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19/07/2022 | FRANCE | N°21/00552

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 19 juillet 2022, 21/00552


ARRÊT N°

CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 19 JUILLET 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 5 octobre 2021

N° de rôle : N° RG 21/00552 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELLJ



Sur saisine après décision

du Cour de Cassation

en date du 17 février 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inéxécution





AUTEUR DE LA DECLARATION DE SAISINE ET APPE

LANT



Monsieur [C] [O], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON, présent







PARTIES ADVERSES





L'association UNEDIC délégation AGS CGEA de Ch...

ARRÊT N°

CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 19 JUILLET 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 5 octobre 2021

N° de rôle : N° RG 21/00552 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELLJ

Sur saisine après décision

du Cour de Cassation

en date du 17 février 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inéxécution

AUTEUR DE LA DECLARATION DE SAISINE ET APPELANT

Monsieur [C] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON, présent

PARTIES ADVERSES

L'association UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône (l'AGS) sise [Adresse 3]

représenté par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANÇON, présente

SELARL MJ & ASSOCIES représentée par Mme [V] [Y], venant aux droits de la SCP [V] [Y], prise en ses qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DST transports et de liquidateur judiciaire de la SARL SN DST transports sise [Adresse 2]

représentée par Me Anne-Laure BERNARDOT, avocat au barreau de DIJON, présente

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 5 Octobre 2021 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 23 Novembre 2021 par mise à disposition au greffe. A cette date, la mise à disposition a été prorogée au 21 décembre 2021 , au 25 janvier 2022, au 8 février 2022 , au 8 mars 2022, au 5 avril 2022, au 12 avril 2022, au 17 mai 2022, au 14 juin 2022, au 12 juillet 2022 et au 19 juillet 2022.

**************

Statuant sur la déclaration de saisine, sur renvoi après cassation, formée le 24 mars 2021 par M. [C] [O],

Vu le jugement rendu le 4 mars 2016 par le conseil de prud'hommes de Dijon en sa formation de départage qui, dans le cadre du litige opposant M. [C] [O] à Mme [V] [Y] prise en qualité de liquidateur judiciaire des SARL SN DST transports et DST transports et à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône (l'AGS), a :

- débouté M. [C] [O] de toutes ses demandes, qui tendaient à la fixation de rappels de salaires au passif des deux sociétés en liquidation, à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL SN DST transports et à la fixation au passif de cette société de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire liées à l'exécution et à la rupture de son contrat,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] [O] aux dépens,

Vu l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon, qui a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, en condamnant M. [C] [O] aux dépens d'appel sans faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Besançon,

Vu les dernières conclusions visées par le greffe le 4 octobre 2021 (et le jour de l'audience) aux termes desquelles M. [C] [O], appelant, demande à la cour de renvoi de :

- infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Dijon le 4 mars 2016,

SUR LA PERIODE ANTERIEURE AU 12 NOVEMBRE 2008 :

à titre principal,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DST TRANSPORTS aux sommes de 16.720,64 euros bruts outre 1.672,06 euros de congés payés au titre des rappels de salaire,

à titre subsidiaire,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST TRANSPORTS aux sommes de 16.720,64 euros bruts outre 1.672,06 euros de congés payés au titre des rappels de salaire,

SUR LA PERIODE POSTERIEURE AU 12 NOVEMBRE 2008 :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL SN DST à la date du 4 octobre 2010,

- fixer sa créance au passif de la liquidation de la SARL SN DST TRANSPORTS aux sommes de :

à titre principal,

- 26.558,43 euros bruts outre 2.655,84 euros bruts de congés payés afférents au titre des rappels de salaires dus par la SARL SN DST du 13 novembre 2008 au 4 octobre 2010,

à titre subsidiaire,

- 22.450,86 euros bruts outre 2.245,09 euros bruts de congés payés au titre des rappels

de salaires dus par la SARL SN DST du 13 novembre 2008 au 4 octobre 2010,

en tout état de cause :

- 10.000 euros nets de CSG-CRDS au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.250,84 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 8.511,78 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2.837,26 euros bruts au titre de l'indemnité légale de préavis et 283,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- juger que les dépens seront à la charge de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL DST et de la SN DST,

- condamner la SCP [V] [Y] es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SN DST et de la SARL DST, à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées qui comprendront l'ensemble de ses bulletins de paie,

- juger l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS,

Vu les dernières conclusions visées par le greffe le 30 septembre 2021 aux termes desquelles l'association UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône (ci-après l'AGS), intimée, demande à la cour de renvoi de :

à titre principal :

- confirmer le jugement RG 12/00634 rendu par le conseil de prud'hommes de Dijon en date du 4 mars 2016 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses prétentions,

à titre subsidiaire :

concernant la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 12 novembre 2008 :

- dire et juger la demande de M. [O] irrecevable car prescrite,

- débouter M. [O] de ses demandes,

- subsidiairement, limiter les demandes de rappel de salaire à la durée maximale du travail,

- débouter M. [O] pour le surplus,

concernant la demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 12 novembre 2008 :

- limiter les demandes de rappel de salaire à la durée maximale du travail,

- débouter M. [O] pour le surplus,

en tout état de cause :

- dire et juger qu'en aucun cas l'AGS ne saurait intervenir en garantie de sommes sollicitées au titre d'astreintes et de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater en tout état de cause que la garantie AGS ne peut aller au-delà des limites prévues par les articles L. 3253-8 et suivants du code du travail,

- dire et juger que le montant maximal avancé par l'AGS ne saurait être supérieur au montant du plafond applicable, toutes créances avancées pour le compte du salarié,

- statuer ce que de droit sur les dépens,

Vu les dernières conclusions adressées à la cour le 1er octobre et visées par le greffe le 4 octobre 2021 aux termes desquelles la SELARL MJ & ASSOCIES représentée par Mme [V] [Y], venant aux droits de la SCP [V] [Y], prise en ses qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DST transports et de liquidateur judiciaire de la SARL SN DST transports, autre intimée en cette double qualité, demande à la cour de renvoi de :

1- A TITRE PRINCIPAL

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. [C] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

2- A TITRE SUBSIDIAIRE

2-1- Concernant la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 12 novembre 2008, formée à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société DST transports :

à titre principal :

- débouter M. [C] [O] de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire :

- limiter les demandes de rappel de salaires de M. [C] [O] à la durée maximale de travail,

- le débouter du surplus,

2-2- Concernant la demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 12 novembre 2008, formée à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société SN DST transports :

- limiter les demandes de rappel de salaires de M. [C] [O] à la durée maximale de travail,

- le débouter du surplus,

3- EN TOUT ETAT DE CAUSE

- condamner M. [C] [O] à payer à la SCP [V] [Y] représentée par Mme [V] [Y] es qualités de liquidateur de la SARL DST transports la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [C] [O] à payer à la SCP [V] [Y] représentée par Mme [V] [Y] es qualités de liquidateur de la SARL SN DST transports la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens,

La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qui ont été soutenues à l'audience,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [O] a été embauché à compter du 10 juillet 2006 par la SARL DST transports sous contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur mécanicien, la durée du travail étant contestée.

Il est par ailleurs employé à temps complet depuis le 4 octobre 1989 par la société Barry Callebaut, puis par la société Chocolaterie de Bourgogne.

Après avoir fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte le 27 mai 2008, la société DST transports a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 14 octobre 2008.

Dans un premier temps, le liquidateur judiciaire, Mme [V] [Y], a notifié le 7 novembre 2008 à M. [C] [O] son licenciement pour motif économique, avant dans un second temps de l'informer, par courrier du 13 novembre 2008, que son contrat de travail faisait l'objet d'un transfert légal au sein de l'entreprise cessionnaire du fonds de commerce, la société SN DST transports.

Par jugement du 5 octobre 2010, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL SN DST transports et désigné en qualité de liquidateur judiciaire Mme [V] [Y], laquelle n'a pas procédé au licenciement du salarié.

C'est dans ces conditions que le 3 juillet 2012 M. [C] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon de la procédure qui a donné lieu le 4 mars 2016 au jugement entrepris, puis le 23 mai 2019 à l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Dijon, lequel a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 17 février 2021, pour le motif suivant : la chambre sociale a retenu que la première cour d'appel avait violé l'article L. 212-4-3, alinéa 1, devenu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'employeur démontrait la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, convenue ni que le salarié n'avait pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler.

MOTIFS

Sur les demandes en paiement de rappel de salaires :

En vertu de l'article L. 212-4-3, alinéa 1, devenu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et de ce qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En outre, aux termes de l'article L. 212-4-3, alinéa 3, devenu l'article L. 3123-17 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, puis l'article L. 3123-9 depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Selon une jurisprudence constante, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein (Cass. Soc. 17 décembre 2014 n° 13-20.627).

Au cas présent, il est constant que M. [C] [O] a été embauché à compter du 10 juillet 2006 par la SARL DST transports sous contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur mécanicien, ainsi qu'il ressort des bulletins de paie communiqués, du courrier de notification de son licenciement pour motif économique adressé le 7 novembre 2008 par le liquidateur judiciaire de cette société et de la lettre du 13 novembre 2008 que ce même liquidateur a envoyée à l'intéressé pour l'informer qu'en définitive son contrat de travail faisait l'objet d'un transfert légal au sein de l'entreprise cessionnaire du fonds de commerce, la société SN DST transports.

Il n'existe cependant aucun contrat de travail signé par les parties.

Il en résulte qu'en l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition, l'emploi de M. [C] [O] est présumé à temps complet, peu important à cet égard que celui-ci soit par ailleurs employé à temps complet par la société Barry Callebaut (puis par la société Chocolaterie de Bourgogne).

La société DST transports et la société SN DST transports, prises en la personne de leur liquidateur judiciaire, manquent à renverser cette présomption.

En effet, d'une part, elles ne justifient pas de la durée exacte du travail convenue, qu'elle soit hebdomadaire ou mensuelle, celle-ci étant au contraire particulièrement variable et aléatoire au regard des pièces communiquées par le salarié (bulletins de paie, agenda, bordereaux journaliers de frais de route, disques chronotachygraphe et relevés de ses deux comptes bancaires).

Il importe peu à cet égard que le salarié n'ait jamais élevé la moindre contestation, en particulier sur les durées de travail mentionnées sur ses bulletins de paie

D'autre part, elles ne rapportent nullement la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, durant le temps où il n'exécutait pas ses missions, en 2/8, au sein de la société Barry Callebaut, puis de la société Chocolaterie de Bourgogne, alors au contraire qu'il est établi que la durée du travail au sein des sociétés DST transport et SN DST transports était variable et aléatoire.

Dans ces conditions, les arguments présentés par le liquidateur judiciaire et l'AGS, relatifs à l'existence d'un autre emploi à temps plein et au dépassement de la durée maximale de travail, sont inopérants.

En outre, il ressort du bulletin de paie édité par l'employeur pour le mois d'octobre 2006 que M. [C] [O] a travaillé 151,67 heures et a été rémunéré en conséquence (1.254,31 euros bruts).

Il en résulte que le salarié, qui travaillait à temps partiel les premiers temps, a vu en octobre 2006 sa durée du travail portée au niveau de la durée légale, de sorte qu'à tout le moins à compter de ce mois son contrat doit être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Dès lors, les demandes de rappels de salaires sur la base d'un temps plein sont fondées en leur principe.

S'agissant de leur quantum, c'est en vain que le liquidateur judiciaire et l'AGS se prévalent de la prescription triennale, qui n'est pas applicable au litige puisque jusqu'au 17 juin 2013 l'action en paiement du salaire se prescrivait par cinq ans, étant rappelé que M. [C] [O] a saisi la juridiction prud'homale le 3 juillet 2012.

Le salarié a précisément présenté un nouveau décompte des salaires restant dus, tenant compte de la prescription quinquennale et des règlements perçus, au titre de la période du 3 juillet 2007 au 4 octobre 2010 (sa pièce n° 52).

Ces modalités de calcul n'étant pas autrement discutées par les intimés, qui ne justifient d'aucun règlement dont le salarié aurait omis de tenir compte, il convient en conséquence de fixer les créances salariales de M. [C] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DST transports et à celui de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST transports comme suit :

1) au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DST transports :

- 16.720,64 euros bruts correspondant au rappel de salaires sur la période du 3 juillet 2007 au 12 novembre 2008,

- 1.672,06 euros au titre des congés payés afférents,

1) au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST transports :

- 26.558,43 euros bruts correspondant au rappel de salaires sur la période du 13 novembre 2008 au 4 octobre 2010,

- 2.655,84 euros au titre des congés payés afférents,

le jugement entrepris étant infirmé de ces chefs.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, notamment, le fait pour tout employeur de mentionner sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

En vertu des dispositions de l'article L 8223-1 du même code, « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

En l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur (la société DST transport puis la société SN DST transports) ait eu l'intention de dissimuler une partie du temps de travail du salarié.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par le salarié en cas de manquement de l'employeur à ses obligations d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite de la relation contractuelle.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il impute à son employeur.

Au cas présent, M. [C] [O] demande que la résiliation judiciaire de son contrat de travail soit prononcée aux torts exclusifs de l'employeur au 4 octobre 2010, date du jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SN DST transports, ledit jugement datant en réalité du 5 octobre 2010.

Il reproche essentiellement à son employeur de ne pas lui avoir réglé régulièrement l'intégralité de ses salaires à compter du 13 novembre 2008 et de ne pas lui avoir remis la totalité de ses bulletins de paie. Il se prévaut également du fait que le liquidateur judiciaire ne l'a pas licencié.

Le liquidateur judiciaire et l'AGS répondent que M. [C] [O] a été intégralement rempli de ses droits et qu'il n'a jamais élevé la moindre contestation auprès de ses employeurs successifs durant l'exécution de la relation contractuelle, cette dernière circonstance étant toutefois insuffisante pour écarter les prétentions de l'intéressé.

Ils ajoutent que les bulletins de paie ont été remis à M. [C] [O] en leur temps, sans cependant l'établir et sans les produire.

S'il n'est pas démontré que le travail à temps partiel effectué par M. [C] [O] ne lui aurait pas été intégralement réglé, pour autant il ressort des éléments au dossier que celui-ci a été employé par la société SN DST transports à temps partiel, selon un rythme variable et aléatoire et sans contrat de travail écrit.

L'employeur a ainsi méconnu les obligations à sa charge dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel, ainsi qu'il a été dit lors de l'examen des demandes de rappels de salaires, ce comportement persistant ayant privé le salarié de toute certitude quant au montant des revenus que son second emploi pouvait lui procurer, alors qu'il n'est pas contesté que veuf avec plusieurs enfants à charge, il se trouvait dans une situation personnelle difficile, ce que confirment les témoignages de ses trois enfants.

En outre, le fait de ne pas avoir été licencié par le liquidateur judiciaire de la société SN DST transports lui porte indéniablement préjudice dans la mesure où il ne bénéficiera pas, pour cette raison, de la garantie de l'AGS s'agissant des créances liées à la rupture de son contrat de travail.

Dans ces conditions, le manquement persistant de l'employeur à ses obligations justifie que la résiliation judiciaire du contrat soit prononcée à ses torts exclusifs, le jugement étant infirmé de ce chef.

Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur.

Au cas présent, en demandant que la résiliation judiciaire de son contrat de travail prenne effet à la date du jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation à l'égard de la société SN DST transports, M. [C] [O], qui occupait un emploi à temps plein au sein de la société Chocolaterie de Bourgogne, reconnaît lui-même qu'à cette date il n'était plus au service de la société SN DST transports et ne se tenait plus à sa disposition

Il convient dès lors de fixer les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail au 5 octobre 2010.

Sur les conséquences financières de la résiliation du contrat :

La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [C] [O] sollicite d'abord la somme de 1.250,84 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement, ainsi que celles de 2.837,26 euros bruts au titre de l'indemnité légale de préavis et de 283,73 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Son ancienneté (au 10 juillet 2006) ayant été reprise par la société SN DST transports lors de la cession du fonds de commerce, l'intéressé bénéficie donc d'une ancienneté d'au moins deux ans et a droit à un préavis de deux mois.

Compte tenu d'un salaire brut mensuel de 1.413,63 euros, il y a lieu d'accueillir les demandes susvisées de M. [C] [O], qui ne sont pas contestées dans leur quantum par les intimés.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il doit être rappelé qu'en vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Considérant l'ancienneté du salarié, son âge (né en 1961) et sa situation familiale évoquée ci-avant, mais aussi la circonstance qu'il occupait un autre emploi à temps plein au sein de la société Chocolaterie de Bourgogne à la date de la rupture du contrat, il y a lieu de lui allouer la somme de 8.511,78 euros (nets de CSG-CRDS) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, créance qui sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société SN DST transports.

La décision attaquée est donc infirmée sur tous ces points.

Sur la garantie de l'AGS :

La garantie de l'AGS ne pourra être mise en 'uvre que dans les limites fixées par l'article L.3253-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

Il ressort de ce texte qu'à l'égard des salariés qui ne bénéficient pas d'une protection particulière contre les licenciements, les créances résultant de la rupture des contrats de travail ne sont garanties par l'AGS qu'à la condition que cette rupture intervienne, en cas de liquidation judiciaire, à l'initiative du mandataire liquidateur dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ou pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation.

Or, M. [C] [O] n'a pas été licencié par le liquidateur judiciaire de la société SN DST transports.

Il s'ensuit que l'AGS ne garantira pas les créances de M. [C] [O] liées à la rupture de son contrat de travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et infirmée en ce qui concerne les dépens de première instance.

La SELARL MJ & ASSOCIES représentée par Mme [V] [Y], venant aux droits de la SCP [V] [Y], prise en ses qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DST transports et de liquidateur judiciaire de la SARL SN DST transports, qui succombe, n'obtiendra aucune indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens, étant rappelé qu'en application de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [C] [O] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe les créances de rappels de salaires de M. [C] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DST transports et à celui de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST transports comme suit :

1) au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DST transports :

- 16.720,64 euros bruts correspondant au rappel de salaires sur la période du 3 juillet 2007 au 12 novembre 2008,

- 1.672,06 euros au titre des congés payés afférents,

1) au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST transports :

- 26.558,43 euros bruts correspondant au rappel de salaires sur la période du 13 novembre 2008 au 4 octobre 2010,

- 2.655,84 euros au titre des congés payés afférents ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [O] aux torts exclusifs de la SARL SN DST transports et dit qu'elle prend effet au 5 octobre 2010 ;

Fixe les autres créances de M. [C] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SN DST transports comme suit :

- 1.250,84 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2.837,26 euros bruts au titre de l'indemnité légale de préavis,

- 283,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 8.511,78 euros (nets de CSG-CRDS) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que la garantie de l'AGS ne pourra être mise en 'uvre que dans les limites fixées par l'article L.3253-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, et que par voie de conséquence l'AGS ne garantira pas les créances de M. [C] [O] liées à la rupture de son contrat de travail ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL MJ & ASSOCIES représentée par Mme [V] [Y], venant aux droits de la SCP [V] [Y], prise en ses qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DST transports et de liquidateur judiciaire de la SARL SN DST transports, aux entiers dépens, qui comprennent tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix-neuf juillet deux mille vingt deux et signé par Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller pour le président empêché, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00552
Date de la décision : 19/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-19;21.00552 ?
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