ARRET N° 22/
FD/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 05 juillet 2022
N° de rôle : N° RG 21/01072 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMK7
S/appel d'une décision
du Pole social du TJ de MONTBELIARD
en date du 28 mai 2021
Code affaire : 88B
Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte
APPELANTE
S.A.S.U. [4], sise [Adresse 2]
représentée par Me Thierry DRAPIER, avocat au barreau de BESANCON, présent
INTIMEE
URSSAF DE [Localité 3], sise [Adresse 1]
représenté par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON absente et substituée par Me Juliette CHARDON, avocat au barreau de BESANCON, présente
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 5 Juillet 2022 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER
lors du délibéré :
M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER Conseillère.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 13 octobre 2015, la SASU [4], immatriculée auprès de l'Urssaf de [Localité 3] en qualité d'employeur du régime général depuis le 1er juillet 2015, a fait l'objet d'un contrôle par les services de la Police aux frontières, au cours duquel il a été constaté la présence de trois personnes dans l'établissement pour lesquelles aucune déclaration préalable à l'embauche n'avait été effectuée.
La SASU [4] a été condamnée par le tribunal correctionnel de Montbéliard pour les infractions de travail dissimulé ainsi constatées par jugement du 22 septembre 2016, dont il n'a pas été relevé appel.
Le 11 août 2017, l'Urssaf de [Localité 3] a adressé une lettre d'observations à la SASU [4] notifiant un redressement global d'un montant de 18 219 € pour la période du 1er juillet 2015 au 13 octobre 2015 et l'a mise en demeure d'acquitter cette somme, par courrier en date du 30 novembre 2017.
Le 29 janvier 2018, en l'absence de tout paiement, l'Urssaf de [Localité 3] a émis une contrainte, qui a été signifiée à la SASU [4] le 1er février 2018.
Le 12 février 2018, la SASU [4] a formé opposition à la contrainte et par jugement du 28 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Montbéliard a :
- déclaré la société recevable en son opposition
- confirmé le redressement opéré par les services de l'Urssaf à l'égard de la société [4] dans son intégralité en suite du constat d'infraction de travail dissimulé du 13 octobre 2015 ;
- validé la contrainte émise le 29 janvier 2018 par l'Urssaf et signifiée le 1 er février 2018 pour son montant de 18 375 euros correspondant aux cotisations (16 557 euros) et majorations de retard (1818 euros) dues à titre de rappel de cotisations ainsi que les majorations afférentes suite aux contrôles effectués par les services de la police aux frontières le 13 octobre 2015 ayant abouti à un redressement pour travail dissimulé ;
- condamné la SASU [4] à payer cette somme à l'Urssaf de [Localité 3];
- condamné la SASU [4] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration au greffe en date du 16 juin 2021, la SASU [4] a formé appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures en date du 23 juin 2022, soutenues à l'audience, la SASU [4] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 28 mai 2021
- déclarer l'absence de conformité de la mise en demeure, de la lettre d'observations et de la contrainte
- déclarer la procédure de contrôle nulle et irrégulière
- débouter l'Urssaf de ses prétentions
- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, la SASU [4] soutient que ni la mise en demeure ni la contrainte ne détaille la nature des différentes cotisations exigées, se contentant du terme flou de 'régime général' pour la première et 'd'employeur régime général' pour la seconde, et que ces dernières ne répondent donc pas aux exigences de forme posées par la jurisprudence et ne permettent pas au cotisant de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation. La SASU [4] a par ailleurs contesté la régularité de la lettre d'observations, soutenant que l'Urssaf s'était fait communiquer des documents par le comptable , sans avoir obtenu le consentement de la personne contrôlée.
Dans ses dernières écritures en date du 1er juillet 2022, l'Urssaf de [Localité 3] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 28 mai 2021 en toutes ses dispositions ;
- débouter la société [4] de toutes ses demandes et y ajoutant
- condamner la société [4] à payer à l'Urssaf la somme de 1 500 euros à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
L'Urssaf fait valoir que la lettre d'observations et la mise en demeure sont conformes aux exigences des textes et de la jurisprudence ; qu'elles n'ont au surplus pas été contestées devant la commission de recours amiable et que sa créance présente donc un caractère définitif. L'Urssaf soutient par ailleurs que la contrainte délivrée est parfaitement valide, comportant l'ensemble des mentions requises et permettant ainsi au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A hauteur d'appel, la SASU [4] ne conteste plus le travail dissimulé et le bien-fondé de la créance de l'Urssaf de [Localité 3], éléments pourtant discutés devant les premiers juges, et ne demeure ainsi en débat devant la cour que la régularité formelle de la lettre d'observations, de la mise en demeure et de la contrainte.
- sur la régularité de la mise en demeure et de la lettre d'observations :
Aux termes de l'article L 244-2 du code de sécurité sociale, toute action aux fins de recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit être précédée, à peine de nullité, de l'envoi d'une mise en demeure adressée au redevable, laquelle doit répondre aux exigences de forme posées par l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale.
Les réclamations à l'encontre des décisions prises par les organismes de sécurité sociale doivent cependant impérativement être soumises à une commission de recours amiable avant l'engagement d'un recours contentieux, en application des dispositions des articles L 142-4 et R 142-1 du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, si la SASU [4] a régulièrement formé opposition à la contrainte signifiée le 1er février 2018 et la condamnant à payer la somme de 18 375 euros, elle n'a cependant pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée le 30 novembre 2017 et n' a pas saisi la commission de recours amiable, alors même que l'ensemble des documents transmis l'informait des voies et délais de recours qui lui étaient ouverts.
Ce faisant, la SASU [4] n'est plus recevable à contester la régularité de ladite mise en demeure et le bien-fondé des chefs de redressement pour s'opposer à la créance de l'Urssaf de [Localité 3]. ( Cass civ 2ème - 4 avril 2019 n° 18-12014).
Il en est de même pour la lettre d'observations, dont la SASU [4] ne peut aujourd'hui contester les conclusions, au motif que des documents auraient été remis à la demande de l'Urssaf par son comptable sans son consentement exprès.
- sur l'opposition à contrainte :
Aux termes de l'article R 133-3 du code de la sécurité sociale, si la mise en demeure reste sans effet au terme d'un délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner une contrainte, qui est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de sa réception ou signifiée par acte d'huissier de justice. Le débiteur dispose d'un délai de quinze jours à compter de cette date pour former opposition, laquelle doit être motivée.
En l'espèce, à défaut de saisine de la commission de recours amiable à l'encontre de la mise en demeure du 30 novembre 2017 et en l'absence de paiement spontanément effectué, l'Urssaf a décerné le 29 janvier 2018 à l'encontre de la SASU [4] une contrainte ayant pour objet les sommes réclamées au titre des cotisations du régime général impayées pour l'année 2015, qui a été signifiée selon acte d'huissier de justice en date du 1er février 2018.
Contrairement à ce que soutient la SASU [4], la contrainte du 29 janvier 2018 comporte bien la nature, le montant des cotisations impayées, le montant des majorations de retard arrêtées à la date de la mise en demeure, la période à laquelle elle se rapporte et la référence de la mise en demeure qui la précède.
En aucune façon, il n'appartenait à l'Urssaf de détailler dans la contrainte les cotisations impayées réunies sous le terme 'cotisations du régime général', par poste de garantie ou de risque, dès lors que ces dernières constituent une catégorie parfaitement identifiable des cotisations obligatoires imposées à l'employeur et que les références présentes sur ladite contrainte en permettent la compréhension aisée.
La contrainte mentionne ainsi la mise en demeure du 30 novembre 2017, laquelle a d'ores et déjà dissocié les cotisations redressées des majorations dues au titre de l'infraction de travail dissimulé. La mise en demeure se réfère par ailleurs expressément à la lettre d'observations du 11 août 2017, laquelle détaille poste par poste, sans aucune ambiguïté ou confusion possible, la nature des cotisations et contributions appelées en paiement au titre du Régime général- Cas général, de la CSG CRDS Régime général, du FNAL plafonné et du complément cotisation AF, ainsi que l'annulation des réductions générales pour un montant de 571 euros.
La SASU [4] avait donc parfaitement connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation à réception de la contrainte
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a maintenu le redressement opéré par les services de l'Urssaf de [Localité 3] en suite du constat d'infraction de travail dissimulé du 13 octobre 2015 et a validé la contrainte émise le 29 janvier 2018.
- sur les autres demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens.
Partie perdante, la SASU [4] supportera les dépens et sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU [4] sera condamnée à payer à l'Urssaf de [Localité 3] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt mis à disposition,
Déclare la SASU [4] irrecevable en ses demandes 'de déclaration d'absence de conformité' de la mise en demeure du 30 novembre 2017 et de la lettre d'observations du 11 août 2017 et de nullité des procédures de redressement et de contrôle
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Montbéliard du 28 mai 2021 en toutes ses dispositions
Y ajoutant :
Déboute la SASU [4] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SASU [4] à payer à l'Urssaf de [Localité 3] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SASU [4] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix huit octobre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,