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18/10/2022 | FRANCE | N°21/00741

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 18 octobre 2022, 21/00741


ARRET N° 22/

FD/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 05 juillet 2022

N° de rôle : N° RG 21/00741 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELWX



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD

en date du 09 avril 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPELANT

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Monsieur [B] [J], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Elodie CHESNEAU, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Olivier PETER, Plaidant, avocat au barreau de MULHO...

ARRET N° 22/

FD/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 05 juillet 2022

N° de rôle : N° RG 21/00741 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELWX

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBELIARD

en date du 09 avril 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [B] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Elodie CHESNEAU, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Olivier PETER, Plaidant, avocat au barreau de MULHOUSE, présent

INTIMEE

ADAPEI DU DOUBS (devenue FONDATION PLURIELLE depuis le 1er mars 2022) sise [Adresse 2]

représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, présent et par Me Myriam ARIZZI-GALLI, Plaidante, avocat au barreau de BESANCON, présente

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 5 Juillet 2022 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER

lors du délibéré :

M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillère, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER Conseillère.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 18 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 23 avril 2021 par M. [B] [J] du jugement rendu le 9 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard qui, dans le cadre du litige l' opposant à l'association Adapei du Doubs, a :

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes

- condamné M. [J] à payer à l'association Adapei du Doubs la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la transaction

- condamné M. [J] à payer à l'association Adapei du Doubs la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [J] aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises le 12 janvier 2022 , aux termes desquelles M. [B] [J], appelant, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :

- juger que son licenciement en date du 13 décembre 2017 et la transaction du 20 décembre 2017 sont nuls pour violation du statut protecteur ;

- condamner l'Adapei du Doubs à lui verser les montants suivants, assortis des intérêts au taux légal à compter de la demande :

- 166 656 euros au titre de l'indemnité spécifique pour violation du statut protecteur

- 20 832 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 31 248 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 36 456 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- debouter l'Adapei du Doubs de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions.

- condamner l'Adapei du Doubs aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel;

Vu les dernières conclusions transmises le 13 octobre 2021, par l'association Adapei du Doubs, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de :

- à titre principal :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'accueillir en son appel incident sur sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la violation du protocole d'accord transactionnel,

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation dudit protocole,

- à titre subsidiaire :

- condamner M. [J] à lui rembourser la somme de 20 000 euros perçue en exécution du protocole d'accord transactionnel du 20 décembre 2017,

En tout etat de cause :

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens ;

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 juin 2022 ;

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 janvier 2012, M. [J] a été embauché par l'association Adapei du Doubs en qualité de responsable du service achats, pour un salaire brut en dernier lieu de 5208 euros.

Le 30 novembre 2017, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable et a été licencié pour faute grave le 13 décembre 2017, l'employeur lui reprochant un abus de pouvoir vis-à-vis de fournisseurs et un abus de pouvoir au profit d'affaires personnelles.

M. [J] ayant contesté les griefs opposés par l'employeur, une transaction a été signée entre l'association Adapei du Doubs et le salarié, aux termes de laquelle ce dernier a perçu la somme de 20 000 euros en contrepartie de la renonciation à toute action prudhomale.

Se prévalant cependant de son élection comme conseiller municipal de la commune d'[Localité 3] et de la protection accordée aux adjoints au maire des communes de plus de 10 000 habitants, M. [J] a saisi le 14 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Lure, qui s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Montbéliard, pour contester les conditions de la rupture de son contrat de travail et voir constater la nullité de la procédure du licenciement et de la transaction, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur la nullité du licenciement ;

Aux termes de l'article L 2123-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 applicable à la cause, les maires et adjoints au maire de communes de plus de 10 000 habitants sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

Leur licenciement est dès lors soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail en application des articles L 2421-1 et R 2421-1 et suivants du code du travail.

Il est de jurisprudence constante que le licenciement irrégulier d'un salarié protégé, prononcé en violation des formes de la procédure protectrice ou malgré une décision administrative de refus d'autorisation, est frappé de nullité du seul fait de l'inobservation de la procédure. (Cass soc 15 février 1984 n° 81-42.280)

Pour se prévaloir cependant de la protection, les salariés exerçant un mandat extérieur à l'entreprise doivent rapporter la preuve d'avoir informé l'employeur de ce mandat au plus tard le jour de l'entretien préalable au licenciement ( Cass soc 14 septembre 2012 n° 2012-020043) ou que ce dernier en avait connaissance ( Cass soc- 16 janvier 2019 n° 17-27.685).

En l'espèce, M. [J] a été élu conseiller municipal aux scrutins des 23 et 30 mars 2014 et désigné le 31 mars 2014 8ème adjoint au maire de la commune d'[Localité 3], laquelle comptait, au recensement INSEE effectué en 2015, une population globale de 10 407 habitants.

M. [J], qui fait grief aux premiers juges de ne pas lui avoir appliqué la procédure de licenciement propre au salarié protégé, soulève à juste titre que son mandat de conseiller municipal et son élection comme adjoint étaient parfaitement connus de Mme [E] [G], directrice des ressources humaines de l'association Adapei, et de Mme [M] [Z], directrice finances et patrimoine, comme en attestent les deux courriels émanant de ces dernières en date des 7 avril et 12 novembre 2014.

Cette connaissance est également confirmée par M. [C] [L], responsable du service méthodes, Mme [N] [I], responsable Hygiène- sécurité-environnement, Mme [O] [D], salariée du service achats de 2013 à 2017, et Mme [A] [R], déléguée syndicale CGT et salariée des AST Étupes, lesquels ont tous relevé le caractère notoire d'un tel mandat au sein de l'association.

En conséquence, contrairement à ce qu'elle soutient, l'association Adapei du Doubs a été indéniablement informée, avant l'engagement de la procédure de licenciement, des fonctions électives de M. [J] qui ouvraient droit au statut protecteur.

En aucune façon, il ne saurait être reproché au salarié de ne pas avoir renouvelé cette information, suite à la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable à son licenciement, une telle démarche ne s'imposant pas. Aucun abus de droit n'est par ailleurs caractérisé, le salarié reconnaissant lui-même n'avoir découvert son statut protecteur qu'après la rupture du contrat de travail. Enfin, la création de ce statut protecteur postérieurement à la délivrance de l'information de son mandat électif à son employeur n'est pas de nature à priver le salarié du statut de salarié protégé. (Cass soc- 4 novembre 2020- n° 19-11.865)

En conséquence, en ne sollicitant pas l'autorisation auprès de l'inspection du travail de licencier, l'employeur a méconnu la protection qui était garantie à M. [B] [J] en vertu de son mandat d'adjoint au maire des communes de plus de 10 000 habitants.

C'est donc à tort que les premiers juges ont débouté M. [J] de sa demande de nullité de la procédure de licenciement et de manière subséquente, de sa demande de nullité de la transaction.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et le licenciement du 13 novembre 2017 et le protocole transactionnel du 20 décembre 2017 seront déclarés nuls.

- sur les conséquences financières du licenciement :

Aux termes de l'article L1235-3-1 du code du travail, lorsque que le licenciement est entaché de nullité pour non-respect de la procédure des salariés protégés et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L.1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [J], de son âge, de son salaire moyen brut (5 208 euros), des circonstances de fait ayant justifié la rupture du contrat et de sa situation actuelle, il y a lieu de condamner l'association Adapei du Doubs à lui payer la somme de 31 248 euros en réparation du préjudice subi pour le non-respect de son statut de salarié protégé et la nullité subséquente de la rupture du contrat de travail.

L'association Adapei du Doubs sera également condamnée à lui payer la somme de 124 992 euros bruts (24 mois), correspondant aux salaires que M. [J] aurait dû percevoir durant la période couverte par la nullité, soit jusqu'au 29 décembre 2019. La loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 a en effet supprimé immédiatement à compter du 29 décembre 2019 la protection qui était ainsi assurée aux adjoints des maires, les privant de toute prorogation possible sur six mois.

L'association Adapei du Doubs sera également condamnée à payer à M. [J] la somme de 20 832 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, fixée à 4 mois selon la convention collective, et la somme de 31 248 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- sur la demande reconventionnelle de l'association Adapei du Doubs :

Le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a alloué à l'association la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la transaction et l'association Adapei du Doubs déboutée de son appel incident, tendant à voir porter à 20.000 euros ces dommages-intérêts , dès lors que le protocole transactionnel est annulé et est de ce fait censé n'avoir jamais existé.

Pour autant, l'association Adapei du Doubs sollicite à raison, à titre subsidiaire, la restitution de la somme de 20 000 euros qu'elle avait versée à M. [J] en exécution de ce protocole transactionnel.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et M. [J] sera condamné à restituer la somme de 20 000 euros, en application de l'article 1178 du code civil.

- sur les autres demandes :

Les sommes allouées à M. [J] porteront intérêts au taux légal :

- à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, qui vaut citation en justice en application de l'article R 1452-5 du code du travail, pour les sommes allouées au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des rappels de salaires

- à compter de la présente décision s'agissant des dommages et intérêts alloués pour le non-respect de son statut de salarié protégé.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, l'association Adapei du Doubs sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Les circonstances de l'espèce et l'équité ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montbéliard du 9 avril 2021 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare nuls le licenciement du 13 décembre 2017 et le protocole transactionnel du 20 décembre 2017

Condamne l'association Adapei du Doubs à payer à M. [B] [J] les sommes suivantes:

¿ 31 248 euros en réparation du préjudice subi pour le non-respect de son statut de salarié protégé

¿ 124 992 euros bruts au titre des salaires à percevoir durant la période couverte par la nullité

¿ 20 832 euros bruts à titre d'indemnité de préavis

¿ 31 248 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Dit que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal :

- à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, qui vaut citation en justice en application de l'article R 1452-5 du code du travail, pour les sommes allouées au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des rappels de salaires

- à compter de la présente décision s'agissant des dommages et intérêts alloués pour le non-respect de son statut de salarié protégé

Condamne M. [B] [J] à payer à l'association Adapei du Doubs la somme de 20 000 euros en restitution des sommes versées dans le cadre du protocole transactionnel nul

Déboute les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires

Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne l'association Adapei du Doubs aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix huit octobre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00741
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;21.00741 ?
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