ARRET N° 22/
FD/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 5 juillet 2022
N° de rôle : N° RG 21/02271 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOWD
S/appel d'une décision
du Pole social du TJ de VESOUL
en date du 05 novembre 2021
Code affaire : 89A
A.T.M.P. : demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. et/ou contestation relative au taux d'incapacité
APPELANT
Monsieur [C] [T], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Alexandra MOUGIN, avocat au barreau de BELFORT, présente
INTIMEES
CPAM DE HAUTE-SAONE, demeurant [Adresse 1]
Dispensée de comparaître en vertu des dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile
[7] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [8], demeurant [Adresse 4]
non comparante
[5] INTERIM, demeurant [Adresse 2]
Dispensée de comparaître en vertu des dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 5 Juillet 2022 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER
lors du délibéré :
M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER Conseillère.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 9 septembre 1997, M. [C] [T], salarié de la société d'intérim [6] devenue SAS [5], a été victime d'un accident alors qu'il était était en mission auprès de la société [8], devenue [7], pris en charge par la Cpam au titre de la législation professionnelle.
Par jugement en date du 21 août 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale du haut Rhin a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, la société [5], et a condamné la société [7] à la garantir des condamnations mises à sa charge. Cette décision a été confirmée par arrêt en date du 27 janvier 2005 de la cour d'appel de Colmar, laquelle a au surplus fixé les indemnités dues à M. [T] au titre du préjudice de douleur à 1 500 euros et
du préjudice esthétique à 1 500 euros.
L'accident du travail a été déclaré consolidé une première fois le 27 avril 2000, avec un taux d'incapacité de 5 %, puis une deuxième fois le 15 mars 2006, avec un taux d'incapacité de 14%.
Le 23 mars 2015, M. [T] a été victime d'une nouvelle rechute selon certificat médical établi par M. [V], chirurgien-orthopédiste. Cette rechute a été prise en charge par la Cpam au titre de la législation professionnelle, M. [R], expert, ayant conclu que les lésions du 23 mars 2015 constituaient une aggravation des séquelles de l'accident du travail subi par M. [T].
L'état de santé de M. [T] a été déclaré consolidé le 30 novembre 2015.
Le 28 juin 2016, M. [C] [T] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul aux fins de voir désigner un expert-médical ayant pour mission d'évaluer ses préjudices extra-patrimoniaux, en raison de l'aggravation de son état de santé, et d'en obtenir réparation.
Par jugement avant dire droit en date du 31 décembre 2018, une expertise a été ordonnée et a été autorisée la mise en cause de la société [7], en sa qualité de société utilisatrice. Par arrêt en date du 2 octobre 2020, la cour d'appel de Besançon a déclaré irrecevable l'appel formé par M. [T] contre cette décision.
L'expert a déposé son rapport le 19 février 2021.
Par jugement en date du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Vesoul a :
- condamné la Cpam de Haute Saône à payer à M. [T] la somme de 800 euros au titre de la réparation des souffrances endurées et la somme de 1 360,60 euros au titre du préjudice du déficit fonctionnel temporaire
- condamné la SAS [5] à rembourser à la Cpam de Haute-Saône les sommes allouées à M. [T] au titre de la faute inexcusable de l'employeur
- condamné la SAS [7] à garantir la SAS [5] de toute condamnation prononcée à son encontre
- condamné la SAS [5] à payer la somme de 2 000 euros à M. [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SAS [5] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les honoraires de M. [G], médecin expert.
Par lettre recommandée en date du 22 décembre 2021, M. [C] [T] a relevé appel de cette décision.
Dans ses écritures soutenues à l'audience, M. [C] [T] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris
- de condamner la Cpam de Haute-Saône à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des souffrances endurées et la somme de 2 772 euros au titre du préjudice fonctionnel temporaire.
Dans son courrier en date du 29 juin 2022, la SAS [5] indique ne pas être en mesure d'établir ses écritures dans les délais et sollicite d'être dispensée de comparaître.
Dans ses écritures du 30 mai 2022, la Cpam de Haute-Saône, dispensée de comparaître, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la fixation des indemnités devant être allouées
- juger qu'elle récupérera toutes les sommes avancées auprès de l'employeur juridique, la SAS [5].
Régulièrement convoquée par lettre recommandée en date du 9 février 2022, la société [7], n'est ni présente ni représentée.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- sur la liquidation du préjudice :
Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées , de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.(..) La réparation de ces préjudices est verséedirectement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Il est de jurisprudence constante qu'au titre de son droit à une réparation intégrale, la victime peut demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation non seulement des chefs de préjudices énumérés par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV dudit code. Ne relèvent ainsi pas du livre IV le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que les temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation.
En l'espèce, eu égard au rapport du docteur [G], à la date de consolidation de la rechute retenue au 30 novembre 2015, à l'âge de M. [T] et aux éléments justifiés par ce dernier à l'appui de ses dernières conclusions, il y a lieu de fixer ainsi qu'il suit les postes de préjudices contestés par l'appelant :
- au titre du déficit fonctionnel temporaire :
L'expert a retenu que M. [C] [T] avait été en déficit fonctionnel temporaire évalué à 20 % pour des gonalgies bilatérales, sur la période du 23 mars au 30 novembre 2015.
Si M. [T] fait grief aux premiers juges de lui avoir alloué la somme de 1 360,80 euros, sur le fondement d'une indemnisation journalière forfaitaire de 27 euros en réparation de ce poste de préjudice, ce dernier ne produit cependant aucun élément pour justifier la majoration à 55 euros qu'il sollicite de l'indemnisation journalière.
Un tel montant ressort par ailleurs comme particulièrement disproportionné avec les pathologies rencontrées et leur réelle incidence sur le quotidien de M. [T] avant sa consolidation, quand bien même la période concernée a duré 8 mois.
C'est donc à bon droit que les premiers juges lui ont alloué la somme de 1 360,80 euros.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
- au titre des souffrances endurées :
L'expert a retenu que M. [C] [T] avait présenté un taux de souffrances endurées évalué à 1/7 en raison des gonalgies et des soins nécessaires à ces dernières.
Si M. [T] fait grief aux premiers juges de ne lui avoir alloué que la somme de 800 euros en réparation de ce dernier, l'appelant relève cependant à raison qu'une telle appréciation devait recouvrir, outre les douleurs physiques inhérentes à la rechute, celles morales pour lesquelles il avait bénéficié d'un accompagnement psychologique.
Cette réparation devait par ailleurs être appréciée objectivement au 30 novembre 2015 et ne pouvait exclusivement être déterminée pour demeurer en cohérence avec le montant de l' indemnisation déjà versée lors de la précédente consolidation en 2000, comme retenu par les premiers juges, les taux appliqués depuis cette date ayant été à plusieurs reprises réévalués.
Le préjudice de M. [T] doit au contraire être fixé à la somme de 2 000 euros, conformément à sa demande, laquelle ressort comme parfaitement adaptée avec l'importance des souffrances ci-dessus décrites.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.
- sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la SAS [5] sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Vesoul en date du 5 novembre 2021, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 800 euros le préjudice au titre des souffrances endurées
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
Fixe le préjudice au titre des souffrances endurées de M. [C] [T], en suite de la rechute du 23 mars 2015 de son accident du travail, à la somme de 2 000 euros
Rappelle que la réparation du préjudice sera versée directement à M. [C] [T] par la Cpam de Haute Saône, qui en récupérera le montant auprès de la SAS [5]
Condamne la SAS [5] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix huit octobre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,