ARRÊT N°
MW/LZ
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 18 octobre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00757 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELX3
S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 30 janvier 2019 [RG N° 17/00630]
Code affaire : 74D Demande relative à un droit de passage
[S] [K] C/ [B] (décédé) [D], [E] [Z] [X] [D], [J] [D], [L] [D]
PARTIES EN CAUSE :
Madame [S] [K]
née le 16 Février 1942 à [Localité 10]
de nationalité française, demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Caroline ESPUCHE, avocat au barreau de BESANCON
Représentée par Me Clémence TEILLAUD, avocat au barreau de DIJON
APPELANTE
ET :
Monsieur [E] [Z]
de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉ
Monsieur [X] [D]
es qualité d'héritier de [B] [D]
né le 30 Août 1950 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [J] [D]
es qualité d'héritier de [B] [D]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 10]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [L] [D]
es qualité d'héritier de [B] [D]
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
PARTIES INTERVENANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 a été mise en délibéré au 03 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Mme [S] [K] est usufruitière des parcelles cadastrées commune d'[Localité 10] (39) section AD n° [Cadastre 11] et [Cadastre 3].
M. [B] [D] était propriétaire de la parcelle AD n°[Cadastre 7], qui est située entre les parcelles AD [Cadastre 11] et AD [Cadastre 3]. Cette parcelle a été donnée à bail à M. [E] [Z].
Par jugement du 4 mars 2009, le tribunal de grande instance de Dole, constatant l'enclavement de la parcelle AD [Cadastre 3], a instauré au profit de celle-ci une servitude de passage sur la parcelle AD [Cadastre 7], afin de permettre l'accès à la parcelle AD [Cadastre 11] et, à partir de cette dernière, à la voie publique.
Faisant valoir que l'exercice de ce droit de passage était entravé, Mme [K] a, par exploits du 26 juillet 2017, fait assigner M. [D] et M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Lons le Saunier afin d'obtenir sous astreinte le rétablissement du passage, et la clôture de son assiette, ainsi que l'indemnisation de divers préjudices. La demanderesse a fait valoir que M. [Z] avait sciemment rendu l'usage de la servitude plus incommode en supprimant les clôtures qui en délimitaient l'emprise.
M. [Z] a soulevé l'irrecevabilité des demandes en tant qu'elles étaient formées à son encontre, au motif qu'il n'était pas le propriétaire du fonds servant. A titre subsidiaire, il a contesté que l'emprise du passage ait été antérieurement délimitée, et a indiqué que Mme [K] utilisait ce passage, non pour accéder à la voie publique, mais pour desservir des parcelles sises au nord du fonds dominant.
Par jugement rendu le 30 janvier 2019 en l'absence de comparution de M. [D], le tribunal a :
- prononcé1'irrecevabilité des pièces déposées, postérieurement à l'ordonnance de clôture des débats du 17 mai 2018, par M. [E] [Z] et régularisées sous les numéros 7 et 8 ;
- dit que ces pièces seront écartées des débats ;
- déclaré irrecevables les demandes afférentes à l'usage de la servitude de passage reconnue par le jugement du tribunal de grande instance de Dole le 4 mars 2009 et formulées, à titre principal et subsidiaire, par Mme [S] [K] à l'encontre de M. [E] [Z], en raison de sa qualité de preneur à bail de la parcelle n°AD [Cadastre 8], située à [Localité 10], grevée de la servitude de passage ;
- dit que la servitude de passage sur la parcelle AD n°[Cadastre 7] appartenant à M. [B] [D],
entre les parcelles AD n°[Cadastre 3] et AD n°[Cadastre 11] inclut le passage d'animaux de ferme et, de façon occasionnelle, le passage de véhicules agricoles ;
- débouté Mme [S] [K] de sa demande principale à1'encontre de M. [B] [D],
de clore par deux clôtures (piquets tous les deux mètres, sur lesquels trois fils de fer barbelés seront fixés), 1'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle AD n°[Cadastre 7] ;
- débouté Mme [S] [K] de sa demande subsidiaire à l'encontre de M. [B] [D]
de remise en état de la servitude de passage sur la parcelle AD n°[Cadastre 7] ;
- autorisé Mme [S] [K] à aménager, sur la parcelle AD n°[Cadastre 8], des ouvertures d'une largeur minimum de 6 mètres, qui resteront ouvertes en dehors du temps nécessaire au passage de ses animaux et de ses véhicules, par un simple fil tendu sur piquets amovibles ou selon tout autre mode de clôture, permettant l'accès entre les parcelles AD n°[Cadastre 7] et [Cadastre 6] ;
- débouté Mme [S] [K] de sa demande de condamnation de M. [E] [Z] à des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
- débouté Mme [S] [K] de sa demande tendant à obtenir la suppression, dans les conclusions de M. [E] [Z], de propos qu'elle estime calomnieux ;
- débouté Mme [S] [K] de ses autres demandes ;
- débouté M. [E] [Z] de ses autres demandes ;
- condamné Mme [S] [K] à payer à M. [E] [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [S] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- que la servitude de passage ayant le caractère d'un droit réel immobilier, Mme [K] ne pouvait, pour revendiquer l'usage du droit de passage sur la parcelle AD [Cadastre 7], agir qu'à l'encontre du propriétaire de celle-ci, et non contre son preneur à bail, qui n'était lié au propriétaire que par un droit personnel ;
- que Mme [K] ne pouvait dès lors pas plus agir contre M. [Z] en réparation d'un préjudice né de la mise en place de déblais, du retrait d'une clôture ou du rétrécissement du passage ; que la demande de dommages et intérêts était également mal fondée en ce qu'elle visait à réparer les conséquences de la contamination du troupeau de la demanderesse, le lien de causalité avec une possible maladie du cheptel de M. [Z] n'étant pas démontré ; qu'il n'y avait enfin pas lieu de supprimer dans les conclusions de M. [Z] des passages estimés calomnieux, les propos concernés traduisant, comme il en avait le droit, le ressenti de l'intéressé, et leur formulation dubitative n'en faisant pas des accusations portant atteinte à la réputation et à l'honneur de Mme [K] ;
- que Mme [K] échouait à démontrer que la servitude de passage s'exerçait sur un espace clôturé et que la clôture qu'elle réclamait serait indispensable à son exercice ; qu'en outre, les destructions qu'elle reprochait au locataire du fonds servant n'avaient pas empêché ni même limité l'usage du droit de passage, ainsi que l'avait constaté un huissier de justice ;
- que, bien que le jugement du 4 mars 2009 ne le précisait pas, il ne pouvait être contesté, compte tenu de la nature agricole des fonds concernés, que le droit de passage s'étendait au transit de bestiaux ainsi qu'à celui, occasionnel, de véhicules et de matériels agricoles ; que la servitude ne pouvait être aggravée par la pose d'une double clôture permanente délimitant un chemin large de six mètres, comme sollicité par Mme [K], ce qui couperait l'exploitation de M. [Z], laquelle s'étendait des deux côtés du fonds servant ;
- qu'il n'en demeurait pas moins que, pour assurer la sécurité sanitaire des troupeaux et le rétablissement de relations de voisinage apaisées, la pose d'une clôture demeurait indispensable, de sorte que Mme [K] devait être autorisée à réaliser les travaux proposés par M. [Z], à savoir l'aménagement d'ouvertures d'une largeur minimum de six mètres, qui resteront ouvertes en-dehors du temps nécessaire au passage des animaux.
Mme [K] a relevé appel de cette décision le 8 mars 2019.
M. [B] [D] étant décédé le 31 janvier 2019, l'interruption de l'instance a été constatée par ordonnance du 13 mai 2019.
Le 15 avril 2021, Mme [K] a procédé à l'assignation de MM [X], [J] et [L] [D], en leurs qualités d'héritiers du défunt.
Par conclusions n°2 notifiées le 14 septembre 2022, Mme [K] demande à la cour :
Vu les articles 751 et 472 du code de procédure civile,
Vu les articles 373 et 555 du code de procédure civile,
Vu l'article 702 du code civil,
Vu l'article 1719 du code civil
Vu l'article 1240 du code civil,
- de déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par Mme [S] [K] ;
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
* déclare irrecevables les demandes afférentes à l'usage de la servitude de passage reconnue par le jugement du tribunal de grande instance de Dole le 4 mars 2009 et formulées, à titre principal et subsidiaire, par Mme [S] [K] à l'encontre de M. [E] [Z], en raison de sa qualité de preneur à bail de la parcelle n°AD [Cadastre 8], située à [Localité 10], grevée de la servitude de passage ;
* déboute Mme [S] [K] de sa demande principale à1'encontre de M. [B] [D], de clore par deux clôtures (piquets tous les deux mètres, sur lesquels trois fils de fer barbelés seront fixés), 1'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle AD n°[Cadastre 7] ;
* déboute Mme [S] [K] de sa demande subsidiaire à l'encontre de M. [B] [D]de remise en état de la servitude de passage sur la parcelle AD n°[Cadastre 7] ;
* autorise Mme [S] [K] à aménager, sur la parcelle AD n°[Cadastre 8], des ouvertures d'une largeur minimum de 6 mètres, qui resteront ouvertes en dehors du temps nécessaire au passage de ses animaux et de ses véhicules, par un simple fil tendu sur piquets amovibles ou selon tout autre mode de clôture, permettant l'accès entre les parcelles AD n°[Cadastre 7] et [Cadastre 6] ;
* déboute Mme [S] [K] de sa demande de condamnation de M. [E] [Z] à des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
* déboute Mme [S] [K] de sa demande tendant à obtenir la suppression, dans les conclusions de M. [E] [Z], de propos qu'elle estime calomnieux ;
* déboute Mme [S] [K] de ses autres demandes ;
* condamne Mme [S] [K] à payer à M. [E] [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamne Mme [S] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
Y faisant droit, statuant de nouveau,
A titre principal :
- de constater que la servitude de passage dont est grevée la parcelle sise commune de [Localité 10] (sic) section AD n°[Cadastre 7] au profit de la parcelle section AD n°[Cadastre 3] est dégradée et qu'elle a été aggravée ;
- d'ordonner à MM [X], [L] et [J] [D] de clore, à nouveau, la servitude de passage par deux clôtures (piquet tous les deux mètres, sur lesquels trois fils de fer barbelés seront fixés) entre les parcelles cadastrées AD [Cadastre 3] et AD [Cadastre 11] sur la parcelle AD [Cadastre 7] espacées de 6 mètres l'une de l'autre ;
- de condamner in solidum MM [X], [L] et [J] [D] et M. [E] [Z] à verser à Mme [S] [K] la somme de 1000 euros au titre du préjudice
moral ;
A titre subsidiaire,
- d'ordonner à MM [X], [L] et [J] [D] de rétablir la servitude de passage grevant la parcelle sise commune de [Localité 10] (sic) section AD n°[Cadastre 7] sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) ;
En tout état de cause,
- de rendre opposable l'arrêt à intervenir à M. [E] [Z] ;
- de condamner in solidum MM [X], [L] et [J] [D] et M. [E] [Z] à verser à Mme [S] [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner in solidum MM [X], [L] et [J] [D] et M. [E] [Z] aux entiers dépens de la procédure en ce compris les deux constats d'huissier de justice du 25 octobre 2016 et du 22 mai 2019.
Par conclusions notifiées le 18 octobre 2021, M. [Z] et les consorts [D] demandent à la cour :
- de déclarer l'appel interjeté par Mme [S] [K] recevable mais mal fondé ;
- de confirmer en toutes ses disposition le jugement déféré ;
- de condamner Mme [S] [K] à verser à M. [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 27 septembre 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Bien que visée par la déclaration d'appel au rang des chefs de jugement critiqués, et bien que son infirmation soit expressément sollicitée dans le dispositif des dernières éctitures de l'appelante, force est de constater qu'il n'est développé strictement aucune argumentation pour contester la disposition de la décision entreprise ayant déclaré irrecevables les demandes relatives à la servitude de passage en tant qu'elles étaient dirigées à l'encontre de M. [Z]. D'ailleurs, à hauteur d'appel,aucune demande n'est formée à ce titre contre celui-ci. Cette disposition devra donc nécessairement être confirmée.
Sur la demande principale aux fins de rétablissement de clôtures
Mme [K] reprend à l'encontre des consorts [D], pris en leurs qualités d'ayants-droits de M. [B] [D], sa demande tendant à la mise en place de clôtures matérialisant l'assiette de la servitude de passage existant à son profit sur la parcelle AD n°[Cadastre 7].
Elle fait valoir qu'à l'origine l'assiette de la servitude de passage était matérialisée, d'un côté, par une haie continue longeant le bief bordant la parcelle AD n°[Cadastre 7], et de l'autre côté, à une distance de six mètres de la haie, par une clôture composée de piquets de bois sur lesquels étaient tendus trois rangs de fil de fer barbelé. Elle ajoute que M. [Z], exploitant de cette parcelle ainsi que de la parcelle voisine n°[Cadastre 6], avait supprimé la haie, comblé le bief, et supprimé la clôture, afin de permettre une libre circulation de son cheptel entre les parcelles exploitées. Elle considère qu'il est résulté de ces agissements une aggravation de l'exercice de la servitude, au motif que son assiette présentait une déclivité importante du fait des travaux réalisés, et qu'il existait désormais, lors de l'utilisation de la servitude, un risque de contact entre son cheptel et celui de M. [Z], dans un contexte d'épidémie de maladies bovines.
Les intimés répliquent qu'il n'y avait jamais eu de clôtures, et que le bief n'était plus alimenté en eau depuis la construction d'une dérivation, de sorte qu'il avait complètement disparu par endroits. Ils estiment que c'était la demande de Mme [K] tendant à la mise en place de clôtures qui tendait à l'aggravation de la servitude par modification de l'état des lieux antérieur.
L'article 701 du code civil dispose que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode, et qu'ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.
Il sera rappelé que la servitude litigieuse a été consacrée par un jugement du tribunal de grande instance de Dole en date du 4 mars 2009, en considération d'un état d'enclave. Il convient d'emblée d'écarter l'argumentation des intimés consistant à soutenir que ce jugement serait dépourvu de valeur comme n'ayant pas été publié, comme ayant été rendu en l'absence de comparution de M. [B] [D], et comme étant intervenu sans qu'aient été appelés M. [Z] et la société Solvay. En effet, cette décision est aujourd'hui définitive, étant observé que l'appelante justifie de sa publication. Bien évidemment, l'absence de comparution de l'une des parties est sans emport sur l'autorité de ce jugement. Par ailleurs, rien ne justifiait l'appel en cause, ni de la société Solvay, qui n'était en rien concernée par la servitude sollicitée, ni du preneur à bail du fonds servant, ce que celui-ci est désormais d'autant moins fondé à contester qu'il a lui-même sollicité et obtenu dans le cadre de la présente procédure l'irrecevabilité des demandes formées contre lui, en faisant précisément valoir qu'il était étranger au litige concernant la servitude.
La lecture du jugement du 4 mars 2009 révèle que l'assiette sur laquelle devait s'exercer la servitude n'a pas été précisément définie. Toutefois, au regard de la configuration des lieux telle qu'elle résulte des plans cadastraux ainsi que des photographies aériennes produites aux débats, et en considération des critères légaux en matière d'enclave, tenant au trajet le plus court et le moins dommageable, il est manifeste que la servitude litigieuse devait s'exercer le long du bief bordant la parcelle AD n°[Cadastre 7] sur sa limite nord-ouest, ce qui, en soi, ne fait d'ailleurs pas l'objet d'une contestation. Par ailleurs, eu égard à la nature agricole des parcelles desservies, cette servitude devait nécessairement permettre le passage du bétail ainsi que celui d'engins agricoles. Or, il n'est pas contesté par les parties que les usages locaux fixent la largeur nécessaire à de tels passages à six mètres.
Dès lors que Mme [K] se prévaut d'une aggravation des conditions d'exercice par les propriétaires, du fait de la suppression par leur locataire des clôtures en matérialisant l'assiette, il lui appartient, pour obtenir leur rétablissement, de démontrer que, depuis sa mise en place,la servitude était en effet physiquement délimitée, de part et d'autre, par une clôture.
S'agissant en premier lieu de la bordure du bief, il ressort de la comparaison entre les vues aériennes prises à diverses dates, et notamment celles figurant au procès-verbal de constat d'huissier établi le 20 mai 2019 par Maître [O], que le coude matérialisant le bief au niveau de la parcelle AD n°[Cadastre 7], était en 2006 souligné par la présence de végétation haute, et que celle-ci a progressivement disparu en 2016 et 2017 pour laisser place en 2019 à un terrain nu. Cette évolution résulte manifestement du fait de l'homme, dès lors que, sur le reste du cours du bief, le couvert végétal de la bordure reste présent, bien qu'ayant par endroits perdu en densité. Toutefois, pour que la modification observée puisse s'analyser en une suppression de clôture ayant aggravé l'exercice de la servitude, encore faut-il que le couvert végétal disparu ait pu constituer un obstacle réel au passage du bétail. Or, force est de constater que les photographies aériennes produites aux débats ne permettent pas de juger de l'aspect de cette végétation au niveau du sol, alors qu'il n'est par ailleurs produit aucun document contemporain de l'existence du couvert attestant qu'il présentait une densité telle qu'il était infranchissable par le bétail. Il sera observé à cet égard que le bief ne saurait en lui-même constituer un obstacle au passage de bovins, dès lors qu'il résulte des photographies et des pièces produites qu'il ne constitue pas un cours d'eau proprement dit, ce que confirme d'ailleurs le service de l'eau, des risques, de l'environnement et de la forêt du Jura dans un courrier adressé à Mme [K] le 23 juillet 2018, mais un simple fossé recueillant des eaux de ruissellement, qui ne présente ni une largeur ni une profondeur suffisantes pour empêcher son franchissement.
S'agissant ensuite de la matérialisation de la limite de l'emprise du passage à l'intérieur de la parcelle AD n°[Cadastre 6], l'appelante invoque pour seule preuve de l'existence antérieure d'une clôture un courrier adressé le 20 novembre 2014 à son propre avocat par M. [Z], dans lequel celui-ci il aurait fait l'aveu de l'existence de cette clôture, et de son démontage par ses soins. Dans cette correspondance, M. [Z] écrit 'nous avions installé une clôture en respectant le droit de passage de Melle [K]. Sitôt les travaux terminés, celle-ci nous les a contestés en saisissant le conciliateur (...) Dans un souci d'apaisement, nous avons retiré notre clôture. A ce jour, il est hors de question de la réinstaller.' Ces propos font très clairement référence à un différend ayant précédemment opposé les parties devant le conciliateur de justice, et dans le cadre duquel la pose d'une clôture par M. [Z] sur la parcelle qu'il exploitait avait été contestée par Mme [K] au motif du non-respect de la largeur qu'elle considérait être celle de l'assiette de la servitude. C'est ce que confirme la production par l'appelante elle-même de deux courriers du conciliateur en date des 22 janvier 2014 et 5 février 2014, qui se font l'écho de sa réclamation tendant à voir reculer la clôture installée par M. [Z]. Il est ainsi manifeste que la clôture évoquée par le courrier de ce dernier ne correspond pas à une clôture préexistante qui aurait toujours délimité l'emprise de la servitude, et qui devrait être rétablie dans ses limites, puisque Mme [K] en contestait elle-même l'implantation, mais une clôture mise en place par la suite par M. [Z], et qui n'avait eu qu'une existence éphémère, puisqu'il est constant que l'intéressé a procédé à sa suppression suite au désaccord manifesté par Mme [K] sur sa localisation.
Au regard de ces éléments, et en l'absence de tout autre élément de conviction, il devra être retenu que l'appelante n'établit pas la pré-existence de clôtures délimitant l'emprise de la servitude de passage, de sorte qu'elle échoue à démontrer l'aggravation de l'exercice de celle-ci.
Il ne saurait dans ces conditions être fait droit à sa demande de rétablissement de deux clôtures constituées de piquets tous les deux mètres, et de trois rangs de fil de fer barbelés.
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette prétention.
Sur la demande subsidiaire en condamnation sous astreinte à rétablir la servitude
Les écritures de Mme [K] sont particulièrement lapidaires s'agissant de cette demande subsidiaire, qui semble être motivée par l'allégation de dégradations apportées à l'assiette du passage telles qu'elles rendraient impossible son usage.
La cour relèvera cependant que la présentation d'une telle demande à titre subsidiaire apparaît incohérente avec la demande principale tendant au seul rétablissement de clôtures matérialisant la limite de l'assiette du passage. Il est en effet difficilement concevable qu'un passage pouvant être exercé sans difficulté sur une emprise clôturée de part et d'autre puisse devenir matériellement impraticable du seul fait de l'absence de telles clôtures, alors qu'il continue pourtant de se prendre sur la même assiette. Une telle articulation des demandes constitue donc un aveu de Mme [K] quant à la possibilité matérielle d'utiliser le passage tel qu'il se présente actuellement.
Au surplus, il ne résulte du dossier aucun élément de nature à démontrer que Mme [K] soit empêchée d'utiliser la servitude, alors que l'assiette du passage reste parfaitement connue et localisable sur le terrain. Si certes il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 20 mai 2019 qu'à un endroit il existe une déclivité de 50 à 70 centimètres, celle-ci est localisée en bordure de l'emprise, de sorte qu'elle ne constitue pas un obstable réel à la circulation d'engins agricoles eu égard à l'emprise totale du passage.
La confirmation s'impose donc également de ce chef.
Sur la mise en place d'une clôture légère
Pour prendre en considération les préoccupations formulées par Mme [K] quant au risque de contacts entre son cheptel et celui de M. [Z] à l'occasion de l'exercice de la servitude pour le passage de troupeaux, le tribunal a autorisé la mise en place par l'intéressée d'une clôture légère fermée uniquement au moment du passage de son bétail par la servitude.
Cette disposition n'étant pas contestée par M. [Z] et les consorts [D], elle sera confirmée.
Sur les dommages et intérêts
Compte tenu de ce qui précède, Mme [K] est d'abord mal fondée à solliciter une indemnisation du fait d'entraves apportées à l'exercice de la servitude, celles-ci n'étant pas établies.
C'est ensuite vainement qu'elle argumente sur le préjudice moral né de la contamination de son troupeau, dès lors que, s'il est certes établi par les pièces qu'elle produit qu'au moins un bovin de son cheptel a été déclaré positif à la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), son affirmation selon laquelle cette infection serait consécutive à un contact entre son troupeau et celui de M. [Z] reste à l'état de simple allégation, et n'est étayée par aucun élément technique sanitaire permettant d'établir de manière certaine l'origine de cette contamination.
Le jugement entrepris devra en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [K].
Sur les autres dispositions
La confirmation s'impose s'agissant des frais irrépétibles et des depens.
L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ainsiq u'à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal de grande instanc de Lons le Saunier ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [S] [K] à payer à M. [E] [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [S] [K] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par Monsieur Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Madame Leila Zait, greffier.
Le greffier, Le président,