril 2021, débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.
Sur la demande de M. [E] d'annulation de la décision de rejet du 8 juin 2018, le tribunal a considéré que la procédure était régulière aux motifs que M. [E] n'apportait pas la preuve que l'administration fiscale aurait fondé son redressement sur des preuves illicites ou illégales et aurait contrevenu au principe de loyauté de la preuve ; en particulier, le tribunal a considéré que :
- l'enquête préliminaire mise en oeuvre par le procureur de la République de Nice dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, en sa qualité d'autorité judiciaire, constituait une information judiciaire telle que visée par l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, lequel conçoit au sens large la notion d'information judiciaire ;
- la procédure engagée par l'administration fiscale le 27 janvier 2014 reposait bien sur les seules informations transmises par le parquet de Nice entre juillet 2009 et janvier 2010 ;
- les informations contenues dans la liste dite HSBC n'avaient fait l'objet d'aucune manipulation de la part de l'administration fiscale ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été respectées puisque les pièces communiquées à M. [E] étaient les seules sur lesquelles la décision de rectification s'était fondée, tout en excluant celles protégées par les règles du secret professionnel ; par ailleurs, avant la mise en recouvrement, l'administration fiscale n'avait transmis que la copie des seuls renseignements et documents obtenus.
Sur sa demande de prononcer la décharge des rappels opérés par l'avis de mise en recouvrement du 27 août 2015, le tribunal a retenu que :
- les réponses apportées tant par M. [E] que par son conseil étaient soit insuffisantes soit assimilables à un défaut de réponse, justifiant l'envoi de la mise en demeure ;
- la régularisation du 21 février 2014 invoquée par M. [E] ne revêtait aucun caractère spontané puisqu'il faisait ou avait fait à cette époque l'objet d'autres contrôles fiscaux dont un contrôle relatif à ses déclarations au titre de l'ISF et que, par ailleurs, les documents communiqués ne répondaient pas à la demande de communication formulée par l'administration fiscale sur l'origine des avoirs non déclarés ;
- l'avis de mise en recouvrement était suffisamment précis sur le fait générateur de taxation notamment par le renvoi, dans cet avis, à la proposition de rectification antérieure qui précise la nature de l'imposition et les textes idoines.
Par déclaration parvenue au greffe le 27 mai 2021, M. [E] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 décembre 2022 et mise en délibéré au 14 février 2023.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Selon dernières conclusions transmises le 24 septembre 2022, M. [E] demande à la cour d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- annuler la décision de rejet du 8 juin 2018 ;
- annuler l'avis de mise en recouvrement du 17 août 2015 ;
- prononcer la décharge des rappels ;
- débouter l'administration fiscale de ses demandes ;
- condamner la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment le timbre fiscal de 225 euros dont il a dû s'acquitter pour régulariser son appel.
Sur la régularité de la procédure, il fait valoir que :
- les investigations ont été effectuées par l'administration fiscale à partir des données volées par M. [J] en 2007 et remises à la France fin 2008, faits ayant conduit à la condamnation pénale en Suisse de M. [J] dans le cadre de l'affaire HSBC / [J] ; les données ont commencé à être exploitées par la direction nationale des enquêtes fiscales (la DNEF) dès janvier 2009 avant même leur transmission par les autorités judiciaires françaises en juillet 2009 ;
- le texte de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales n'a été modifié, pour permettre la communication à l'administration fiscale par le ministère public d'informations recueillies dans le cadre d'une enquête préliminaire, qu'à compter du 1er janvier 2016, de sorte qu'en 2009 et 2010, le parquet de Nice, qui n'agissait pas dans le cadre d'une instance civile ou pénale en cours, n'était pas légitime à transmettre à l'administration fiscale, dans le cadre de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, les fichiers et données informatiques, obtenus dans le cadre d'une enquête préliminaire, qui ont servi de fondement à l'avis de recouvrement ;
- il ne peut être retenu que l'enquête préliminaire dirigée par le parquet de Nice serait une instance en cours puisqu'elle a été terminée par sa décharge en décembre 2010 au profit du parquet de Paris qui n'a ouvert une information judiciaire qu'en 2013 ;
- si la preuve est libre en matière pénale, ce n'était pas le cas en matière fiscale avant l'entrée en vigueur de l'article L.10-0 AA du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale ne pouvant utiliser des documents d'origine illicite même s'ils avaient été régulièrement communiqués ; or les éléments transmis par le parquet de Nice en 2009-2010 ne révélaient aucune insuffisance d'imposition, ni redressement ni plainte pénale ; ils n'étaient basés que sur l'article L.23 du livre des procédures fiscales qui n'est entré en vigueur qu'au 1er janvier 2013 ; les poursuites engagées par l'administration fiscale se sont bien fondées sur les documents et informations transmises par la DNEF en avril 2009 et non sur ceux transmis par le parquet en septembre 2009.
Sur le fond de la procédure fiscale, M. [E] invoque que :
- pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L.23 du livre des procédures fiscales fondée sur son obligation de déclarer ses avoirs, l'administration fiscale aurait dû démontrer que les comptes qu'il détenait en Suisse avaient été utilisés ; le seul fait de ne pas déclarer un compte ouvert à l'étranger mais non utilisé n'était sanctionné que par une amende dont la poursuite se prescrivait en quatre ans ; le dit compte a été clôturé en 2006 à l'époque où l'article L. 10-0 AA n'existait pas ; il serait contraire aux règles de la non rétroactivité des lois et de la prescription de l'imposer au titre d'une présomption de mutation à titre gratuit pour un patrimoine qui n'existait déjà plus au jour de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ;
- si l'origine des fonds sur le compte détenu à l'étranger provient d'un transfert d'un autre compte qu'il détient, les trois demandes de l'administration qu'il avait reçues en 2014 (demande 3907, mise en demeure 3907 et proposition de rectification 2120) mentionnaient qu'il était alors possible de ne justifier que du seul transfert de fonds ; l'origine des fonds de la banque amont n'avait pas besoin d'être justifiée ; or, les fonds de son compte HSBC objet de la procédure fiscale ouvert en 1999 avec un crédit de 200 913,87 euros provenaient d'un compte ouvert auprès de la Banque Cantonale de Genève, ce dont il a justifié ; en tout état de cause, ses recherches sur l'origine antérieure de ces fonds se sont heurtées à la limitation à dix ans de l'archivage des données bancaires du CIC Est Vesoul Morel, auprès duquel ses fonds étaient placés jusqu'en 1993, année où ils ont été transférés à la Banque Cantonale de Genève ;
ainsi, il a pu justifier que ses deux comptes détenus auprès de cette dernière de 1993 à 1999 puis auprès de la banque HSBC de 1999 à 2006 n'ont jamais été alimentés après leur ouverture et n'ont augmenté que des intérêts « endogènes » ;
- l'assiette de 267 426,30 USD retenue par l'administration fiscale pour calculer les droits de mutation taxés à 60 % n'est pas expliquée ; il s'avère que l'administration fiscale a additionné des montants en euros et en dollars expliquant les discordances entre les montants figurant sur les comptes extraits des fichiers HSBC/[J] et ceux figurant sur les extraits de compte qu'elle lui a communiqués ; l'administration fiscale n'ayant pas produit les extraits de compte qu'elle détient, seuls les siens peuvent être retenus, avec déduction des intérêts « endogènes » des comptes puisqu'il a produit tous ses relevés bancaires depuis 1993.
L'administration fiscale a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 18 novembre 2022 pour demander à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- confirmer le rappel de droit effectué ;
- débouter l'appelant de sa demande de condamnation à lui verser 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers dépens.
Sur la régularité de la procédure, elle soutient que :
- sa procédure de rectification se fonde exclusivement sur les documents et informations transmises les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010 par le procureur de la République de Nice obtenus dans le cadre de la perquisition au domicile de M. [D] [J], dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, au cours de laquelle ont notamment été saisis un ordinateur et un disque dur contenant des données sur les clients de la filiale suisse de la banque HSBC ;
- elle ne pouvait présumer que ces informations transmises par le parquet niçois étaient les mêmes que celles obtenues directement de M. [D] [J] en décembre 2008 et ce n'est qu'après la transmission des éléments par l'autorité judiciaire qu'a pu être dressée la liste des personnes concernées par ces avoirs ainsi que le montant de ceux-ci ;
- les informations transmises par le parquet n'ont subi aucune manipulation de sa part ;
- les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales font obligation à l'autorité judiciaire, dont le ministère public fait partie, de lui communiquer spontanément toute information susceptible de répercussions fiscales recueillies au cours d'une information criminelle ou correctionnelle, notion qui inclut l'enquête préliminaire ouverte suite à une demande d'entraide judiciaire en matière pénale.
Sur le fond, l'administration fiscale fait valoir que :
- le fait générateur des droits de mutation taxés d'office en cas d'absence de réponse à la demande de justification de l'origine des avoirs est cette absence de réponse ; la prescription des années de détention du patrimoine sur lequel l'administration fiscale interroge ne peut être opposée ; elle n'est tenue à un délai que dans la limite des dix années précédant sa demande de d'information ou de justification sur l'origine des fonds ;
- il appartient au contribuable qui conteste la taxation d'office dont il a été l'objet d'apporter la preuve de son absence de bien-fondé ou de son caractère exagéré par la présentation d'éléments factuels précis étayés de justificatifs ;
- l'obligation déclarative ne concerne pas seulement les comptes ayant fait l'objet d'opérations de débit ou de crédit à son initiative sur les comptes à l'étranger litigieux au cours des dix années précédant le questionnement mais également les comptes ouverts ou clos au cours de cette même période ;
- cette obligation déclarative des comptes ouverts à l'étranger et les sanctions applicables en cas de défaut de déclaration est bien applicable à la période 2005-2006 puisqu'elle figure dans la version en vigueur depuis 1990 de l'article 1649 A du code général des impôts ;
- la seule justification du transfert de compte à compte ne permet pas de connaître l'origine des avoirs y figurant ; ces avoirs, même constitués avant 1994, sont réputés avoir été acquis à titre gratuit faute de preuve contraire ;
- la base taxable de 267 426,30 USD correspond bien au montant maximum des avoirs figurant en mai 2006 sur le document BUP qui synthétise les informations contenues dans les fichiers remis par le parquet de Nice aux service de la direction générale des finances publiques ;
- les règles de taxation du montant le plus élevé connu de l'administration conduisent à ne pas déduire les « intérêts endogènes » de la base taxable.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
- Sur la régularité de la procédure quant à la transmission des fichiers et informations par le procureur de la République de Nice :
L'article L. 101 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable en 2014, dispose que l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu.
Il ne résulte pas de l'énumération des situations dans lesquelles l'autorité judiciaire est susceptible de transmettre de telles informations que le législateur ait entendu exclure du champ d'application de ce texte les éléments recueillis et transmis par un procureur de la République dans le cadre d'une enquête pénale.
En effet, il ressort des travaux parlementaires de la loi du 4 avril 1926 portant création de nouvelles ressources fiscales, dont les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales sont issues, que l'objectif du législateur était de permettre à l'administration fiscale d'être informée, autant que possible, de présomptions de dissimulations ou d'évasions fiscales, quelle que fût la procédure en cause. A la lumière de l'évolution des règles de procédure pénale existant à la date des transmissions en cause, une interprétation contraire méconnaîtrait cet objectif (Com., 14 avril 2021, n° 19-23.230).
Par ailleurs, l'enquête préliminaire a bien abouti à une ouverture d'information par le parquet du tribunal judiciaire de Paris, qui permet d'écarter la réserve prévue in fine par l'article L.101 du livre des procédures fiscales.
C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que la transmission, par le procureur de la République de Nice, d'éléments recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire qu'il avait ouverte à la suite de la demande d'entraide internationale émanant des autorités helvétiques, n'était entachée d'aucune irrégularité.
- Sur la régularité de la procédure quant à la licéité et l'intégrité des fichiers servant de base à la procédure fiscale :
Il n'est pas contesté que les données informatiques transmises dès décembre 2008 à la direction générales des services fiscaux avaient été dérobées par M. [J], ancien informaticien salarié de la filiale suisse de la banque HSBC.
Cependant, les fichiers et informations qui ont servi de fondement aux propositions de rectification litigieux ont été obtenus et analysés à partir des données informatiques issues de la perquisition légalement effectuée au domicile de M. [J] à [Localité 5] le 20 janvier 2009 dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques, données qui ont fait l'objet d'une communication à l'administration fiscale les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L. 101 et L. 135 du livre des procédures fiscales.
Il est établi que les données reçues par la DNEF en décembre 2008 et celles obtenues par l'autorité judiciaire en janvier 2009 et transmises à l'administration fiscale à compter de l'été 2009 sont identiques. Comme il est établi que l'extraction puis l'exploitation de ces données complexes a nécessité un travail colossal des services d'enquêtes judiciaires et fiscales pour parvenir à dresser la liste des personnes détenant un compte HSBC et relier les avoirs fiscaux à chacune d'elle.
Dès lors, la cour constate que M. [E] échoue à prouver que la procédure de redressement diligentée en 2014 contre lui repose sur les données volées par M. [J].
Il résulte des dispositions de l'article L. 10-0 AA du livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur en avril 2014 que les documents, pièces ou informations que l'administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine dans le respect des règles de communication sous réserve que les pièces ou documents obtenus par l'autorité administrative ou judiciaire ne soient pas déclarées ultérieurement illégales par le juge.
Il n'est pas établi que la perquisition diligentée par le procureur de Nice aurait été annulée ou aurait été irrégulière ni que les données informatiques litigieuses auraient déjà été déclarées illégales ou encore que la procédure ayant conduit à leur communication aurait déjà été annulée par un juge.
Dès lors que ces documents ont été régulièrement communiqués à l'administration fiscale dans le cadre de son droit de communication prévue au livre des procédures fiscales par le ministère public qui lui-même les a appréhendés dans le cadre d'une procédure pénale régulière, et qu'elles ont été soumises au débat contradictoire entre les parties, ils ne peuvent pas être écartés au seul motif de leur origine.
Enfin, il n'est pas établi que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique.
Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu'il a déclaré licite l'origine des fichiers ayant servi de support à la procédure de rectification dont M. [E] a fait l'objet et en ce qu'il a écarté le grief relatif à la falsification.
- Sur l'obligation déclarative de M. [E] :
Au préalable, la cour relève que le moyen présenté par M. [E] tiré de la prescription de l'action de l'administration fiscale concernant l'obligation de déclaration de son compte clos en 2006 ne vient à l'appui d'aucune fin de non-recevoir, de sorte que la cour n'a pas à y répondre.
L'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la situation de M. [E], dispose que lorsque l'obligation de déclaration prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie. Et, lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite.
Il résulte de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa version applicable en 2014 que notamment les personnes physiques domiciliées en France sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.
L'article 344 A du même code précise que les comptes à déclarer sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces et que la déclaration de compte porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant.
En l'espèce, le compte de M. [E] ayant été clos en 2006, il entre bien dans la catégorie des comptes à déclarer sans même qu'il soit besoin de rechercher s'il existe au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration
La procédure de demande de justification de l'article L. 23 C du code général des impôts est applicable aux demandes adressées par l'administration sous la réserve que l'obligation de déclaration de l'article 1649 A du code général des impôts n'ait pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes. Il est précisé par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 qui a créé cette nouvelle disposition que cette procédure concerne les demandes adressées par l'administration à compter du 1er janvier 2013, ce qui permet de l'appliquer à toutes les personnes n'ayant pas procédé aux déclarations sus-visées sur la période 2003-2013, et notamment sur la période 2005-2006 qui concerne M. [E].
C'est donc à bon droit que le jugement a retenu que M. [E] était soumis à cette obligation de déclaration.
- Sur la preuve apportée par M. [E] quant à l'origine des avoirs :
L'article 755 du code général des impôts dispose que les avoirs figurant sur un compte étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777.
Ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.
La preuve de l'origine et des modalités d'acquisition des avoirs que la loi institue avec l'objectif de valeur constitutionnelle de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales n'est évidemment pas rapportée lorsque le justiciable se contente de justifier d'un flux financier et d'un transfert de compte à compte ; il a bien l'obligation de justifier de l'origine et des modalités d'acquisition de ces avoirs.
La loi ouvre au contribuable la possibilité de contrer la présomption simple que ces avoirs ont été acquis à titre gratuit en justifiant précisément de leur origine.
En l'espèce, en se contentant de fournir les relevés de son compte à la banque HSBC et ceux de la Banque Cantonale de Genève, M. [E] ne justifie pas de l'origine de ses avoirs.
C'est donc à bon droit que le jugement a rejeté les contestations de M. [E] sur les conditions d'application de la procédure fondée sur l'article L. 23 du livre des procédures fiscales.
- Sur le montant des droits appliqués sur ces avoirs :
Il résulte de l'article 755 du code général des impôts que cette procédure conduit à appliquer les droits sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'information ou de justification prévue par l'article L.23 C du livre des procédures fiscales.
La seule diminution prévue à cette somme maximale figurant sur le compte est celle de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.
Le maximum des avoirs figurant sur le document BUP synthétisant les informations remises à l'administration fiscale lors de la perquisition est la somme existante en mai 2006 soit 267 426,30 USD. M. [E] a reçu communication de cette extraction des fichiers dans le document de synthèse individuelle le concernant et figure en annexe du courrier recommandé qui lui a été envoyé le 25 juin 2015.
Les intérêts perçus par M. [E] sur ces avoirs n'ont pas à venir en diminution de cette somme.
La cour retient, comme le tribunal, que M. [E] échoue à prouver, avec les pièces qu'il verse aux débats, l'absence de bien-fondé de la taxation d'office dont il a fait l'objet ou de son caractère exagéré.
Dès lors, la cour, confirmant intégralement le jugement et, y ajoutant concernant la demande de nullité de l'avis de mise en recouvrement, confirme que la procédure suivie par l'administration fiscale a été régulière en la forme et en sa sanction tant en ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement du 27 août 2015 que la décision de rejet du 8 juin 2018.
Dispositif : Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon ;
Y ajoutant :
Déboute M. [I] [E] de sa demande d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 27 août 2015 ;
Condamne M. [I] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [I] [E] de sa demande.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,