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10/01/2023 | FRANCE | N°21/00605

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 21/00605


ARRÊT N°23/26



DR/FA







COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 10 JANVIER 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 08 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00605 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELOS



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 09 mars 2021 [RG N° 19/00440]

Code affaire : 53I Cautionnement - Demande en paiement formée contre l

a caution seule





S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG C/ [O] [K], [E] [K]





PARTIES EN CAUSE :





S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG Société de droit Suisse, immatriculée au RCS du Canton de ...

ARRÊT N°23/26

DR/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 08 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00605 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELOS

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 09 mars 2021 [RG N° 19/00440]

Code affaire : 53I Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG C/ [O] [K], [E] [K]

PARTIES EN CAUSE :

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG Société de droit Suisse, immatriculée au RCS du Canton de ZUG sous le n° CHE-100.023.266

Elisant domicile au Cabinet de la SELARL [Adresse 5]

[Adresse 10] (SUISSE)

Représentée par Me Anne-Christine ALVES de la SELARL ABDELLI - ALVES, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Marie-Josephe LAURENT, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 6] (53), de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représenté par Me Michel MIGNOT, avocat au barreau de BELFORT, avocat plaidant

Monsieur [E] [K]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 8] (72), de nationalité française,

demeurant [Adresse 9]

Représenté par Me Magali PAGNOT de la SCP LAVALLEE - PAGNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, avocat postulant,

Représenté par Me Pierre LANDRY, avocat au barrau du MANS, avocat plaidant

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice président placé.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller et Dominique RUBEY, vice président placé, magistrat rédacteur.

L'affaire, plaidée à l'audience du 08 novembre 2022 a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Fort de la possession d'un bien immobilier, M. [O] [K] a constitué avec M. [E] [K], son fils, la SCI [Adresse 2], selon statuts du 25 octobre 2005 avec une répartition des parts à hauteur de 90 % au bénéfice de M. [E] [K] et de 10% au bénéfice de M. [O] [K].

Selon acte notarié en date du 8 décembre 2006, M. [O] [K] a cédé ledit bien à la SCI [Adresse 2], celle-ci ayant bénéficié d'un prêt consenti par le Crédit Lyonnais (LCL), d'un montant de 299 750 euros et garanti par une inscription hypothécaire, ainsi qu'une caution personnelle et solidaire de M. [O] [K], donnée par acte sous-seing privé en date du 28 novembre 2006.

Selon acte notarié en date du 1er août 2008, LCL a consenti à la SCI [Adresse 2] un second prêt d'un montant de 27 845 euros, également garanti par une inscription hypothécaire, ainsi qu'une caution personnelle et solidaire de M. [O] [K], donnée par acte sous-seing privé en date du 9 juillet 2008.

La SCI [Adresse 2] a cessé d'honorer le paiement des échéances, à compter du mois de juin 2009.

Une cession de créance est intervenue suivant acte sous seing privé, en date du 6 juillet 2017, signé du LCL en qualité de cédant et la S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG (la société Intrum) en qualité de cessionnaire.

Par exploit d'huissier en date des 18 février et 9 mars 2019, la société Intrum a assigné M. [O] [K] et M. [E] [K] devant le Tribunal de grande instance de Vesoul, devenu le Tribunal judiciaire de Vesoul, aux fins de remboursement des prêts en qualités de caution ou d'associés.

Par jugement du 9 février 2021 le tribunal judiciaire de Vesoul, a déclaré irrecevable la société Intrum en son action, l'a condamnée à payer à M. [O] [K] et M. [E] [K] la somme de 1 800 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, outre condamnation de la société Intrum aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que'la société Intrum ne rapportait pas la preuve lui incombant du fait que les créances invoquées correspondaient aux titres exécutoires, dont était titulaire LCL et qu'elle était dès lors, munie de titres exécutoires lui permettant d'agir contre M. [O] [K] et M. [E] [K].

Par déclaration parvenue au greffe le 8 avril 2021, la société Intrum a interjeté appel du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Intrum en son action, l'a condamné à payer à M. [O] [K] et M. [E] [K] la somme de 1 800 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et, selon ses dernières conclusions transmises le 16 mars 2022, elle conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau de'la réformer en toutes ses dispositions,

Vu l'article 1134 (ancien) et 1905 et suivants du code civil, ensemble les articles 2288 et suivants de ce même code,

Vu les articles 1857 et suivants du code civil,

Vu les articles 1321 et suivants (nouveaux) du code civil,

à titre principal,

- condamner M. [E] [K], ès qualités d'associé de la SCI [Adresse 2], à payer à la société Intrum :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, 90 % de la somme de 390 306,17 euros, soit la somme de 351 275,55 euros en principal, outre intérêts au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, 90 % de la somme de 47 380,65 euros, soit la somme de 42 642,58 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,7 %, a compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

- condamner M. [O] [K], ès qualités de caution de la SCI [Adresse 2] à payer à la société Intrum :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, la somme de 390 306,17 euros en principal, outre intérêts contractuels au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, la somme de 47 380,65 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,70 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Subsidiairement, et si, par impossible, la cour venait à ne pas condamner M. [O] [K] ès qualités de caution de la SCI [Adresse 2],

- condamner tout de même M. [O] [K], ès qualités d'associé de la SCI [Adresse 2], à payer à la société Intrum :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, 10 % de la somme de 390 306,17 euros, soit la somme de 39 030,62 euros en principal, outre intérêts au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, 10 % de la somme de 47 380,65 euros, soit la somme de 4 738,07 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,7 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

en tout état de cause,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 ancien du code civil, débouter M. [O] [K] et M. [E] [K] de l'ensemble de leurs demandes, fins et contestations et condamner solidairement M. [O] [K] et M. [E] [K] à lui régler 3'000'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, d'appel et de toutes ses suites, en vertu de l'article 696 de ce même code.

M. [E] [K] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 22 septembre 2021 pour demander à la cour de confirmer le jugement concernant les chefs susvisés et, statuant à nouveau de':

Vu les articles 9, 15 du code de procédure civile,

Vu les articles 1322, 1324, 1363, 1367,1699, 1857 et 1858 du code civil, 2224 du code civil,

Vu les articles L313-23, L511-1 à L511-4 et L511-9 à L511-20 du code monétaire et financier,

Au principal,

- dire la société Intrum dépourvue de toute qualité pour agir ;

- la déclarer en conséquence irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Vesoul du 9 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

- rejeter l'appel de la société Intrum et la débouter de son action ;

Subsidiairement,

- dire nulle et en tout cas inopposable à la SCI [Adresse 2] la convention de cession de créances prétendûment intervenue entre LCL et la société Intrum, à supposer qu'elle serait versée aux débats ;

- débouter en conséquence la société Intrum de toutes ses demandes contre M. [E] [K].

Plus subsidiairement encore,

- juger prescrites les créances arguées par la société Intrum contre la SCI [Adresse 2], - dire alors que les associés de la SCI [Adresse 2] ne sont tenus d'aucune contribution quelconque envers la société Intrum ;

- relever au surplus qu'il n'est pas justifié de vaines et préalables poursuites contre la SCI [Adresse 2] ;

- dire pour ces raisons et toutes autres à déduire, irrecevable et en tout état de cause mal fondée en son action la société Intrum ;

- la débouter de plus fort de toutes ses demandes, fins et conclusions contre M. [E] [K] ;

Infiniment subsidiairement,

- donner acte à M. [E] [K] de ce qu'il réserve l'exercice d'un droit de retrait litigieux, - déclarer prescrits tous intérêts retenus par la société Intrum de plus cinq années à la date de l'arrêt à intervenir ;

- réduire au plus à un euro chacune des indemnités de défaillance conventionnelle portées au compte des créances arguées lesquelles seront dites constituer des clauses pénales ;

- ordonner à la société Intrum de produire un historique et un décompte des créances qu'elle prétend détenir expurgés de tous intérêts vieux de plus de cinq ans ;

- encore plus subsidiairement, cantonner strictement toute éventuelle condamnation qui par impossible et extraordinaire serait prononcée, conformément à l'article 1857 du code civil, M. [E] [K] ne pouvant être tenu des dettes sociales qu'à proportion de sa participation dans le capital social de la SCI [Adresse 2] ;

- subsidiairement encore, dans l'hypothèse d'une quelconque condamnation, dire n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts.

En toute hypothèse,

- repousser l'appel de la société Intrum ;

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- condamner la société Intrum à verser à M. [E] [K] une somme de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

M. [O] [K] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 28 septembre 2021 pour demander à la cour de confirmer le jugement concernant les chefs susvisés et, statuant à nouveau de':

à titre principal,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1321 et 1322 du code civil,

- dire que la société Intrum ne justifie pas être créancière de la SCI [Adresse 2], et par suite, des associés de ladite société dont M. [O] [K],

- débouter la société Intrum de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [O] [K],

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1858 du code civil,

- dire que la société Intrum n'a pas vainement poursuivi préalablement la SCI [Adresse 2], avant de poursuivre les associés de ladite société,

- débouter la société Intrum de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [O] [K].

A titre très subsidiaire,

- dire que la société Intrum ne justifie pas le montant des sommes réclamées à M. [O] [K],

- débouter la société Intrum de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [O] [K].

A titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article L 332-1 du code de la consommation,

- dire que les engagements de M. [O] [K] au titre des cautionnements, donnés le 28 novembre 2006 et 1er août 2008, sont manifestement disproportionnés par rapport à ses revenus et patrimoine,

- dire que M. [O] [K] ne disposait d'aucun revenu ou patrimoine lui permettant de faire face à des engagements de cautions à l'époque de leur consentement et au jour de l'assignation,

- dire que M. [O] [K] est déchargé de ses engagements de cautions donnés les 28 novembre 2006 et le 1er août 2008,

- débouter la société Intrum de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [O] [K], pris en sa qualité de caution,

- condamner la société Intrum à payer à M. [O] [K] la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Intrum aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l'affaire, appelée à l'audience du 8 novembre 2022 suivant, a été mise en délibéré au 10 janvier 2023.

Pour l'exposé complet des moyens tant de l'appelant que des intimés, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

- Sur la qualité à agir de la société Intrum

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 1322 du code civil, l'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique.

Aux termes de l'article 1363 du code civil, nul ne peut se constituer de titre à soi-même.

Il est constant que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité.

La société Intrum fait valoir':

- qu'elle justifie de sa qualité à agir au vu de la production du bordereau de cession, d'un extrait de la liste des créances cédées, visant expressément les créances anciennement détenues par LCL sur la SCI [Adresse 2]. Par ailleurs, LCL atteste et certifie que la dite créance sur la SCI [Adresse 2] a bien été cédée à la société Intrum,

- qu'il ne peut être exigé la production du contrat de cession, au vu de l'ensemble des contraintes inhérentes au secret bancaire.

En réponse, M. [E] [K] expose que':

- le seul document intitulé bordereau de cession de créance est insuffisant à prouver ladite cession, en l'absence dudit contrat de cession. Par ailleurs, il n'y a aucun lien, ni renvoi, entre le bordereau et le feuillet mentionnant deux montants imputés à la SCI [Adresse 2]. L'attestation de la banque LCL du 2 avril 2021, versée à la procédure en cause d'appel, n'a pas de valeur probante, son signataire n'étant pas identifiable et ladite attestation ne remplissant pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile.

- les pièces produites ne permettent ni l'identification, ni l'individualisation précises des créances cédées, ni les éléments de référence de nature à en permettre une identification et une individualisation.

- en tout état de cause, l'article 6, §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pose le principe du droit à un procès équitable, impliquant que les pièces soient intégralement communiquées aux débats, dans le respect du contradictoire.

En réponse, M. [O] [K] expose que la société Intrum ne justifie pas être titulaire de la créance invoquée, le bordereau de cession ne suffit pas à établir la cession de créance par LCL à son profit.

En l'espèce, la société Intrum s'appuie sur la production du bordereau de cession établi par les parties, un extrait de la liste des créances cédées, visant expressément les créances anciennement détenues par LCL sur la SCI [Adresse 2]. Pour sa part, LCL atteste et certifie, en date du 2 avril 2021, que la dite créance sur la SCI [Adresse 2], numéro de dossier 84982, est cédée à la société Intrum pour 13 030,74 euros correspondant au contrat n°4006800E0RAD11EHGE52, selon prêt notarié du 1er août 2008 pour un montant initial de 27 845 euros, ainsi que pour 227 103,14 euros, correspondant au contrat n°400680093CAG11AHGE52, selon prêt notarié du 8 décembre 2006 pour un montant initial de 299 750 euros, étant observé que les numéros de contrat sont identiques sur ledit bordereau et ladite attestation.

Ainsi, le bordereau de cession répond à l'exigence du caractère écrit de la cession de créance et ne peut être qualifié de preuve à soi-même au vu des signatures tant du cédant que du cessionnaire étant précisé que l'ensemble des éléments renvoie de manière non équivoque au contrat de cession de portefeuille de créances.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par M. [E] [K], le signataire de ladite attestation est parfaitement identifiable, en la personne d'[L] [N], Direction des Engagements et du Recouvrement et également signataire en qualité de directeur dudit bordereau de cession. De sorte que, sans qu'il soit besoin d'autres pièces, les créances apparaissent parfaitement identifiables, la société Intrum justifiant, dès lors, de sa qualité à agir.

En considération de la preuve par la société Intrum de la titularité de la créance, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Intrum en son action.

- sur la légalité de la cession de créances

Aux termes de l'article 1321 du code civil, la cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire.

Aux termes de l'article L313-23 du code monétaire et financier, peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés.

Aux termes de l'article L511-1 du code monétaire et financier, les sociétés de financement sont des personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément.

La société Intrum fait valoir'que :

- les dispositions des articles L511-1 et suivants du code monétaire et financier sont inapplicables à la société Intrum qui n'est pas une société de crédit.

- la cession de créances intervenue le 6 juillet 2017 est soumise aux dispositions du droit commun de la cession de créance, soit aux articles 1321 et suivants du code civil, sans pouvoir se voir appliquer les dispositions relatives à la cession dite «'Dailly'».

En réponse, M. [E] [K] expose que':

- une cession d'un portefeuille de créances bancaires d'ampleur constitue pour le cédant une opération de refinancement et induit la qualité de société de financement pour le cessionnaire dont l'activité consiste précisément en l'acquisition de créances aux fins de financement et de refinancement des sociétés qui en étaient propriétaires, ce qui relève de la catégorie juridique des opérations de crédit. Dès lors, l'absence d'agrément de la société Intrum rend irrégulière la cession de créance.

- la cession de créance alléguée correspondant à une cession Dailly, elle était soumise au formalisme de l'article L313-23 du code monétaire et financier.

En l'espèce, l'objet social de la société Intrum est l'acquisition et la récupération de créances difficiles à recouvrer. La nature bancaire desdites créances ne saurait à elle seule lui conférer la qualité de société de financement, et le rachat des créances ne saurait s'analyser en une opération de refinancement de la société LCL, laquelle, par le biais de la cession, poursuit le seul objectif de se décharger à moindre coût des contraintes et de l'aléa inhérents au recouvrement de créances difficiles.

La société Intrum n'étant donc, ni un établissement de crédit, ni une société de financement, la cession de créance consentie à son profit ne répond pas aux dispositions de l'article L 313-23 du code monétaire et financier relatives à la cession dite Dailly, laquelle a pour objet une avance de fonds dont la créance transmise assure à la fois la garantie et le remboursement.

- sur l'inopposabilité de la cession de créance litigieuse

Aux termes de l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

La société Intrum fait valoir'que la cession intervenue le 6 juillet 2017 a régulièrement été notifiée à la SCI [Adresse 2], débitrice cédée et ce, parallèlement à la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente, en date du 14 juin 2018, outre la notification de ladite cession à M. [O] [K] et M. [E] [K] par courrier en date du 6 juillet 2018 et leur est donc opposable.

En réponse, M. [E] [K] expose qu'au vu du bordereau et du caractère imprécis des pièces du commandement aux fins de saisie-vente, la SCI [Adresse 2] n'a pas été en mesure d'être suffisamment renseignée quant au prétendu transfert des créances qui aurait été opéré en date du 6 juillet 2017, alors en outre que l'huissier instrumentaire a signifié son acte à une adresse correspondant à un immeuble ayant préalablement fait l'objet d'une saisie immobilière.

En l'espèce, l'exploit d'huissier en date du 14 juin 2018, intitulé commandement aux fins de saisie-vente avec signification de cession de créance, et signifié à étude, l'est à l'adresse de la SCI figurant sur l'extrait Kbis. Par ailleurs, il y est clairement indiqué que les diligences de l'huissier instrumentaire sont opérées à la demande de la société Intrum, venant aux droits de LCL et ce, en vertu de deux actes notariés des 8 décembre 2006 et 1er août 2008 passés devant Maître [X], notaire à [Localité 7] et concernant deux prêts notariés, de sorte que tout destinataire de l'acte est suffisamment renseigné quant à la teneur de l'acte.

Dès lors, cette signification opérée au siège de la personne morale, selon l'adresse figurant sur l'extrait Kbis de la SCI, lui est opposable. Aucune inopposabilité ne peut être tirée des diligences ultérieures de l'huissier, dont-il fait état en son courrier du 5 juillet 2018, en constatant que la SCI n'a plus aucun actif à cette adresse, l'immeuble ayant fait l'objet d'une saisie immobilière, et que son gérant réside possiblement sur Montbéliard. M. [E] [K] échoue d'autant plus à démontrer en quoi ladite signification serait irrégulière que la cession a été notifiée à M. [O] [K], gérant de la SCI [Adresse 2], par courrier en date du 6 juillet 2018, établissant ainsi de plus fort son opposabilité à la SCI.

- sur l'exception tenant à l'exigence de vaines poursuites

Aux termes de l'article 1858 du code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

La société Intrum fait valoir'que la SCI [Adresse 2] a bien été poursuivie préalablement à l'engagement de poursuites dirigées à l'encontre de ses associés, pour avoir fait l'objet d'une saisie immobilière n'apurant pas la totalité des créances.

En réponse, M. [E] [K] considère que le seul fait d'avoir fait délivrer un commandement de saisie-vente, signifié par dépôt à étude, sans toucher la SCI, ne suffit pas à caractériser de vaines poursuites.

M. [O] [K], sur les conséquences de l'absence de poursuites préalables à l'encontre de la SCI [Adresse 2], expose que ni LCL, ni la société Intrum n'ont engagé de poursuites préalables contre la SCI [Adresse 2] avant d'actionner ses associés, de sorte que la société Intrum est irrecevable en son action à leur égard. Par ailleurs, la société Intrum ne justifie pas du quantum des créances qu'elle vise en son assignation.

En l'espèce, ainsi qu'il vient d'être vu, eu égard à l'exploit d'huissier en date du 14 juin 2018, intitulé commandement aux fins de saisie-vente avec signification de cession de créance et aux circonstances de sa signification relatées ultérieurement par l'huissier instrumentaire, l'exigence de vaines poursuites apparaît pleinement remplie. De sorte que, là encore, aucune irrecevabilité ou inopposabilité ne saurait être retenue. Et ce, d'autant plus, qu'il n'est pas contesté que, préalablement aux poursuites diligentées contre M. [E] [K] et M. [O] [K], la SCI [Adresse 2] a fait l'objet d'une saisie immobilière n'apurant pas la totalité des créances.

- sur la prescription des créances

Aux termes de l'article 1859 du code civil, toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans, à compter de la publication de la dissolution de la société.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La société Intrum fait valoir'que le point de départ de la prescription n'est nullement fixé à la date d'adjudication du bien immobilier détenu par la SCI, mais à la date de dissolution de la SCI.

En réponse, M. [E] [K] estime que l'effet interruptif de prescription de la procédure de saisie immobilière, laquelle a trouvé sa solution dans la vente sur adjudication, n'a pas pu se poursuivre plus loin que l'audience d'adjudication fixée au 22 octobre 2013. Le commandement aux fins de saisie-vente du 14 juin 2018, n'ayant pas été, selon lui, régulièrement signifié, est privé de tout effet interruptif pour être nul et réputé non avenu.

En l'espèce, en regard de l'acte notarié en date du 8 décembre 2006, une décision du juge de l'exécution en date du 9 juillet 2013 fait expressément référence à un commandement de payer, valant saisie immobilière, délivré à la SCI en date du 15 décembre 2011 et publié au bureau des hypothèques du Mans en date du 14 février 2012. En suite de quoi, LCL a fait délivrer une assignation à la SCI [Adresse 2], laquelle est suivie par une première décision d'orientation en date du 16 avril 2013, puis par la décision du 9 juillet 2013, fixant l'audience d'adjudication au mercredi 22 octobre 2013.

Etant rappelé que M. [E] [K] échoue à démontrer l'irrégularité de la signification du commandement aux fins de saisie-vente du 14 juin 2018, dont l'effet interruptif de prescription doit donc être retenu, et étant observé au surplus que la prescription à en tout état de cause été interrompue par la mise en demeure, en date du 6 juillet 2018, adressée et notifiée par courrier à M. [O] [K], gérant de la SCI [Adresse 2], il doit être considéré que la prescription des créances litigieuses n'est pas encourue.

- sur la nécessité de connaître le prix de la cession de créance alléguée,

Aux termes de l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

Aux termes de l'article 1700 du code civil, la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.

Il est constant que le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

La société Intrum fait valoir qu'il ne peut être invoqué un droit de retrait par M. [E] [K], aucune instance n'ayant été introduite préalablement à la cession de créances, intervenue le 6 juillet 2017. Les associés et, le cas échéant, la caution n'ont pas pris parti à la procédure de saisie immobilière et n'ont formulé, dans le cadre de cette instance, aucune contestation sur le fond, la SCI [Adresse 2] s'étant contentée de solliciter la vente amiable de son bien immobilier.

En réponse, M. [E] [K] estime qu'en ne communiquant pas le contrat de cession de créances, la société Intrum l'empêche de connaître le prix réel de ladite cession de créances, aux fins d'évaluer l'intérêt de l'exercice éventuel d'un droit de retrait.

En l'espèce, force est de constater qu'antérieurement à la cession de créance litigieuse, tant M. [E] [K] que M. [O] [K], en tant qu'associés ou caution n'ont engagé quelque action ou formulé quelque contestation tenant à la procédure de saisie immobilière, la SCI [Adresse 2] se cantonnant à solliciter la vente amiable du bien immobilier. Dès, lors, aucun droit de retrait ne saurait être invoqué en l'espèce.

- Sur le montant de la dette alléguée

M. [E] [K] expose, qu'eu égard au montant de la dette alléguée, il y a lieu de rejeter les demandes formulées au vu des différentiels très importants entre ces dernières et les montants visés au bordereau de cession, outre la prescription des intérêts.

En l'espèce, il est versé aux débats un décompte détaillé. Par ailleurs, aux termes de son jugement en date du 16 avril 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Mans (72), statuant en matière de saisie immobilière, fixe les créances de LCL à la somme de 35 976,28 euros, outre intérêts courant jusqu'à la distribution du prix de vente et clause pénale, pour le prêt du 1er août 2008, ainsi qu'à la somme de 373 465,26 euros, outre intérêts courant jusqu'à la distribution du prix de vente, pour le prêt du 8 décembre 2006, étant précisé qu'il y a lieu à déduction de la somme de 110 436,58 euros perçue dans le cadre de la vente forcée du bien immobilier appartenant à la SCI [Adresse 2]. Dès lors, au vu de la justification des sommes sollicitées, il ne saurait être procédé à quelque rejet ou retranchement ou réduction que ce soit.

- sur les demandes formées à l'encontre de M. [O] [K], en sa qualité de caution

M. [O] [K], auquel incombe la charge de la preuve de la disproportion qu'il invoque pour soutenir le rejet des demandes dirigées contre lui, ne produit aux débats strictement aucun élément relatif à ses patrimoine et revenus contemporains de la souscription respective des deux cautionnements, de sorte que le moyen tiré de la disproportion manifeste des engagements ne pourra qu'être rejeté.

Etant rappelé que la créance de la société Intrum est sufisamment justifiée par les pièces versées aux débats, M. [O] [K], ès qualités de caution, sera donc condamné à payer à la société Intrum :

-Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, la somme de 390 306,17 euros en principal, outre intérêts contractuels au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

-Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, la somme de 47 380,65 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,70 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte.

Le jugement querellé sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes formées à l'encontre de M. [E] [K], en sa qualité d'associé

Aux termes de l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Dès lors qu'il est contant que M. [E] [K] était détenteur de 90 % des parts de la SCI [Adresse 2], il sera condamné à payer à la société Intrum :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, 90 % de la somme de 390 306,17 euros, soit la somme de 351 275,55 euros en principal, outre intérêts au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, 90 % de la somme de 47 380,65 euros, soit la somme de 42 642,58 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,7 %, à compter du 6 juillet 2018, date du décompte.

La décision entreprise sera infirmée en ce sens.

- Sur la capitalisation des intérêts,

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Vesoul ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamne M. [E] [K], ès qualités d'associé de la SCI [Adresse 2], à payer à la S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, 90 % de la somme de 390 306,17 euros, soit la somme de 351 275,55 euros en principal, outre intérêts au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, 90 % de la somme de 47 380,65 euros, soit la somme de 42 642,58 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,7 %, a compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

- condamne M. [O] [K], ès qualités de caution de la SCI [Adresse 2], à payer à la S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG :

Au titre du prêt notarié du 8 décembre 2006, la somme de 390 306,17 euros en principal, outre intérêts contractuels au taux de 6,95 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Au titre du prêt notarié du 1er août 2008, la somme de 47 380,65 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,70 % à compter du 6 juillet 2018, date du décompte,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

Condamne M. [E] [K] et M. [O] [K] aux dépens d'appel.

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, les déboute de leurs demandes formées de ce chef et':

- condamne M. [E] [K] et M. [O] [K] à payer la somme de 1 000 euros chacun à la S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG.

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt à été signé par M. Michel Wachter, président de la première chambre civile et commerciale de la cour, magistrat ayant participé au délibéré et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00605
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.00605 ?
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