La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2022 | FRANCE | N°21/01997

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 21/01997


ARRET N°

FD/CM



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 05 JUILLET 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 10 mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01997 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOFG



S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de BESANCON

en date du 18 octobre 2021

Code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme



APPELANT



Monsieur [H] [D],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat

au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



[5] prise en la personne de ses représentants légaux demeurant pour ce audit siège,,

[Adresse 2]

repré...

ARRET N°

FD/CM

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 10 mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01997 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOFG

S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de BESANCON

en date du 18 octobre 2021

Code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme

APPELANT

Monsieur [H] [D],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

[5] prise en la personne de ses représentants légaux demeurant pour ce audit siège,,

[Adresse 2]

représentée par Madame [P], munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 10 Mai 2022 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : M. Christophe ESTEVE, Président et Mme Florence DOMENEGO, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Cécile MARTIN

lors du délibéré :

M. Christophe ESTEVE, Président, et Mme Florence DOMENEGO, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 05 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

EXPOSE DU LITIGE :

M. [O] [V], né en 1921 et immatriculé au régime général sous le numéro [XXXXXXXXXXX01], a obtenu le bénéfice d'une retraite personnelle à compter du 1er janvier 1987, assortie de l'allocation supplémentaire à compter du 13 août 1997.

La [5] a effectué un contrôle de la situation de M. [O] [V] en juillet 2012 et a procédé à l'arrêt de la totalité des prestations dans l'attente des justificatifs de son existence et de sa résidence, selon courrier en date du 25 septembre 2012.

Le 11 juillet 2013, M. [D], chez lequel M. [V] était domicilié, a indiqué que ce dernier vivait actuellement à Ain Touta en Algérie et présentait un état de santé ne lui permettant pas de revenir en France pour les nécessités du contrôle engagé par la [5].

Le 10 février 2015, la [5] a réceptionné des autorités algériennes un acte de décès de M. [V] survenu le 3 janvier 2003 et a vérifié le compte bancaire sur lequel étaient virées les pensions de retraite de son assuré, découvrant la présence d'une unique procuration sur ce dernier établie au nom de [H] [D] en 2002.

Le 12 mars 2015, la [5] a notifié à M. [H] [D] un indu de 64 706,78 euros correspondant aux pensions de retraite versées entre le 1er février 2003 et le 31 août 2012.

La [5] a également notifié à M. [D] une pénalité financière de 3 000 euros, sanction confirmée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon dans son jugement du 24 octobre 2017.

Le 18 décembre 2019, la [5] a mis en demeure M. [D] de lui payer la somme de 64 706,78 euros.

Le 14 février 2020, M. [D] a saisi la commission de recours amiable laquelle a rejeté sa contestation le 13 mars 2020.

Le 17 février 2020, M. [D] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon, lequel a, dans son jugement du 18 octobre 2021, :

- constaté que [O] [V] était décédé le 3 janvier 2003 et que sa retraite personnelle et l'allocation supplémentaire avaient été versées à tort du 1er février 2003 au 31 août 2012 pour un montant de 64 706,78 euros

- constaté que M. [H] [D], qui avait seul procuration sur le compte bancaire de M. [V], avait usé de manoeuvres pour que la [5] continue à verser les arrérages de pension de [O] [V]

- dit que M. [D] était redevable de la somme de 64 706,78 euros

- condamné M. [D] au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- prononcé l'exécution provisoire

- débouté M. [D] de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration en date du 9 novembre 2021, M. [H] [D] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures soutenues à l'audience, M. [H] [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions

- surseoir à statuer dans l'attente des suites données à la plainte déposée par la [5] contre X pour fraude aux prestations de sécurité sociale le 30 juillet 2015, à charge pour la [5] de justifier de ces suites dans un délai de six mois et du fait que l'action publique n'était pas prescrite

- à défaut, déclarer prescrite la [5] en ses demandes

- subsidiairement, débouter la [5] de l'ensemble de ses demandes

- condamner la [5] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, M. [H] [D] sollicite un sursis à statuer pour connaître la suite pénale donnée à la plainte de la [5] le 31 juillet 2015. Subsidiairement, il soulève la prescription de l'action en répétition d'indu, à défaut pour cette dernière d'avoir été engagée avant le 1er septembre 2017, et plus subsidiairement la prescription des sommes perçues préalablement au 21 décembre 2014. Sur le fond, M. [D] soutient que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie et qu'aucun élément ne vient prouver qu'il a commis des actes positifs de nature à entraîner la remise de fonds par la [5].

Dans ses dernières écritures en date du 14 avril 2022, soutenues à l'audience, la [5] demande à la cour de :

- refuser le sursis à statuer

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Besançon du 18 octobre 2021

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes.

A l'appui de ses demandes, la [5] s'oppose au sursis à statuer, estimant ce dernier inutile à la solution du présent litige et rappelant que si les faits sont éventuellement prescrits en matière pénale, elle peut parfaitement poursuivre son action en recouvrement devant les juridictions civiles. La [5] conteste toute prescription de son action comme des sommes réclamées et soutient que M. [D] a sciemment bénéficié de manière indue des pensions de retraite de [O] [V] et fait de fausses déclarations en vue de continuer à percevoir ces dernières.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur le sursis à statuer :

Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, le cours de l'instance peut être suspendu, par une décision de sursis, pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

En l'espèce, si M. [D] sollicite de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de l'enquête pénale diligentée en suite de la plainte déposée par la [5] le 30 juillet 2015, il convient cependant de relever que cette plainte, effectuée sans constitution de partie civile, n'a pas mis en mouvement l'action publique, de telle sorte que les dispostions de l'article 4 du code de procédure pénale, qui impose un sursis sur l'action civile dans l'attente de la décision sur l'action publique, ne sont pas applicables.

Aucun intérêt ne commande par ailleurs de voir ordonner ce sursis, au regard des pièces que la [5] a d'ores et déjà réunies et sur lesquelles l'enquête pénale n'apportera pas de plus amples informations pour la pertinence des débats et la solution du présent litige compte-tenu de l'ancienneté des faits et de l'absence de tout élément d'identité sur les personnes citées par M. [D].

Il y a donc lieu de débouter M. [D] de cette demande.

- sur la prescription :

Aux termes de l'article L 355-3 du code de sécurité sociale, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

En cas de fraude ou de fausse déclaration, la demande de remboursement doit être présentée dans le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, conformément à l'article 2224 du code civil.

En l'espèce, la demande en répétition a été présentée à M. [D] par la [5] le 12 mars 2015 et correspond aux pensions de retraite indûment versées entre le 1er février 2003 et le 31 août 2012.

Si M. [D] ne conteste pas le caractère frauduleux des sommes ainsi réclamées par la [5] et l'application d'une prescription quinquennale à l'action en répétition engagée, ce dernier soulève cependant à tort que le point de départ de cette action doit se situer au 1er septembre 2012, date à laquelle la [5] a suspendu le versement de la pension de retraite et du supplément de retraite.

En effet, à cette date, la [5] n'avait pas encore rencontré M. [D], chez lequel était domicilié M. [O] [V], et n'avait ainsi pu procéder aux opérations de contrôle de la situation de son pensionné, comme en témoignent les compte-rendus de mission des 26 juillet 2012 et 20 septembre 2012.

Il ne saurait tout autant être reproché à la [5] d'avoir particulièrement tardé dans les investigations menées et de n'avoir saisi les autorités algériennes que le 5 janvier 2015, alors même que lors de l'entretien du 11 juillet 2013, M. [D] lui a soutenu que M. [O] [V] était toujours vivant et demeurait ponctuellement en Algérie, dans l'attente d'une amélioration de son état de santé et d'un retour à son domicile.

Aucune mauvaise foi de la [5] dans les opérations de contrôle n'est en conséquence établie, cette dernière ayant poursuivi ses vérifications auprès de la [4] en janvier 2014 tout en patientant dans l'attente d'un hypothétique retour de M. [O] [V].

Le point de départ du délai de prescription doit en conséquence être fixé au 12 mars 2015, date à laquelle, après avoir pris connaissance de l'acte de décès de M. [O] [V] et des modalités financières du compte bancaire sur lequel étaient versées depuis 2002 les pensions de retraite, la [5] a découvert la fraude et enjoint à M. [D] de lui payer la somme de 64 706,78 euros.

Dès lors, en adressant par courrier recommandé une mise en demeure le 18 décembre 2019 à l'encontre de M. [D], qu'il a contestée par courriers recommandés du 17 février 2020 devant la commission de recours amiable et devant le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon, la [5] a agi dans le délai de cinq ans requis et a interrompu le délai de prescription.

L'action en répétition d'indu n'est en conséquence pas prescrite et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Tout autant, aucune prescription quinquennale ne saurait être appliquée aux sommes réclamées par la [5].

En effet, dès lors que la [5] agit dans les cinq ans de la découverte de la fraude, elle est légitime à réclamer la totalité des sommes indues et ce, quelles que soient leurs dates de paiement.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur la demande en répétition :

En l'espèce, la [5] a versé, sur le compte bancaire ouvert à la [4] au nom de [O] [V], la somme de 64 706,78 euros au titre des pensions de retraite et l'allocation supplémentaire de retraite entre le 1er février 2003 et le 31 août 2012, alors que le pensionné est décédé le 3 janvier 2003.

Si M. [D] fait grief aux premiers juges de l'avoir condamné au paiement de cette somme, les éléments recueillis par la [5] auprès de la [4] témoignent cependant que ce dernier bénéficiait depuis 2002 d'une procuration sur ce compte bancaire, à l'exclusion de toute autre personne contrairement à ce que soutient l'appelant, et qu'il a modifié et fixé à son propre domicile l'adresse du détenteur du compte à compter du 16 février 2004, alors que [O] [V] était décédé depuis plus d'un an et n'a évidemment pu donner son accord en ce sens ou effectuer lui-même une telle démarche.

M. [D] a en conséquence manifestement été destinataire à compter du 16 février 2004 des relevés bancaires comme des effets de paiement dont était assorti le compte et s'il soutient avoir remis ces derniers au neveu de [O] [V], il ne produit cependant à l'appui de ces allégations aucun élément permettant d'établir qu'un tiers, autre que lui, aurait procédé aux retraits effectués mensuellement sur le compte de la [4] et aurait bénéficié des pensions de retraite indument perçues.

Cette preuve ne saurait se déduire des attestations de Mme [T] et et de M. [C], dès lors qu'elles ont manifestement été établies pour les besoins de la cause et présentent un contenu sujet à caution.

L'attestation de Mme [T] ne répond ainsi pas aux exigences de forme posées par l'article 202 du code de procédure civile, et n'est ni signée ni manifestement rédigée manuscritement par une personne de 89 ans, dont l'identité est au surplus partiellement tronquée. L'attestation de M. [C] est tout autant rédigée par un tiers et comporte des éléments d'information d'une part curieusement précis pour une personne dont l'emploi ne concernait pas l'accompagnement administratif des résidents au sein du Foyer [6] et pour des faits datant de presque 20 ans, et d'autre part en totale contradiction avec les propres déclarations de M. [D] lors du contrôle effectué par la [5].

Lors de l'entretien du 11 juillet 2013, M. [D] a au contraire sciemment dissimulé le décès de [O] [V] à la [5], assurant au contrôleur qu'il l'hébergeait encore à cette date et qu'il attendait son retour de vacances, sans évoquer à aucun moment le 'service' qu'il lui aurait rendu pour percevoir son courrier et effectuer des tâches administratives pour son compte. Par ailleurs, s'il s'est prévalu lors de son audition du 2 septembre 2015 de l'existence d'un neveu de [O] [V], dénommé [B] [V], et de M. [L], un ami, cet 'entourage familial proche' était curieusement absent du questionnaire sur le règlement de succession que M. [D] a renvoyé à la [5] le 27 mars 2015 et était au surplus non-identifiable, aucune adresse ou numéro de téléphone ne pouvant être donnée par l'appelant pour confirmer l'existence de ces personnes et l'organisation de leurs 'rencontres'.

Enfin, les relevés du compte bancaire de la [4] produits aux débats démontrent que les retraits sur ce compte ont perduré jusqu'au 28 janvier 2014, alors même que M. [D] a indiqué par la voix de son conseil, dans son courrier du 20 août 2015, 'que le neveu de [O] [V] était toujours venu jusqu'en 2012 retirer le courrier' et lors de son audition du 2 septembre 2015 que 'M. [L] 'était décédé depuis il y a quelques années', contredisant en conséquence le fonctionnement par un tiers, autre que lui, du compte bancaire, ce qu'il avait reconnu lors de la procédure relative à la pénalité financière, avant de se rétracter, comme en atteste le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon du 24 octobre 2017 dont il n'a pas relevé appel.

Ce fonctionnement par M. [D] du compte-courant est également confirmé par la régularité des retraits, dont la multiplicité sur certains mois ressort comme incompatible avec les allégations de l'appelant indiquant une venue bimestrielle du neveu en France.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. [D] avait usé de manoeuvres frauduleuses pour que la [5] continue de verser les pensions de retraite de [O] [V] après son décès et qu'il devait donc être condamné à restituer la somme de 64 706,78 euros.

Le jugement entrepris sera enconséquence confirmé de ce chef.

- sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [D] sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déboute M. [H] [D] de sa demande de sursis à statuer

- Déboute M. [H] [D] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription

- Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Besançon du 18 octobre 2021 en toutes ses dispositions

Y ajoutant :

- Déboute M. [H] [D] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne M. [H] [D] aux dépens.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le cinq juillet deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Cécile MARTIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01997
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.01997 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award