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06/12/2022 | FRANCE | N°20/01537

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 06 décembre 2022, 20/01537


ARRET N° 22/

CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 6 DECEMBRE 2022



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 1er mars 2022

N° de rôle : N° RG 20/01537 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EJU7



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 14 octobre 2020

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPEL

ANTE



SA BANQUE CIC EST prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

sise [Adresse 1]



représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON,...

ARRET N° 22/

CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 6 DECEMBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 1er mars 2022

N° de rôle : N° RG 20/01537 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EJU7

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 14 octobre 2020

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

SA BANQUE CIC EST prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

sise [Adresse 1]

représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, présent et par Me Anne-Cécile GROSSELIN, Plaidante, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE absente et substituée par Me Héléna MARCHET, Plaidante, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, présente

INTIME

Monsieur [U] [O], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florence ROBERT, Postulante, avocat au barreau de BESANCON et par Me Vasco JERONIMO, Plaidant, avocat au barreau de MELUN, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 1er Mars 2022 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER et Mme Florence DOMENEGO, Conseillers, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER

lors du délibéré :

Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillers. ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Christophe ESTEVE, Président.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 10 Mai 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogée au 31 mai 2022 puis au 12 juillet 2022, au 27 septembre, au 25 octobre 2022 puis au 6 décembre 2022.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 9 novembre 2020 par la société anonyme BANQUE CIC EST d'un jugement rendu le 14 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Besançon, qui dans le cadre du litige l'opposant à M. [U] [O] a essentiellement :

- débouté M. [U] [O] de sa demande de nullité de son licenciement,

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [U] [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [U] [O] à la somme de 6.116,36 euros brut,

- condamné la SA BANQUE CIC EST à payer à M. [U] [O] les sommes suivantes :

· 18 349,08 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

· 1 834,91 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

· 94 979,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

· 6 116,36 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire,

· 611,64 euros brut au titre des congés payés afférents,

· 122 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

· 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA BANQUE CIC EST à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois, « en tant que de besoin »,

- débouté M. [U] [O] du surplus de ses demandes,

Vu les dernières conclusions transmises le 2 février 2022 par la société BANQUE CIC EST, appelante, qui demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise uniquement en ce qu'elle a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA BANQUE CIC EST à payer à M. [O] les sommes suivantes :

· 18 349,08 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

· 1 834,91 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

· 94 979,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

· 6 116,36 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire,

· 611,64 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

· 122 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

·1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA BANQUE CIC EST à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limité de six mois, en tant que de besoin,

- débouté la SA BANQUE CIC EST de la demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA BANQUE CIC EST aux dépens de l'instance,

statuant à nouveau :

Sur la prétendue nullité du licenciement :

A titre principal,

- débouter M. [O] de sa demande incidente relative à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du licenciement dans la mesure où la cour n'a pas été saisie de ce chef de jugement critiqué,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement formulée par M. [O] et ses demandes indemnitaires subséquentes,

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave :

A titre principal,

- juger que les faits mentionnés au sein de la lettre de licenciement pour faute grave de M. [O] ne sont pas prescrits,

- juger que ces derniers sont par ailleurs établis et constitutifs d'une faute grave,

- débouter en conséquence M. [O] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

A titre subsidiaire :

- juger que les faits mentionnés au sein de la lettre de licenciement pour faute grave de M. [O] ne sont pas prescrits,

- juger que ces derniers sont par ailleurs établis et constitutifs à tout le moins d'une cause réelle et sérieuse de licenciement,

- faire uniquement droit, dans cette hypothèse, aux demandes de M. [O] relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés sur préavis, à l'indemnité conventionnelle de licenciement (à hauteur uniquement de 94 979,52 euros), de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

A titre plus subsidiaire,

- juger que l'indemnisation de M. [O] doit avoir lieu conformément au barème de l'article L. 1235-3 du code du travail et être comprise entre 3 et 20 mois de salaire,

- ramener en outre et en tout état de cause cette indemnisation à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

- condamner M. [O] au versement, au titre de la première instance, d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner également aux entiers dépens et frais de première instance,

y ajoutant :

- condamner M. [O] au versement, dans le cadre de l'instance d'appel, d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner également aux entiers dépens et frais de cette seconde instance,

- débouter M. [O] des demandes qu'il formule en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et relative aux dépens de seconde instance,

Vu les dernières conclusions transmises le 19 janvier 2022 par M. [U] [O], intimé, qui forme un appel incident et demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- retenu que les faits qui lui sont reprochés étaient prescrits et ne peuvent fonder son licenciement pour faute grave en application de l'article L. 1332-4 du code du travail,

- fixé son salaire à 6.116,36 euros,

- réformer pour le surplus :

statuant à nouveau :

A titre principal :

- requalifier son licenciement notifié le 4 février 2019 pour faute grave en licenciement nul en raison de l'atteinte aux libertés fondamentales,

- condamner la Banque CIC EST à lui payer les sommes suivantes :

· 18.349,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

· 1.834,91 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

· 102.505,12 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

· 6.166,36 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

· 616,64 euros au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

· 220.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

· 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation sur les demandes afférentes à des éléments du salaire et à compter de l'arrêt à intervenir sur les autres demandes,

- débouter le CIC EST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- requalifier son licenciement notifié le 4 février 2019 pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Banque CIC EST à lui payer les sommes suivantes :

· 18.349,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

· 1.834,91 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

· 102.505,12 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

· 6.166,36 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

· 616,64 euros au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

· 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

· 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation sur les demandes afférentes à des éléments du salaire et à compter de l'arrêt à intervenir sur les autres demandes,

- débouter le CIC EST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause, y ajoutant :

- condamner la Banque CIC EST à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en cause d'appel,

- condamner la Banque CIC EST aux entiers dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 février 2022,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [O] a été embauché à compter du 3 janvier 1983 en qualité d'employé au service courrier par la banque Société Nancéienne de Crédit Industriel et Varin-Bernier (SNVB), aux droits de laquelle vient la société anonyme BANQUE CIC EST.

M. [U] [O] a régulièrement été promu au sein de la banque et occupait en dernier lieu, depuis le 1er février 2008, le poste de responsable d'activités logistique et organisation au sein de la Direction régionale de Mulhouse Franche-Comté, classification niveau A cadre.

Par lettre du 3 janvier 2019, M. [O] a été convoqué par son employeur à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave, fixé au 14 janvier 2019 au siège social à [Localité 7].

Par courrier du 8 janvier 2019, M. [O] a sollicité que l'entretien se tienne à [Localité 3] dans les locaux de l'ancienne direction régionale supprimée le 31 décembre 2018 ou en tout autre endroit qui n'en serait pas trop éloigné, compte tenu de son arrêt de travail en cours et pour se conformer aux horaires de sortie autorisés.

Par lettre du 14 janvier 2019, l'employeur a accepté de reporter l'entretien, qui s'est tenu le 25 janvier à [Localité 3].

Par courrier du 4 février 2019, l'employeur a notifié à M. [U] [O] son licenciement pour faute grave.

C'est dans ces conditions que M. [U] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon le 14 mars 2019 de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

1- Sur la prescription des faits fautifs :

L'article L. 1332-4 du code du travail dispose :

« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »

Selon une jurisprudence constante, ce délai court à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de sa teneur, l'employeur reproche au salarié d'avoir gravement contrevenu à ses obligations de loyauté et de probité, sa responsabilité ayant été mise en cause dans le cadre de détournements de biens de l'entreprise à des fins privées révélés au cour de la procédure de licenciement menée à l'encontre de son subordonné, M. [J] [V].

Il doit être précisé à ce stade que M. [J] [V] a été convoqué le 12 octobre 2018 à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave, qui s'est tenu le 19 octobre, qu'un second entretien préalable, auquel il a été convoqué le 26 octobre, s'est déroulé le 8 novembre, que l'intéressé a été licencié le 19 novembre 2018 pour faute grave, qu'il a saisi la commission de recours interne, que son licenciement pour faute a été confirmé par courrier du 19 décembre 2018 et que l'instance prud'homale introduite par ce salarié a donné lieu le 30 mars 2021 à un arrêt de la cour de céans qui a notamment dit que son licenciement reposait sur une faute grave (RG N° 20/00505).

La banque reproche ainsi à M. [U] [O] d'avoir eu connaissance des agissements fautifs de son subordonné, de les avoir cautionnés, d'y avoir participé et d'avoir justifié cette pratique dans un courriel adressé le 26 octobre 2018 à M. [J] [V] et destiné à être produit dans le cadre de sa procédure de licenciement.

Les agissements fautifs plus précisément développés dans la lettre de licenciement sont relatifs :

- au fait que le subordonné de M. [U] [O] a cédé à titre gratuit dans des circonstances opaques un coffre appartenant au CIC EST au profit de l'une de ses connaissances personnelles en Suisse en faisant d'une part prendre en charge les frais de transport de cette opération par l'employeur et en établissant d'autre part de fausses factures à l'entête du CIC EST afin de permettre le passage en douane ;

- au fait que son subordonné a programmé l'enlèvement de deux coffres forts et de deux lampes qui devaient être livrés chez un particulier domicilié dans le même village que M. [U] [O], le numéro de téléphone de ce dernier étant renseigné sur le devis.

Pour dire les faits reprochés prescrits et par voie de conséquence requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges ont essentiellement retenu que lors de l'entretien du 19 octobre 2018 M. [J] [V] avait déclaré que M. [O] était au courant des agissements incriminés, en motivant leur décision comme suit :

« Quand bien même la SAS BANQUE CIC EST affirme ne pas avoir réussi à identifier les fautes commises et les responsabilités de chacun et que des vérifications devaient être opérées après les déclarations de M. [V] à M. [K] le 19 octobre 2018, le Conseil ne peut que considérer que le délai de 2 mois relatif à la prescription avait justement pour but de permettre les vérifications nécessaires. La connaissance par M. [O] des agissements de M. [V] ne pouvait pas faire l'objet de doutes après les révélations faites lors de son entretien préalable et des dires de l'employeur dans ses écritures citées ci-avant. »

Toutefois, ce dernier argument est inopérant : il ne s'agit pas de déterminer si le délai de deux mois était suffisant pour procéder aux investigations et vérifications nécessaires mais de déterminer si le point de départ dudit délai peut être fixé au 19 octobre 2018.

Or, selon le compte rendu de l'entretien préalable établi le 19 octobre 2018 par le délégué syndical, la seule précision apportée à cette date par le subordonné, sur question de l'employeur, est la suivante :

« MH : Est-ce que [U] [O] était au courant de ce que vous faisiez '

RD : oui, même lorsqu'il était absent pour m'assurer de la pertinence de mes actions. »

En outre, il ressort notamment des écrits et documents remis de part et d'autre à la commission de recours interne que M. [J] [V] a communiqué le 19 octobre 2018 à l'employeur une attestation de M. [R], dirigeant de l'entreprise AMEROG basée en Suisse à [Localité 5], attestant avoir reçu gratuitement un coffre-fort de la part de la banque CIC EST, et ce sans aucune contrepartie que ce soit financière ou matérielle, et précisant : « Concernant la livraison effectuée par la société Bourgeois, sous-traitant de JPL, ceux-ci n'ont pas pu livrer dans de bonnes conditions, nous avons dû déposer le coffre chez un autre prestataire pour une livraison ultérieure, ce qui a généré des frais à mon niveau pour la somme de 250 CHF » (pièces n° 5 et 25-1 de l'employeur).

La société BANQUE CIC EST soutient dès lors à juste titre que l'opacité des conditions dans lesquelles a été livré le coffre-fort en Suisse l'a conduite à procéder à des investigations supplémentaires pour déterminer si les agissements de M. [V] étaient réellement fautifs.

C'est ainsi que lors du second entretien préalable en date du 8 novembre 2018, M. [J] [V] a notamment été interrogé sur les déclarations de M. [R], joint par téléphone. De surcroît, à cette date, l'employeur a obtenu des précisions importantes concernant une livraison de coffres-forts projetée au profit d'un peintre à [Localité 6], le subordonné lui ayant indiqué : « c'est [U] qui m'a donné le nom, d'ailleurs pour 90 % des coffres c'est [U] qui me donnait les noms ou lieux » ; « je pense qu'il devait être présent à la livraison ». C'est encore à cette date que M. [J] [V] a montré à l'employeur le courriel de M. [U] [O].

Il en résulte que c'est à compter du 8 novembre 2018 que l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

La convocation à l'entretien préalable datant du 3 janvier 2019, soit moins de deux mois plus tard, les faits reprochés à M. [U] [O] ne sont pas prescrits, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

2- Sur la nullité du licenciement :

2-1- Sur l'étendue de la saisine de la cour :

la société BANQUE CIC EST demande à la cour de « débouter M. [O] de sa demande incidente relative à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du licenciement dans la mesure où la cour n'a pas été saisie de ce chef de jugement critiqué. »

Rappelant les dispositions des articles 562, 909, 551 et 954 du code de procédure civile, elle soutient que si l'appel incident peut être valablement formé par l'intimé par voie de conclusions, ce dernier ne pourra être examiné qu'à la condition que la demande de réformation figure au sein du dispositif desdites conclusions et liste de manière précise les différents chefs de jugement critiqués.

L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, de sorte que les conclusions de l'appelant incident doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel et comporter en conséquence dans le dispositif une demande d'infirmation ou de réformation du jugement attaqué.

L'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 susvisé, le respect de la diligence impartie par l'article 909 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954.

Cependant, il ne résulte pas de ces prescriptions que l'intimé formant appel incident soit tenu de reprendre, dans le dispositif de ses premières conclusions, les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation.

Au cas présent, le dispositif des premières conclusions d'intimé remises au greffe par M. [U] [O] le 3 mai 2021 en application de l'article 909 est rédigé comme suit :

Déclarer Monsieur [O] recevable et bien-fondé en son appel incident en y faisant droit.

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Retenu que les faits reprochés à Monsieur [O] étaient prescrits et ne peuvent fonder son licenciement pour faute grave en application de l'article L. 1332-4 du code du travail

Fixé le salaire de Monsieur [O] à 6.116,36 €,

Réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau

A titre principal,

Requalifier le licenciement de Monsieur [O] notifié le 4 février 2019 pour faute grave en licenciement nul en raison de l'atteinte aux libertés fondamentales,

Condamner la Banque CIC EST à payer à Monsieur [O] les sommes suivantes :

' 18.349,08 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 1.834,91 € au titre des congés payés afférents au préavis,

' 102.505,12 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 6.166,36 € au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

' 616,64 € au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

' 220.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

' 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles de première instance,

Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation sur les demandes afférentes à des éléments du salaire et à compter de l'arrêt à intervenir sur les autres demandes,

Débouter le CIC EST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Sont ensuite mentionnées les demandes subsidiaires de l'intimé.

Ce dispositif comprend donc une demande de réformation et formule plusieurs prétentions en rapport avec la réformation sollicitée.

Par ailleurs, dans le corps de ces conclusions (page 6), le chef expressément critiqué est mentionné en ces termes : « Monsieur [O] entend relever appel incident par les présentes conclusions en ce qu'il a été débouté de sa demande de nullité du licenciement. ».

Il s'ensuit que la cour est bien saisie de l'appel incident de M. [U] [O].

2-2- Sur la violation des libertés fondamentales :

L'intimé poursuit la nullité de son licenciement en raison d'une atteinte à ses libertés fondamentales. Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 2281-1 (en réalité L. 2281-3) du code du travail et 1131 (ancien) du code civil, il expose que le licenciement est nul lorsque la cause est illicite, soit qu'elle soit prohibée par la loi, soit qu'elle viole une liberté fondamentale, et qu'ainsi un salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir attesté en faveur d'un collègue de travail.

Il se prévaut de l'arrêt rendu le 29 octobre 2013 par la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 12-22.447) et en cite la réponse au premier moyen :

« Vu les articles 6 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Attendu qu'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d'un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur ;

Attendu que, pour dire qu'il n'y avait pas lieu d'annuler le licenciement et débouter le salarié de sa demande de réintégration, l'arrêt énonce qu'au regard de la lettre de licenciement, le salarié a été licencié pour avoir rédigé une fausse attestation et informé ses collègues de travail de son intention de témoigner en faveur d'un autre salarié, en donnant ainsi une publicité à son opposition envers la direction, de sorte que le licenciement ne reposant pas sur une atteinte à sa liberté de témoigner, il n'y avait pas lieu de l'annuler ;

Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »

Il rappelle également que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il atteste ou dénonce et qu'en l'espèce ce dont il a attesté n'est pas mensonger.

Il relève qu'aux termes de la lettre de licenciement, c'est bien son attestation et son témoignage en faveur de M. [V] qui caractérisent selon le CIC sa déloyauté de nature à justifier son licenciement pour faute grave.

Il ajoute que « lorsqu'il existe une pluralité de griefs, la Cour de cassation considère qu'en cas de motif de licenciement entraînant de plein droit la nullité de la rupture (en cas d'atteinte à une liberté ou à un droit fondamental, comme c'est le cas en l'espèce), les juges du fond n'ont pas à examiner les autres motifs » et cite à cet égard l'arrêt rendu le 8 février 2017 par la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 15-28.085).

La banque quant à elle conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point et fait valoir :

- que M. [O] n'a en aucun cas témoigné en justice en faveur de son subordonné mais lui a simplement adressé le 26 octobre 2018 un courrier électronique alors que la procédure de licenciement de celui-ci était en cours,

- que M. [O] n'a pas été sanctionné pour avoir établi ce document mais en raison de son contenu, qui révèle de sa part de sérieuses carences s'agissant du respect des règles de déontologie,

- que « si le caractère déloyal de cette démarche a pu effectivement être relevé, c'est parce que ce dernier était sans conteste avéré ».

Pour débouter le salarié de sa demande tendant à la nullité de son licenciement, les premiers juges ont retenu que le grief portant sur le courriel du 26 octobre 2018 « venait en accumulation » pour justifier le licenciement pour faute grave et non pour porter atteinte aux libertés fondamentales

du demandeur, que le reproche de manquement au devoir de loyauté se rapporte à l'ensemble de ce qui est reproché à M. [O] en matière managériale, que la référence au courriel avait surtout pour but de conforter les preuves de la connaissance par M. [O] des agissements de M. [V] et qu'il n'a donc pas été licencié pour avoir établi le document considéré mais en raison de son contenu, qui révèle de sa part de sérieuses carences s'agissant du respect des règles de déontologie.

Dans la lettre de licenciement, il est fait référence au courriel du 26 octobre 2018 en ces termes :

« Dans un courriel que vous avez adressé le 26 octobre 2018 à Monsieur [V] afin qu'il s'en serve dans le cadre de la procédure de licenciement qui nous opposait, vous indiquez que cette pratique de dons de mobiliers de l'entreprise (coffres, armoires etc.) notamment à des particuliers est courante depuis plus de 20 ans et qu'elle n'est pas contraire aux règles de déontologie.

Ce courriel démontre que vous avez laissé perdurer de telles pratiques forcément contestables depuis plus de 20 ans sans vous interroger sur leur légitimité et sans avertir votre hiérarchie. Il apparaît également eu égard à votre ancienneté et à celle de Monsieur [V] qui est entré au CIC Est en 2011, que vous êtes à l'origine des instructions données à ce dernier. Vous avez donc utilisé votre fonction et les pouvoirs qu'elle confère pour susciter un comportement répréhensible de la part de votre subordonné.

Par ailleurs, votre inaction prolongée et délibérée pose inévitablement la question de votre motivation à laisser perdurer ces anciennes pratiques, voire en instaurer de nouvelles, comme la livraison de ce coffre, et à cautionner les agissements de votre subordonné eu égard notamment à la valeur résiduelle des biens « donnés » et à la prise en charge du transport.

En outre, le fait d'avoir corroboré les dires de votre subordonné dans le cadre d'une procédure de licenciement afin de la dédouaner est particulièrement déloyal eu égard à votre fonction de responsable logistique et organisation. ».

Il résulte de cet énoncé que l'employeur ne se contente pas de faire référence au courriel du 26 octobre 2018 pour étayer les griefs articulés à l'encontre de M. [O] mais qu'il lui reproche expressément d'avoir transmis à M. [V] ce courriel corroborant les dires de celui-ci afin qu'il s'en serve dans le cadre de la procédure de licenciement menée à son encontre.

Loin d'être de mauvaise foi, M. [O] était convaincu de ce dont il a témoigné, connaissant parfaitement depuis plus de vingt ans la pratique en usage au sein de l'entreprise du don de mobilier obsolète ou inutile, dont attestent plusieurs anciens salariés (pièces n° 24 à 27), parmi lesquels un responsable logistique et organisation (M. [Y]) et un directeur régional (M. [S]).

Au demeurant, dans son arrêt précité du 30 mars 2021, la cour de céans avait déjà relevé que la banque CIC EST ne contestait pas que des matériels destinés à la réforme aient par le passé été donnés à des salariés ou à des associations.

Selon les motifs de cet arrêt, la cour a retenu à l'encontre de M. [J] [V] le fait qu'il ait à plusieurs reprises fait supporter à son employeur, à l'insu de ce dernier, des dépenses relevant de la sphère privée et, surtout, la confection d'une fausse facture au nom de la banque pour favoriser le transport du coffre-fort et son passage à la douane suisse.

Dans le courriel litigieux du 26 octobre 2016, M. [O] atteste en des termes mesurés de la culture d'entreprise relative au don de matériels réformés, adoptée depuis longtemps pour des raisons de coûts moins onéreux :

« Comme suite à notre entretien, je te confirme que la pratique du don de mobilier, armoires, coffres forts, est une pratique que je connais depuis plus de 20 ans au sein des ex-réseaux SNVB, CIAL, SNVB-CIAL et maintenant du réseau CIC-EST.

Depuis mon arrivée en 2008 au sein de la Direction Régionale de Mulhouse Franche-Comté, j'ai en mémoire des dons de matériel, obsolètes, hors charte, ou tout simplement inutiles, à titre d'exemple, pour :

- des collègues retraités ou en activité (conseiller municipal pour les besoins d'une mairie, tireur sportif...)

- d'associations (haras et maison du cheval à [Localité 3], Emmaüs à [Localité 4], Banque alimentaire de [Localité 3], Fédérations des chasseurs du Doubs, Société de tir de [Localité 3] ...)

- des clients du groupe (CM-CIC) entrepreneurs (TOPSIGN ') voire des non clients (directeur d'école pour son établissement, chasseur '), par relation interposée.

Dans la pratique, les demandes particulières que nous ne pouvions satisfaire sur l'instant, étaient satisfaites lors de travaux de rénovation, déménagement de nos anciens points de vente.

[...] »

Il valide ainsi l'usage dont se prévalait M. [J] [V] pour contester son licenciement, mais non les agissements qui étaient plus spécifiquement reprochés à celui-ci par l'employeur.

Au regard des pièces produites dans le cadre de la présente instance, il n'est pas établi que M. [O], alors absent en raison d'un arrêt maladie, avait connaissance de l'établissement par M. [J] [V] de fausses factures établies au nom de la banque en vue du passage à la douane suisse du coffre-fort livré à [Localité 5].

Considérant les développements ci-avant, il n'est pas rapporté la preuve que M. [O] a, de mauvaise foi, transmis le courriel litigieux à son subordonné pour lui permettre de se défendre dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave initiée à son encontre.

Ce courriel circonstancié en date du 26 octobre 2018, jour même où M. [J] [V] a été convoqué à un nouvel entretien préalable, vaut témoignage et avait pour finalité la défense de ce dernier, dont le licenciement pour faute grave était alors envisagé.

Dès lors, en reprochant expressément à M. [O] d'avoir transmis à M. [V] un courriel corroborant les dires de celui-ci afin qu'il s'en serve dans le cadre de la procédure de licenciement menée à son encontre, l'employeur a méconnu sa liberté fondamentale de témoigner, la cour considérant qu'il importe peu que le témoignage du salarié soit communiqué antérieurement à l'instance judiciaire, dans le cadre de la procédure de licenciement en cours ou encore à un stade pré-contentieux.

En tout état de cause l'article L. 2281-3 du code du travail, cité par l'intimé, dispose :

« Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »

En outre, l'article 10, intitulé « Liberté d'expression », de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. ».

En transmettant le 26 octobre 2018 à son subordonné le courriel litigieux, M. [O] n'a fait qu'user de sa liberté d'expression, en des termes mesurés.

Au regard des circonstances de la cause ci-avant exposées, l'usage par le salarié de sa liberté d'expression ne peut être considéré abusif et ne pouvait dès lors lui être reproché.

Il s'ensuit que l'employeur a méconnu les libertés fondamentales de son salarié M. [O], qu'il s'agisse de sa liberté de témoigner dans le cadre de la procédure de licenciement conduite à l'encontre de son subordonné ou qu'il s'agisse de l'usage de sa liberté d'expression dans le même cadre.

En conséquence, le licenciement notifié le 4 février 2019 à M. [O] est entaché de nullité, le jugement entrepris étant aussi infirmé sur ce point.

3- Sur les conséquences financières du licenciement nul :

3-1- Sur les sommes allouées en première instance au titre de l'indemnité de préavis et du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire :

Les sommes allouées en première instance au titre de l'indemnité de préavis et du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ne sont pas critiquées dans leur quantum.

Il est rappelé à cet égard que les premiers juges ont fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [U] [O] à la somme de 6.116,36 euros bruts et que ce chef de jugement n'est pas critiqué.

En tant que cadre, l'intéressé a droit à un préavis de trois mois en application de l'article 30 de la convention collective nationale de la banque.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BANQUE CIC EST à payer à M. [U] [O] les sommes suivantes :

· 18 349,08 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

· 1 834,91 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

· 6 116,36 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire,

· 611,64 euros brut au titre des congés payés afférents.

3-2- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

L'appelante expose que la relation de travail relevait de la convention collective de la banque « complétée et/ou amendée » par la convention de groupe Crédit Mutuel en vigueur depuis le 1er janvier 2018, dont les dispositions valent dérogation aux dispositions de branche sur les thèmes abordés conformément aux dispositions de l'article L. 2253-3 du code du travail.

Se fondant sur l'article 17-1 de cette convention de groupe, la banque fait valoir, comme l'ont retenu les premiers juges, que s'il était considéré que son licenciement ne repose pas sur une cause grave, le salarié pourrait uniquement prétendre au versement de cette indemnité conventionnelle pour un montant de 94.979,52 euros, plus favorable que l'indemnité légale.

Elle justifie de ce caractère plus favorable par un calcul comparatif (sa pièce n° 33).

M. [O], qui sollicite la réformation du jugement sur ce point, ne répond pas à l'argument de la banque et sollicite l'allocation de la somme de 102.505,12 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, en application de l'article 26-2 de la convention collective nationale de la banque.

Il ne peut toutefois pas se prévaloir des dispositions de l'article 26-2 qui concernent exclusivement les licenciements pour motif non disciplinaire, étant précisé qu'en ce qui concerne les licenciements pour motif disciplinaire, l'article 27-2 de la convention collective de la banque prévoit que le salarié perçoit l'indemnité légale de licenciement sauf faute grave ou lourde.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la banque à payer au salarié la somme de 94 979,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

3-3- Sur l'indemnité pour licenciement nul :

Aux termes des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article, parmi lesquelles figure la violation d'une liberté fondamentale. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Considérant les circonstances de la cause, l'ancienneté du salarié (36 ans), son âge (il est né en avril 1961) et compte tenu du fait qu'il ne justifie pas de sa situation personnelle, notamment au plan financier, à la suite de son licenciement, il convient de condamner la société BANQUE CIC EST à payer à M. [O] la somme de 143.700 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

3-4- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Le remboursement des indemnités de chômage ne pouvant être ordonné que dans les cas de nullité du licenciement visés à l'article L. 1235-4 du code du travail, parmi lesquels ne figure pas la violation d'une liberté fondamentale, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA BANQUE CIC EST à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois, « en tant que de besoin » et statuant à nouveau, de dire qu'il n'y a pas lieu à remboursement à ce titre.

4- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision attaquée sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable d'allouer à l'intimé la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour.

La société BANQUE CIC EST, qui succombe en son recours, n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA BANQUE CIC EST à payer à M. [U] [O] les sommes suivantes :

· 18 349,08 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,

· 1 834,91 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

· 94 979,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

· 6 116,36 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire,

· 611,64 euros brut au titre des congés payés afférents,

et sauf en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que les faits reprochés au salarié ne sont pas prescrits ;

Se dit saisie de l'appel incident de M. [U] [O], portant sur la nullité de son licenciement ;

Déclare nul le licenciement de M. [U] [O] notifié le 4 février 2019 ;

Condamne la société BANQUE CIC EST à payer à M. [U] [O] la somme de 143.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Dit que les intérêts de retard au taux légal sur les sommes allouées à M. [U] [O] en première instance et en appel courent à compter de la saisine du bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les demandes indemnitaires ;

Déboute M. [U] [O] du surplus de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage le cas échéant versées à M. [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement ;

Condamne la société BANQUE CIC EST à payer à M. [U] [O] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer devant la cour ;

Condamne la société BANQUE CIC EST aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le six décembre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01537
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.01537 ?
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