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18/10/2022 | FRANCE | N°21/02268

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 18 octobre 2022, 21/02268


ARRÊT N°

FD/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 30 août 2022

N° de rôle : N° RG 21/02268 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOV4



S/appel d'une décision

du Tribunal paritaire des baux ruraux de LURE

en date du 10 juillet 2018

Code affaire : 52C

Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail



APPELANTS



Monsieur [O] [P], d

emeurant [Adresse 50]



représenté par Me Jérôme PICHOFF, avocat au barreau de BESANÇON absent et substitué par Me Baptiste MONNOT, avocat au barreau de BESANÇON, présent





Monsieur [N] [P], d...

ARRÊT N°

FD/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 30 août 2022

N° de rôle : N° RG 21/02268 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOV4

S/appel d'une décision

du Tribunal paritaire des baux ruraux de LURE

en date du 10 juillet 2018

Code affaire : 52C

Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail

APPELANTS

Monsieur [O] [P], demeurant [Adresse 50]

représenté par Me Jérôme PICHOFF, avocat au barreau de BESANÇON absent et substitué par Me Baptiste MONNOT, avocat au barreau de BESANÇON, présent

Monsieur [N] [P], demeurant [Adresse 50]

représenté par Me Jérôme PICHOFF, avocat au barreau de BESANÇON absent et substitué par Me Baptiste MONNOT, avocat au barreau de BESANÇON, présent

G.A.E.C. [P], demeurant [Adresse 50]

représenté par Me Jérôme PICHOFF, avocat au barreau de BESANÇON absent et substitué par Me Baptiste MONNOT, avocat au barreau de BESANÇON, présent

INTIME

Monsieur [U] [D], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence HERTZ NINNOLI, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, absente

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1088 du 06/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANÇON)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 30 Août 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

EXPOSE DU LITIGE :

Selon bail verbal en date du 11 novembre 1991, M. [Y] [I] a donné en location diverses parcelles situées sue les communes de [Localité 48] et [Localité 44], qui ont été exploitées à compter de 1992 par le Gaec [P].

Par actes d'huissier en date du 29 novembre 2016, M. [U] [D], intervenant aux droits de M. [I], a donné congé à M. [O] [P], à M. [N] [P] et au Gaec [P] aux fins de reprise en fin de bail pour exploiter à titre personnel les parcelles situées sur la commune de [Localité 48] cadastrées section A n° [Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] et section C n° [Cadastre 15],[Cadastre 21],[Cadastre 26],[Cadastre 32],[Cadastre 34] et [Cadastre 35] à [Cadastre 41] et sur la commune de [Localité 44] cadastrées section A n° [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 24], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 30], [Cadastre 31] et [Cadastre 42] et section B n° [Cadastre 36], [Cadastre 37], [Cadastre 38], [Cadastre 39] et [Cadastre 40], avec effet au 10 novembre 2018.

Par requête en date du 22 mars 2017, M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Lure d'une contestation des congés donnés par le bailleur et, subsidiairement, ont formulé une demande de prorogation de bail, dans la mesure où M. [O] [P] se trouvait à moins de 5 ans de l'âge de la retraite.

Par jugement en date du 10 juillet 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lure a:

- déclaré valide le congé délivré le 29 novembre 2016 par M. [U] [D] à M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P]

- rejeté la demande de proprogation de bail au profit de M. [O] [P] jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite , au motif que seul M. [N] [P] était titulaire du bail

- condamné M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] aux entiers dépens

- rejeté le surplus des demandes des parties.

Par lettre remise en mains propres au greffe le 26 juillet 2018, M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 24 mai 2019, la Chambre sociale a sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir des juridictions administratives saisies d'un recours formé par M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] contre l'autorisation d'exploiter délivrée au Gaec [D] le 7 février 2019.

Par jugement en date du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté n° BFC-2019-02-07-003 du préfet de la région Bourgogne Franche Comté en date du 7 février 2019 portant autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] , [Cadastre 14] sur la commune de [Localité 48] et section A n° [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 24], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 30], [Cadastre 31], [Cadastre 42], [Cadastre 36] et section B n° [Cadastre 37], [Cadastre 38] et [Cadastre 40] sur la commune de Clairegoutte. Le 15 décembre 2020, le Gaec [P] a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel administrative de Nancy.

Le 18 juin 2021, le Gaec [P] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.

Dans ses dernières conclusions en date du 8 juillet 2022, soutenues à l'audience, M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du 10 juillet 2018 dans toutes ses dispositions

et statuant à nouveau de :

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes

- prononcer l'annulation des trois congés délivrés par M. [D] le 29 novembre 2016 à leur encontre

- juger que le bail conclu au profit de M. [O] [P] le 11 novembre 1991 sera reconduit jusqu'à l'âge de sa retraite

- constater l'exploitation illicite des parcelles par M. [U] [D]

- condamner M. [U] [D] à leur payer la somme de 15 664,60 euros euros en réparation de leurs préjudices économiques

- condamner M. [U] [D] à leur payer la somme de 615,44 euros euros en réparation de leurs préjudices économiques

- condamner M. [U] [D] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [U] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs demandes, M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] soulèvent l'irrégularité des trois congés pour reprise délivrés et leur nullité subséquente à défaut pour le GAEC [D] d'avoir obtenu une autorisation définitive d'exploiter les parcelles. Ils soutiennent par ailleurs que M. [O] [P] est seul titulaire du bail, le Gaec n'étant pas encore constitué en 1991 et M. [N] [P], tout jeune majeur, pas encore exploitant agricole à cette date. Ils font valoir enfin que malgré l'appel interjeté, le Gaec [D] et M. [U] [D] ont repris l'exploitation des parcelles litigieuses, ont labouré et ensemencé en mars 2021 et en mars 2022, leur occasionnant une perte d'exploitation certaine.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 août 2022, reprises à l'audience, M. [U] [D] demande à la cour de :

- constater la péremption d'instance

- subsidairement, de confirmer le jugement entrepris

- très subsidiairement de débouter M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] de l'ensemble de leurs demandes

- de condamner M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] à lui payer en tout état de cause la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

A l'appui de ses demandes, M. [U] [D] fait valoir que la péremption d'instance est acquise à défaut pour la demande de réinscription au rôle d'avoir été présentée dans le délai de deux ans et sous forme de conclusions. Sur le fond, M. [U] [D] soutient que les premiers juges ont parfaitement retenu l'absence de qualité d'exploitant agricole de M. [O] [P] et ont validé le congé aux fins de reprise dès lors que les conditions étaient régulièrement remplies à l'égard de M. [N] [P], seul exploitant. M. [U] [D] s'oppose par ailleurs à la demande présentée au titre de l'exploitation illicite des parcelles, soutenant que le Gaec [D] n'est pas partie à la présente instance et que la preuve de l'exploitation de ces dernières préalablement par le Gaec [P] n'est pas démontrée, tout comme le préjudice prétendument subi. Il précise au surplus qu'un précédent arrêt rendu le 12 avril 2022, concernant M. [B] [D], a d'ores et déjà indemnisé les préjudices subis.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur la péremption d'instance :

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Le délai de péremption est cependant suspendu, lorsque ce dernier a été octroyé jusqu'à la survenance d'un évènement déterminé, indépendant de la volonté des parties, conformément à l'article 392 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'arrêt du 24 mai 2019 a 'sursis à statuer sur la présente affaire dans l'attente des décisions à intervenir des juridictions administratives sur le recours formé par M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] à l'encontre de l'autorisation d'exploiter délivrée au Gaec [D] le 7 février 2019".

La décision de sursis ne dessaisissant pas le juge et l'instance étant poursuivie à l'issue du sursis, en application de l'article 379 du code de procédure civile, le délai de péremption biennal n'a en conséquence pas encore commencé à courir dès lors que si le tribunal admnistratif a certes statué sur le recours des consorts [P] à l'encontre de l'autorisation administrative d'exploiter accordée aux consorts [D] le 15 octobre 2020, un appel a cependant été interjeté et reste pendant devant la Cour d'appel administrative de Nancy.

L'article 379 du code de procédure civile ne soumet pas par ailleurs la reprise de l'instance à des conditions de formes spécifiques de telle sorte que les conclusions aux fins de reprise adressées par lettre recommandée en date du 21 juin 2021 par M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] sont parfaitement régulières et recevables.

Il y a lieu en conséquence de constater l'absence de péremption d'instance, l'incident étant rejeté.

- sur la régularité au fond du congé pour reprise :

Aux termes de l'article L 411-58 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé en respectant les conditions de forme prévues par l'article L 411-47 du code rural.

Pour ce faire, en application des dispositions de l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, le bénéficiaire doit justifier:

- qu'il se consacrera à l'exploitation du bien pendant au moins neuf ans soit à titre individuel soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale et qu'à ce titre, il participera sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente , selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation

- qu'il possédera le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir

- qu'il occupera lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds permettant l'exploitation directe

- qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent et

- qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L 331-2 à L 331-5 du code rural ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions.

L'article L 411-58 prévoit également que, lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.

En l'espèce, les bénéficiaires du congé sont M. [B] [D] et M. [U] [D], tous deux associés au sein du Gaec [D], dont la qualité d'agriculteur n'est pas remise en cause par les appelants et est au surplus confirmée tant par l'arrêté du Préfet de la région Bourgogne- Franche Comté du 7 février 2019 que par le jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 octobre 2020.

Il n'est pas plus contesté par les appelants que M. [B] [D] et M. [U] [D] remplissent les conditions de détention de matériel et de cheptel et qu'ils demeureront à proximité des parcelles concernées, leurs habitations se trouvant sur la même commune que ces dernières.

Seul reste contredite en l'état par les consorts [P] l'autorisation d'exploiter dont bénéficierait M. [U] [D] pour agrandir son exploitation, conformément à l'article L 331-1 du code rural et de la pêche maritime.

Contrairement à la situation de M. [B] [D], précédemment examinée par la cour dans son arrêt du 12 avril 2022, M. [U] [D] ne bénéficie pas d'une autorisation d'exploiter les parcelles situées sur la commune de [Localité 48] cadastrées section A n° [Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] sur la commune de [Localité 44] et cadastrées section A n° [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 24], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 30], [Cadastre 31] et [Cadastre 42] et section B n° [Cadastre 36], [Cadastre 37], [Cadastre 38], [Cadastre 39] et [Cadastre 40].

Le tribunal administratif de Besançon a en effet annulé, dans son jugement en date du 15 octobre 2020, l'autorisation donnée par le préfet de la région Bourgogne-Franche Comté le 7 février 2019 et aucun élément ne vient établir que M. [U] [D] aurait élevé appel de cette décision, l'appel ayant, en l'état des pièces produites aux débats, manifestement été interjeté par le GAEC [P] à l'encontre des chefs d'annulation sur lesquels ce dernier avait succombé.

En l'absence de cette autorisation d'exploiter, M. [U] [D] ne remplit donc pas l'ensemble des conditions susvisées pour autoriser la reprise par ses soins des parcelles aujourd'hui litigieuses et le congé pour reprise délivré le 29 novembre 2016 doit en conséquence être déclaré irrégulier sur le fond.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.

- sur la demande de proprogation du bail jusqu'à l'âge de la retraite :

Aux termes de l'article L 411-58 du code rural et de la pêche maritime, le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve soit à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit à moins de cinq ans de l'âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans chacun de ces cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre l'âge correspondant. Un même bail ne peut être prorogé qu'une seule fois (...) et si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47.

En l'espèce, si les premiers juges ont retenu que M. [N] [P] était le seul preneur du bail du 11 novembre 1991, les pièces versées aux débats permettent cependant d'établir qu'à cette date, M. [N] [P], certes majeur, était encore scolarisé à la Maison familiale rurale de [Localité 49] et n'avait pas encore obtenu son diplôme de brevet d'études professionnelles agricoles. Les courriers de la Msa des 12 mai 1993 et 23 avril 1998 attestent par ailleurs que M. [N] [P] n' a été enregistré comme aide familial qu'à compter du 1er octobre 1992 et comme chef d'exploitation qu' à compter du 1er janvier 1994.

Aucun élément ne permet en conséquence de démontrer que M. [N] [P] aurait pu conclure au 11 novembre 1991 un bail avec M. [Y] [I], propriétaire des parcelles aujourd'hui litigieuses, alors qu'à cette même date, M. [O] [P], qui était inscrit à la Msa depuis le 31 décembre 1986 et exerçait la profession d'agriculteur comme indiqué dans l'acte authentique du 30 octobre 1991 dressé par Maître [V], notaire, faisait immatriculer le Gaec [P] le 6 février 1992, assurait l'exploitation agricole auprès de la compagnie d'assurance Groupe Azur, payait les factures d'électricité du hangar agricole et exploitait les terres avec sa mère, [A] [P], comme en témoignent la demande d'indemnité spéciale remplie pour les campagnes 2012 et 2013 et les relevés Msa contemporains intégrant les parcelles cadastrées lieudit '[Localité 43]' section C n° [Cadastre 2] à [Cadastre 3], [Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6] à [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], et lieudit '[Localité 46]' section A n° [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 19] à [Cadastre 20], [Cadastre 22], [Cadastre 23] à [Cadastre 25], [Cadastre 29] à [Cadastre 31] et [Cadastre 33].

L'absence de justification de paiement par M. [O] [P] des fermages en son nom personnel est sans incidence sur la qualité de preneur dès lors que les parcelles avaient manifestement été mises à disposition du Gaec [P] et que ce dernier, en application des dispositions de l'article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime, était tenu solidairement au paiement du prix du bail. Par ailleurs, seul le fermage de 2013-2014 ressort comme ayant été acquitté par M. [N] [P], cogérant du Gaec [P], élément également insuffisant pour conférer à ce dernier la qualité de preneur à bail.

Enfin, le fait que M. [O] [P] ne serait plus 'présent' sur les parcelles pour les exploiter, comme en témoignent M. [R], M. [J], Mme [K] et Mme [S] dans leurs attestations, est sans emport pour contester la réalité comme la validité de l'engagement contractuel de ce dernier en 1991.

M. [O] [P] est donc le seul titulaire du bail aujourd'hui litigieux.

Ce dernier étant âgé de 60 ans et l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles étant de 62 ans, M. [O] [P] peut parfaitement prétendre au bénéfice d'un maintien jusqu'à cette date en application des dispositions de l'article L 411-58 du code rural et de la pêche maritime, lesquelles s'imposent de plein droit si le preneur âgé en sollicite le bénéfice, ce qui est le cas en l'espèce.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de proroger le bail sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 48] cadastrées section A n° [Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] et section C n° [Cadastre 15],[Cadastre 21],[Cadastre 26],[Cadastre 32],[Cadastre 34] et [Cadastre 35] à [Cadastre 41] et sur la commune de [Localité 44] cadastrées section A n° [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 24], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 30], [Cadastre 31] et [Cadastre 42] et section B n° [Cadastre 36], [Cadastre 37], [Cadastre 38], [Cadastre 39] et [Cadastre 40], jusqu'au 16 octobre 2023, à charge pour le bailleur s'il entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, de donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime.

- sur la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

En l'espèce, il résulte du constat de Maître [X], huissier de justice à [Localité 47], en date du 22 mars 2021, que les parcelles cadastrées lieudit '[Localité 43]' section C n° [Cadastre 2] à [Cadastre 3], [Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6] à [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], et lieudit '[Localité 46]' section A n° [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 19] à [Cadastre 20], [Cadastre 22], [Cadastre 23] à [Cadastre 25], [Cadastre 29] à [Cadastre 31] et [Cadastre 33] ont été labourées et ensemencées par le Gaec [D], comme ce dernier l'a reconnu lors de la sommation interpellative du 13 avril 2021 et ne le conteste pas à l'audience, se prévalant d'une 'erreur'.

Le jugement du 18 juillet 2018, non-assorti de l'exécution provisoire, ayant été frappé d'appel, le bailleur ne disposait en conséquence d'aucun droit à reprendre les parcelles ainsi données à bail et se devait au contraire d'assurer la pleine jouissance des lieux à son preneur.

Contrairement à ce que soutient M. [U] [D] , il est sans emport que le Gaec [D] et M. [B] [D] n'aient pas été attraits à la présente procédure, dès lors qu'il est seul propriétaire des terres données à bail et seul de ce fait soumis à l'obligation posée à l'article 1719 susvisé.

M. [U] [D] se doit donc d'indemniser le preneur du préjudice de jouissance ainsi subi.

M. [O] [P] ne produit cependant aux débats aucune pièce permettant d'établir la perte de foin et de regain qu'il invoque avoir subie, comme la perte des aides PAC et de 'prime de maintien d'agriculture bio', alors que la charge de cette preuve lui incombe.

Les attestations de M.[FW] [G], de M. [KA] [G], de M. [Z] [J], de Mme [F] [H], de M. [M] [W], de M. [L] [E], de M. [SK] [T], M. [C] [T] témoignent par ailleurs de l'absence de regain, les autres informations données ne concernant aucune des parcelles objet du présent bail.

La superficie que M. [P] sollicite inclut cependant des parcelles appartenant à M. [B] [D], pour l'exploitation desquelles il a d'ores et déjà obtenu indemnisation aux termes de l'arrêt de la présente cour du 12 avril 2022. Seules restent ainsi concernées les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 19] ( 30 a 60 ca) et [Cadastre 31] ( 33 a 70 ca) lieudit [Localité 45] sur la commune de [Localité 44], soit une superficie de 64 a 30 ca.

Enfin, aucun élément ne vient établir l'existence d'un ensemencement pour l'année 2022, a fortiori sur les parcelles, propriété de M. [U] [D], celles visées par les appelants dans leurs dernières conclusions concernant principalement M. [B] [D].

En conséquence, compte-tenu de la valeur moyenne d'une tonne de foin de prairie naturelle ( 110 euros TTC ) et en l'absence de regain démontré, le préjudice doit être fixé à la somme de 70,73 euros pour la superficie exploitée illicitement

( 0,6430 ha) sur la base de 3 tonnes/hectare.

Il y a lieu en conséquence de condamner M. [U] [D] au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.

- sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles mais infirmé ce qu'il a statué sur les dépens de première instance.

Les circonstances de l'espèce ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel, dès lors que lors de la délivrance des congés litigieux, M. [D] remplissait l'ensemble des conditions requises pour le faire. Les appelants conserveront également à leur charge les frais du constat d'huissier de justice, lequel ne concerne que très résiduellement les parcelles de M. [U] [D].

Partie sucombante en appel, M. [U] [D] supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

Constate l'absence de péremption de l'instance

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Lure 10 juillet 2018, sauf en ce qu'il a rejeté la demande présentée au titre des frais irrépétibles

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Annule les trois congés pour reprise délivrés le 29 novembre 2016 par M. [U] [D] à l'encontre de M. [O] [P], M. [N] [P] et du GAEC [P]

Proroge de plein droit le bail sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 48] cadastrées section A n° [Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] et section C n° [Cadastre 15],[Cadastre 21],[Cadastre 26],[Cadastre 32],[Cadastre 34] et [Cadastre 35] à [Cadastre 41] et sur la commune de [Localité 44], cadastrées section A n° [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 24], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 30], [Cadastre 31] et [Cadastre 42] et section B n° [Cadastre 36], [Cadastre 37], [Cadastre 38], [Cadastre 39] et [Cadastre 40], jusqu'au 16 octobre 2023, date à laquelle le preneur aura atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles

Rappelle à M. [U] [D] que, s'il entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il lui appartient de faire délivrer un nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime

Condamne M. [U] [D] à payer à M. [O] [P], M. [N] [P] et le Gaec [P] la somme de 70,73 euros à titre de dommages et intérêts pour l'occupation illicite durant la campagne 2020-2021 des parcelles données à bail

Déboute les parties de leur demande présentée au titre de leurs frais irrépétibles d'appel

Condamne M. [U] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix huit octobre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02268
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;21.02268 ?
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