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28/06/2022 | FRANCE | N°21/01987

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 juin 2022, 21/01987


ARRET N° 22/

BUL/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 28 JUIN 2022



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 06 Mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01987 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOET



S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS-LE-SAUNIER

en date du 13 octobre 2021

code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme





APPELANTE



Société [2] DE [Localité 3],

[Adresse 1]

représentée

par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me TREBET





INTIMEE



CPAM DU JURA,

Service juridique - [Adresse 4]

représentée par Madame [P] [K], audiencier à la CPAM du Doubs, muni...

ARRET N° 22/

BUL/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 28 JUIN 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 06 Mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01987 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOET

S/appel d'une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS-LE-SAUNIER

en date du 13 octobre 2021

code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme

APPELANTE

Société [2] DE [Localité 3],

[Adresse 1]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me TREBET

INTIMEE

CPAM DU JURA,

Service juridique - [Adresse 4]

représentée par Madame [P] [K], audiencier à la CPAM du Doubs, muni d'un pouvoir de représentation daté du 06 avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 06 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Cécile MARTIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 24 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, le délibéré a été prorogé au 28 juin 2022.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [E] [O], salarié de la société [2] de [Localité 3] en qualité d'ouvrier de fromagerie, a été victime d'un accident le 13 novembre 2015 alors qu'il se trouvait en hauteur sur le broyeur, en glissant sur le marche-pied, il a chuté et est tombé au sol sur le côté droit. Le certificat médical initial du 16 novembre suivant relève des 'contusions de l'épaule, du bras et de parties autres non précisées du pied'.

Le 24 novembre 2015, cet accident a été pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie du Jura (ci-après CPAM) au titre de la législation sur les risques professionnels.

Son état de santé a été considéré consolidé par le médecin conseil de la CPAM le 17 septembre 2018 et par courrier du 15 novembre 2018 la caisse a notifié à la société [2] de [Localité 3] un taux d'incapacité permanente de 30% attribué à son salarié à compter du 18 septembre 2018.

Contestant la fixation de ce taux, la société [2] de [Localité 3] a saisi, le 26 novembre 2018, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Besançon et suivant jugement du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Besançon, devenu matériellement compétent, s'est dessaisi au profit du tribunal judiciaire de Lons le Saunier.

Par jugement du 13 octobre 2021, après avoir ordonné une mesure de consultation confiée au docteur [X], en application de l'article R.142-16 du code de la sécurité sociale, lequel s'est adjoint un sapiteur en la personne du docteur [L], chirurgien orthopédiste, ce tribunal a :

- déclaré recevable le recours

- infirmé la décision de la CPAM du Jura du 15 novembre 2018

- dit qu'à la date du 17 septembre 2018 le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [2] de [Localité 3] suite à l'accident du travail survenu le 13 novembre 2015 par M. [E] [O], son salarié, est de 20%

- laissé les dépens à la charge de la CPAM du Jura

Par déclaration adressée au greffe sous pli recommandé avec avis de réception le 2 novembre 2021, la société [2] de [Localité 3] a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses écrits, visés le 15 février 2022, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

A titre principal,

- entériner l'avis médical du docteur [I] et juger que les séquelles consécutives à l'accident du travail du 13 novembre 2015 justifient à l'égard de l'employeur l'opposabilité d'un taux d'incapacité de 5%

A titre subsidiaire, jugeant de l'existence d'un différend d'ordre médical documenté,

- ordonner une mesure de consultation ou d'expertise médicales

- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de cette mesure d'instruction

Aux termes de ses conclusions visées le 15 avril 2022, la CPAM sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, le rejet des prétentions adverses et la condamnation de l'appelante aux éventuels dépens. Dans l'hypothèse d'une expertise, elle demande à la cour d'en limiter la mission à la détermination du taux d'IPP et de condamner l'appelante aux frais afférents.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, développées oralement lors de l'audience de plaidoirie du 6 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ce barème indicatif, annexé à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale, précise notamment que 'les quatre premiers éléments de l'appréciation concernent l'état du sujet considéré, du strict point de vue médical. Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d'influer sur l'estimation globale (...) On peut être ainsi amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel (...).' 

Pour fixer à 20% le taux d'incapacité permanente partielle de M. [E] [O] opposable à la société [2] de [Localité 3], infirmant ainsi la décision de la CPAM, qui sur avis de son médecin conseil l'avait estimé à 30%, les premiers juges se sont essentiellement appuyés sur la consultation réalisée à l'audience par le docteur [X], sur le dossier médical transmis et sur les observations divergentes du docteur [I], désigné par l'employeur.

Au soutien de son appel, la société [2] de [Localité 3] fait valoir, sur la foi du rapport du docteur [I], dont elle s'approprie les termes, que l'examen clinique réalisé par le médecin conseil de la caisse présente des incohérences quant aux limitations retenues sur l'épaule droite dès lors que le docteur [I] n'a pas relevé d'amyotrophie, que les mensurations sont symétriques et même que la circonférence du biceps droit est supérieure à celle du biceps gauche, ce qui apparaît incompatible avec les limitations notées par ce médecin dans les mouvements d'abduction et d'antépulsion n'atteignant pas 10°.

Elle considère également que les résultats ininterprétables et incohérents des tests suggèrent un manque de participation du patient lors de l'examen et que les diagnostics qui n'ont pas été confirmés par des examens complémentaires sont hors de proportion avec le fait traumatique initial qu'elle qualifie de bénin.

Elle fait en outre observer que M. [E] [O] présentait un état antérieur consistant en d'importantes lésions de l'articulation claviculaire et d'un conflit sous-acromial connus consécutif à un précédent accident du travail survenu le 1er septembre 2005, et estime que la prise en compte de cet état antérieur par le médecin consultant pour ramener le taux d'iPP de 30 à 20% est insuffisante.

Elle prétend par conséquent que le taux d'iPP doit être fixé à 5%.

La caisse considère à l'inverse que l'appelante tente de minorer les conséquences du fait accidentel et omet, dans les séquelles observées après cet événement traumatique, les constatations du docteur [W], rhumatologue, qui a retenu une 'capsulite d'épaule (épaule gelée) post-traumatique', la nécessité d'une chirurgie réalisée par le docteur [F] et d'un suivi médical par le centre anti-douleur de [Localité 3] (docteur [R]).

Elle rappelle que dans le litige opposant le salarié à la caisse, le tribunal judiciaire de Besançon a retenu, dans son jugement du 8 octobre 2019, un taux d'IPP de 30%.

Si elle considère que son médecin conseil, en partant d'un taux initial de 40% ramené à 30%, compte tenu de l'état antérieur non contesté, avait parfaitement évalué l'IPP opposable à l'employeur, elle n'a pas entendu relever appel incident à l'encontre du jugement déféré qui a fixé ce taux à 20% et y acquiesce.

L'examen des éléments médicaux communiqués fait apparaître :

* qu'un étant antérieur, consécutif à un précédent accident du travail survenu le 1er septembre 2005, est incontestable et est notamment objectivé par deux IRM de l'épaule droite du 14 février 2006 (lésions séquellaires de l'articulation acromioclaviculaire) et du 8 juillet 2009 (conflit sous-acromial modéré)

* que le docteur [W], rhumatologue, a posé le 29 février 2016 le diagnostic de capsule d'épaule post-traumatique justifiant un traitement médical (infiltration intra-articulaire et kinésithérapie)

* qu'une scintigraphie osseuse réalisée le 1er août 2016 a conclu à l'absence d'élément en faveur d'une atteinte algodystrophique

* que suite à une consultation du 20 mars 2018 par le docteur [F], chirurgien orthopédiste, les séquelles observées ont conduit ce praticien à préconiser une intervention chirurgicale de l'épaule droite (acromiocleidoplastie), qui interviendra le 9 mai 2018, mais aucun compte rendu opératoire n'est communiqué

* que le médecin conseil a constaté le 4 octobre 2018 une limitation douloureuse importante de plusieurs mouvements de l'épaule droite dominante, des mensurations quasi identiques des membres supérieurs excluant toute amyotrophie, décrété non réalisable le testing tendineux des muscles de la coiffe et du long biceps de l'épaule droite et conclu à un taux d'IPP de 30%

* que l'examen clinique par le docteur [X], médecin consultant, conclut à un taux, tenant compte de l'état antérieur, de 20%

* que le docteur [I] mandaté par l'employeur relève, dans son expertise du 5 novembre 2019 réalisée sur pièces, que l'absence d'amyotrophie du membre supérieur droit est en contradiction avec le diagnostic d'une épaule droite gelée et les limitations caricaturales des mouvements de cette épaule, de même que le constat d'une force musculaire nulle ne peut être liée à l'épaule puisque les mouvements de serrage de la main sont assurés par les muscles de l'avant bras et déduit qu'en l'absence de description précise des lésions traumatiques initiales, seul peut être retenu un taux d'IPP en lien avec l'accident du 13 novembre 2015 de 5%

* que le docteur [L], sapiteur du docteur [X], estime que les séquelles exclusivement imputables à l'accident du 13 novembre 2015 sont constituées d'une raideur moyenne de l'épaule droite dominante avec diminution de l'abduction à moins de 30° en passif et en actif et le conduit à évaluer le taux d'IPP à 20%

* qu'aux termes du jugement rendu le 8 octobre 2019 par le tribunal judiciaire de Besançon dans le litige opposant la CPAM à M. [E] [O], le docteur [B], désigné en qualité de médecin consultant et dont il est repris l'intégralité du rapport, conclut à un taux d'IPP de 30% après prise en compte d'un état antérieur dont les séquelles sont estimées à 10%

Il résulte des relevés effectués par le médecin conseil le 4 octobre 2018 et figurant à son rapport médical d'évaluation que les amplitudes de l'épaule droite, non améliorables en passif, s'établissent comme suit :

* antépulsion (N : 180°) : 30°

* abduction (N : 170°) : 20°

* rétropulsion (N : 40°) : 10°

* rotation externe (N : 60°) : 30°

* circumduction, paume/vertex et paume/nuque : irréalisables

S'agissant de l'importance des séquelles observées par ce médecin, qu'il qualifie de 'limitation douloureuse importante de plusieurs mouvements de l'épaule droite dominante', il ressort du barème indicatif applicable qu'une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante est cotée entre 10 et 15% et qu'une limitation moyenne de tous les mouvements de cette même épaule est cotée à 20%.

Si le docteur [I], qui n'a pas réalisé d'examen clinique, évoque un défaut de collaboration du patient à l'examen, et une discordance entre les diagnostics et le fait traumatique initial qu'il qualifie de bénin il procède, ce faisant, par pure affirmation alors que la chute d'un salarié en position surélevée sur le coté droit, donc sur l'épaule droite dominante, provoquant des contusions et des douleurs initiales, ne constitue pas véritablement un fait traumatique bénin et que l'absence d'amyotrophie du bras droit peut s'expliquer par l'absence d'immobilisation du biceps et de l'avant-bras, au contraire mobilisés par les séances de kinésithérapie, seule l'épaule étant 'gelée'.

Au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus examinés, le rapport du docteur [I], qui propose un taux de 5% alors que l'ensemble de ses confrères a conclu à un taux exclusivement en lien avec l'accident du travail litigieux, hors état antérieur, oscillant entre 20 et 30%, n'est pas de nature à mettre sérieusement en doute la pertinence des éléments médicaux divergents.

Dans ces conditions et eu égard à la demande de confirmation sur ce point du jugement querellé par la partie intimée, la cour s'estime suffisamment éclairée par les éléments médicaux versés aux débats pour rejeter la demande subsidiaire de l'appelante tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise ou consultation médicale et confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à 20% le taux d'incapacité permanente partielle, hors état antérieur, qui résulte d'une juste appréciation des faits de la cause.

La société [2] de [Localité 3], qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DEBOUTE la SNC [2] de [Localité 3] de sa demande de mesure d'instruction.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

CONDAMNE la SNC [2] de [Localité 3] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt huit juin deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Cécile MARTIN, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01987
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.01987 ?
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