ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 5 JUILLET 2022
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 3 mai 2022
N° de rôle : N° RG 21/01885 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EN57
S/appel d'une décision
du Pole social du TJ de Besançon
en date du 14 septembre 2021
Code affaire : 89B
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur
APPELANTS
Madame [J] [Y] demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Anne-Sylvie GRIMBERT, avocat au barreau de BESANCON, présente
Madame [J] [Y] en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur Mademoiselle [A] [Y], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anne-Sylvie GRIMBERT, avocat au barreau de BESANCON, présente
Madame [J] [Y] en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur Madame [R] [Y], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anne-Sylvie GRIMBERT, avocat au barreau de BESANCON, présente
Madame [J] [Y] en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur Monsieur [M] [Y], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anne-Sylvie GRIMBERT, avocat au barreau de BESANCON, présente
INTIMES
Monsieur [G] [D], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Bernard VANHOUTTE, avocat au barreau de BESANCON, présent
CPAM DU DOUBS, sise [Adresse 2]
représentée par Mme [N] [B], audiencier, présente, selon pouvoir signé le 16 décembre 2021 par Mme [E] [S], directrice de la CPAM du DOUBS
Société [L] ET [T], sise [Adresse 1]
représentée par Me Camille BEN DAOUD, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Pascal ORMEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, absent
[8] sise [Adresse 6]
représentée par Me Camille BEN DAOUD, Postulante, avocat au barreau de BESANCON, présente et par Me Pascal ORMEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, absent
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 3 Mai 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Juin 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogé au 5 juillet 2022.
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FAITS ET PROCEDURE
M. [W] [Y] a été victime d'un accident du travail mortel le 23 février 2015, alors qu'il exerçait son activité pour le compte de M. [G] [D], artisan exerçant sous l'enseigne [7], en vertu d'un contrat de travail intervenu le 3 avril 2008.
Consécutivement à cet accident, la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs (ci-après CPAM) a servi à son épouse, Madame [J] [Y], une rente viagère.
Mme [J] [Y] ayant sollicité auprès de la caisse, par courrier du 22 fevrier 2017, la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, M. [G] [D] a reconnu l'existence d'une telle faute suivant procès-verbal du 30 août 2017.
Mme [J] [Y] a saisi la juridiction du contentieux de la sécurité sociale le 20 juin 2019 aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice d'affection et de celui des trois enfants mineurs issus de son union avec son époux et, subsidiairement l'organisation d'une mesure d'expertise, et la compagnie d'assurance [9] est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a :
- déclaré irrecevable comme mal dirigée la demande présentée à l'encontre de la société [7] par Mme [J] [Y], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, nés de son union avec M. [W] [Y] ([A] [Y], [R] [Y], [M] [Y])
- condamné Mme [J] [Y]. agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités à payer, chacun, à M. [G] [D] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens
- condamné la CPAM à verser à MM. [X] [L] et [C] [T], co-liquidateurs judiciaires de la société [9] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles
Par déclaration du 18 octobre 2021 Mme [J] [Y] a relevé appel de cette décision et aux termes de ses derniers écrits transmis le 7 février 2022, demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- dire que l'action dirigée contre M. [G] [D], exerçant à titre personnel sous l'enseigne [7], est recevable et non prescrite
- constater que M. [G] [D], en sa qualité d'employeur, a reconnu sa faute inexcusable dans l'accident du travail mortel dont a été victime M. [W] [Y] le
23 février 2015
A titre principal
- condamner en conséquence M. [G] [D] exerçant à titre personnel sous l'enseigne [7] à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice d'affection et les sommes suivantes au titre du préjudice d'affection de ses trois enfants mineurs :
* [A] [Y] : 35 000 euros
* [R] [Y] : 35 000 euros
* [M] [Y] : 40.000 euros
- fixer au maximum la majoration de la rente versée par la CPAM
- dire qu'en vertu de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des sommes dues portera intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir
A titre subsidiaire
- ordonner une expertise afin de chiffrer les préjudices subis
- condamner M. [G] [D] exerçant à titre personnel sous l'enseigne [7] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel en sus des dépens
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir
Par conclusions transmises le 31 mars 2022, M. [G] [D] conclut à la confirmation du jugement entrepris et, subsidiairement au rejet de la demande d'expertise et à la réduction à de plus justes proportions des prétentions formulées par l'appelante, invitant enfin la cour à statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par conclusions transmises le 8 avril 2022, la CPAM demande à la cour de :
- dire recevable le recours de Mme [J] [Y]
- homologuer le procès-verbal de conciliation établi le 30 août 2017 aux termes duquel M. [G] [D] reconnaît l'existence d'une faute inexcusable en sa qualité d'employeur
- fixer le montant de la majoration de la rente de Mme [J] [Y] et condamner M. [G] [D] à la rembourser à la CPAM
- condamner celui-ci au remboursement des éventuels frais d'expertise
- fixer le préjudice moral de Mme [J] [Y] et de ses trois enfants, que la caisse sera amenée à avancer et condamner M. [G] [D] au remboursement de ces sommes conformément à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale
Suivant écrits visés le 11 avril 2022, MM. [L] et [T], co-liquidateurs de la société [9], compagnie d'assurance de droit étranger, demandent à la cour de :
A titre principal,
- dire qu'aucune preuve n'est rapportée par les parties de la souscription d"un contrat d'assurance de M. [G] [D] auprès de la compagnie [9]
- confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions
- ordonner leur mise hors de cause
- débouter les parties de toute demande formée à l'encontre de la compagnie [9] et de ses liquidateurs
A titre subsidiaire, si la cour était amenée à prononcer une telle condamnation
- juger qu'aucune condamnation pécuniaire ne peut être prononcée contre les co-liquidateurs de [9] dans le cadre de la présente instance
- fixer en conséquence au passif de la société [9] les montants qui seraient prononcés à son encontre
En tout état de cause,
- condamner toute partie succombante à leur verser, ès qualités de co-liquidateurs judiciaires de la société [9], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 3 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité de l'action au regard de la qualité à défendre
M. [G] [D] réitère à hauteur d'appel la fin de non recevoir développée au visa de l'article 32 du code de procédure civile et accueillie en première instance, en faisant valoir que Mme [J] [Y] a engagé son action en reconnaissance de la faute inexcusable à l'encontre de la société [7], qui n'avait aucune qualité à défendre dans le présent litige, pour n'avoir aucune existence juridique au temps du contrat de travail de M. [W] [Y], puisqu'il exerçait alors en son nom personnel en tant qu'artisan.
Mme [J] [Y] soutient au contraire que si son action a été initialement dirigée contre la société [7], elle a régularisé la procédure, conformément à l'article 126 du code de procédure civile, par voie de conclusions en agissant désormais à l'encontre de M. [G] [D] en tant qu'employeur de son époux, de sorte que la cause de l'irrecevabilité ayant disparu au jour où ils ont statué les premiers juges ne pouvaient accueillir la fin de non recevoir ainsi soulevée.
En vertu de l'article 32 du code de procédure civile, 'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
Selon l'article 126 alinéa 1er du même code 'dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue'.
Il est constant que si Mme [J] [Y] a dans un premier temps, dans sa requête initiale expédiée sous pli recommandé le 25 juin 2019, diligenté son action à l'encontre de 'la société [7] [G] [D]', elle a par ses derniers écrits déposés devant les premiers juges régularisé la procédure en agissant et en formulant désormais ses prétentions à l'encontre de M. [G] [D], en sa qualité d'employeur exerçant à titre personnel sous l'enseigne [7], lequel est d'ailleurs intervenu volontairement à l'instance par voie de conclusions, visées dans le jugement entrepris.
Il suit de là que la cause d'irrecevabilité ayant disparu au jour où la juridiction de première instance a statué, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non recevoir de la partie défenderesse.
Le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef et l'action déclarée recevable.
II- Sur la prescription de l'action
M. [G] [D] soulève la prescription faute pour Mme [J] [Y] d'avoir agi à son encontre en tant qu'employeur dans le délai de deux ans de l'accident ou, à tout le moins, dans les deux ans de la reconnaissance de la faute inexcusable par procès-verbal du 30 août 2017, à la supposer valide, et souligne qu'aucun acte n'a interrompu ce délai.
En réponse l'appelante conteste que la prescription soit acquise puisqu'elle a régulièrement agi le 25 juin 2019 à l'encontre de M. [G] [D] dans les deux ans du procès-verbal de reconnaissance de la faute inexcusable de celui-ci régularisé le 30 août 2017.
En vertu de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, le point de départ de la prescription biennale en matière de prestations d'accidents de travail est fixé au jour de l'accident.
Il résulte par ailleurs d'une jurisprudence constante que la prescription est interrompue, en ce qui concerne la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, par la requête adressée à la CPAM en vue d'organiser la tentative de conciliation préalable obligatoire.
En l'espèce, M. [W] [Y] a été victime d'un accident du travail mortel survenu le 23 février 2015, qui a été pris en charge par la CPAM au titre de la législation sur les risques professionnels par décision notifiée à Mme [J] [Y] le 15 avril 2015.
L'appelante a saisi la caisse aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par courrier recommandé expédié le 22 février 2017, soit dans le délai de deux ans à compter de la notification de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident mortel subi par son conjoint et dans le délai de deux ans à compter de cet accident.
Du fait de l'interruption de la prescription à cette date et durant le délai de mise en oeuvre de la procédure de conciliation jusqu'à la date du procès-verbal de non-conciliation le 30 août 2017, celle-ci n'a recommencé à courir qu'à compter de cette date.
Il s'ensuit que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 25 juin 2019 est donc bien intervenue dans le délai de deux ans, de sorte que l'action est recevable.
Si M. [G] [D] se prévaut du fait qu'à cette date l'action n'a pas été dirigée à son encontre mais à l'encontre d'une entité juridique inexistante, et que la régularisation n'est intervenue que postérieurement à l'expiration du délai de prescription susvisé, il doit être souligné d'une part que la saisine de la Caisse a été faite à l'égard de M. [G] [D], puisque celui-ci est bien désigné dans le procès-verbal comme étant, à titre personnel, l'employeur du salarié décédé, et d'autre part que le contrat de travail consenti à M. [W] [Y] le 3 avril 2008 désignant à trois reprises dans l'acte l'employeur comme étant '[7] représentée par M. [D] [G]' a pu induire en erreur l'ayant-droit du salarié sur la qualité exacte de l'employeur de son conjoint, de sorte que l'intimé ne peut à ce titre se prévaloir de sa propre négligence pour exciper de la prescription.
En tout état de cause, la désignation de l'employeur par l'enseigne sous laquelle il exerce son activité constitue une irrégularité de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
Or en l'espèce, M. [G] [D], qui a été invité à l'audience à faire valoir ses observations sur ce point, ne justifie pas du grief que lui aurait causé le vice de forme affectant l'acte de saisine de la juridiction de première instance, lequel a donc interrompu la prescription.
Le moyen tiré de la prescription sera donc écarté.
III - Sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur
Selon l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
L'article L.452-3 vient préciser à sa suite qu'en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L.434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est alors versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
En l'espèce, M. [G] [D] tente vainement au regard du principe de l'estoppel de soutenir en la cause qu'il aurait admis le principe d'une faute inexcusable dans le cadre de la procédure de conciliation intervenue par l'entremise de la CPAM, dans un état de faiblesse, qu'il ne justifie en aucun cas, alors qu'il a expressément reconnu que l'accident mortel de son salarié était imputable à une faute inexcusable de sa part en signant sans réserve le procès-verbal de conciliation du 30 août 2017.
La faute inexcusable de l'employeur est donc définitivement acquise.
Sans qu'il soit besoin, ainsi que le demande la caisse, de procéder à l'homologation du procès-verbal susvisé, il sera dit qu'il produit son plein et entier effet.
IV- Sur l'indemnisation des préjudices d'affection et la majoration de la rente
En vertu des dispositions de l'article L.452-3, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l'employeur ouvre aux ayants droit de la victime en cas de décès de celle-ci le bénéfice de la réparation de leur préjudice moral.
Il en résulte que Mme [J] [Y], épouse de M. [W] [Y], est légitime en son nom personnel et ès qualités de représentante légale des trois enfants mineurs nés de son union avec ce dernier, de solliciter l'indemnisation de leur préjudice d'affection respectif.
En revanche, les développements figurant à ses écritures portant sur les incidences exclusivement économiques du décès de M. [W] [Y], indéniables mais indemnisées dans un autre cadre, ne seront pas pris en considération dans l'appréciation de l'indemnisation du préjudice d'affection.
Le préjudice d'affection est le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe de l'accident du travail, lequel est d'autant plus important qu'il existait une communauté de vie avec la victime.
S'agissant du conjoint survivant, il indemnise la douleur d'avoir perdu son compagnon de vie mais encore le préjudice résultant de l'atteinte à son intégrité psychique, consécutive à l'accident (Civ. 2ème 23 mars 2017, n° 16-13.350).
S'agissant des enfants mineurs, il indemnise non seulement la douleur d'avoir perdu un père mais encore la perte de la possibilité d'être élevés par ce dernier (Civ. 2ème 3 mai 2016, n° 15-81.732), ce qui permet à l'enfant qui n'a pu avoir conscience de l'existence de son père, compte tenu de son très jeune âge ou de son état d'enfant à naître, de demander dès sa naissance réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu'il était conçu (Civ. 2ème 14 décembre 2017 n° 16-26.687).
Au cas particulier, M. [W] [Y] est décédé à l'âge de 44 ans, après une vie commune d'environ dix ans avec Mme [J] [Y] ayant donné lieu à la naissance de trois enfants nés respectivement en 2011, 2013 et 2015, laissant seule l'appelante, qui aurait pu espérer vivre avec celui-ci de nombreuses années encore et élever avec lui leur jeune progéniture, alors que le benjamin de la fratrie n'était né que depuis treize jours au jour du décès de son père.
Le caractère brutal du décès de l'intéressé et la situation très particulière de Mme [J] [Y], dont le veuvage est survenu alors qu'elle venait d'accoucher de son troisième enfant et se trouvait contrainte d'élever seule à l'avenir trois jeunes enfants, alors qu'elle n'exerçait jusqu'alors aucune activité professionnelle, justifie l'indemnisation du préjudice de celle-ci par l'allocation d'une somme de 35 000 euros.
En ce qui concerne [A] [Y], née le 12 octobre 2011, [R] [Y], née le 31 janvier 2013 et [M] [Y], né le 10 février 2015, ils ont eux aussi subi un préjudice moral important, dès lors qu'ils auraient pu espérer bénéficier pendant de nombreuses années encore de la présence de leur père à leurs côtés.
En revanche, à la différence de leur frère les deux aînées peuvent invoquer un préjudice lié à la perte d'un être cher, avec lequel ils ont pu partager une vie commune, aussi courte soit-elle.
Il sera en conséquence alloué à [A] et [R] [Y] la somme de 25 000 euros chacune et à [M] [Y] la somme de 20 000 euros.
Par ailleurs, la faute inexcusable de l'employeur étant retenue, il sera fait droit à la demande de l'appelante tendant à la majoration de la rente, conformément à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale.
En vertu de dispositions de l'article L.452-3 du même code, M. [G] [D] sera condamné à rembourser à la Caisse les sommes dont elle aura fait l'avance à ces titres.
V- Sur la demande de mise hors de cause de l'assureur appelé à la cause
Faute pour la CPAM et pour M. [G] [D] lui-même de justifier d'un contrat d'assurance signé avec la compagnie [8], a fortiori couvrant la période de survenance du sinistre, objet du présent litige, c'est à tort que cette compagnie a été appelée à la cause.
Il sera donc fait droit à la demande de MM. [X] [L] et [C] [T], co-liquidateurs de cette société d'assurance, tendant à ce qu'elle soit mise hors de cause.
Aucune demande de condamnation n'étant formée à l'encontre de celle-ci, le surplus des prétentions des co-liquidateurs est dépourvu d'objet.
VI- Sur les demandes accessoires
La CPAM, qui est à l'origine de l'appel en cause de la compagnie [8], alors qu'elle convient dans ses écrits n'avoir jamais eu communication d'un contrat d'assurance couvrant le sinistre en cause, mais seulement un document détaillant des garanties, ne mentionnant aucune référence à M. [G] [D] et portant au surplus une date postérieure au sinistre (6 juillet 2017), sera condamnée à verser à MM. [X] [L] et [C] [T], ès qualités de co-liquidateurs de cette société d'assurance, la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure. Elle sera en outre condamnée aux dépens exposés par les intéressés, en cette même qualité.
M. [G] [D], qui succombe à hauteur d'appel sera condamné à verser à l'appelante une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera le surplus des dépens de première instance et d'appel.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ECARTE les fins de non recevoir soulevées par M. [G] [D].
DIT en conséquence Mme [J] [Y], agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses trois enfants mineurs, recevable en son action à l'encontre de M. [G] [D].
DIT que le procès-verbal de reconnaissance par M. [G] [D] de sa faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail mortel dont a été victime M. [W] [Y], signé le 30 août 2017, produit son plein et entier effet.
DIT n'y avoir lieu à homologation dudit procès-verbal.
FIXE le montant de la rente versée à son maximum.
FIXE comme suit l'indemnisation des préjudices moral et d'affection :
* pour Mme [J] [Y] : 35 000 euros
* pour [A] [Y] :25 000 euros
* pour [R] [Y] : 25 000 euros
* pour [M] [Y] : 20 000 euros
DIT que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
MET hors de cause la compagnie [8], prise en la personne de MM. [X] [L] et [C] [T], ès qualités de co-liquidateurs.
DIT que la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs fera l'avance des sommes ci-dessus fixées et qu'elle pourra récupérer à l'encontre de M. [G] [D] les compléments de rente et indemnités versées par elle.
CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs à verser à MM. [X] [L] et [C] [T], ès qualités de co-liquidateurs de la compagnie [8], la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs aux dépens de première instance et d'appel exposés par MM. [X] [L] et [C] [T], ès qualités de co-liquidateurs de la compagnie [8].
CONDAMNE M. [G] [D] à payer à Mme [J] [Y], tant en son nom personnel qu'ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [G] [D] au surplus des dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le cinq juillet deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,