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06/12/2022 | FRANCE | N°21/00139

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 21/00139


ARRÊT N°



MW/FA









COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 04 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00139 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKR5



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 15 décembre 2020 [RG N° 19/01743]

Code affaire : 58G Demande en paiement de l'indemnité d'ass

urance dans une assurance de personnes





[N] [V] C/ S.A. MAAF ASSURANCES







PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [N] [V]

né le 29 Mars 1951 à [Localité 4], de nationalité française,

dem...

ARRÊT N°

MW/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 04 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00139 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKR5

S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 15 décembre 2020 [RG N° 19/01743]

Code affaire : 58G Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes

[N] [V] C/ S.A. MAAF ASSURANCES

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [N] [V]

né le 29 Mars 1951 à [Localité 4], de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Laure FROSSARD de la SCP SCP CODA, avocat au barreau de BESANCON

APPELANT

ET :

S.A. MAAF ASSURANCES Inscrite au RCS de NIORT sous le N°542 073 580

Sise [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

Représentée par Me Patricia SAGET, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, et Florence DOMENEGO, conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 04 octobre 2022 a été mise en délibéré au 06 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Le 4 août 2017, M. [N] [V] et son épouse, née [W] [O], ont souscrit auprès de la SA MAAF Assurances un contrat d'assurance automobile garantissant leur véhicule Fiat Punto immatriculé [Immatriculation 2].

Le décès de Mme [O], épouse [V], a été constaté le 4 mai 2018 à 9H50, à la suite d'un accident de la circulation survenu entre le véhicule assuré et un poids-lourd.

M. [V] a sollicité le bénéfice de la garantie dommages corporels du conducteur stipulée au contrat d'assurance et prévoyant notamment le versement au conjoint de l'assuré d'un capital décès d'un montant de 80 000 euros.

Par courrier du 23 novembre 2018, la société MAAF a refusé le paiement de l'indemnité sollicitée.

Par exploit du 23 août 2019, M. [V] a fait assigner la société MAAF Assurances devant letribunal de grande instance de Besançon en paiement de la somme de 80 000 euros, avec intérêts à compter du décès de son épouse, ainsi que de celle de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il a exposé que le décès de son épouse était consécutif à l'accident, de sorte que l'indemnité était contractuellement due. En réponse à l'argumentation adverse, il indique que si l'enquête de gendarmerie émettait l'hypothèse d'un décès de son épouse préalablement à l'accident, le rapport du médecin cité dans le procès-verbal d'inhumation ou de crémation établi par les gendarmes attribuait quant à lui sans équivoque le décès à l'accident.

La société MAAF Assurances a sollicité le rejet des prétentions émises à son encontre, en faisant valoir que M. [V] ne faisait pas la preuve d'un décès consécutif à l'accident, alors qu'il résultait à l'inverse des éléments concordants réunis lors de l'enquête de gendarmerie que Mme [V] était décédée avant le choc avec l'autre véhicule.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire a :

- débouté M. [N] [V] de sa demande en paiement du montant du capital décès prévu au contrat d'assurance ;

- débouté en conséquence M. [N] [V] de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté M. [N] [V] et la société SA MAAF Assurances de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [N] [V] aux dépens de l'instance ;

- dit n`y avoir lieu à exécution provisoire ;

- débouté les parties de l`ensemble de leurs autres demandes.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- qu'il résultait des conditions générales du contrat d'assurance souscrit que résulte que seul le décès résultant de l'accident lui-même relevait de la garantie, à l'exclusion d'un décès qui serait survenu antérieurement à l'accident, alors que le conducteur était au volant du véhicule ; que, s'il incombait au demandeur se prévalant de l'application des garanties contractuelles de rapporter la preuve que le décès de son épouse était consécutif à un accident tel que contractuellement défini, il était admis que lorsque cette preuve s'avérait particulièrement difficile à administrer, compte tenu de la chronologie des faits et des circonstances du décès, elle pouvait résulter de présomptions graves précises et concordantes, dans la mesure où il ne pouvait être imposé au bénéficiaire de la garantie la preuve directe d'un fait négatif, en l'occurrence que le décès n'était pas intervenu avant le choc frontal ;

- qu'il ressortait du procès-verbal aux fins d'inhumation et de crémation rédigé dans le cadre de l'enquête de gendarmerie que le rapport du médecin urgentiste ayant constaté le décès de Mme [V] attribuait son décès à un accident mortel de la circulation, et semblait indiquer la présence d'un obstacle médico-légal, sans que le verso du document, non versé aux débats, ne puisse apporter une explication ; que le procès-verbal d'investigation, tout en écartant l'hypothèse du suicide et l'influence de produits stupéfiants ou d'alcool, précisait que la victime était vraisemblablement décédée avant le choc, peut-être sous l'effet d 'un malaise, ce qui expliquait l'absence de réaction de sa part pour éviter l'accident, le gendarme expliquant cette hypothèse par l'absence de traces abondantes de sang, en dépit de multiples fractures ouvertes aux jambes, et du fait que le corps de la victime n'était pas impacté par des hématomes, malgré la violence du choc ; que, lors de son audition, le conducteur du poids-lourd impliqué dans l'accident avait déclaré avoir vu 'la conductrice avachie sur le volant', et que l'enregistrement effectué par la caméra embarquée sur le camion confirmait que le véhicule de Mme [V] avait franchi la ligne médiane et était venu percuter le poids-lourd sans aucune réaction ni manoeuvre d'évitement ;

- que si un certificat médical daté du 17 mai 2018 écartait une mort subite liée à un trouble de rythme ventriculaire, cela ne démontrait pas que le décès était consécutif à l'accident ;

- que, dès lors que l'avis du médecin urgentiste n'était pas suffisamment précis et ne concordait pas avec plusieurs autres éléments résultant de l'enquête, il convenait de considérer que le demandeur échouait à rapporter la preuve lui incombant.

M. [V] a relevé appel de cette décision le 22 janvier 2021 en déféréant à la cour l'ensemble des chefs lui portant grief.

Par conclusions responsives notifiées le 6 octobre 2021, l'appelant demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- de condamner la MAAF Assurance SA à payer à M. [V] la somme de 80 000 euros, outre intérêts à compter du décès de Mme [V] ;

- de condamner la MAAF Assurance SA à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- de débouter la MAAF Assurance SA de toute demande, fins et conclusions contraires ;

En tout état de cause,

- de débouter la MAAF Assurance SA de son appel incident en ce que le rejet (sic) de sa demande au titre de l'article 700 pour ses frais irrépétibles de première instance ;

- de condamner la MAAF Assurance SA à régler à M. [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la MAAF Assurance SA aux entiers dépens de 1ère instance et de l'appel avec

droit pour la SCP CODA de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 6 juillet 2021, la société MAAF Assurances demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'i1 a débouté M. [N] [V] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA MAAF Assurances de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- de condamner M. [N] [V] à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

- de condamner M. [N] [V] à payer a la SA MAAF Assurances la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;

- de condamner M. [N] [V] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 13 septembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Pour obtenir l'infirmation du jugement entrepris, M. [V] fait valoir que tous les éléments médicaux militaient en faveur d'un décès de son épouse consécutif à l'accident, et qu'il ne pouvait lui être imposé de rapporter la preuve impossible de l'absence du décès de celle-ci au moment de l'accident.

Selon les conditions générales du contrat d'assurance automobile souscrit, le capital décès sollicité par M. [V] bénéficie, après un accident garanti, 'au conducteur assuré ou à ses proches en cas de blessures ou de décès consécutifs à cet accident.'

C'est à l'appelant de démontrer que les conditions de cette garantie sont réunies.

Comme l'a avec pertinence rappelé le tribunal, il est admis, dans le cas où une telle preuve est difficile à rapporter compte tenu de la chronologie des faits et des circonstances du décès, qu'elle peut résulter de présomptions graves et concordantes.

En l'espèce, il sera d'abord relevé à la lecture du procès-verbal aux fins d'inhumation ou de crémation que le médecin intervenu dans les suites immédiates de l'accident a attribué le décès de Mme [V] à cet accident. Il ne résulte d'aucune autre pièce que ce praticien aurait émis quelque réserve que ce soit à ce sujet. A cet égard, c'est vainement que le premier juge a prétendu trouver un élément de doute dans la mention, faite par ce médecin sur le certificat de décès, de l'existence d'un obstacle médico-légal, alors que la survenue d'un décès à l'occasion d'un accident de la circulation constitue en elle-même un tel obstacle, et suffit donc à expliquer la mention considérée. Au demeurant, cet obstacle a été immédiatement levé par le procureur de la République.

Ensuite, il sera rappelé que l'analyse, faite par un médecin cardiologue, du défibrillateur implanté sur Mme [V] suite à une pathologie antérieure, a formellement exclu l'hypothèse d'un décès lié à un trouble du rythme ventriculaire.

Ainsi, l'examen des pièces versées aux débats révèle qu'aucun constat médical objectif ne permet en l'espèce de démontrer, ni même simplement d'émettre l'hypothèse que Mme [V] soit décédée antérieurement à la collision.

En réalité, les seuls éléments sur lesquels se fonde la compagnie d'assurance pour s'opposer à la demande tiennent à la conviction émise par un enquêteur sur la base, d'une part, de constatations physiologiques tenant au nombre d'hématomes et au volume du saignement des blessures, dont aucun élément médical ne vient corroborer la pertinence, et, d'autre part, de l'absence de réaction de Mme [V] face à l'imminence de la collision et de la déclaration du chauffeur du poids-lourd selon laquelle elle était 'avachie' sur son volant, toutes circonstances qui sont parfaitement impropres à caractériser la réalité du décès de l'intéressée, comme pouvant tout aussi bien résulter d'un endormissement ou d'un malaise non létal.

L'imputation par le médecin du décès de Mme [V] à l'accident n'étant ainsi remise en cause par aucun élément suffisamment circonstancié, il doit être retenu que M. [V] satisfait à la preuve lui incombant du caractère consécutif du décès à l'accident.

Il sera donc fait droit à sa demande en paiement du capital-décès de 80 000 euros prévu au contrat.

Par ailleurs, au regard des circonstances dramatiques dans lesquels M. [V] a perdu son épouse, la mise en doute par l'assureur des causes du décès de celle-ci, et la nécessité de porter les débats devant la justice pour faire reconnaître ses droits a nécessairement causé à l'appelant un préjudice d'ordre moral, qui justifie la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

La société MAAF sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera encore condamnée à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Besançon ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à M. [N] [V] la somme de 80 000 euros au titre du capital-décès ;

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à M. [N] [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à M. [N] [V] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA MAAF Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00139
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.00139 ?
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