ARRET N° 22/
FD/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 05 juillet 2022
N° de rôle : N° RG 21/01370 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EM5U
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON
en date du 16 juin 2021
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
APPELANTE
SAS CRIT sise [Adresse 2]
représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, présent et par Me Guillaume DE SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, présent
INTIME
Monsieur [B] [F] , demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Françoise PEQUIGNOT, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Anne MARQUE, Plaidante, avocat au barreau de DIJON, présente
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 5 Juillet 2022 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER
lors du délibéré :
M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER Conseillère.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe.
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Statuant sur l'appel interjeté le 15 juillet 2021 par la SAS CRIT du jugement rendu le 16 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige l' opposant à M. [B] [F], a :
- jugé que le licenciement de M. [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamné la SAS CRIT à payer à M. [F] les sommes de :
- 188 630 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 18 862,97 euros au titre du rappel de salaires sur préavis
- 1 886,29 euros au titre des congés payés afférents
- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [F] de sa demande d'exécution provisoire, rappel étant fait que celle-ci s'exécute de droit sur les éléments de nature salariale
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 17 234,28 euros bruts
- condamné la SAS CRIT aux dépens
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- dit que la SAS CRIT devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [F] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de 6 mois ;
Vu les dernières conclusions transmises le 10 juin 2022 , aux termes desquelles la SAS CRIT, appelante, demande à la cour de :
- constater que le licenciement de M. [F] était motivé par une cause réelle et sérieuse
- constater que la procédure de licenciement du salarié n'était pas vexatoire
- constater que la fin du préavis de M. [F] a été fixée d'un commun accord au 19 février 2020
- infirmer en conséquence le jugement du conseil de prud'hommes de Besançon dans son intégralité sauf en ce qu'il a reconnu l'absence de préjudice moral allégué par M. [F]
- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. [F] au paiement de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions transmises le 29 décembre 2021, par M. [B] [F], intimé, qui demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
- condamner la SAS CRIT à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SAS CRIT aux dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 juin 2022 ;
SUR CE ;
EXPOSE DU LITIGE :
Selon contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre 2007, M. [B] [F] a été embauché par la SAS CRIT en qualité de directeur de la région Centre-Est, statut Cadre ' niveau VII ' coefficient 800, puis de directeur de la région Est en sus de celle Centre-est, par avenant en date du 1er octobre 2013.
Le 6 décembre 2019, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable et a été licencié pour faute le 20 décembre 2019, l'employeur lui reprochant la non-application de la stratégie de la société en faisant des choix commerciaux contraires, son refus de s'investir auprès des clients et l'adoption d' un comportement en totale inadéquation avec ce que la société était en droit d'attendre sur sa fonction managériale.
Le préavis a été exécuté jusqu'au 19 février 2020.
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [B] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon le 9 mars 2020, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :
Aux termes de l' article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif l'ayant conduit à se séparer du salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement, à laquelle la cour se réfère pour un plus ample exposé des griefs, reproche à M. [F] d'avoir :
1 ° - manqué à ses missions commerciales :
- par un refus de s'investir auprès de certains clients tels que PSA, SMCR AUTOMOTIVE et FM LOGISTIC malgré les enjeux et le caractère prioritaire du marché automobile
- par un refus d'assurer ses responsabilités dans le dossier du client SOVAB, imposant à son supérieur, M. [M] [W], de mettre en place les actions nécessaires à la sauvegarde de son compte et d'en assurer le suivi
- par un refus d'appliquer les directives de sa hiérarchie et la stratégie de l'entreprise
- par un refus de conclure des marchés en dessous d'un certain prix, au mépris de la stratégie commerciale et ce malgré, l'insistance des directeurs de secteurs et responsables d'agences, entraînant une baisse de la performance et de la motivation et de la rémunération des collaborateurs
- par la perte de nombreux comptes tels que DE DIETRICH, FAURECIA, PAUL HARTMANN, SEW USOCOM, TRIUMPH, SYSTEM U, GIS, LOHR, THIRIET, SOMETA et JFA
- par la présentation d'un budget sans ambition pour 2020, bien en dessous de la réalité du marché
2 °- manqué à ses missions managériales en :
- adoptant un comportement inacceptable à l'égard de Mme [J] [S] le 15 novembre 2019
- ayant un management autoritaire et humiliant de ses subordonnés et une attitude condescendante vis-à-vis de certains clients
- entretenant des rapports conflictuels avec le directeur comptable national, M. [Z] [Y] et ses équipes
- portant des jugements de valeurs négatifs à l'encontre de la direction et de ses propres collaborateurs.
- sur les manquements aux missions commerciales :
Si la SAS CRIT reproche au salarié la perte de certains comptes, il ne résulte cependant pas des pièces produites d'une part, qu'elle aurait perdu les marchés des sociétés DE DIETRICH, PAUL HARTMANN, SEW USOCOM, SYSTEM U, GIS, LOHR, THIRIET, SOMETA et JFA et d'autre part, que s'agissant de la société FAURECIA, une telle décision serait en lien avec le comportement inadapté de M. [F] ou un manquement de ce dernier dans ses obligations contractuelles, le courriel du 15 avril 2019 ( pièce 47) faisant au contraire état d'un essoufflement du partenariat et d'une insatisfaction globale des services proposés humainement mais aussi 'digitalement' sans pour autant impliquer nominativement M. [F]. Il ne saurait par ailleurs lui être reproché de ne pas avoir répondu à la demande d'information du 27 mars 2017, source d'un contentieux financier ultérieur, alors que cette dernière était adressée à M. [G] [X], responsable grands comptes. Ce grief n'est en conséquence pas établi.
Tout autant, si la SAS CRIT soulève le caractère inadapté du budget 2020, cette dernière ne justifie ni du caractère insuffisant des éléments chiffrés ainsi soumis à l'employeur dans le cadre de la revue budgétaire de novembre 2019, ni de leur contradiction avec les directives adressées préalablement à M. [F] par sa hiérarchie. Par ailleurs, quand bien même la projection faite par le salarié aurait manqué d'ambitions, cette présentation ne pourrait s'avérer critiquable que si elle ne s'appuyait pas sur des éléments objectifs concrets, extérieurs au salarié. Or, en l'état, M. [F] rappelle spécifiquement, dans son prévisionnel 2020, le contexte morose lié au ralentissement du secteur automobile, lequel a eu des répercussions sur les sociétés SCHAEFFLER, FAURECIA et PSA Mulhouse. Le salarié présente également des thèmes d'amélioration avec des échéances de mise en oeuvre, lesquels, n'ayant que force de proposition, étaient susceptibles de discussion, d'adaptation ou de modification et ne sauraient en conséquence être considérés comme fautifs. Ce grief n'est dès lors pas établi.
La SAS CRIT ne démontre pas plus le refus de M. [F] de s'investir auprès de certains clients tels que PSA, SMCR AUTOMOTIVE et FM LOGISTIC malgré les enjeux et le caractère prioritaire du marché automobile. Si, pour étayer de telles allégations, l'appelante produit les attestations de MM. [Y], [T], [W] et de Mme [K], aucun document contemporain des faits reprochés ne vient cependant corroborer l'hostilité imputée au salarié vis-à-vis du secteur automobile et son refus revendiqué de ne pas suivre la politique générale mettant ce secteur au rang des priorités comme rappelé par M. [M] [W] dans son courriel du 24 Octobre 2019, adressé au demeurant à M. [R] [I], directeur des marchés automobiles de la société. Le courriel du 25 janvier 2018 (pièce 16) de M. [F] ne relate en effet que le compte-rendu d'une réunion entre M. [W] et M. [F], au cours de laquelle certes, la place du secteur automobile et la 'frustration de M. [V] [O]', responsable du compte automobile, ont été abordés, mais à la même enseigne que quatre autres points et sans lui conférer par ailleurs un caractère prioritaire. Quant à PSA Mulhouse, si les faibles performances de la SAS CRIT ont certes été relevées par M. [I] dans son courriel du 20 septembre 2019, aucun élément ne vient établir l'inertie qu'aurait opposée M. [F] pour aborder cette difficulté et y remédier. Il en est de même pour la société SMCR Automotive, dont la prise en charge a été effectuée dans des délais raisonnables, après visite à plusieurs reprises sur les lieux, et dont la satisfaction était acquise, à l'exception d'une difficulté liée à un problème de décompte d'heures supplémentaires, en cours de traitement au 9 octobre 2019 par M. [D], salarié de la SAS CRIT. Enfin, s'agissant de la société FM LOGISTIC, le désinvestissement invoqué n'est pas plus établi, encore moins l'insubordination reprochée, laquelle ne peut se déduire de la seule mention dans son courriel de réponse du 19 octobre 2019 de l'indisponibilité des directeurs de secteurs pour accompagner une salariée à remplir la tâche qui lui était contractuellement confiée. Ce grief n'est pas établi.
Quant au refus d'assurer ses responsabilités dans le dossier du client SOVAB, les courriels produits aux débats ne démontrent nullement que M. [F] se serait soustrait à ses obligations contractuelles. Certes, le salarié était directeur régional, et à ce titre tenu d'animer, de gérer et de contrôler les agences des deux secteurs géographiques confiés. Pour autant, aucun élément ne vient établir que M. [M] [W] se serait déplacé sur le site client du fait de l'inaction même de M. [F], son courriel du 24 octobre 2019 faisant plutôt état d'une initiative personnelle, en lien avec l'importance du compte concerné et réitérée dans son courriel du 6 novembre 2019. Ce refus ne saurait enfin se déduire du courriel de M. [F] du même jour, ce dernier justifiant d'impératifs professionnels pour corroborer la prise en main du dossier par M. [W]. Ce grief n'est pas établi.
Enfin, quant au refus plus général de M. [F] d'appliquer les directives de sa hiérarchie et la stratégie de l'entreprise, la SAS CRIT ne justifie pas des actes d'insubordination auxquels se serait livré le salarié ou des décisions qu'il aurait pu prendre en dépit des objectifs et préconisations définis par l'employeur. Son entretien d'évaluation 2018 ne fait état d'aucun rappel aux obligations contractuelles ou aux objectifs assignés par l'entreprise, tout comme les deux revues opérationnelles présentées par le salarié à sa hiérarchie en 2019.
Aucun élement ne permet en conséquence d'établir que quand bien même les deux régions dont il assurait la direction ont présenté un chiffre d'affaire en baisse en 2019, M. [F] n'aurait pas été 'le garant de la rentabilité de la région et de l'application de la stratégie et des règles définies par l'entrepris' et n'aurait pas veillé 'au contrôle de l'application des politiques, des règles et de la stratégie définies par l'entreprise.
- sur les manquements aux missions managériales :
Si la SAS CRIT reproche une attitude déplacée et intolérable vis-à-vis des tiers, cette dernière se fonde sur un incident survenu avec l'entreprise Stafflab, lequel a certes eu une incidence sur l'image de la société, mais n'est cependant pas imputable à M. [F]. Les courriels que produit ce salarié démontre au contraire la bonne relation entretenue par M. [F] avec ses différents partenaires extérieurs. Ce grief n'est en conséquence pas établi.
Il en est de même du grief relatif au 'comportement inacceptable à l'égard de Mme [J] [S] le 15 novembre 2019", les pièces produites ne permettant de démontrer ni les propos désobligeants et humiliants' imputés à M. [F] à l'égard de cette salariée ni leur lien avec les pleurs de cette dernière ce jour-là.
Quant au ' management très autoritaire, directif, contrôlant à l'excès, interdisant toute initiative de la part des collaborateurs, voire humiliant' reproché par l'employeur, de tels griefs sont confirmés par les attestations de MM. [T] (N-1), [A] (N-2 service comptabilité), [W] (N+1) et de Mme [K] (N-1), lesquels mettent en exergue de manière très détaillée les propos dévalorisants que M. [F] tenait régulièrement à leur égard ou à l'égard de leurs collaborateurs, les vexations qu'il leur infligeait, son autoritarisme, son dirigisme, son manque d'écoute et d'empathie, son management infantilisant et présentent une authenticité qu'aucun élément ne permet en l'état de remettre en cause.
Ces mêmes personnes ont également témoigné de la défiance que ce salarié manifestait lors des réunions des directeurs de secteur vis-à-vis de la direction, qu'il estimait sans stratégie et mal entourée, propos réitérés à plusieurs reprises dépassant manifestement la liberté de parole à laquelle ce salarié pouvait prétendre.
Si M. [F] conteste avoir adopté un tel comportement, les nombreuses attestations qu'il produit présentent cependant un caractère très général et ne permettent d'établir que la normalité des relations qu'il entretenait avec certains de ses collaborateurs N-2, N-3 et N-4 qu'il rencontrait ponctuellement, sans remettre en cause les faits précis et circonstanciés détaillés par MM. [T], [A], [W] et Mme [K] dans leurs attestations.
Les griefs de management directif et humiliant et de dénigrement de l'employeur sont en conséquence établis.
Enfin, l'attitude développée par M. [F] à compter de fin 2018 et jusqu'en décembre 2019 à l'égard de M. [Y], directeur comptable national, et de ses équipes, ressort comme totalement inappropriée et contraire aux intérêts de la SAS CRIT. En témoignent ainsi les attestations de M. [Y], M. [A] et M. [W], desquelles il ressort le refus de M. [F] de travailler et de communiquer avec M. [Y], qu'il a traité au surplus à plusieurs reprises de menteur lors de la revue opérationnelle de mai 2019.
M. [F] ne s'explique pas sur le comportement ainsi développé à l'égard de ce collègue, dont l'intervention devait pourtant impérativement s'articuler avec ses propres missions, ni sur la situation de M. [A], responsable comptable de la région Grand Est, dont il a précipité le départ en retraite. Il se retranche uniquement derrière 'l'excellent relationnel' que M. [W] lui a attribué le 4 novembre 2019 dans un message adressé à la société TRIGO, cliente, dans un contexte sans aucun lien cependant avec les relations internes au sein de la société. Les très nombreuses attestations qu'il produit ne démentent pas par ailleurs le développement d'un tel comportement à l'égard du service Finance et de ses membres, lequel ne pouvait que s'avérer préjudiciable au pilotage de la société.
Les trois derniers griefs sont en conséquence démontrés et présentent un caractère suffisamment sérieux et réel pour justifier la mesure de licenciement prise à l'encontre de M. [F], quand bien même ce dernier n'aurait jamais été sanctionné préalablement et que le dernier entretien d'évaluation individuelle n'aurait pas mentionné une telle difficulté de comportement.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef, la cour dira que le licenciement de M. [F] était motivé par une cause réelle et sérieuse et M. [F] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
- sur le préavis :
Aux termes de l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit un délai de préavis dont la durée est déterminée en fonction de l'ancienneté du salarié, par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité ou la profession.
Le contrat de travail subsiste jusqu'à l'expiration du délai de préavis.
L'employeur peut dispenser le salarié de l'exécution du préavis, à charge de lui verser une indemnité compensatrice, comprenant le salaire et les avantages qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pour l'employeur, en application de l'article L 1234-5 du code du travail.
Le salarié qui se prévaut d'une telle dispense, qu'il soit démissionnaire ou licencié, doit en rapporter la preuve. (Cass soc 14 octobre 1987 n° 84-41.670)
En l'espèce, alors que la lettre de licenciement avait été notifiée le 23 décembre 2019 et informait le salarié du délai-congé de trois mois, M. [F] a adressé à l'employeur un courriel le 24 décembre 2019, portant pour objet : 'Demande de dispense de préavis', dans lequel il sollicitait 'dans le but de ne pas perturber la convention commerciale de fin janvier 2020 et les entretiens annuels programmés sur janvier et février, la prise de ses congés payés acquis sur l'année 2019 et ceux en cours d'acquisition au titre de 2020 durant son préavis et une dispense de toute activité à compter du 10 janvier 2020', demande que l'employeur a acceptée par lettre recommandée en date du 31 décembre 2019.
Si les premiers juges ont retenu que ce faisant, l'employeur avait dispensé le salarié de son préavis et était donc tenu d'une indemnité compensatrice de ce dernier pour la période du 23 février au 22 mars 2020, l'appelante rappelle cependant à raison que pour prétendre à l'indemnité compensatrice, l'inexécution du préavis ne peut avoir été décidée d'un commun accord, sur demande du salarié lui-même. (Cass soc- 28 janvier 2005 n° 03-47.403)
La dispense doit provenir au contraire d'une manifestation sans équivoque de la volonté de l'employeur (Cass soc 10 avril 1991 n° 87-44.893 ), émise unilatéralement, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce, l'employeur n'ayant pas initié mais seulement réceptionné les souhaits émis par le salarié sur les modalités d'exécution du préavis.
La demande formulée par M. [F] dans son courriel du 24 décembre 2019 doit en conséquence s'analyser en une renonciation claire et non équivoque du salarié à l'exécution de son préavis à l'issue de ses congés.
En aucune façon, ce courriel ne peut s'analyser en une 'dispense d'activité' comme retenu par les premiers juges, une telle démarche ne correspondant pas à l'objet de cette correspondance dénommée 'demande de dispense de préavis' et ne pouvant être unilatéralement imposée par le salarié à l'employeur, quels que soient les circonstances et les motifs ayant conduit à la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, la réponse de l'employeur du 31 décembre 2019, qui prenait acte de cette volonté exprimée par le salarié et abrégeait à sa demande la durée du préavis, rappelait les conséquences financières s'y rattachant et la perte subséquente du droit à l'indemnité compensatrice pour la période de préavis non-exécuté, de telle sorte que la contestation émise par l'intermédiaire de son conseil le 22 janvier 2020 est sans emport, M. [F] ne pouvant plus se rétracter.
C'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de rappels de salaires au titre du préavis.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.
- sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
Partie perdante, M. [F] sera condamné aux dépens et débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [F] sera condamné à payer la SAS CRIT la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Infirme le jugement du conseil de prudhommes de [Localité 3] du 16 juin 2021 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. [B] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse.
Déboute en conséquence M. [B] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Déboute M. [B] [F] de sa demande de rappels de salaires au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Condamne M. [B] [F] à payer à la SAS CRIT la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [B] [F] aux dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix huit octobre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,