ARRÊT N°
JFL/LZ
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 18 octobre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00109 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKP5
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD en date du 18 décembre 2020 [RG N° 18-000129]
Code affaire : 50A Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
S.A. FRANFINANCE, S.A.R.L. H2R ENERGIES C/ [Y] [E], S.A. FRANFINANCE, S.A.R.L. H2R ENERGIES
PARTIES EN CAUSE :
S.A. FRANFINANCE
RCS de Nanterre n°719 807 406
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
S.A.R.L. H2R ENERGIES
RCS n°504 317 280
sise [Adresse 1]
Représentée par Me Marie-christine VERNEREY, avocat au barreau de MONTBELIARD
APPELANT ES
ET :
Monsieur [Y] [E]
né le 13 Octobre 1975 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD
Représenté par Me Samuel HABIB, avocat au barreau de PARIS
S.A. FRANFINANCE
Sise [Adresse 4]
Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
S.A.R.L. H2R ENERGIES
sise [Adresse 1]
Représentée par Me Marie-christine VERNEREY, avocat au barreau de MONTBELIARD
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 a été mise en délibéré au 03 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé du litige
M. [G] [E] a commandé le 15 mars 2013 à la SARL H2R Energies (la société H2R) une installation solaire photovoltaïque au prix de 21 500 euros, qui devait être financée par un prêt du même montant contracté le même jour auprès de la SA Franfinance. Un second bon de commande et une seconde offre de prêts correspondant aux mêmes prestations ont toutefois été signés le 1er avril suivant. M. [E] a ensuite signé en date du 15 avril une 'attestation de financement-demande de financement' par laquelle il attestait 'avoir pris livraison en parfait état conformément au bon de commande et l'a accepté sans restrictions ni réserve.' L installation a été raccordée au réseau ERDF au mois de novembre 2013.
Sur assignation délivrée le 16 mars 2018 par M. [E] à la société H2R et à la société Franfinance en annulation des contrats de vente et de prêt, responsabilité de la banque et indemnisation de divers préjudices, outre enlèvement de l'installation, le tribunal judiciaire de Montbéliard, par jugement du 18 décembre 2020, a :
- déclaré recevable l'action de M. [E] ;
- prononcé la nullité de la vente ;
- ordonné la restitution des biens vendus ;
- condamné le vendeur à remettre les lieux dans leur état antérieur ;
- prononcé la nullité du prêt ;
- dit que la banque avait commis une faute dans la délivrance des fonds et en conséquence rejeté sa demande en restitution du capital emprunté ;
- condamné la banque à restituer les sommes déjà perçues, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté M. [E] de ses demandes indemnitaires ;
- condamné in solidum le vendeur et la banque à lui payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à payer les dépens ;
- rejeté tous autres chefs de demande.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que l'action n'était pas prescrite dès lors qu'elle avait été introduite le 16 mars 2018, moins de cinq ans après le contrat, daté du 1er avril 2013, le premier contrat daté du 15 mars 2013 portant sur une prestation identique mais n'étant pas signé ;
- que la mention insuffisante des caractéristiques du produit dans le bon de commande violait les articles L. 111-1 et L. 121-23 du code de la consommation et causait la nullité de la vente ; - que la nullité de la vente entraînait celle du prêt affecté par application de l'article L. 311-32 du code de la consommation ;
- que la signature de l'attestation de livraison n'établissait pas que l'acquéreur ait eu conscience des vices affectant le bon de commande et entendait y renoncer ;
- que la nullité de la vente obligeait l'acquéreur à restituer le produit ;
- que si la nullité du prêt obligeait le prêteur à restituer les sommes reçues de l'emprunteur, il devait cependant être privé de la restitution du capital prêté pour avoir fautivement omis de procéder aux vérifications qui lui auraient permis de constater que la vente était nulle au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation ;
- et que l'acquéreur n'établissait pas la réalité de ses préjudices.
Un premier appel a été relevé par la société H2R par déclaration du 21 janvier 2021 intimant l'acquéreur et le prêteur et critiquant le jugement en toutes ses dispositions. Un second appel a été relevé le même jour par la société Franfinance, intimant également les deux autres parties et critiquant toutes les dispositions du jugement sauf le rejet des demandes indemnitaires formées par l'acquéreur. Les deux appels ont été joints par ordonnance du 19 octobre 2021.
La société H2R, par conclusions transmises le 20 avril 2021, demande à la cour de :
- infirmer le jugement dans sa totalité ;
- déclarer M. [E] irrecevable et en tout cas mal fondé ;
- le débouter de toute demande ;
- le condamner à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.
La société H2R soutient :
- que l'action est prescrite pour avoir été introduite le 16 mars 2018 plus de cinq ans après le contrat passé le 15 mars 2013 et signé par l'acquéreur et que si ce contrat a été réitéré le 1er avril suivant pour des raisons qui échappent aux parties, les prétendus manquements au code de la consommation étaient apparents dès le 15 mars 2013, de sorte que c'est à cette date que la prescription a couru ;
- que le bon de commande désigne les biens vendus conformément à l'article L. 121-23 du code de la consommation ;
- que la prétendue nullité, relative, aurait été confirmée tacitement par la poursuite de l'exécution du contrat ;
- que le dol n'est pas caractérisé dès lors que M. [E], qui n'était pas profane pour posséder déjà une installation semblable, n'établit pas de manoeuvres ou de réticences destinées à le tromper sur la rentabilité de l'installation, qui au demeurant ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel.
La société Franfinance, par conclusions transmises le 29 juillet 2021 visant l'article L. 111-1 du code de la consommation et les articles 1338 et suivants du code civil, demande à la cour de :
- infirmer le jugement des chefs critiqués ;
à titre principal,
- déclarer M. [E] irrecevable comme prescrit en ses demandes portant sur le devoir de mise en garde, d'information et de conseil, ainsi que sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
- le déclarer irrecevable à demander la nullité des contrats qu'il a exécutés volontairement ;
- le débouter de toutes demandes ;
- juger que les sommes versées au prêteur restent acquise et que l'emprunteur est tenu de continuer à rembourser le prêt ;
à titre subsidiaire si la nullité des contrats était prononcée ;
- juger que les sommes versées par M. [E] restent acquises à la banque ;
- condamner M. [E] à rembourser le capital prêté déduction faite des sommes versées ;
plus subsidiairement si les contrats étaient annulés et la faute de la banque retenue,
- confirmer le rejet des demandes indemnitaires de M. [E] ;
- le débouter de toutes demandes ;
- condamner la société H2R à payer à la société Franfinance la somme de 21 500 euros en application de l'article 312-56 du code de la consommation ;
- condamner M. [E] à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Giacomoni, avocat.
La société Franfinance soutient :
- que l'action a été engagée moins de cinq ans après le contrat, qu'elle date au 17 mars 2013 ;
- que le bon de commande comporte les mentions exigées à l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige ;
- que le dol n'est établi ni dans son caractère matériel, ni dans son caractère intentionnel, ni dans son caractère déterminant ;
- qu'il n'est pas établi que la rentabilité de l'installation soit entrée dans le champ conractuel ;
- que M. [E] a reçu toutes les informations nécessaires relatives au crédit ;
- que les éventuelles nullités, relatives, ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat ;
- que l'annulation de la vente entraîne la restitution des produits au vendeur et celle du prix à l'acquéreur, tandis que l'annulation du prêt entraîne restitution à l'emprunteur des sommes qu'il a versées, et au prêteur du capital prêté ;
- que le prêteur n'a pas commis de faute dans la délivrance des fonds ;
- que l'action en déchéance du droit aux intérêts est irrecevable comme prescrite, étant exercée, pour la première fois devant la cour, plus de cinq ans après le contrat ;
- qu'est de même prescrite l'action fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde ;
- qu'au demeurant la situation financière et patrimoniale de l'emprunteur ne faisait apparaître aucun risque d'endettement excessif et n'imposait donc pas de mise en garde ;
- que la banque n'était pas tenue de mettre en garde l'emprunteur contre le caractère illusoire des rendements attendus et était au contraire tenue de ne pas s'immiscer dans les affaires de son client ;
- que l'obligation d'information et de vérification des capacités financières de l'emprunteur ont été remplies au moyen de la fiche de dialogue renseignée par l'emprunteur ;
- que l'obligation de conseil a été remplie pour un crédit adapté aux capacités financières de l'emprunteur,
- que la faute de la banque ne pourrait la priver de la restitution des sommes prêtées en l'absence de preuve de tout préjudice que viendrait réparer la non-restitution ;
- qu'en effet l'installation financée à été livrée et fonctionne ;
- que les préjudices invoqués par ailleurs ne sont pas démontrés et sont sans lien avec la faute de la banque ;
- qu'enfin, si elle était privée de son droit à restitution, la banque serait fondée à appeler la garantie du vendeur prévue à l'article L. 312-56 du code de la consommation.
M. [E], par conclusions transmises le 13 octobre 2021 portant appel incident et visant les articles L. 111-1, L. 311-1 et suivants, L. 312-2 et suivants, L. 313-1 et suivants et D. 311-4-3 du code de la consommation, les articles L. 121-21 et suivants, et R. 121-5 du même code dans leur rédaction applicable à l'espèce, les articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, les articles L. 313-5-1, L. 519-1 et L. 546-1 du code monétaire et financier ; l'article L. 512-1 du code des assurances, les articles 1109, 1116, 1710 et 1792 du code civil, et les articles 11, 515 et 700 du code de procédure civile, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires
à titre principal,
- confirmer les autres dispositions du jugement ;
- condamner la société H2R à rembourser à la banque la somme de 21 500 euros ;
- condamner la société Franfinance et la société H2R à lui payer 3 000 euros en réparation de son préjudice financier et de son trouble de jouissance, outre 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
subsidiairement si la faute de la banque n'était pas retenue,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts du crédit affecté ;
plus subsidiairement en cas de rejet de ses demandes ;
- dire qu'il reprendra le paiement des échéances du prêt.
L'intimé soutient :
- que contrairement à ce qui lui avait été promis, il n'a perçu de revenus de sa production d'électricité que bien après avoir commencé à rembourser l'emprunt, et ces revenus étaient trop faibles pour parvenir à un auto-financement de l'installation ;
- que le démarcheur, le 15 mars 2013, lui a 'fait régulariser un document présenté comme une candidature soumise à confirmation prévoyant en cas d'acceptation du dossier l'installation d'une centrale photovoltaïque financée à l'aide d'un prêt affecté';
- que la vente est nulle pour défaut au bon de commande des mentions prescrites à l'article L. 121-23 du code de la consommation, empêchant l'acquéreur de connaître le produit qu'il commandait ;
- que les clauses du contrat n'étaient pas rédigées de façon claire et compréhensible au sens de l'article L. 211-1 du code de la consommation ;
- qu'il a été privé de son droit à rétractation, non pas en raison d'un non-respect du formalisme prévu pour ce bordereau aux articles L. 121-24 et L. 121-25 du code de la consommation, mais en raison d'un formulaire de rétractation détachable ne pouvant être séparé du contrat sans l'amputer d'une partie fondamentale ;
- qu'il a été trompé par la dissimulation des informations utiles qu'étaient les caractéristiques essentielles du contrat, le délai de raccordement, la nécessité de souscrire une assurance obligatoire, la location obligatoire d'un compteur de production, la durée de vie des matériels vendus, notamment celle de l'onduleur qui n'est que de cinq ans, le coût du retrait du matériel en fin de vie, le prix d'achat de l'électricité, le rendement envisageable, ainsi que par la mise en avant d'un partenariat mensonger avec EDF pour le mettre en confiance et par une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'installation ;
- que la nullité de la vente entraîne celle du prêt ;
- que les nullités n'ont pas été couvertes par l'exécution volontaire du contrat, qui suppose une connaissance des chefs de nullité et la volonté claire d'y renoncer ;
- que la banque a engagé sa responsabilité envers le prêteur en acceptant de financer une opération nulle, alors qu'il lui incombait de vérifier la régularité formelle du contrat, et en libérant fautivement les fonds avant l'achèvement de l'installation ;
- que la banque avait manqué à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil quant à l'opportunité économique du projet et au caractère illusoire des rendements escomptés en finançant une installation dont elle ne pouvait méconnaître le caractère ruineux, et que ces manquements la privent de son droit à restitution des capitaux prêtés, ou subsidiairement de son droit aux intérêts du prêt ;
- que l'annulation du prêt oblige la banque à lui restituer les sommes qu'il lui a remboursées, sans que lui-même doive rembourser le capital prêté, dès lors que les multiples fautes de la banque lui ont causé d'importants préjudices ;
- que c'est le vendeur, ayant encaissé le capital emprunté, qui devra rembourser à la banque la somme de 21 500 euros ;
- qu'il subit un préjudice financier pour avoir dû rembourser un crédit au taux d'intérêt exorbitant et un préjudice de jouissance pour avoir dû renoncer à plusieurs projets personnels, ainsi qu'un préjudice moral au titre des désagréments causés par les travaux d'installation, de la présence d'une installation inutile et inesthétique, du bruit de l'onduleur, du temps perdu en démarches et de l'angoisse d'un crédit ruineux.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée le 27 septembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 18 octobre 2022 et mise en délibéré au 3 janvier 2023.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de l'action
Au regard de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, la recevabilité de l'action exercée par M. [E] le 16 mars 2018 dépend du point de savoir si le délai de prescription a couru à compter du premier contrat signé par les parties le 15 mars 2013 et s'est alors accompli le 15 mars 2018, veille de l'assignation, ou si le délai à couru à compter du second contrat signé le 1er avril 2013 et n'était pas encore expiré à la date de l'assignation.
Constatant que les deux contrats de vente sont strictement identiques, que seul le bon de commande du 1er avril est signé par l'acheteur, que les deux offres de prêt sont signées, et que le motif de la réitération du contrat n'est pas établi avec clarté, la cour retient que les parties, pour des raisons dont il est indifférent qu'elles restent inconnues, n'ont pas entendu se lier par leurs premiers contrats et ont finalement préféré s'engager à une nouvelle date, de sorte que seuls les seconds contrats en date du 1er avril 2013 sont générateurs de leurs engagements.
Dès lors, l'action ayant été introduite moins de cinq ans plus tard le 16 mars 2018, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [E].
Sur la nullité de la vente pour violation du code de la consommation
La vente, conclue le 1er avril 2013 hors de l'établissement du vendeur, est soumise au formalisme protecteur prévu à l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 27 juillet 1993 au 14 juin 2014, suivant lequel le contrat doit, à peine de nullité, comporter les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
Adoptant les exacts motifs par lesquels le premier juge a retenu que le contrat ne désignait pas précisément les biens offerts ni les conditions et délais de livraison, et y ajoutant que le contrat est également imprécis sur la garantie qui fait l'objet de clauses contradictoires entre elles, et que le nom du démarcheur est omis et, la cour retient que le contrat est vicié par ces causes de nullité.
Toutefois, il résulte de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte.
Tel est le cas dès lors que le contrat de vente litigieux reproduisait expressément et lisiblement le texte de l'article L. 121-23, ce qui donnait à l'acheteur connaissance du vice résultant de l'inobservation de ce texte, et lui permettait de contester le contrat, ce que M. [E] n'a pas fait, procédant au contraire à son exécution en laissant le vendeur installer le matériel et en demandant à la banque d'en acquitter le prix (en ce sens Cour de cassation 1ère Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-12.968).
En conséquence, les nullités pour violation de l'article L. 121-23 étant couvertes par l'exécution volontaire de la vente, celle-ci est valide à ce titre.
S'agissant du bordereau de rétractation M. [E] ne critique pas son irrégularité pour absence de conformité des mentions prévues aux articles L. 121-24 et R. 125 anciens du code de la consommation, mais seulement pour absence effective de la possibilité de se rétracter, résultant, selon lui, de ce que le bordereau ne pouvait être détaché sans amputer le contrat d'une partie fondamentale. Toutefois, même si effectivement le verso du bordereau détachable comportait les date et lieu d'établissement du contrat ainsi que la signature de l'acheteur, ce qui ne permettait pas de le détacher sans amputer le contrat, le recto du bordereau indiquait avec précision toutes les modalités d'exercice du droit de rétractation, de sorte que M. [E], contrairement à ce qu'il soutient, pouvait se rétracter au besoin en utilisant un autre support, et n'a donc pas été privé de la possibilité effective et concrète d'exercer son droit de rétractation. Le contrat n'est donc pas nul du chef invoqué.
Enfin, aucune nullité n'est encourue au titre de l'obligation pour les professionnels de proposer aux consommateurs des contrats clairs et compréhensibles, prévue à l'article L. 211-1 du code de la consommation, dès lors que le contrat de vente litigieux, contrairement à ce qui est soutenu, est rédigé dans une police de caractères suffisamment grande et parfaitement lisible.
Sur la nullité de la vente pour dol
L'article 1116 du code civil dans sa version ancienne applicable au contrat dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Les multiples griefs adressés par M. [E] au vendeur, qui lui aurait sciemment dissimulé de nombreux paramètres techniques et financiers de l'opération et qui l'aurait trompeusement rassuré en invoquant un partenariat avec Electricité de France, consistent en réalité à reprocher au vendeur une rentabilité insuffisante de l'installation, dont les bénéfices ne permettaient pas un autofinancement.
Or, il ne résulte pas du contrat que le vendeur s'était engagé à un certain niveau de rentabilité, ni même que la possibilité d'atteindre une certaine rentabilité était déterminante pour M. [E], de sorte qu'il n'est pas établi, au sens du texte précité, que les manoeuvres alléguées aient porté sur des points déterminants de son consentement.
Dès lors, M. [E] n'apportant pas la preuve, qui lui incombait, que le rendement de l'installation était entré dans le champ contractuel, la nullité de la vente pour dol ne peut être retenue.
Ainsi, la vente n'étant atteinte par aucune des nullités invoquées par M. [E], et le prêt n'encourant pas la nullité en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, la cour, infirmant le jugement en toutes ses dispositions sauf la recevabilité de l'action précédemment examinée et sauf le débouté M. [E] de ses demandes indemnitaires, qui seront confirmés, déboutera d'une part M. [E] de ses demandes en nullité de la vente et du prêt, ainsi que de ses demandes accessoires tendant à la restitution des biens vendus, à la remise des lieux en état, à la condamnation de la banque à lui restituer les sommes versées et à la condamnation du vendeur à restituer le prix de vente à la banque, et déboutera d'autre part société Franfinance de sa demande en remboursement du capital prêté.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
L'action en déchéance du droit aux intérêts à titre d'indemnisation des conséquences d'un défaut de conseil et de mise en garde de la banque, est exercée par M. [E] au motif que la banque aurait dû le mettre en garde contre la souscription du prêt litigieux, qui portait son taux d'endettement de 72,19 % à 77,43 % de ses revenus.
Cette augmentation des charges financières de M. [E], qui lui permettait d'exercer l'action au sens de l'article 2224 du code civil, était connue de lui dès la signature du contrat intervenu le 1er avril 2013, de sorte que le délai de prescription quinquennal s'est accompli le 1er avril 2018.
En conséquence, l'action était prescrite lorsqu'elle a été exercée pour la première fois devant la cour. M. [E] sera donc déclaré irrecevable en son action tendant à déchoir la société Franfinance de son droit aux intérêts.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement rendu entre les parties le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Montbéliard, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [G] [E] et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires, ces dispositions étant confirmées ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute M. [E] de ses demandes en nullité de la vente passée le 1er avril 2013 avec la société H2R et du prêt passé le même jour avec la SA Franfinance ;
Le déboute de ses demandes accessoires tendant à la restitution des biens vendus, à la remise des lieux en état, à la condamnation de la banque à lui restituer les sommes versées en exécution du prêt et à la condamnation du vendeur à restituer le prix de vente à la banque ;
Déboute la société Franfinance de sa demande en remboursement du capital prêté ;
Déclare M. [E] irrecevable en son action tendant à déchoir la société Franfinance de son droit aux intérêts stipulés au prêt précité ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.
La greffière Le président de chambre