ARRÊT N°
CS/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 24 JANVIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 22 novembre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00078 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKN7
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 27 octobre 2020 [RG N° 18/00658]
Code affaire : 63A Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale
[L] [S], S.A. LA MEDICALE DE FRANCE C/ [SB] [G], [W] [R], [TE] [R], [FK] [R] épouse [HC], [FZ] [R], [Z] [R]-[P], [DT] [R]-[P], [GN] [HC], [E] [HC], [F] [X], [XR] [X], [T] [UW], [O] [UH], [PJ] [UH], [B] [VK], MUTUELLE ASSURANCES CORPS SANTE FRANCAIS (MACSF)
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [L] [S]
né le [Date naissance 19] 1981 à [Localité 26]
de nationalité française, médecin, demeurant [Adresse 24]
Représenté par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON
S.A. LA MEDICALE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 31]
Représentée par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTS
ET :
Madame [SB] [G] en son nom propre et en qualité d'ayant droit de feu [V] [R]
née le [Date naissance 17] 1957 à [Localité 27], de nationalité française,
demeurant [Adresse 22]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Madame [W] [R] en son nom propre et en qualité d'ayant droit de feu [V] [R]
née le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 23]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Madame [TE] [R] en son nom propre et en qualité d'ayant droit de feu [V] [R]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 20]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Madame [FK] [R] épouse [HC] en son nom propre et en qualité d'ayant droit de feu [V] [R]
née le [Date naissance 9] 1981 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 21]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [FZ] [R] en son nom propre et en qualité d'ayant droit de feu [V] [R]
né le [Date naissance 16] 1983 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 15]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [Z] [R]-[P] Mineur représenté par ses représentants légaux : M. [FZ] [R] et Mme [EW] [R] demeurant ensemble [Adresse 15]
né le [Date naissance 2] 2008 à [Localité 29], de nationalité française,
demeurant [Adresse 15]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [DT] [R]-[P] Mineur représenté par ses représentants légaux : M. [FZ] [R] et Mme [EW] [R] demeurant ensemble [Adresse 15]
né le [Date naissance 10] 2011 à [Localité 29], de nationalité française,
demeurant [Adresse 15]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [GN] [HC] Mineur représenté par ses représentants légaux : M. [C] [HC] et Mme [FK] [R] demeurant ensemble [Adresse 21]
né le [Date naissance 14] 2008 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 21]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [E] [HC] Mineur représenté par ses représentants légaux : M. [C] [HC] et Mme [FK] [R] demeurant ensemble [Adresse 21]
né le [Date naissance 1] 2016 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 21]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [F] [X] Mineur représenté par ses représentants légaux : M. [Y] [X] et Mme [TE] [R] divorcée [X] demeurant [Adresse 20]
né le [Date naissance 12] 2003 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 20]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [XR] [X]
né le [Date naissance 6] 2001 à [Localité 26], de nationalité française,
demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [T] [UW] Mineur représenté par ses représentants légaux dont Mme [W] [R] divorcée [UH], demeurant [Adresse 23]
né le [Date naissance 8] 2006 à [Localité 28], de nationalité française,
demeurant [Adresse 23]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Madame [O] [UH]
née le [Date naissance 18] 1998 à [Localité 28], de nationalité française,
demeurant [Adresse 23]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [PJ] [UH]
né le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 28], de nationalité française,
demeurant [Adresse 23]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [B] [VK]
de nationalité française,
demeurant [Adresse 13]
Représenté par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, avocat postulant
Représenté par Me Jean-Hugues CHAUMARD de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
MUTUELLE ASSURANCES CORPS SANTE FRANCAIS (MACSF) A SSURANCES SOCIETE D'ASSURANCES MUTUELLE
[Adresse 32]
Représentée par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, avocat postulant
Représentée par Me Jean-hugues CHAUMARD de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne Arnoux, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Cédric SAUNIER, magistrat rédacteur.
L'affaire, plaidée à l'audience du 22 novembre 2022 a été mise en délibéré au 24 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
En raison de douleurs latérales au niveau de la fosse iliaque gauche accompagnées de rectorragies, [V] [R], né le [Date naissance 11] 1950, a consulté son médecin traitant le docteur [L] [S] au mois de janvier 2015.
Celui-ci a réalisé une échographie abdomino-pelvienne le 14 janvier 2015, a conclu à l'absence d'anomalie et a adressé le patient à Mme [J] [H], cardiologue, aux fins d'un contrôle post-coronographie, en mentionnant l'existence de saignements digestifs et son intention en cas de persistance de ceux-ci d'orienter l'intéressé vers un gastro-entérologue.
Dans le cadre du suivi cardiologique, M. [B] [IU], cardiologue au CHRU de Besançon, a précisé dans un courrier adressé le 17 mars 2015 au docteur [H], avec copie au docteur [S], la nécessité d'envisager un bilan digestif avec coloscopie après interruption du traitement par Brilique, laquelle n'était alors pas considérée comme envisageable avant trois à quatre mois.
Sur orientation par le docteur [S] selon courrier du 20 mars 2015, le docteur [B] [VK], gastro-entérologue, a conclu, à l'issue d'une rectosigmoïdoscopie pratiquée le 8 avril suivant, à la présence d'hémorroïdes internes de volume moyen non compliquées et à l'absence de lésion muqueuse susceptible de saigner jusqu'à quarante centimètres.
Un scanner abdomino-pelvien a été prescrit le 14 février 2017 par le docteur [S] aux fins de contrôle d'un abcès diverticulaire.
Le scanner réalisé le 22 février suivant par M. [U] [TT], médecin, a conduit ce dernier à conclure à une régression incomplète d'un abcès péri-sigmoïdien et à une nette amélioration des phénomènes inflammatoires, avec 'présence de deux images grossièrement nodulaires hépatiques [...] pouvant faire l'objet d'un contrôle échographique pour plus de précisions'.
La présence de métastases hépatiques a été confirmée par une endoscopie réalisée le 17 mars 2017 jusqu'à soixante centimètres de la marge anale au cours de laquelle a été observée une volumineuse tumeur ulcéro-bourgeonnante circonférentielle et sténosante du colon gauche proximal d'allure suspecte ainsi que par l'examen anatomopathologique établissant l'existence d'un adénocarcinome bien différencié de stade IV avec métastases hépatiques et pulmonaires.
Une chimiothérapie a donc été mise en oeuvre selon un protocole défini avec [V] [R] lors d'une consultation d'annonce assurée le 7 avril 2017 par le docteur [N], chef de service d'hépato-gastro-entérologie du groupe hospitalier de la Haute-[Localité 30] et objet du compte rendu établi par ce praticien le 10 avril suivant.
A l'issue d'une expertise amiable réalisée à la demande du médecin conseil de la société Garantie Mutuelle des Fonctionnaires par M. [K] [IF], médecin, qui a établi son rapport le 30 octobre 2017, aucune issue transactionnelle n'a pu aboutir, de sorte qu'[V] [R] a fait assigner M. [S] et son assureur la SA Médicale de France, M. [VK] et son assureur la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français (la MACSF) ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Vesoul par actes des 15, 16 et 22 mai 2018 aux fins, outre frais irrépétibles et dépens :
- de voir déclarer MM. [S] et [VK] solidairement responsables des préjudices subis ;
- de les condamner solidairement avec leurs assureurs à lui verser une provision d'un montant de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;
- d'ordonner une expertise médicale et de sursoir à la réparation intégrale de ses préjudices.
Sur conclusions d'incident par lesquelles [V] [R] sollicitait le versement d'une provision ad litem d'un montant de 10 000 euros ainsi qu'une expertise, le juge de la mise en état a, par ordonnance rendue le 18 septembre 2018, ordonné une expertise médicale et rejeté sa demande de provision.
Suite au décès d'[V] [R] survenu le [Date décès 25] 2019, son épouse Mme [SB] [G], ses quatre enfants Mmes [W], [TE], [FK] et M. [FZ] [R] et ses neuf petits-enfants [Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X] et [T] [UW] représentés par leurs parents ainsi que [O] et [PJ] [UH] sont intervenus volontairement et ont repris l'instance en cours en sollicitant :
- que MM. [S] et [VK] soit déclarés solidairement responsables des préjudices subis par [V] [R], Mme [SB] [G], Mmes [W], [TE] et [FK] [R], M. [FZ] [R], [Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] ainsi que par [O] et [PJ] [UH], résultant du retard de diagnostic d'une durée de vingt-deux mois et de la prise en charge défectueuse du parcours de soins ;
- qu'ils soient condamnés in solidum avec leurs assureurs à payer, avec exécution provisoire et dépens et outre frais irrépétibles :
. aux ayants droits d'[V] [R], la somme de 376 872,79 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par ce-dernier ;
. à Mme [G], la somme de 243 649,79 euros en réparation de ses préjudices personnels;
. aux enfants d'[V] [R], la somme de 55 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices personnels ;
. aux petits enfants d'[V] [R], la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices personnels.
La CPAM a sollicité pour sa part :
- à titre principal, la condamnation solidaire de MM. [S] et [VK] ainsi que de leurs assureurs à lui payer les sommes de 11 201,88 euros au titre de ses débours définitifs et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- subsidiairement, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 360,56 euros correspondant à 30 % de ses débours définitifs.
M. [S] et la société Médicale de France ont conclu en première instance :
- à titre principal, au rejet des demandes présentées par les consorts [R] et la CPAM, à leur condamnation au titre des frais irrépétibles et à la condamnation in solidum de M. [VK] et de la MACSF à les garantir à hauteur de 50 % des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, à l'évaluation des préjudices subis par [V] [R] à la somme de 32 030 euros, de Mme [G] à la somme de 38 000 euros outre la perte de revenus, des enfants d'[V] [R] à la somme de 15 000 euros et de ses petits enfants à la somme de 6 000 euros.
M. [VK] et la MACSF ont demandé au tribunal :
- à titre principal, de débouter les consorts [R] et la CPAM de leurs demandes ;
- à titre subsidiaire, d'évaluer la perte de chance à 20 %, soit 10 % à la charge de chacun des médecins et de réduire les demandes de réparation des préjudices d'[V] [R] à la somme de 11 093,76 euros, de Mme [G] à la somme de 2 400 euros, des enfants d'[V] [R] à la somme de 4 200 euros et de ses petits enfants à la somme de 600 euros.
Par jugement rendu le 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Vesoul a :
- déclaré MM. [S] et [VK] solidairement responsables à hauteur de 30 % du préjudice corporel subi par [V] [R] et des préjudices subis par ses ayants-droits correspondant à la perte de chance imputable au retard de diagnostic ;
- fixé la perte de chance d'[V] [R] à hauteur de 30 % ;
- jugé que dans leur rapport entre eux chacun des médecins supportera à hauteur de 50 % la charge de l'indemnisation due aux victimes ;
- condamné in solidum M. [S], la société Médicale de France, M. [VK] et la MACSF à payer: ' à Mme [G], à Mmes [W], [TE] et [FK] [R], à M. [FZ] [R], à [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, à [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, à M. [XR] [X], à [F] [X] représenté par ses parents, à [T] [UW] représenté par sa mère ainsi qu'à Mme [O] et M. [PJ] [UH] la somme de 90 966,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice corporel subi par [V] [R] et celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' à Mme [G], la somme de 90 966.68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice personnel et celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' à Mmes [W], [TE] et [FK] [R] ainsi qu'à M. [FZ] [R] la somme de 6 600 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices personnels ;
' à [Z] et [DT] [R]-[P], représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère et Mme [O] et M. [PJ] [UH], la somme de 6 600 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices personnels ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné in solidum M. [S], la société Médicale de France, M. [VK] et la MACSF aux dépens comprenant les frais de référés et d'expertise.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
' sur les responsabilités :
- sur le retard de diagnostic :
. que si en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, hormis le cas du défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables qu'en cas de faute, laquelle doit être appréciée au regard de leur obligation de moyen dont il résulte que la seule erreur ou retard de diagnostic ne sont pas en eux-mêmes fautifs, il résulte des articles L. 1110-5 et R. 4127-33 du même code que l'insuffisance ou la tardiveté des moyens pratiqués au regard de l'état de santé du patient et de ses antécédents peut revêtir un caractère fautif ;
. qu'il résulte de l'expertise que le diagnostic a connu un retard de vingt-deux mois à compter des premiers symptômes, alors même que les maux digestifs auraient justifié une colonoscopie qui aurait permis de dépister le cancer bien plus tôt, que le patient aurait certainement pu être opéré et bénéficier du même traitement mais à un stade moins avancé de sa maladie, que ce retard de diagnostic a facilité l'apparition de métastases hépatiques et pulmonaires et qu'il existe une perte de chance indiscutable directement imputable à ce retard évaluée à 30 % ;
- sur les causes de ce retard :
. que si la polypathologie cardiaque et vasculaire d'[V] [R] a compliqué sa prise en charge, il appartenait aux docteurs [S] et [VK], du fait du caractère incomplet de la rectosigmoïdoscopie réalisée le 8 avril 2015, de convoquer à nouveau celui-ci après stabilisation de sa situation hématologique écartant les risques d'une coloscopie, dans un délai que les experts ont évalué entre quatre et six mois, pour envisager une exploration complète du gros intestin ;
. que le docteur [VK] a donc engagé sa responsabilité en ne programmant pas, une fois les risques écartés, un nouvel examen par colonoscopie complète qui aurait permis une exploration au-delà des quarante derniers centimètres du colon, étant observé que l'adénocarcinome a été découvert à soixante centimètres, de sorte qu'il a effectué une démarche diagnostique incomplète à défaut d'avoir mené à terme la mesure d'examen qui lui était demandée par son confrère et a par ailleurs émis un avis rassurant n'ayant pas alerté son confrère sur l'éventualité d'un risque ou sur la nécessité de maintenir une surveillance du patient ;
. étant relevé qu'aucune cause d'alerte n'a été identifiée avant le mois de janvier 2016, que le docteur [S] a engagé sa responsabilité en ne sollicitant pas, alors même qu'il savait l'examen pratiqué par le docteur [VK] incomplet, une nouvelle colonoscopie alors qu'il constatait, entre les mois de juin et novembre 2016, une persistance des douleurs de la fosse iliaque gauche et des troubles du transit ayant donné lieu à des prescriptions symptomatiques à compter du 29 juin 2016 ;
. que dans leur rapport entre eux, chacun des deux médecins aurait pu, par la prescription plus précoce de l'examen ou son intervention pour en assurer la réalisation immédiate, permettre à [V] [R] d'avoir une chance d'être pris en charge de manière adéquate et de survivre, de sorte qu'ils doivent supporter à hauteur de 50 % chacun la responsabilité des dommages subis;
- sur le caractère préjudiciable du retard de diagnostic :
. que quand bien même l'examen par coloscopie aurait été réalisé le 8 avril 2015, il n'est pas certain, d'une part, qu'une coloscopie aurait révélé l'existence d'un adénocarcinome, voire d'un adénome, et, d'autre part, que même traité à temps, [V] [R] aurait survécu ;
. que la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, de sorte que ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie, ni l'indétermination de sa cause ne sont de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin ayant eu pour effet de retarder la prise en charge du patient et la perte d'une chance de survie pour ce dernier ;
. que les experts considèrent que le retard de diagnostic de la tumeur colique d'[V] [R] a facilité le développement de la tumeur depuis ses premiers symptômes apparus au mois de janvier 2015 puis réapparus au mois de janvier 2016 jusqu'à son ultime stade, ainsi que son essaimage métastatique, de sorte qu'il existe une perte de chance indiscutable, le patient ayant perdu 30 % de chance dans sa prise en charge médicale ;
. que le retard de diagnostic a repoussé la prise en charge thérapeutique du patient qui aurait pu être opéré et bénéficier du même traitement mais à un stade moins avancé du cancer, de sorte que certains actes chirurgicaux traumatisants, tels la stomie, auraient pu être évités ;
. qu'il a donc subi une perte de chance de bénéficier des soins les plus appropriés et les plus efficaces de nature à lui garantir la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de ses souffrances, cette perte de chance directe et certaine étant indépendante de l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie et de l'indétermination de la cause des douleurs au niveau de la fosse iliaque gauche, des saignements et des troubles digestifs ;
. que si la vitesse de croissance à laquelle un adénome se transforme en adénocarcinome est inconnue, de sorte que l'on ne peut affirmer avec certitude qu'un diagnostic réalisé en 2015 aurait révélé un adénome ou qu'un diagnostic plus précoce aurait empêché l'apparition des métastases, cette incertitude concerne l'évolution de la pathologie et ne remet pas en cause la certitude qu'un bilan gastro-entérologique réalisé au cours de l'année 2015, et a fortiori au mois de mois de juin 2016, aurait permis une prise en charge thérapeutique plus précoce dont le patient a été privé ;
. étant rappelé que l'existence d'une perte de chance ouvrant droit à réparation ne peut être écartée que lorsqu'il peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate n'aurait pas permis d'éviter les conséquences dommageables, aucun élément ne permet de dire que la prise en charge dans des conditions non fautives de la pathologie d'[V] [R] n'aurait pas permis, sinon d'éviter son décès, du moins de lui apporter une prise en charge thérapeutique de meilleure qualité qui aurait retardé l'apparition des métastases hépatiques et pulmonaires, ainsi que son décès ;
. qu'il existe donc une perte de chance indiscutable en lien direct et certain avec le préjudice, perte directement imputable au retard du diagnostic ;
- sur le taux de perte de chance :
. que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable dont l'indemnisation doit correspondre à une fraction des différents chefs
de préjudices supportés parla victime ;
. que cette perte de chance a été évaluée à 30 % par les experts après prise en compte des observations du docteur [VK], étant rappelé que le diagnostic incomplet des médecins par retard dans la prescription d'un examen ne peut correspondre à 100 % du préjudice ;
. que pour retenir un taux de 50 % dans le cadre de son expertise amiable, le docteur [IF] retient que le diagnostic aurait pu être posé dès l'année 2015 et aurait évité une colectomie et une chimiothérapie, alors qu'il n'est pas démontré qu'une colonoscopie réalisée en 2015 aurait révélé l'existence d'une tumeur cancéreuse ;
' sur la réparation, étant rappelé que le préjudice lié à une perte de chance est réparé à la mesure de la fraction des différentes dommages subis en raison de la chance perdue et que le préjudice des ayants droits d'une victime décédée doit être évalué au jour de la décision :
- sur le préjudice subi par [V] [R] :
. que la fixation de la date de consolidation au 19 décembre 2018 n'est pas contestée ;
. qu'au titre des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation, aucune somme ne doit être retenue au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers en l'absence de preuve d'imputabilité au retard de diagnostic, que la somme de 596,98 euros doit être retenue au titre des frais divers correspondant aux frais d'expertise et à 30 % des frais de cure thermale, tandis que les frais d'assistance d'une tierce personne doivent être retenus pour un montant de 3 240 euros soit à un tiers des vingt-quatre heures dont il est attesté ;
. qu'au titre des préjudices patrimoniaux permanents, aucune dépense de santé future ne doit être retenue en l'absence de lien établi avec l'erreur de diagnostic tandis que la somme de 5 962,50 euros doit être retenue au titre des frais d'assistance par tierce personne selon la proportion mentionnée ci-dessus ;
. qu'au titre du déficit fonctionnel temporaire, doit être retenue la somme de 4 147,20 euros correspondant à 30 % de la somme journalière de 30 euros multipliée par 171 jours de déficit total et 483 jours de déficit partiel ;
. que les souffrances endurées doivent être chiffrées à la somme totale de 50 000 euros, soit une allocation de 22 000 euros en retenant une imputabilité à hauteur de 30 % au seul retard de diagnostic et de la perte de chance estimée à 30 % ;
. selon le même calcul proportionnel, que l'indemnité au titre du préjudice esthétique temporaire doit être fixée à la somme de 1 500 euros correspondant au montant réclamé ;
. concernant les préjudices extra-patrimoniaux permanents, étant observé que le taux de survie à cinq ans d'un patient atteint d'un cancer colorectal de stade IV est de 19 %, et de deux années en phase métastatique, que l'espérance de vie d'[V] [R] était de deux années à compter de la découverte du cancer et de quelques mois à compter de la consolidation ;
. qu'en conséquence, le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 47 520 euros correspondant à 30 % imputable au retard de diagnostic calculés sur la somme de 158 400 euros correspondant à un taux de 66 % ;
. que le préjudice esthétique permanent lié notamment à la stomie doit être fixé à la somme de 1 500 euros en considération du taux de 30 % imputable à la perte de chance, sans réduction prorata temporis ;
. que le préjudice d'agrément doit être indemnisé au même montant selon la même proportion au regard des justifications produites ;
. que le préjudice sexuel, en partie imputable au retard de diagnostic en ce qu'il a impliqué une stomie, doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros selon l'application de la même proportion;
. qu'aucun préjudice d'anxiété indemnisable au titre de la conscience de la mort prochaine ne doit être retenu à défaut d'en justifier, étant rappelé que les souffrances psychologiques consécutives à la conscience du retard de diagnostic sont indemnisées au titre des souffrances endurées ;
- sur le préjudice subi par Mme [G], sur la base de l'imputation de la perte de chance liée au retard de diagnostic à hauteur de 30 % :
. que ses préjudices patrimoniaux sont composés de la somme de 16 814,36 euros au titre de la perte de revenus, de 60 902,31 euros au titre du préjudice économique non contesté ainsi que de 10 980,20 euros au titre des frais d'obsèques dont la réduction n'est pas sollicitée ;
. que ses préjudices extra-patrimoniaux doivent être chiffrés à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement, de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 3 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- sur le préjudice des enfants :
. que la somme de 3 000 euros doit être allouée au titre du préjudice d'accompagnement, conformément à la proposition des défendeurs et sans que les demandeurs ne justifient d'un trouble plus important dans leurs conditions d'existence ;
. que le préjudice d'affection indemnisable au titre de la perte de chance doit être chiffré à la somme de 3 600 euros ;
- que le préjudice d'affection des petits-enfants doit être indemnisé à hauteur de 2 100 euros ;
' sur les demandes formées par la CPAM :
- qu'en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des prestations versées telles que mentionnées sur le relevé des débours doit être rejetée, en ce que ces frais se rapportent à un acte médical du 6 février 2015, sans lien avec le diagnostic effectué au mois de mars 2017 ;
- que sa demande formée au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les mêmes dispositions doit être rejetée en ce qu'elle succombe en ses prétentions principales.
Par déclaration du 14 janvier 2021, M. [S] et la société Médicale de France ont régulièrement interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement en intimant l'ensemble des parties à l'exclusion de la CPAM et, selon leurs dernières conclusions transmises le 30 septembre 2022, concluent à son infirmation des chefs susvisés et demandent à la cour statuant à nouveau de débouter les intimés de toutes leurs demandes dirigées à leur encontre et de condamner 'les consorts [R]' au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, ils sollicitent :
' concernant l'évaluation des préjudices indemnisables d'[V] [R] :
- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, la confirmation du jugement concernant les dépenses de santé actuelles et les frais divers et le rejet de la demande formée au titre de l'assistance par tierce personne et subsidiairement sa limitation à la somme de 1 494 euros ;
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents, que le poste des dépenses de santé futures soit déclaré sans objet et que l'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne soit réduite à la somme de 3 975 euros ;
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires, le rejet de la demande formée au titre du déficit fonctionnel temporaire, subsidiairement sa réduction par application du taux de 23 euros par jour à 100 %, la limitation à la somme de 20 000 euros de l'indemnisation au titre des souffrances endurées et le rejet de la demande formée au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents, la limitation de l'indemnisation à la somme de 7 334 euros concernant le déficit fonctionnel permanent, à la somme de 56 euros concernant le préjudice esthétique permanent, à la somme de 167 euros concernant le préjudice sexuel, outre le rejet de la demande présentée au titre du préjudice d'agrément et la confirmation du jugement concernant l'absence de préjudice d'anxiété et d'impréparation ;
' concernant l'évaluation des préjudices indemnisables de Mme [G]:
- au titre des préjudices patrimoniaux, le rejet de la demande concernant la perte de revenus avant le décès et les frais d'obsèques et une indemnisation de la perte de revenus après décès à hauteur de 60 902,31 euros 'avant perte de chance' et sa réduction à la somme à 46 831,54 euros 'avant perte de chance' si la perte de revenus avant décès est confirmée ;
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux, la limitation de l'indemnisation du préjudice d'accompagnement à la somme de 10 000 euros et du préjudice sexuel à la somme de 3 000 euros ainsi que la confirmation du jugement concernant le préjudice d'affection ;
' concernant l'évaluation des préjudices indemnisables des enfants d'[V] [R], la limitation à la somme de 3 000 euros du chiffrage du préjudice d'accompagnement et la confirmation du jugement concernant le préjudice d'affection ;
' la confirmation du jugement concernant l'évaluation du préjudice d'affection des petits- enfants d'[V] [R] ;
' l'application sur l'ensemble de ces postes d'une perte de chance de 30 % ;
' la condamnation du docteur [VK], in solidum avec la MACSF, à les garantir à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à leur encontre tant au titre des dommages et intérêts que des frais irrépétibles et des dépens ;
' la réduction à de plus justes proportions de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir :
' Concernant la responsabilité de M. [S],
- que celui-ci n'a commis aucune faute, comme relevé par le rapport d'expertise qui identifie le défaut de nouvelle convocation - imputable au docteur [VK] - comme ayant entraîné un retard de diagnostic, en ce que :
. entre les mois de janvier et avril 2015, il a agi avec diligence en prescrivant une échographie abdominale ayant conclu à l'absence d'anomalie, en adressant le patient au docteur [H], cardiologue, avec projet de l'orienter vers un gastroentérologue dont l'examen était incompatible avec la prise de Brilique, puis en l'orientant vers le docteur [VK] dont les conclusions ont été rassurantes avoir avoir pratiqué une seule rectosigmoïdoscopie qu'il ne lui appartenait pas de remettre en cause en qualité de généraliste ;
. entre les mois d'avril 2015 et juin 2016, le patient ne s'est plaint d'aucun trouble digestif, étant observé que les 'douleurs FIG' datées par le tribunal au mois de janvier 2016 ont en réalité été relatées lors du rendez-vous du 20 janvier 2017, de sorte qu'il a débuté logiquement par un traitement symptomatique après quatorze mois sans plainte;
. entre les mois d'octobre 2016 et mars 2017, alors que la polypathologie complexifiait son suivi, il a orienté le patient vers une prise en charge chirurgicale vasculaire, puis suite aux premiers signes cliniques évocateurs vers des scanners les 14 et 22 février 2017 et une coloscopie le 17 mars suivant ;
- étant observé que le tribunal a renversé la charge de la preuve en ce qu'il appartient au seul patient de prouver une perte de chance, que le lien de causalité avec le décès n'est pas établi en ce que :
. les experts indiquent qu'il ne peut être affirmé qu'un diagnostic plus précoce aurait empêché l'apparition des métastases ;
. ils se contredisent sur la possibilité de retenir les préjudices imputables aux responsabilités du corps médical ;
. la présence de localisations secondaires synchrones à la tumeur colique permet d'affirmer que le retard de diagnostic n'a pas de conséquence ;
. étant précisé que la perte de chance doit présenter un caractère direct et certain, à savoir la disparition d'une éventualité favorable, que les experts ne précisent pas qu'un diagnostic plus précoce aurait permis d'augmenter les chances de guérison ou même de permettre un traitement moins lourd et se limitent à évoquer une perte de chance 'dans la prise en charge médicale' mais non de guérison ;
. seules des données et une analyse relatives au patient sont de nature à établir un lien de causalité, à l'exclusion des éléments statistiques évoqués par les 'consorts [R]';
' subsidiairement, que si le taux de perte de chance retenu en première instance n'est pas critiqué, le jugement rendu doit être réformé concernant :
- l'évaluation des préjudices des intimés ;
- la garantie due par le docteur [VK] et la MACSF, en ce qu'à supposer établi un retard de diagnostic celui-ci est quasiment exclusivement imputable au docteur [VK].
M. [VK] et la MACSF ont répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 5 juillet 2021 pour demander à la cour de les 'dire et juger recevables et bien fondés en leur appel incident' et, 'par décision nouvelle réformant partiellement le jugement entrepris' :
A titre principal,
- de débouter 'les consorts [R]' de l'intégralité de leurs demandes ;
- de les condamner aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour retiendrait une perte de chance,
- de fixer cette perte de chance à 20 %, soit 10 % à la charge de chacun des médecins ;
- de 'dire et juger satisfactoires' les offres d'indemnisation formulées par leurs soins concernant les postes suivants, après application du taux de perte de chance de 20 % et partage par moitié:
. 'DSA' : 0 euro ;
. frais divers : 73,70 euros ;
. assistance tierce personne : à titre principal 0 euro ; à titre subsidiaire : 648 euros ;
. 'DFT' : 1 013,76 euros ;
. 'SE' : 2 000 euros ;
. 'PET' : 0 euro ;
. 'DFP' : 693 euros ;
. 'PEP' : 0 euro ;
. préjudice d'agrément : 375 euros ;
. préjudice d'agrément : 400 euros ;
. préjudice d'impréparation : 0 euro ;
. préjudice patrimonial de Mme [G] : 0 euro au titre de la perte de revenus avant décès, rapport à mérite de justice sur la somme de 60 902,31 euros soit 6 090,23 euros après perte de chance et partage au titre de la perte de revenus après décès et 0 euros au titre des frais d'obsèques ;
. préjudice extra-patrimonial de Mme [G] : 2 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement, 2 000 euros au titre du préjudice d'affection et 400 euros au titre du préjudice sexuel ;
. 'préjudice des enfants (chacun x 4)' : 300 euros au titre du préjudice d'accompagnement et 1 080 euros au titre du préjudice d'affection ;
. 'préjudice des petits enfants (chacun x 9)' : 360 euros au titre du préjudice d'affection;
- leur 'donner acte' de ce qu'ils ont versé la somme de 136 366,68 euros au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel ;
- ordonner la restitution du trop-versé soit une somme de 136 366,68 - 26 883,69 = 109 482,99 euros ;
- débouter les 'consorts [R]' du surplus de leurs demandes ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Ils exposent :
- qu'il résulte du rapport d'expertise que la perte de chance n'est pas certaine, dès lors que les experts indiquent que faute de connaître la vitesse de croissance tumorale colique et le temps mis par un adénome pour se transformer en adénocarcinome, il ne peut être affirmé qu'un diagnostic réalisé en 2015 aurait révélé un adénome de sorte que ce postulat n'est qu'une hypothèse ;
- que subsidiairement, cette perte de chance ne peut être évaluée à plus de 20 % compte-tenu des incertitudes formulées par les experts, du fait que les importantes polypathologies du patient pouvaient fausser les résultats, qu'il a fait l'objet de soins et d'hospitalisations du fait de ces polypathologies et que si un retard de diagnostic de la maladie peut être reproché aux praticiens, ces derniers ne peuvent être tenus pour responsables de l'apparition et de l'évolution de la maladie elle-même ;
- que ce taux de 20 % doit être appliqué à l'ensemble des postes de préjudice tandis que chacun des deux médecins doit prendre en charge la moitié de l'indemnisation ;
- que le quantum des préjudices doit être reconsidéré à la baisse.
Mme [G], Mmes [W], [TE], [FK] [R] et M. [FZ] [R] ainsi qu'[Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] et [O] et [PJ] [UH] ont interjeté appel incident par conclusions transmises le 9 juillet 2021 en sollicitant l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il a fixé à 30 % le taux de perte chance et en ce qu'il a limité le montant des sommes allouées aux concluants.
Dans leurs ultimes écritures transmises le 26 novembre 2021, ils sollicitent l'infirmation des chefs susvisés et demandent à la cour statuant à nouveau de fixer à 50 % le taux de perte de chance et de condamner in solidum M. [VK], la MACSF, M. [S] et la société Médicale de France à payer :
- à Mme [G], Mmes [W], [TE] et [FK] [R] ainsi qu'à M. [FZ] [R], en leurs qualités d'ayants-droits d'[V] [R], la somme de 392 712,79 euros à titre de dommages-intérêts ;
- à Mme [G] la somme de 243 649,79 euros à titre de dommages-intérêts ;
- à Mmes [W], [TE] et [FK] [R] ainsi qu'à M. [FZ] [R] la somme de 55 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts ;
- à [Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] et [O] et [PJ] [UH] la somme de 15 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts ;
- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 euros aux ayants-droits d'[V] [R] et la somme de 10 000 euros à Mme [G] au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant,
- de débouter M. [VK], la MACSF, M. [S] et la société Médicale de France de leurs demandes;
- de les condamner in solidum, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer aux ayants-droits d'[V] [R] la somme de 10 000 euros et à Mme [G] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.
Ils exposent :
' concernant les fautes reprochées aux médecins :
- que le médecin qui s'en tient au diagnostic établi par un confrère sans apprécier personnellement l'état du patient commet une faute qui engage sa responsabilité, tandis que chacun des médecins doit individuellement et personnellement assurer un suivi du patient et assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences ;
- que le docteur [S], qui avait une connaissance globale de l'état de santé de son patient et de ses antécédents personnels et familiaux, a commis une faute dans la mesure où, alors qu'[V] [R] présentait fin 2014 l'ensemble du tableau clinique d'un cancer colorectal chez un homme de plus de cinquante ans, il a été négligent dans la prise en charge en écartant cette éventualité sans faire réaliser des examens approfondis et complets ;
- que c'est uniquement en raison des demandes d'autres médecins, à savoir le docteur [H] le 6 février 2015 puis le docteur [IU] le 17 mars suivant, que le docteur [S] a prescrit des examens complémentaires ;
- qu'il ne résulte d'aucune pièce, ni courrier ni mention au dossier médical, que le docteur [S] envisageait une coloscopie mais avait d'abord sollicité l'avis du cardiologue ;
- qu'il a orienté le patient vers le docteur [VK] pour une recherches d'hémorroïdes internes, sans prescrire de coloscopie comme préconisé par les docteurs [H] et [IU], alors même que le compte-rendu de rectosigmoïdoscopie établi par le docteur [VK] comportait une contradiction et que les symptômes persistaient malgré les traitements par Carbosymag et Macrogol prescrits le 29 juin 2016 et renouvelés les 14 octobre et 20 janvier suivants ;
- que le 6 mars 2017, le docteur [D], chirurgien cardiovasculaire, s'est inquiété - sans réaction - auprès du docteur [S] de l'apparition de nodules hépatiques potentiellement d'origine cancéreuse ;
- que les docteurs [H] et [IU], cardiologues, n'ont jamais fait état d'une contre-indication à la réalisation d'une coloscopie en raison du traitement par Brilique et ont au contraire sollicité celle-ci, dont le caractère réalisable est reconnu par le docteur [S] dans ses écritures au soutien de son appel en garantie du docteur [VK] et de son assureur, étant observé que la coloscopie a finalement été réalisée en urgence le 15 mars 2017 malgré le traitement anticoagulant par Kardégic ;
- que par ses négligences et l'omission d'un examen de routine, le docteur [S] a commis des fautes engageant sa responsabilité, à savoir :
. une interprétation inexacte des symptômes et des examens médicaux, notamment la rectosigmoïdoscopie ;
. une mise en 'uvre insuffisante d'examens et de moyens d'investigations préconisés au regard des données acquises de la science, notamment en ne mettant pas en 'uvre la colonoscopie préconisée par les docteurs [H] et [IU] ;
. un défaut de diligence et de surveillance de l'évolution de l'état de santé de son patient,
notamment en ne recontactant pas le docteur [VK] pour avis face à la persistance et l'aggravation des symptômes d'[V] [R] ;
- que le docteur [VK], dont l'appel incident ne respecte pas les dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile en ce qu'il n'est pas fait mention de l'infirmation du jugement, a commis des négligences, à savoir :
. qu'il n'a tiré aucune conséquence des douleurs à la fosse iliaque mentionnées par le patient et rapportées par le docteur [S], lesquelles ne peuvent pas s'expliquer par des hémorroïdes ;
. qu'il a induit le médecin traitant en erreur par son compte-rendu faussement rassurant, alors que, comme le souligne le docteur [IF], il n'a pas décelé de lésion susceptible d'expliquer les rectorragies tout en imputant celles-ci à une origine hémorroïdaire, discordance qui aurait dû conduire à réaliser à bref délai une coloscopie ;
' que ces fautes reprochées aux docteurs [S] et [VK] entretiennent en relation de causalité avec le préjudice subi consistant en un retard de diagnostic et une perte de chance d'un traitement adapté, étant précisé qu'un dépistage précoce au lieu d'une découverte du cancer en stade terminal aurait généré un taux de survie de plus de 50 % à dix ans ;
- qu'ainsi, le retard de diagnostic a :
. entrainé une découverte du cancer à un stade final, ce qui a réduit les chances d'un pronostic de survie particulièrement favorable en matière de cancer colo-rectal détecté de manière précoce ;
. empêché une prise en charge rapide ;
. favorisé l'apparition des métastases au foie et au poumon ;
. entrainé l'ablation du côlon, la mise en place d'une chambre implantable, puis d'une stomie qui aurait pu être évitée en cas de diagnostic plus précoce ;
- que le taux de perte de chance doit être fixé à 50 %, étant observé :
. que ce chiffrage a été retenu par le docteur [IF], expert amiable ;
. que l'écart des chances de survie entre un dépistage précoce (stade I) et un diagnostic tardif (stade IV) est de 89,5% à 5 ans (93,9% contre 4,4%) et de 83,5% à 10 ans (83,5% contre 0) ;
. que les experts judiciaires soulignent qu'il est scientifiquement démontré que plus une tumeur est prise en charge à un stade précoce, meilleur est son pronostic ;
. que les autres pathologies étaient réglées et stabilisées notamment dans le cadre du suivi assuré par les docteurs [IU] et [H], de sorte qu'elles n'ont joué aucun rôle causal notable ou déterminant dans le décès par cancer.
' que leurs préjudices en résultant doivent être indemnisés selon le chiffrage exposé dans leurs écritures.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 22 novembre suivant et mise en délibéré au 24 janvier 2023.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
- Sur l'effet dévolutif,
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel ou les conclusions aux fins d'appel incident tendent à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
En se limitant dans leurs uniques conclusions transmises au greffe le 5 juillet 2021 à solliciter de la cour qu'elle les 'dise et juge recevables et bien fondés en leur appel incident', sans viser expressément aucun chef du jugement rendu le 27 octobre 2020, M. [VK] et la MACSF n'ont opéré dévolution d'aucun de ces chefs à la cour d'appel.
Dès lors en application de l'article 562 du code de procédure civile, la saisine de la cour se limite aux chefs lui étant dévolus par l'effet d'une part de la déclaration d'appel formée par M. [S] et la société Médicale de France et d'autre part de l'appel incident formé par Mme [G], Mmes [W], [TE], [FK] [R], M. [FZ] [R] ainsi qu'[Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] et [O] et [PJ] [UH].
- Sur les fautes reprochées aux docteurs [S] et [VK],
En application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du même code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Aux termes de l'article L. 1110-5 du code précité, toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.
L'article R. 4127-33 du code de la santé publique impose au médecin de toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.
Enfin, étant rappelé que l'article 1353 du code civil prévoit qu'il incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, il incombe au demandeur de rapporter la preuve des fautes commises à l'origine de son préjudice.
Il résulte des dispositions précitées que si la seule erreur ou le retard de diagnostic ne sont pas en eux-mêmes fautifs, le médecin, tenu personnellement à une obligation de moyen, doit s'appuyer sur les données acquises de la science pour asseoir son diagnostic, la persistance dans un diagnostic erroné malgré des signes cliniques qui ne permettaient pas le maintien de ce diagnostic revêtant un caractère fautif.
En cas d'exercice médical pluridisciplinaire, il résulte de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique que le médecin, tenu d'exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier personnellement le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux avec une célérité adaptée à l'état de santé du patient et à ses antécédents.
En l'espèce, il résulte du pré-rapport du 28 février 2019 et du rapport d'expertise judiciaire daté du 15 avril suivant effectuée sur la personne d'[V] [R] le 19 décembre 2018 par MM. [A] [HR] et [I] [M], médecins, que si la situation hématologique du patient a conduit de manière fondée à une exploration limitée à quarante centimètres du colon le 8 avril 2015, les maux digestifs d'[V] [R] justifiaient, après suspension des traitements anti-coagulants dans un délai estimé à quatre à six mois par les experts, la réalisation d'une colonoscopie complète qui aurait permis de dépister le cancer 'bien plus tôt'.
La cour relève que ces conclusions expertales corroborent sur ce point celles établies le 30 octobre 2017 par le docteur [IF] dans le cadre de l'expertise amiable.
Cependant et contrairement aux termes de ce dernier rapport, les experts judiciaires indiquent ne pas être en mesure d'affirmer :
- d'une part que les métastases hépatiques et pulmonaires étaient antérieures ou postérieures à l'apparition de la tumeur colique ;
- d'autre part qu'un diagnostic réalisé en 2015 aurait révélé un adénome, à défaut de connaître la vitesse de croissance tumorale colique.
Les experts retiennent une datation des premiers symptômes au début de l'année 2015, ce qui représente une durée 'de retard' de vingt-deux mois entre leur apparition et le diagnostic.
Ils précisent que si la polypathologie d'[V] [R] a perturbé la réalisation du diagnostic, le docteur [VK] aurait dû reconvoquer le patient pour une coloscopie totale à distance des soins cardiovasculaires, tandis que le docteur [S] aurait pu s'inquiéter de la persistance des saignements digestifs.
Il résulte de ces éléments, non sérieusement contredits par les parties, que le docteur [VK], auquel [V] [R] a été correctement adressé par son médecin traitant, s'est limité le 8 avril 2015 à la réalisation d'une rectosigmoïdoscopie, alors même qu'il a alors conclu à la présence d'hémorroïdes internes de volume moyen et non compliquées ainsi qu'à l'absence de lésion muqueuse susceptible de saigner, tout en retenant une origine hémorroïdaire du saignement.
Etant rappelé que l'adénocarcinome a été découvert à soixante centimètres de l'orifice anal d'[V] [R], le docteur [VK] a donc commis une faute en n'organisant pas, une fois les risques liés à la polypathologie d'[V] [R] écartés, une colonoscopie complète seule à même de permettre une exploration au-delà des quarante derniers centimètres du colon.
Il a par conséquent effectué une démarche diagnostique incomplète à défaut d'avoir mené à terme la mesure d'examen qui lui était pourtant expressément demandée par son confrère, après avoir émis un avis qualifié par lui-même de rassurant, bien que contradictoire, dont le libellé n'a pas alerté son confrère sur l'éventualité d'un risque ou sur la nécessité de maintenir une surveillance du patient.
Par ailleurs, le docteur [S], auquel son patient a continué à rapporter des saignements, des douleurs et des troubles digestifs persistants s'est limité à compter du 29 juin 2016 à lui prescrire des traitements destinés à remédier aux symptômes alors même que l'origine des saignements restait hypothétique et que l'origine des douleurs iliaques n'avait pas été établie.
Ce défaut de mise en oeuvre des moyens de nature à permettre le diagnostic de l'affection générant les symptômes susvisés et décrits comme s'intensifiant, alors même que le praticien avait une parfaite connaissance du caractère incomplet de l'examen pratiqué le 8 avril 2015 par le docteur [VK], est constitutif d'une faute engageant sa responsabilité alors même que sa qualité de généraliste est sans incidence sur son obligation de veiller personnellement à la célérité et à l'effectivité de la démarche diagnostique.
De même, s'il est constant que la polypathologie présentée par [V] [R] complexifiait son suivi, celle-ci ne saurait être invoquée valablement pour justifier l'absence de réalisation de l'examen précisément identifié dès le mois de mars 2015 comme étant le seul adapté pour établir le diagnostic, alors même que la coloscopie complète n'était pas impossible du fait de l'état de santé du patient mais justifiait seulement une adaptation très ponctuelle du traitement au moment de sa réalisation.
Dès lors, le juge de première instance a, par de justes motifs, retenu une faute ayant consisté à mener une démarche diagnostique incomplète, imputable tant au docteur [VK] qui n'a pas mené à terme la mesure d'examen sollicitée par son confrère après définition d'un protocole permettant d'effectuer une coloscopie complète après écartement du risque cardio-vasculaire lié à la prise de son traitement, qu'au docteur [S] qui n'a pas été alerté par la persistance et l'aggravation des symptômes digestifs et n'a pas sollicité de nouveaux examens de nature à identifier l'origine de ceux-ci.
Il en résulte une responsabilité partagée entre les deux médecins en considération de leurs fautes respectives, laquelle incombe à hauteur de 70 % au docteur [VK], ayant en sa qualité de spécialiste une parfaite connaissance des enjeux et des limites respectives d'une rectosigmoïdoscopie et d'une coloscopie, et à hauteur de 30 % au docteur [S] en sa qualité de médecin généraliste assurant le suivi du patient au long cours et disposant d'une appréhension globale des diverses pathologies affectant sa santé ainsi que de l'évolution des symptômes lui étant rapportés.
Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce sens.
- Sur la perte de chance,
La preuve d'une perte de chance suppose la démonstration d'une certitude médicale selon laquelle, sans commission de la faute, le patient aurait eu une chance de guérison, de voir son état s'améliorer ou d'éviter des séquelles, cet élément caractérisant l'exigence d'un lien de causalité direct et certain entre la faute établie et le dommage subi par le patient.
Il en résulte que toute privation d'une éventualité favorable établie confère à la perte de chance un caractère direct et certain, de sorte que l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie tant dans le temps que dans son issue n'est pas de nature à remettre en cause le lien de causalité entre d'une part la faute consistant en un défaut de finalisation d'un diagnostic et le retard de prise en charge thérapeutique et d'autre part la perte d'une chance de survivre et de subir certaines séquelles.
Il en résulte que le préjudice lié à une perte de chance ne suppose pas la démonstration scientifique du fait que, sans la commission de la faute imputable au praticien, le patient aurait guéri ou bénéficié d'une amélioration de son état ou évité des séquelles, de sorte que les arguments développés par les docteurs [S] et [VK] et leurs assureurs sur ce point sont sans incidence.
Il ressort du rapport d'expertise que la pluralité de symptômes concordants décrits par [V] [R] auprès des nombreux médecins ayant eu à connaître de son état, d'une nature telle que même les docteurs [IU] et [H], n'assurant le suivi du patient qu'au titre d'une autre pathologie d'ordre cardiaque, ont dès le mois de mars 2015 évoqué la nécessité de réaliser une coloscopie, sont en relation avec la présence d'une tumeur dans son intestin.
Même s'il est impossible d'affirmer qu'un diagnostic plus précoce aurait permis une simple polypectomie dans la mesure où la vitesse de croissance tumorale n'est pas connue, le retard de diagnostic a généré une perte de chance dans la prise en charge médicale d'[V] [R], en ce qu'il a facilité le développement de métastases hépatiques et pulmonaires alors même que le patient aurait pu être opéré et bénéficier du même traitement à un stade moins avancé du cancer.
Etant rappelé que l'indemnisation de la disparition d'une éventualité favorable ne peut être écartée que s'il peut être tenu pour certain que la faute n'a pas eu de conséquence sur l'état de santé du patient, indépendamment de sa guérison ou non, il ne peut être déduit de la seule présence de tumeurs dans le foie et les poumons, dont le caractère secondaire ou synchrone par rapport à la tumeur colique n'est pas établi, que le retard de diagnostic n'a pas eu de conséquence.
Indépendamment des éléments statistiques produits aux débats et dont la pertinence est contestée par les docteurs [S] et [VK], le cancer constitue une maladie évolutive par nature et s'aggravant avec le temps à défaut de traitement.
[V] [R] a donc été privé, sans qu'aucun élément produit par les docteurs [S] et [VK] et leurs assureurs ne remettent ce point en cause, d'une éventualité favorable de vivre plus longtemps voire de survivre à sa maladie, ainsi que de vivre mieux en subissant des interventions chirurgicales moins invalidantes, alors même qu'il a fait l'objet d'une stomie.
Concernant l'évaluation du quantum de la perte de chance, M. [VK] et la MACSF, qui sollicitent la fixation de celle-ci à 20 %, se limitent à invoquer des 'incertitudes', n'établissent pas leur affirmation selon laquelle les polypathologies du patient pouvaient fausser les résultats et affirment sans que ce point ne soit débattu que si un retard de diagnostic de la maladie peut être reproché aux praticiens, ces derniers ne peuvent être tenus pour responsables de l'apparition et de l'évolution de la maladie elle-même.
Les ayants-droits d'[V] [R], au soutien de leur demande de fixation du taux de perte de chance à 50 %, invoquent le chiffrage retenu - mais non explicitement motivé dans son quantum - par le docteur [IF], font état d'éléments statistiques comparatifs relatifs à la chance de survie entre un dépistage d'une tumeur de stade I ou de stade IV sans qu'aucun élément relatif à l'évolution de la qualification de la tumeur d'[V] [R] ne soit démontré, tandis que le fait que le pronostic soit amélioré lorsqu'une tumeur est prise en charge à un stade précoce et que les autres pathologies n'ont joué aucun rôle causal notable ou déterminant dans le décès par cancer ne sont pas discutés.
Il en résulte que les parties ne produisent aucun élément sérieux de nature à remettre en cause l'évaluation à 30 % de la perte de chance retenue par les experts judiciaires, de sorte que le jugement dont appel a, par de justes motifs, retenu le caractère certain de la perte de chance ainsi que son évaluation à 30 %, ce qui impose sa confirmation sur ce point.
- Sur l'appel en garantie formé par le docteur [S] et la société Médicale de France à l'encontre du docteur [VK] et de la MACSF,
En considération du partage de responsabilité tel que défini ci-dessus sur la base des fautes reprochées à chacun des deux médecins et de la nature de leur intervention dans le parcours de soin d'[V] [R] au regard de leur qualité respective et du type de pathologie concerné, la demande de garantie formée par le docteur [S] et son assureur est sans objet.
- Sur la fixation des préjudices subis par [V] [R],
L'indemnité due à la victime d'une perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudice, tandis que les tiers payeurs disposent, à l'exclusion de la part réparant le préjudice personnel, d'un recours à la mesure des prestations qu'ils ont versées à cette victime et qui sont en relation directe avec le fait dommageable.
La cour relève que la fixation de la date de consolidation au 19 décembre 2018 par le juge de première instance, conformément à la date retenue par les experts judiciaires, n'est pas contestée.
. Préjudices patrimoniaux temporaires
Par d'exacts motifs toujours d'actualité, non précisément contestés par les ayants-droits d'[V] [R] et que la cour adopte, le jugement dont appel a retenu qu'il n'est pas démontré que les dépenses de santé actuelles dont il est sollicité l'indemnisation sont en lien avec la perte de chance susvisée, de sorte que la décision sera confirmée en ce qu'elle n'a retenu aucun préjudice à ce titre.
De même, le juge de première instance a retenu à bon droit au titre de l'indemnisation des frais divers que doivent être retenus à ce titre les frais de déplacement liés à la réalisation de l'expertise judiciaire à hauteur de 536,98 euros ainsi que la somme de 60 euros, correspondant à 30 % de la somme de 200 euros, au titre du remboursement de l'acompte versé pour une cure thermale annulée du fait de la stomie et des séances de chimiothérapie. Etant observé que l'imputation du pourcentage de perte de chance sur ce dernier poste n'est pas expressément contesté, le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Concernant l'assistance par tierce personne, les experts judiciaires retiennent la nécessité d'une tierce personne non qualifiée liée notamment à la néoplasie, dont ils précisent qu'elle ne peut être imputée au retard de diagnostic mais qu'ils chiffrent pourtant, à la date de l'expertise, à trois heures par jour dont une heure en lien avec le retard de diagnostic.
Il en résulte, comme relevé par le juge de première instance, qu'une partie évaluée à un tiers du temps nécessaire de tierce personne est imputable au retard de diagnostic selon les experts, dont il est rappelé qu'elle ne peut revêtir un caractère forfaitaire ou être soumise à la production de justificatifs de dépenses effectivement exposées en application du principe de la non-affectation.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a retenu, sur la base d'un coût horaire de 15 euros hors taxes, soit 22,50 euros charges comprises, une somme de 3 240 euros à ce titre correspondant à huit heures par mois durant dix-huit mois.
. Préjudices patrimoniaux permanents
La cour relève que l'absence de préjudice au titre des dépenses de santé future telle que retenue par le jugement critiqué n'est pas contestée. Celui-ci sera donc confirmé sur ce point.
Par ailleurs et pour les motifs exposés par le juge de première instance et ci-dessus rappelés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une somme de 5 962,50 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne, correspondant à une heure par jour entre la date de consolidation et le décès d'[V] [R].
. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires
Concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, les experts judiciaires relèvent un handicap subi par la victime dans les actes essentiels de sa vie quotidienne, familiale et la pratique de ses loisirs, constitutif d'un déficit fonctionnel temporaire total correspondant aux périodes d'hospitalisation et partiel à hauteur de 60 % au cours des périodes comprises entre les hospitalisations.
Etant observé que l'application d'un taux de perte de chance de 30 % a précisément pour objectif de prendre en compte le fait que les hospitalisations subies par [V] [R] n'étaient pas imputables pour leur intégralité aux fautes reprochées aux docteurs [S] et [VK], le jugement dont appel doit, en l'absence de production de tout élément de nature à remettre en cause le chiffrage effectué en première instance, être confirmé en ce qu'il a, par de justes motifs, retenu la somme de 4 147,20 euros correspondant à 30 % de la somme journalière de 30 euros multipliée par cent-soixante-et-onze jours de déficit total et quatre-cent quatre-vingt-trois jours de déficit partiel.
Le préjudice lié aux souffrances endurées a été évalué à 5/7 selon les experts judiciaires, incluant des souffrances psychologiques liées spécifiquement au retard de diagnostic préjudiciable, dont 30 % imputables audit retard ayant facilité l'aggravation de la maladie néoplasique.
Si le juge de première instance a considéré à bon droit que ce quantum au titre des souffrances endurées justifie, au regard des circonstances, une indemnisation chiffrée à la somme de 40 000 euros, aucune majoration ne peut cependant y être appliquée au titre des souffrances psychologiques déjà prises en compte par l'évaluation à 5/7 de ce chef de préjudice.
Dès lors, après application du coefficient de perte de chance de 30 % dont les ayants-droits d'[V] [R] n'expliquent pas pour quelle raison il devrait être spécifiquement écarté concernant ce chef, le préjudice à ce titre doit être fixé à la somme de 40 000 x 30 % = 12 000 euros et le jugement dont appel sera infirmé en ce sens.
Les ayants-droits d'[V] [R] seront déboutés pour le surplus de leurs demandes.
Par ailleurs, il n'est produit en appel aucun élément sérieux de nature à remettre en cause le chiffrage à la somme de 1 500 euros du préjudice esthétique temporaire tel qu'il a été expressément motivé par le juge de première instance sur la base du rapport d'expertise et de l'historique et du descriptif des soins apportés avant consolidation à [V] [R], tandis que ses ayants-droits sollicitent la confirmation sur ce point.
Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé concernant l'évaluation de ce chef de préjudice.
. Préjudices extra-patrimoniaux permanents
Le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties. Si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge à la date où il se prononce.
Il en résulte que si le juge de première instance a constaté à bon droit qu'[V] [R] est décédé le [Date décès 25] 2019, soit trente mois après le diagnostic de son cancer et neuf mois après la date de consolidation fixée au 19 décembre 2018, il ne pouvait valablement retenir l'absence d'incidence de ce décès sur le quantum de l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent en invoquant la connaissance de la réduction de son espérance de vie au jour des opérations d'expertise, alors même que l'évaluation à 66 % du déficit susvisé par les experts judiciaires est indépendante de la durée pour laquelle il doit être indemnisé.
Dès lors, le chiffrage retenu dans l'expertise devant être distingué de la durée effective de vie d'[V] [R] à compter de la date de consolidation, le chef de préjudice susvisé doit être affecté d'un coefficient de minoration de 9/162ème prenant en compte la survenance de son décès neuf mois après consolidation, alors que l'espérance de vie d'un homme âgé de soixante-neuf ans, telle que prise en compte dans le référentiel, était estimée à cent-soixante-deux mois à la même date.
Il en résulte, après infirmation du jugement dont appel sur ce point, que le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé sur la base d'une valeur du point telle que retenue par le juge de première instance à 2 400 euros, capitalisée à la somme de 158 400 euros à la date de la consolidation et retenue pour une proportion de 9/162ème soit 8 800 euros, somme à laquelle le taux de perte de chance de 30 % doit être appliqué, soit un préjudice chiffré à la somme de 2 640 euros.
Les ayants-droits d'[V] [R] seront déboutés pour le surplus de leurs demandes.
Concernant l'évaluation du préjudice esthétique permanent, les experts judiciaires ont retenu une évaluation à hauteur de 1/7 en considération des interventions chirurgicales, avec précision que l'opération au niveau colique avec rétablissement d'une continuité aurait pu être moins importante si elle avait été réalisée plus tôt.
Le juge de première instance a retenu à bon droit que la réalisation d'une stomie sur la personne d'[V] [R], non prise en compte par les experts au titre de ce chef de préjudice, a notamment eu des répercussions importantes sur son apparence physique.
Si le chiffrage de ce type de préjudice doit être affiné notamment en fonction de l'âge de la victime, susceptible d'avoir une incidence sur son importance objective, il ne comporte aucune dimension de capitalisation, de sorte qu'est infondée la demande de réduction prorata temporis fondée sur le différentiel entre la durée de survie d'[V] [R] à compter de la date de consolidation et l'espérance de vie moyenne d'un homme de son âge.
Après prise en compte des répercussions esthétiques des soins susvisés ainsi que du fait qu'[V] [R] est décédé neuf mois après la date de consolidation, le quantum du préjudice esthétique permanent a été justement fixé à la somme de 5 000 euros correspondant à un niveau modéré.
En conséquence et après application du taux de perte de chance de 30 %, son préjudice doit être chiffré à la somme de 1 500 euros de sorte que le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.
Le préjudice d'agrément, constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, suppose la preuve par celle-ci de la réalité de ce préjudice spécifique indépendamment de la gêne dans les activités de la vie courante.
Alors que les experts judiciaires ont relevé qu'[V] [R] n'avait plus la possibilité de pratiquer des activités d'agrément, ses ayants-droits justifient de l'abandon par celui-ci des sorties culturelles, du jardinage et de la pêche, de sorte que le juge de première instance a, à bon droit, évalué ce préjudice à la somme de 1 500 euros après application du taux de perte de chance de 30 % et en considération de la durée de vie d'[V] [R] après consolidation.
Le jugement critiqué sera donc confirmé concernant ce chef.
Le préjudice sexuel comprend l'ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle au regard de l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, de l'acte sexuel lui-même et de la fonction reproductive.
Après avoir indiqué que le préjudice sexuel n'est pas imputables au retard de diagnostic, les experts judiciaires ont indiqué, sur dire d'une des parties, que la stomie étant en cause dans le préjudice sexuel aurait pu être évitée par un diagnostic plus précoce et que le préjudice sexuel peut donc être en partie imputé à ce retard.
Pour les motifs ci-avant exposés excluant une réduction prorata temporis mais après prise en compte du fait qu'[V] [R] est décédé neuf mois après la date de consolidation, le préjudice sexuel lié à la réalisation d'une stomie a été justement fixé par le juge de première instance à hauteur de 3 000 euros après application du taux de perte de chance de 30 % de sorte que le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.
Enfin, l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, lié à la connaissance de ce que son état comporte un risque d'une pathologie mettant en jeu son pronostic vital, suppose
l'établissement d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées.
Le juge de première instance a, par des motifs toujours d'actualité, retenu que les ayants-droits d'[V] [R] n'établissent la réalité d'aucun préjudice d'impréparation et d'anxiété liés à l'annonce même de sa maladie, laquelle revêt par essence un caractère brutal pour le patient, alors même que l'indemnisation des douleurs causées par le traitement chimiothérapique et le préjudice spécifique lié aux souffrances psychologiques ont été chiffrés au titre des souffrances endurées.
Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée à ce titre.
- Sur la fixation des préjudices subis par Mme [G],
. Préjudice patrimonial lié à la perte de revenus
Il est constant que la victime indirecte, qui a cessé son activité professionnelle pour s'occuper d'un proche, ne peut être indemnisée au titre de la perte de gains professionnels et de droits à la retraite qu'à la condition d'établir la réalité d'un préjudice économique personnel en lien direct avec le dommage n'étant pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne.
En l'espèce, [V] [R] a été indemnisé, au titre de l'assistance par tierce personne, à hauteur de huit heures par mois pour ce qui concerne la période antérieure à sa consolidation soit entre le 1er juillet 2017 et le 19 décembre 2018, puis d'une heure par jour au cours de la période postérieure du 19 décembre 2018 au [Date décès 25] 2019, soit un montant total de 9 202,50 euros.
Pour solliciter une indemnisation au titre de la perte de revenus, Mme [G] invoque la nécessité d'avoir dû faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée à compter du 1er avril 2019, de sorte qu'elle bénéficie d'une pension de retraite d'un montant de 1 491 euros brut alors qu'elle aurait pu prétendre à une pension mensuelle d'un montant de 1 674,99 euros brut si elle avait poursuivi son activité professionnelle jusqu'au 1er avril 2021.
Or, si Mme [G] invoque la nécessité de cesser totalement son activité professsionnelle pour s'occuper de son mari afin de lui rendre la vie moins difficile, sans pour autant établir sa volonté manifestée antérieurement de travailler jusqu'à l'âge de soixante-quatre ans, elle n'établit pas avoir été contrainte d'abandonner son emploi pour assister celui-ci alors même que le besoin en tierce personne d'[V] [R] a été chiffré par les experts judiciaires à huit heures par mois puis une heure par jour.
Dès lors en application du principe de la réparation intégrale, son préjudice strictement patrimonial en lien direct avec la situation de son conjoint était susceptible d'être compensé par une rémunération permise par l'indemnité allouée au titre de la même période à son époux au titre de son besoin d'assistance par tierce personne, alors même que le préjudice dont elle sollicite l'indemnisation au titre de la période postérieure au [Date décès 25] 2019 ne peut être indemnisé au titre d'un préjudice patrimonial en lien direct avec le dommage.
Le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point et la demande formée à ce titre par Mme [G] sera rejetée.
. Préjudice patrimonial lié au préjudice économique
Après rejet de la demande indemnitaire formée au titre de la perte de revenus, la cour relève l'accord de Mme [G] d'une part et de M. [S] et de la société Médicale de France d'autre part concernant le principe et le quantum du préjudice au titre du préjudice économique tel que retenu, avant décote proportionnelle, à hauteur de 60 902,31 euros par le juge de première instance.
Néanmoins et après application d'une perte de chance de 30 %, le préjudice à la charge des docteurs [S] et [VK] ainsi que de leurs assureurs doit être chiffré à la somme de 18 270,69 euros et le jugement dont appel sera infirmé en ce sens.
Mme [G] sera déboutée pour le surplus de sa demande.
. Préjudice patrimonial lié aux frais d'obsèques
S'il n'est produit aucun élément sérieux de nature à remettre en cause le chiffrage du préjudice au titre des frais d'obsèques d'[V] [R] tel que retenu à hauteur de la somme 10 980,20 euros par le juge de première instance au regard des justificatifs de dépenses produits, il convient d'appliquer le taux de perte de chance de 30 % à ce montant et de retenir, après infirmation du jugement sur ce point, une somme de 3 294,06 euros à ce titre.
Mme [G] sera déboutée pour le surplus de sa demande.
. Préjudices extra-patrimoniaux
Aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation souveraine des préjudices d'accompagnement, d'affection et sexuel telle que retenue par le juge de première instance par d'exacts motifs que la cour adopte n'est produit dans le cadre de la procédure d'appel, de sorte que le jugement critiqué sera confirmé concernant ces chefs.
- Sur la fixation des préjudices subis par Mmes [W], [TE], [FK] [R] et M. [FZ] [R],
A défaut de production de tout élément de nature à remettre en cause l'appréciation du quantum des préjudices tels qu'effectuée par le juge de première instance, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a retenu, après application du taux de perte de chance de 30 %, une indemnisation de chacun des enfants d'[V] [R] à hauteur de 6 600 euros.
- Sur la fixation des préjudices subis par [Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] et [O] et [PJ] [UH],
L'évaluation du préjudice d'affection subi par chacun des petits-enfants d'[V] [R], après application du taux de perte de chance de 30 %, a été à bon droit fixée souverainement par le juge de première instance à la somme de 2 100 euros dans les motifs de la décision critiquée, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu une somme de 6 600 euros, laquelle sera fixée à 2 100 euros.
[Z] et [DT] [R]-[P], [GN] et [E] [HC], [XR] et [F] [X], [T] [UW] et [O] et [PJ] [UH] seront déboutés pour le surplus de leurs demandes.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 27 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Vesoul sauf en qu'il a jugé que dans leurs rapports entre eux chacun des médecins supportera à hauteur de 50 % la charge de l'indemnisation due aux victimes et a condamné in solidum M. [L] [S], la SA Médicale de France, M. [B] [VK] et la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français à payer :
- à Mme [SB] [G], à Mmes [W], [TE] et [FK] [R], à M. [FZ] [R], à [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, à [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, à M. [XR] [X], à [F] [X] représenté par ses parents, à [T] [UW] représenté par sa mère ainsi qu'à Mme [O] et M. [PJ] [UH] la somme de 90 966,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice corporel subi par [V] [R] ;
- à Mme [SB] [G], la somme de 90 966.68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice personnel ;
- à [Z] et [DT] [R]-[P], représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère et Mme [O] et M. [PJ] [UH], la somme de 6 600 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices personnels ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Dit que dans leurs rapports entre eux M. [L] [S] supportera à hauteur de 30 % la contribution finale de l'indemnisation due aux victimes et M. [B] [VK] supportera à hauteur de 70 % la contribution finale de cette indemnisation ;
Déclare sans objet la demande de garantie formée par M. [L] [S] et la SA Médicale de France à l'encontre de M. [B] [VK] et de la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français ;
Fixe le montant du préjudice total subi par [V] [R] en raison du retard de diagnostic à la somme de 36 086,68 euros décomposée comme suit :
- frais médicaux : néant ;
.- frais divers : 596,98 euros ;
- assistance par tierce personne temporaire : 3 240 euros ;
- dépenses de santé futures : néant ;
- assistance par tierce personne permanente : 5 962,50 euros ;
- déficit fonctionnel temporaire : 4 147,20 euros
- souffrances endurées : 12 000 euros ;
- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros ;
- déficit fonctionnel permanent : 2 640 euros ;
- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros ;
- préjudice d'agrément : 1 500 euros ;
- préjudice sexuel : 3 000 euros ;
- préjudice d'anxiété : néant ;
Déboute Mme [SB] [G], Mmes [W], [TE] et [FK] [R], M. [FZ] [R], [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère ainsi que Mme [O] et M. [PJ] [UH] du surplus de leurs demandes concernant le préjudice subi par [V] [R] ;
Condamne in solidum M. [L] [S], la SA Médicale de France, M. [B] [VK] et la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français à payer à Mme [SB] [G], Mmes [W], [TE] et [FK] [R] ainsi qu'à M. [FZ] [R] la somme de 36 086,68 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi par [V] [R] ;
Fixe le montant du préjudice total subi personnellement par Mme [SB] [G] à la somme de 44 564,75 euros, décomposée comme suit :
- perte de revenus : néant ;
- préjudice économique : 18 270,69 euros ;
- frais d'obsèques : 3 294,06 euros ;
- préjudice d'accompagnement : 10 000 euros ;
- préjudice d'affection : 10 000 euros ;
- préjudice sexuel : 3 000 euros ;
Déboute Mme [SB] [G] du surplus de ses demandes concernant son préjudice personnel ;
Condamne in solidum M. [L] [S], la SA Médicale de France, M. [B] [VK] et la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français à payer à Mme [SB] [G] la somme de 44 564,75 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice personnel ;
Fixe le montant du préjudice subi personnellement par [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère ainsi que Mme [O] et M. [PJ] [UH] à la somme de 2 100 euros chacun ;
Déboute [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère ainsi que Mme [O] et M. [PJ] [UH] du surplus de leurs demandes concernant leur préjudice personnel ;
Condamne in solidum M. [L] [S], la SA Médicale de France, M. [B] [VK] et la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français à payer à [Z] et [DT] [R]-[P] représentés par leurs parents, [GN] et [E] [HC] représentés par leurs parents, M. [XR] [X], [F] [X] représenté par ses parents, [T] [UW] représenté par sa mère ainsi que Mme [O] et M. [PJ] [UH] la somme de 2 100 euros chacun au titre de l'indemnisation de leur préjudice personnel ;
Condamne in solidum M. [L] [S], la SA Médicale de France, M. [B] [VK] et la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes présentées sur ce fondement.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,