ARRÊT N°
CS/LZ
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Réputé contradictoire
Audience publique du 18 octobre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00314 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EK4A
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 19 janvier 2021 [RG N° 18/02566]
Code affaire : 54C Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l'ouvrage ou son garant
[X] [K], [B] [F] épouse [K] C/ S.A.S. BOILLEY BATIMENT SERVICES ET ETANCHEITE TE), S.A.R.L. FDI, S.A.S. ACCOBAT
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [X] [K]
né le 20 Janvier 1967 à [Localité 8]
de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
Représenté par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
Madame [B] [F] épouse [K]
née le 20 Novembre 1966 à [Localité 10]
de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
APPELANT S
ET :
S.A.S. BOILLEY BATIMENT SERVICES ET ETANCHEITE TE)
RCS de n°
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Isabelle TOURNIER de la SCP SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON.
S.A.R.L. FDI
RCS de n°
sise [Adresse 2]
N'ayant pas constitué avocat
S.A.S. ACCOBAT.
RCS de n°
sise [Adresse 5]
Représentée par Me Christine MAYER BLONDEAU de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉES
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 a été mise en délibéré au 03 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Faits, procédure et prétentions des parties
Par contrat du 2 mai 2012, M. [X] [K] et Mme [F] épouse [K] ont confié à la SCCV Coopérative de Construction Bois - CCB (la société CCB) la construction de leur maison individuelle sur un terrain cadastré section [Cadastre 7] et [Cadastre 11] situé [Adresse 6].
La SARL Boilley-Bâtiment-Services Etanchéité (la société BBSE) est intervenue pour l'exécution du lot étanchéité.
Les travaux ont fait l'objet d'une réception le 20 décembre 2013, avec des réserves relatives à la pose du garde-corps extérieur, à l'achèvement du remblaiement et de l'isolation extérieure arrière, à l'achèvement du crépi, à la pose de la porte isotherme entre le garage et l'habitation et à la mise en place des coulisses du volet roulant du sous-sol.
Au motif de la survenance d'infiltrations d'eau, puis de la déformation de la structure de la maison, deux sinistres ont été déclarés à l'assureur dommage-ouvrage, la société L'Auxiliaire, ayant donné lieu à deux rapports d'expertise amiables datés des 5 juillet et 1er août 2017.
La société Saretec Construction, puis la SARL FDI, ont été successivement mandatées en qualité de maître d'oeuvre pour procéder aux travaux de reprise.
Par ailleurs, l'immeuble a subi un incendie le 20 juin 2017 déclaré par M. [K] à son assureur la société BPCE Assurances et ayant donné lieu à un rapport d'expertise définitif daté du 12 septembre 2017.
Le 21 décembre 2016, la société BBSE a, au titre de la réfection de l'étanchéité, émis à l'attention de M. [K] la facture n° F161202517 d'un montant de 14 604 euros HT soit 16 064,40 euros TTC.
Le 31 octobre 2017, la SAS Accobat a, au titre du dégagement de la façade arrière, émis à l'attention de M. [K] et Mme [F] la facture n° 20170281 d'un montant de 10 125 euros HT soit 11 137,50 euros TTC.
Par acte d'huissier de justice signifié le 18 décembre 2018, la société BBSE a assigné M. [K] et Mme [F] devant le tribunal de grande instance de Besançon en sollicitant leur condamnation solidaire à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de 14 604 euros au titre de la facture du 7 avril 2017 outre intérêts au taux légal à compter de cette date, de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par ses ultimes écritures déposées en première instance après règlement le 10 avril 2019 de sa facture de 14 604 euros, la société BBSE sollicitait la condamnation de M. [K] et de Mme [F] à lui payer la somme de 1 102,74 euros au titre des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2012 concernant ladite facture outre la somme de 2 500 euros au titre de leur résistance abusive au paiement.
Dans le cadre d'une procédure jointe le 3 octobre 2019, M. [K] et Mme [F] ont assigné selon actes signifiés le 23 août 2018 les sociétés BBSE, FDI et Accobat au visa des articles 1193 et suivants ainsi que des articles 1217 et suivants du code civil aux fins de les voir condamner à effectuer les travaux de reprise conformément aux devis validés et financés par l'assureur dommage-ouvrage et passé le délai de trois mois à compter de l'assignation, à les faire réaliser à leurs frais, outre la condamnation des sociétés précitées à leur verser des avances sur travaux à achever.
Par leurs ultimes conclusions, ils sollicitaient par ailleurs, outre frais irrépétibles et dépens :
- la condamnation de la société Accobat à achever l'installation et le raccordement de la cuve de récupération d'eaux pluviales sous astreinte ;
- la condamnation solidaire des sociétés BBSE, FDI et Accobat à les garantir si leur responsabilité devait être engagée au titre du chantier inachevé et notamment concernant le risque d'effondrement du chemin communal surplombant leur propriété ;
- que la société BBSE soit déclarée responsable des deux sinistres liés au défaut d'étanchéité de la façade arrière de la maison et de la toiture terrasse ;
- la condamnation de cette dernière, solidairement avec la société Accobat, à leur payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et de jouissance.
La société Accobat demandait reconventionnellement, outre frais irrépétibles et dépens :
- la condamnation de M. [K] et de Mme [F] à lui payer des intérêts moratoires calculés au taux de la Banque de France augmenté de 1 % l'an à compter du 31 octobre 2017, date de réception de la facture susvisée, jusqu'à son règlement le 10 avril 2019, ainsi qu'une indemnité au titre de la clause pénale égale à 15 % des sommes dues ;
- la revalorisation du devis n°20170235 relatif au remblai établi le 24 juillet 2017 à 5,5 %, selon l'indice de la construction BT01 en vigueur, et la condamnation de M. [K] et de Mme [F] à leur payer cette revalorisation après réalisation des travaux ;
- la consignation des sommes restantes à lui devoir sur un compte Carpa s'agissant des travaux restant à accomplir ;
- la condamnation de M. [K] et de Mme [F] à lui payer la somme de 500 euros au titre de la procédure abusive.
Par jugement rendu le 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Besançon :
- a condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société BBSE la somme de 1 102,74 euros au titre des intérêts de retard, ainsi que la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- a débouté M. [K] et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes ;
- les a condamnés solidairement à payer à la société Accobat les intérêts moratoires calculés au taux de la Banque de France augmenté de 1 % l'an à compter du 8 novembre 2017 et jusqu'au 10 avril 2019 sur la somme de 11 137,50 euros, ainsi que la somme d'un euro au titre de la clause pénale ;
- a débouté la société Accobat de ses demandes relatives à la revalorisation du devis initial, à la consignation en compte Carpa et tendant au versement d'une indemnité au titre du caractère abusif de la procédure ;
- a condamné solidairement M. [K] et Mme [F], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros à la société BBSE et la somme de 1 500 euros à la société Accobat ;
- les a condamnés solidairement aux dépens ;
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
- au visa des articles 1353 et 1231-6 du code civil, que si les parties s'accordent sur le règlement le 10 avril 2019 de la facture n°F161202517 du 21 décembre 2016 objet de la demande principale de la société BBSE, cette dernière est cependant bien-fondée à solliciter des intérêts de retard ainsi qu'une indemnité pour procédure abusive, dès lors que l'assureur dommage-ouvrage avait transmis les fonds à M. [K] et Mme [F] le 18 septembre 2017 et que les travaux n'ont fait l'objet d'aucune contestation ;
- que sur le fondement de l'exception d'inexécution et de la responsabilité contractuelle, la société BBSE est fondée à ne pas poursuivre les travaux à effectuer suite au second sinistre, en raison de l'inexécution contractuelle grave de M. [K] et Mme [F] qui ont indûment retenu les fonds leur ayant été réglés par la société L'Auxiliaire entre le 18 septembre 2017 et le 10 avril 2019 au motif de nouveaux dommages ;
- que la demande tendant à la reprise forcée du chantier sous astreinte formée par M. [K] et Mme [F] doit être rejetée en considération de leurs propres inexécutions contractuelles, à savoir le règlement tardif de la facture susvisée alors même qu'ils avaient été indemnisés à ce titre, de sorte que le planning d'intervention n'a pu été respecté et qu'ils leur appartiendra de définir avec le maître d'oeuvre un nouveau programme d'intervention des entreprises ;
- que par ailleurs, M. [K] et Mme [F] ne peuvent valablement solliciter le règlement de sommes dont ils ont déjà été destinataires par l'assureur dommage ouvrage ;
- qu'en application de l'article 1231-5 du code civil et des conditions générales de vente figurant au verso de la facture du 31 octobre 2017, M. [K] et Mme [F] doivent à la société Accobat les intérêts de retard au taux contractuel, outre la clause pénale qui doit être minorée à la somme d'un euro compte tenu de son caractère excessif ;
- qu'il n'appartient pas au tribunal de modifier à la hausse un devis constituant un contrat de droit privé entre deux parties ;
- que la demande de consignation en compte Carpa est devenue sans objet ;
- que la société Accobat n'établit pas le caractère abusif de la procédure engagée par M. [K] et Mme [F].
Par déclaration du 17 février 2021, M. [K] et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Accobat de ses demandes relatives à la revalorisation du devis initial, à la consignation en compte Carpa et indemnitaire au titre du caractère abusif de la procédure, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Selon leurs dernières conclusions transmises le 14 septembre 2022, ils concluent à son infirmation sauf en ce qu'il a débouté la société Accobat de ses demandes relatives à la revalorisation du devis initial, à la consignation en compte Carpa et aux fins d'indemnisation au titre du caractère abusif de la procédure et demandent à la cour, statuant à nouveau :
- de condamner solidairement les sociétés FDI, BBSE et Accobat à achever les travaux conformément aux devis validés et financés par l'assureur dommage-ouvrage, sous astreinte de 1 500 euros chacun par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- d'ordonner que passé un délai d'un mois à compter de la décision, ils soient autorisés à faire réaliser les travaux par les entreprises de leur choix aux frais avancés et aux risques des sociétés FDI, BBSE et Accobat, chacune pour les lots dont elles avaient la charge, incluant les frais d'un maître d''uvre d'exécution pour la coordination et le suivi du chantier ;
- de condamner les intimées à leur payer les sommes suivantes à titre d'avance sur les travaux à achever, sous astreinte de 10 % des sommes dues par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :
. 4 400 euros TTC à la charge de la société FDI ;
. 36 804,90 euros TTC à la charge de la société BBSE ;
. 10 744,40 euros TTC à la charge de la société Accobat.
- de condamner la société Accobat à achever l'installation et le raccordement de la cuve de récupération des eaux pluviales, prestation pour laquelle elle a déjà été réglée, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision
à intervenir ;
- d'ordonner que l'astreinte continue à courir contre les défenderesses jusqu'à achèvement et réception expresse de l'ensemble des travaux de réparation ;
- de 'les autoriser' à solliciter ultérieurement réparation des conséquences du retard des travaux et notamment les nouvelles infiltrations dans la maison, lorsque les réparations prévues seront achevées et réceptionnées ;
- de condamner solidairement les sociétés FDI, BBSE et Accobat à les garantir si leur responsabilité devait être engagée au titre du chantier inachevé et notamment concernant le chemin communal surplombant leur propriété et menaçant de s'effondrer ;
- d'ordonner que les sociétés FDI, BBSE et Accobat demeureront seules responsables du chantier, chacune pour les lots dont elles avaient la charge, jusqu'à complet achèvement et réception des travaux de réparation ;
- de condamner solidairement les sociétés Accobat et BBSE à leur payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et de jouissance ;
- de débouter les sociétés Accobat, BBSE et FDI de l'intégralité de leurs demandes ;
- de les condamner solidairement à leur payer, au titre des frais irrépétibles, une somme de 3 000 euros en première instance et de 3 000 euros en appel, outre les dépens de première instance et d'appel ;
- de confirmer le jugement pour le surplus.
Ils font valoir :
- qu'ils ne peuvent se voir opposer une exception d'inexécution dans la mesure où leur maison présente des désordres ayant entraîné des sinistres de grande ampleur, alors même que les réparations par la société BBSE restent inachevées ;
- qu'ils ont régularisé le règlement de l'ensemble des factures, moyennant l'engagement non tenu de reprise des travaux ;
- que l'expert mandaté pour les opérations de réception des travaux a constaté l'absence de réalisation de ceux relatifs à la cuve de récupération des eaux de pluie pourtant réglés par l'assureur ;
- que s'ils ont perçu des sommes de la part de l'assureur dommage-ouvrage, ils ont réglé les factures des entreprises sans que les travaux ne soient repris, alors que l'arrêt du chantier a généré de nouveaux désordres ;
- qu'il ne peut leur être reproché d'avoir retenu certaines sommes, soit par ignorance liée à leur absence de connaissances en gestion de chantier, soit en raison de la mauvaise exécution des travaux par la société BBSE ;
- que la clause relative au taux des intérêts moratoires et la clause pénale invoquées par la société Accobat leur sont inopposables, à défaut de preuve de leur contractualisation, tandis que la première mise en demeure leur ayant été adressée est datée du 9 avril 2018 de sorte que ni pénalités ni intérêts ne peuvent leur être réclamés pour la période antérieure.
La société Accobat a formé appel incident par conclusions transmises le 2 août 2021 en sollicitant la confirmation du jugement dont appel sauf en ce qu'il a réduit l'indemnité lui étant due par M. [K] et Mme [F] au titre de la clause pénale à un euro et l'a déboutée de ses demandes de revalorisation du devis initial et de condamnation au titre de la procédure abusive.
Elle a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 22 septembre 2022 pour demander à la cour d'infirmer les chefs susvisés et, statuant à nouveau :
- de condamner solidairement M. [K] et Mme [F] à lui payer une indemnité au titre de la clause pénale égale à 15 % des sommes dues ;
- d'ordonner la revalorisation du devis relatif au remblai n°20170235 en date du 24 juillet 2017
à 16,1 % selon l'indice de construction BT01 en vigueur et de condamner les susnommés à lui payer celle-ci après réalisation des travaux, en sus du montant prévu initialement ;
- de condamner solidairement M. [K] et Mme [F] à lui payer la somme de 500 euros pour procédure abusive ;
- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de les condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de son conseil.
Elle expose :
- qu'elle n'a été payée de sa facture du 31 octobre 2017 que le 10 avril 2019, alors qu'elle devait
débuter la reprise des travaux de terrassement le 02 avril 2019, ce défaut de règlement étant donc à l'origine du non respect du planning ;
- que M. [K] et Mme [F] ont déjà été indemnisés par l'assureur de leurs entiers préjudices, de sorte qu'ils ne peuvent solliciter de nouveau le prix des travaux de reprise des désordres ;
- qu'elle ne peut finaliser les travaux relatifs à la cuve de récupération d'eau compte-tenu de l'impossibilité d'intervenir avant les remblais de finition, prestation pour laquelle elle attendait d'avoir été réglée de sa facture impayée et surtout un planning établi par la société FDI ;
- qu'elle a accompli l'intégralité des travaux pour lesquels elle a été réglée, alors même qu'elle n'a jamais réclamé le solde d'un montant de 10 744,80 euros TTC versé par l'assureur à M. [K] et Mme [F] ;
- que le juge de première instance n'a pas motivé la modération de la clause pénale à un euro, soit un montant dérisoire la privant de tout effet ;
- que sa demande de revalorisation du devis résulte de l'application même du contrat prévoyant des prix valables durant quatre-vingt-dix jours.
La société BBS a formé appel incident par conclusions transmises le 29 juillet 2021 en sollicitant la 'réformation' du jugement dont appel concernant le quantum lui ayant été alloué à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement.
Dans ses ultimes écritures transmises le 23 septembre 2022, elle demande à la cour statuant à nouveau sur ce point de condamner M. [K] et Mme [F] à lui payer la somme indemnitaire de 2 500 euros, outre leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure, y compris les frais d'exécution forcée de la décision.
Elle expose que M. [K] et Mme [F] ont retenu la somme allouée par l'assureur sans pour autant former de réserve concernant les travaux effectués par ses soins.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 octobre suivant et mise en délibéré au 3 janvier 2023.
La société FDI, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée à personne le 23 mars 2021, n'a pas constitué avocat.
En application des dispositions de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Motifs de la décision
- Sur les demandes formées par la société BBSE au titre des intérêts de retard et des dommages et intérêts pour résistance abusive,
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Les articles 1103 et 1104 du même code prévoient que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, tandis qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Enfin et aux termes de l'article 1231-6 du code précité, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure, ledit taux d'intérêts étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Ces dommages-intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
En l'espèce, la cour relève que M. [K] et Mme [F] ne contestent ni l'accord sur indemnité signé par leurs soins le 9 septembre 2017, ni le règlement à leur profit le 18 septembre 2017 d'une indemnité d'assurance de la part de l'assureur dommage ouvrage d'un montant de 27 266 euros correspondant notamment au montant de la facture n°F161202517 du 21 décembre 2016.
Il est par ailleurs constant que M. [K] et Mme [F] ont refusé, jusqu'au 10 avril 2019, de régler la somme de 14 604 euros correspondant à la totalité du montant de ladite facture, alors même que l'intégralité des travaux facturés avaient été exécutés sans réserve, de sorte qu'aucune exception d'inexécution d'obligations corrélatives audit paiement ne peut être valablement invoquée.
La cour observe par ailleurs que leur obligation de paiement, après la perception de l'indemnité correspondante par la société L'Auxiliaire, ne relève aucunement de la mise en oeuvre d'une règlementation de 'gestion de chantier' dont ils seraient restés dans l'ignorance mais d'une retenue revendiquée du paiement pour des raisons étrangères à l'exécution des prestations concernées par la facture litigieuse, laquelle a d'ailleurs été réglée spontanément après leur assignation en justice à la diligence du créancier.
Il en résulte que le juge de première instance a, par d'exacts motifs toujours d'actualité, à bon droit condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société BBSE la somme de 1 102,74 euros au titre des intérêts de retard, de sorte que le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.
Néanmoins et à défaut pour la société BBSE d'établir l'existence d'un préjudice distinct du seul retard de paiement, en ce qu'elle se borne à faire état d'une inexécution de leur obligation en paiement par M. [K] et Mme [F] relevant d'un procédé de chantage, cette dernière doit être déboutée de sa demande indemnitaire formée au titre de la résistance abusive au paiement et le jugement critiqué sera infirmé en ce sens.
- Sur la demande formée par la société Accobat au titre des intérêts moratoires et de la clause pénale,
L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, bien que le devis n° 20170235 établi le 24 juillet 2017, suivi de la facture n° 20170281 d'un montant de 11 137,50 euros TTC au titre de laquelle la société Accobat sollicite le règlement des intérêts moratoires au taux contractuel ainsi que le montant de la clause pénale, ait été émis au nom de M. [K] et Mme [F], celui-ci porte uniquement la signature de la société Corneloup Vérifications apposée, après modifications, le 31 juillet 2017.
La société Accobat n'établit donc pas la contractualisation tant d'un taux d'intérêts moratoires que d'une clause pénale, de sorte que le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à lui payer les intérêts moratoires calculés au taux de la Banque de France augmenté de 1 % l'an à compter du 8 novembre 2017 et jusqu'au 10 avril 2019 sur la somme de 11 137,50 euros, ainsi que la somme d'un euro au titre de la clause pénale.
M. [K] et Mme [F] seront solidairement condamnés à payer à la société Accobat les intérêts au taux légal sur la somme de 11 137,50 euros à compter du 9 avril 2018, date de la mise en demeure, et jusqu'au 10 avril 2019 soit la date du paiement.
La société Accobat sera par ailleurs déboutée du surplus de sa demande au titre des intérêts de retard ainsi que de sa demande formée au titre de la clause pénale.
- Sur les autres demandes formées par M. [K] et Mme [F] ainsi que par la société Accobat,
La cour relève que M. [K] et Mme [F] qui se limitent à solliciter de manière générale la condamnation solidaire des sociétés FDI, BBSE et Accobat à achever les travaux, le cas échéant l'autorisation de les faire réaliser à leurs frais avancés, la condamnation de la société Accobat à achever l'installation et le raccordement de la cuve de récupération d'eau de pluie, ainsi que la condamnation solidaire des sociétés FDI, BBSE et Accobat à les garantir, ne produisent cependant aucun devis accepté de nature à permettre d'identifier précisément les prestations contractualisées et validées par les assureurs au titre des différents sinistres.
Le défaut de communication de ces pièces, invoquées par M. [K] et Mme [F], ne permet pas à la cour de statuer sur les demandes susvisées de sorte que la réouverture de débats ne peut qu'être ordonnée avec renvoi de l'affaire à la mise en état.
Surtout, au vu de la complexité du litige au regard des muliples intervenants et des multiples sinistres déclarés, de l'aléa judiciaire qui en résulte, et de l'intérêt commun des parties à une issue permettant à chacune d'obtenir l'exécution des prestations dont elle est créancière, la cour estime opportun de proposer sans attendre aux parties de résoudre leur différend par la médiation judiciaire.
A cette fin, la cour les invitera à rencontrer un médiateur qui leur présentera le processus de médiation et qui sera désigné par avance pour réaliser cette mesure si les parties l'acceptent, afin de parvenir dans une démarche constructive à un accord, notamment sur les modalités de poursuite des travaux, dont il est évoqué un règlement partiel, sur leurs conditions financières et notamment la demande présentée par la société Accobat tendant à la revalorisation de son devis initial ainsi que sur les demandes indemnitaires formées par M. [K] et Mme [F] d'une part et par la société Accobat d'autre part.
Par ces motifs,
La cour, statuant par arrêt mixte réputé contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement rendu entre les parties le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société BBSE la somme de 1 102,74 euros au titre des intérêts de retard ;
Infirme ledit jugement en ce qu'il a :
- condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société BBSE la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamné solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société Accobat les intérêts moratoires calculés au taux de la Banque de France augmenté de 1 % l'an à compter du 8 novembre 2017 et jusqu'au 10 avril 2019 sur la somme de 11 137,50 euros, ainsi que la somme d'un euro au titre de la clause pénale ;
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,
Déboute la société BBSE de sa demande tendant à la condamnation de M. [K] et Mme [F] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Condamne solidairement M. [K] et Mme [F] à payer à la société Accobat les intérêts au taux légal sur la somme de 11 137,50 euros à compter du 9 avril 2018 et jusqu'au 10 avril 2019;
Déboute la société Accobat du surplus de sa demande au titre des intérêts de retard ainsi que de sa demande formée au titre de la clause pénale ;
Concernant les autres chefs,
Ordonne la réouverture des débats ;
Renvoie l'affaire à la mise en état ;
Désigne pour y procéder M. Jean-François Lévêque, conseiller ;
Invite les parties à transmettre toutes pièces utiles évoquées au soutien de leurs écritures et notamment les devis acceptés de nature à permettre d'identifier précisément les prestations contractualisées et validées par les assureurs au titre des différents sinistres déclarés ;
Vu l'article'22-1'de la loi du 8 février 1995 modifié par la loi du 23 mars 2019, suivant lequel «'en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu'il estime qu'une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s'il n'a pas recueilli l'accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu'il désigne. Celui-ci informe les parties sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation. » ;
Vu les articles'3 de la'loi n°'2019-222 du 23 mars 2019'de programmation'2018-2022 et de réforme pour la justice, 22-1 de la loi n°'95-125 du 8 février 1995, 131-1 et s. du code de procédure civile';
Enjoint aux parties de rencontrer un médiateur ;
Désigne à cet effet M. [R] [I], médiateur ([Adresse 4], [Courriel 9], [XXXXXXXX01]) ;
Donne mission au médiateur :
- d'expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d'une mesure de médiation';
- de recueillir par écrit leur consentement ou leur refus de cette mesure ;
Dit que dans l'hypothèse où au moins l'une des parties refuserait le principe de la médiation, le médiateur transmettra au tribunal les décisions écrites prises par chacune d'elles sur la proposition de médiation et cessera ses opérations, sans défraiement';
Dit que dans l'hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur aura pour mission d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose et pourra commencer, dès la consignation de la provision ci-après fixée, les opérations de médiation';
Dit que la médiation devra alors être réalisée dans un délai de trois mois à compter de la première réunion plénière de médiation'; que ce délai pourra, le cas échéant, être renouvelé pour une période de trois mois à la demande du médiateur';
Fixons à la somme de 1 401 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur qui devra être consignée, par virement ou par chèque par chacune des parties, à parts égales, entre les mains du médiateur dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, à peine de caducité de la désignation du médiateur';
Dit que le médiateur devra informer la juridiction saisie de la date de la première réunion plénière, dès que celle-ci aura été arrêtée';
Dit que dans le cas d'une médiation excédant la durée prévue ou de frais élevés (voyage, location de salle ou de matériel, par exemple) le médiateur pourra, avec l'accord des parties, aussitôt qu'elle apparaîtra justifiée, soumettre à la présente juridiction une demande tendant à la fixation d'un complément de consignation';
Dit que le complément de consignation ainsi fixé sera versé directement dans les mains du médiateur';
Dit que la partie éventuellement bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sera dispensée de ce règlement par application de l'article'22, alinéa'3 de la loi du 8 février 1995, étant rappelé que la rétribution du médiateur relevant de l'aide juridictionnelle est fixée par le magistrat taxateur dans les conditions et plafonds fixés par l'art. 118-9 et suivants du décret n°'91-1266 du 19 décembre 1991, modifié par le décret n°'2016-1876 du 27 décembre 2016 ' art. 18 ;
Dit que le médiateur informera la juridiction saisie de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière ;
Dit que le médiateur informera sans délai la juridiction saisie de l'issue de la médiation ;
Dit que l'affaire sera réexaminée par le conseiller de la mise en état à première demande et en tout cas à l'issue du délai de médiation ;
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe au médiateur.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.
La greffière Le président de chambre