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28/06/2022 | FRANCE | N°21/00750

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 juin 2022, 21/00750


ARRET N° 22/

BUL/CM









COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 28 JUIN 2022



CHAMBRE SOCIALE







Contradictoire

Audience publique

du 26 avril 2022

N° de rôle : N° RG 21/00750 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELXJ



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 31 mars 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécuti

on





APPELANTE



Madame [O] [V],



demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Sviatoslav FOREST, avocat au barreau de BESAN...

ARRET N° 22/

BUL/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 28 JUIN 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 26 avril 2022

N° de rôle : N° RG 21/00750 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELXJ

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 31 mars 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

Madame [O] [V],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Sviatoslav FOREST, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

S.A.S.U. SASU LABORATOIRES COLOPLAST

[Adresse 4]

représentée par Me Pascale CANTENOT, Postulant, avocat au barreau de BESANCON et Me Nathalie KOULMANN, plaidant, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 26 Avril 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Cécile MARTIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, le délibéré a été prorogé au 28 juin 2022.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [V] a été engagée par contrat du 25 juillet 2012 par la société Laboratoires Coloplast en qualité de responsable de secteur (classification Groupe IV niveau A), avec pour mission essentielle d'optimiser la vente des produits de la société sur cinq départements de l'est de la France.

Une clause de forfait-jours a été insérée audit contrat par avenant du 27 août 2012 à raison de 210 jours de travail par an.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

La salariée disposait d'un véhicule de fonction et s`engageait à détenir un permis de conduire valide et à informer sa hiérarchie de toute perte de points mettant en jeu cette validité.

Le 26 février 2020, Mme [O] [V] a été contrôlée sur la commune de [Localité 3] à la vitesse de 130 km/heure (vitesse retenue 123 km/heure) alors que la vitesse autorisée était de 80 km/heure, et a fait l 'objet d'une rétention immédiate de son permis de conduire et d'une immobilisation de son véhicule de fonction.

Par décision administrative du 27 février 2020, le préfet de la Meuse, constatant l`infraction de dépassement de 40 km/heure et inférieure à 50 km/heure de la vitesse maximale autorisée, a suspendu provisoirement le permis de conduire de Mme [O] [V] pour une durée de 5 mois à compter du 26 février 2020.

Par lettre du 6 mars 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au

licenciement fixé au 19 mars 2020, mais cette convocation a été reportée, en raison de la crise sanitaire, au 26 mars 2020 et l'entretien s'est déroulé par visio-conférence, en présence de Mme [Z] [H], assistant la salariée, qui en a rédigé un compte rendu.

Par courrier daté du 1er avril 2020, la société Laboratoires Coloplast a notifié à Mme [O] [V] son licenciement pour faute grave au seul motif de cette infraction, rendant impossible la poursuite du contrat de travail durant la suspension du permis.

Contestant ce congédiement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon, lequel, par jugement du 31 mars 2021, l'a déboutée de ses entières demandes, l'a condamnée aux dépens et a rejeté la demande d'indemnité de procédure de la société Laboratoires Coloplast.

Les premiers juges ont considéré que la salariée avait gravement contrevenu, par un excès de vitesse important, à la charte automobile applicable aux salariés disposant d'un véhicule de fonction et que la durée de la suspension n'avait pas permis à l'employeur de lui proposer utilement une alternative au licenciement, pourtant recherchée de façon effective, ce qui exclut selon eux le grief d'exécution déloyale élevé par la salariée.

Par déclaration du 29 avril 2021, Mme [O] [V] a relevé appel de cette décision et aux termes des écrits transmis le 9 juin 2021, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Laboratoires Coloplast à lui payer les sommes de :

* 15 319,62 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis

* 1 531,96 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 12 255,71 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement

* 30 639,26 nets euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- à titre subsidiaire, dire que la société Laboratoires Coloplast a exécuté le contrat de manière déloyale et la condamner à lui payer la somme de 11 489,73 euros à ce titre

- en tout état de cause, condamner la société Laboratoires Coloplast à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens

Par conclusions transmises le 23 juillet 2021, la société Laboratoires Coloplast demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité de procédure

- dire le licenciement pour faute grave justifié

- débouter Mme [O] [V] de ses entières demandes

- la condamner au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'occurrence, la lettre de licenciement du 1er avril 2020, qui fixe le périmètre du litige, est ainsi libellée :

« Ces fonctions de Responsable Commerciale vous imposent de devoir vous déplacer quotidiennement sur un vaste secteur géographique (5 départements) et sont conditionnées par la détention d'un permis de conduire valide, condition essentielle lors du recrutement, un poste de commerciale étant inenvisageoble sans permis valide.

De plus, comme chaque salarié, vous vous devez de respecter l'ensemble des obligations en matière de process, règlement et Chartes d'entreprise. La Charte automobile, que vous vous êtes engagée à respecter, en fait partie. Cette Charte rappelle ainsi vos obligations en matière d'utilisation du véhicule de fonction mis à votre disposition, ainsi que du respect du code de la route.

Or, il apparaît que vous n'avez absolument pas respecté vos obligations en la matière. En effet, il se trouve que le 26 février dernier, votre manager vous avait proposé de tourner en double avec l'une de vos collègues afin que vous puissiez vous inspirer de ses bonnes pratiques commerciales, afin de les reproduire avec vos propres clients, ceci afin de vous soutenir dans votre rôle. En milieu d'après-midi, alors que vous rouliez dans votre vehicule de fonction sur le secteur de [Localité 5] dans le cadre de votre travail, vous avez été arrêtée par les forces de police pour excès de vitesse très important.

Votre excès de 43km/h au-dessus de la vitesse autorisée a occasionné ainsi l'immobilisation de votre véhicule et la confiscation immédiate de votre permis. Vous en avez alors informé [S] [K], Directrice Régionale en l'absence de votre propre manager, en congés ce jour-la. Vous nous avez transmis la copie du courrier du préfet de la Meuse nous indiquant votre sanction à savoir la suspension de votre permis de conduire suivant une procédure de rétention et ce, pour une durée minimale de 5 mois assujettie au passage d'une visite médicale.

Vous avez également sollicité le service des Ressources Humaines pour bénéficier d'une attestation précisant que votre permis de conduire vous était indispensable à votre métier de sorte d'obtenir des autorités une autorisation de circulation dérogatoire. Le service RH vous a transmis dans les meilleurs délais cette attestation. Pour autant, plus d'un mois après, vous n'avez semble-t-il toujours pas obtenu cette autorisation.

En qualité de Responsable Commerciale, la suspension de votre permis de conduire intervenue pour une infraction commise durant l'exécution de votre contrat de travail constitue une faute professionnelle, et ce d'autant plus que votre manager vous avait déjà alertée sur votre vitesse excessive lors de votre duo du 4 février dernier et que votre manager précédent vous en avait déjà fait la remarque également. En outre, votre mission auprès des professionnels de santé nécessite que vous alliez à leur rencontre, en sillonnant votre secteur qui couvre les départements du Doubs, le Haut-Rhin, la Haute-Saône, les Vosges ainsi que le territoire de [Localité 2]. La confiscation de votre permis ne vous permet plus de vous acquitter de la mission prévue par votre contrat de travail ce qui désorganisera nécessairement la société'.

Mme [O] [V] fait tout d'abord valoir au soutien de son appel que la charte automobile, qui n'est pas intégrée à son contrat de travail, n'a pas valeur normative et que son employeur invoque un fondement juridique, l'article L.4121-1 du code du travail, inapplicable à l'espèce, dès lors qu'elle n'a mis en danger aucun des salariés de la société et que ce fondement n'est pas invoqué dans la lettre de licenciement.

Elle fait encore grief aux premiers juges de ne pas avoir caractérisé la faute grave au regard du code du travail et de s'être satisfait de l'existence d'une infraction pénale sans tenir compte du fait que cette faute de conduite était due à une fatigue excessive et que la possession de 12 points confirmait que sa conduite avait été irréprochable jusqu'à cet incident alors qu'elle parcourt professionnellement 60 000 km/an depuis sept ans.

Elle considère en tout état de cause la sanction disproportionnée.

La salariée soutient par ailleurs que l'employeur ne justifie pas lui avoir fait des propositions alternatives au licenciement comme le lui impose la convention collective applicable mais s'est contenté de rejeter celles suggérées par elle, pourtant parfaitement viables.

Elle précise que la mesure de suspension, finalement ramenée à quatre mois par ordonnance pénale du 24 juin 2020, pouvait être contournée par les deux mois de confinement, par le télétravail et des congés ou RTT ou encore par le recours à un co-voiturage avec un collègue, à un chauffeur ou un proche, alors qu'en tout état de cause, elle n'a été remplacée qu'à compter du 15 juin 2020, soit quatre mois plus tard et que l'employeur, qui invitait ses commerciaux au télétravail dans une note du 13 mars 2020, a probablement bénéficié du système de chômage partiel pour ceux-ci.

En réponse l'employeur soutient au contraire que sa salariée a non seulement commis une infraction au code de la route mais s'est encore mise en danger et a contrevenu à la charte automobile avec son véhicule de fonction pendant ses heures de travail ainsi qu'à son contrat, qui lui imposait l'obligation de veiller à sa sécurité ainsi que la possession d'un permis de conduire valide, indispensable à l'exercice de ses fonctions de responsable commerciale, par nature itinérantes, au risque de générer une grave perturbation de la société.

Il explique que le confinement a cessé début mai 2020 alors que la mesure de suspension initiale de cinq mois était toujours en cours et qu'elle ne disposait pas suffisamment de congés pour pallier son absence. Il ajoute que le recours à un proche était impossible car il n'aurait pu être assuré et aurait pu constituer un travail dissimulé et que le fonctionnement en binôme de commerciaux est résiduel dans l'entreprise.

Il rappelle qu'il a attendu que sa salariée sollicite une autorisation dérogatoire de conduite pour son travail avant de la licencier, laquelle a été refusée en raison de la gravité de l'infraction.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'aux termes de son contrat de travail, 'régi par le règlement intérieur auquel le salarié doit se conformer', Mme [O] [V] disposait d'un véhicule de fonction et s'engageait 'à détenir un permis de conduire valide et à informer sa hiérarchie de toute perte de points mettant en jeu cette validité'.

C'est donc à tort que l'appelante prétend que la charte automobile invoquée par son employeur lui serait inopposable dès lors qu'étant annexée au règlement intérieur de l'entreprise, auquel elle s'est expressément engagée à se conformer, elle a pleine valeur normative et s'imposait à elle en tant que bénéficiaire d'un véhicule de fonction.

En vertu de cette charte, 'le conducteur d'un véhicule de fonction ou véhicule de service doit conduire en respectant les règles de sécurité et le code de la route et doit s'assurer que le véhicule est en bon état de marche. Les employés sont tenus de respecter les exigences exposées dans le présent document. Tout manquement à cette charte pourrait entraîner une sanction disciplinaire pouvant aller, en cas de manquement grave, jusqu'au licenciement'.

Au surplus le règlement intérieur dispose en son article 6.4 in fine que 'chaque salarié doit veiller à sa sécurité et à celle de ses collègues de travail et s'abstenir de toute imprudence, comportement, propos ou geste qui pourraient nuire à la sécurité physique ou mentale d'autrui.'

Il s'ensuit qu'en effectuant un grand excès de vitesse au volant de son véhicule de fonction pendant son temps de travail, qui a donné lieu à une immobilisation dudit véhicule et la suspension de son permis de conduire initialement fixée à une durée de cinq mois, Mme [O] [V] a incontestablement manqué aux obligations contractualisées d'une part d'observer les règles de sécurité et le code de la route, d'autre part de veiller à sa propre sécurité et enfin de détenir un permis de conduire valide.

Il résulte en outre d'un avenant applicable à compter du 1er octobre 2018 que la salariée, en qualité de responsable de secteur exerçait ses fonctions sur les départements du Doubs, de la Haute-Saône, du Territoire de [Localité 2], du Haut-Rhin et des Vosges et les parties s'accordent à retenir que dans l'exercice de son activité professionnelle elle effectuait 60 000 kms par an, de sorte que la détention d'un permis de conduire valide était effectivement indispensable à l'exercice de telles fonctions itinérantes.

Si la fatigue excessive invoquée par la salariée, outre qu'elle ne justifie pas un tel dépassement de vitesse, n'est étayée par aucun élément objectif, et que la possession de 12 points sur son permis de conduire avant la survenance de l'infraction susvisée, n'est pas contredite par l'employeur, Mme [O] [V] ne peut pour autant en déduire que sa conduite avait été irréprochable jusqu'à cet 'incident' alors qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable qu'elle n'a pas protesté lorsque le représentant de l'employeur lui a rappelé que ses supérieurs lui avaient déjà à deux reprises fait un rappel à l'ordre oral précisément au sujet de sa vitesse excessive au volant.

L'article 16 de l'avenant du 8 juillet 2009 à la convention collective applicable au contrat, dispose qu''en fonction de la durée de la suspension du permis de conduire ou de retrait du permis de conduire, l'employeur recherchera des solutions alternatives à la rupture du contrat de travail'.

Si la concomitance entre la suspension du permis de conduire de Mme [O] [V] survenue le 26 février 2020 et le confinement lié à la pandémie de la Covid19 du 17 mars au 10 mai 2020 inclus, qui a imposé à l'intéressée tout comme à ses collègues une période de télétravail, permet certes de minorer les effets de cette suspension sur la désorganisation de l'entreprise invoquée par l'employeur, cet argument ne vaut cependant que pendant cette période, au cours de laquelle le télétravail était imposé pour des raisons strictement sanitaires au plan national. L'appelante ne peut sérieusement soutenir que son employeur aurait dû l'autoriser à poursuivre cette modalité chaque jour de la semaine durant les cinq mois que durait initialement la suspension, alors que la force de vente repose incontestablement sur la rencontre avec le client, que ne peut remplacer un démarchage à distance.

L'appelante ne justifie pas qu'elle disposait de jours de congés et de RTT en nombre suffisant pour compenser son absence, qui, à la date du licenciement le 1er avril 2020 était fixée à cinq mois, pour s'achever le 27 juillet 2020, la décision fixant définitivement à quatre mois cette mesure de suspension n'étant intervenue que postérieurement, en l'occurrence le 24 juin 2020 par ordonnance pénale du tribunal judiciaire de Bar le Duc.

De la même manière, la suggestion émise par celle-ci tendant à recourir pour le temps restant de sa suspension à un co-voiturage avec un collègue n'était pas décemment acceptable pour l'employeur, qui fait à juste titre observer sur ce point qu'un tel aménagement sur une longue période aurait conduit à un déficit évident en terme d'efficacité dans le démarchage. S'agissant du recours à un chauffeur ou à l'intervention d'un proche destiné à la véhiculer, la société Laboratoires Coloplast oppose pertinemment qu'une telle option aurait posé une difficulté en termes d'assurance professionnelle voire aurait pu l'exposer à une qualification de travail dissimulé dans l'hypothèse d'un contrôle.

Si Mme [O] [V] souligne enfin à juste titre qu'elle n'a été remplacée qu'à compter du 15 juin 2020, soit quatre mois plus tard, il doit être rappelé qu'à l'origine elle n'était censée être en mesure de reprendre le travail que le 27 juillet 2020. L'appelante procède en dernier lieu par pure affirmation et conjecture lorsqu'elle affirme que l'employeur a probablement bénéficié du système de chômage partiel.

Il résulte des développements qui précèdent que la suspension du permis de conduire dont a fait l'objet l'appelante a, hors période de confinement, eu pour conséquence de désorganiser l'entreprise, puisque ses déplacements ne pouvaient pu être assurés autrement que dans des conditions non optimales et que l'employeur, qui a attendu en vain l'obtention d'une éventuelle autorisation de conduire pour les besoins professionnels de sa salariée, et a examiné chacune des options alternatives à la rupture du contrat de travail que lui soumettait cette dernière, a satisfait à ses obligations au regard de l'article 16 de l'avenant du 8 juillet 2009 précité.

Il s'ensuit en premier lieu que l'appelante ne peut lui faire le reproche d'une exécution déloyale du contrat à cet égard, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'indemnité sollicitée sur ce fondement et réitérée à hauteur de cour, à titre subsidiaire.

Par ailleurs, si l'employeur établit à suffisance à l'encontre de sa salariée les éléments propres à caractériser une faute susceptible d'être sanctionnée au sens des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, pour autant le comportement fautif de Mme [O] [V], circonscrit à cette infraction du 26 février 2020, en l'absence de précédent disciplinaire dont l'intéressé aurait fait l'objet depuis son engagement par contrat du 25 juillet 2012, et alors que l'intéressée donnait entière satisfaction dans ses fonctions et surpassait même les attentes qui lui étaient fixées dans le cadre de ses objectifs, conduit la cour à considérer que le grief articulé à son encontre ne saurait constituer une faute grave, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

Le jugement déféré sera donc partiellement infirmé sur ce point.

III - Sur les demandes pécuniaires liées au licenciement pour cause réelle et sérieuse

Dès lors que la cour retient l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement prononcé à l'encontre de Mme [O] [V], le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de celle-ci fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, seules étant examinées les demandes relatives à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

III-1 Sur l'indemnité de licenciement

Mme [O] [V], qui justifiait au jour de son licenciement d'une ancienneté de sept ans et huit mois au sein de l'entreprise, sollicite l'allocation d'une indemnité de licenciement d'un montant de 12 255,71 euros.

Selon l'article 36 de la convention collective applicable, le salarié justifiant d'une ancienneté comprise entre cinq ans et jusqu'à la veille de ses dix ans d'ancienneté, peut prétendre à une indemnité de licenciement correspondant à 12/30ème de mois par année.

Ainsi, selon la formule la plus avantageuse pour la salariée prévue par ce texte (moyenne des trois derniers mois précédant le préavis), l'appelante peut prétendre à une indemnité se décomposant comme suit :

((3 794,26 X 12) : 30) X 7 = 10 623,93 euros

La société Laboratoires Coloplast sera condamnée à payer à Mme [O] [V] ladite somme.

III-2 Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

L'appelante sollicite l'allocation d'une somme de 15 319,62 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 1 531,96 euros au titre des congés payés afférents.

En vertu de l'article 35.2 de la convention précitée, Mme [O] [V], titulaire d'un contrat de travail signé postérieurement au 1er juillet 2009 et relevant de la classification VI a droit à une indemnité équivalant à quatre mois de salaire.

La société Laboratoires Coloplast sera donc condamnée à payer à Mme [O] [V] la somme de (3 794,26 X 4) 15 177,04 euros, outre celle de 1 517,70 euros au titre des congés payés afférents.

IV - Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens mais confirmé s'agissant des frais irrépétibles.

La société Laboratoires Coloplast, qui succombe au principal, supportera les dépens de première instance et d'appel et versera à Mme [O] [V] une indemnité de procédure au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel d'un montant de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute Mme [O] [V] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement prononcé le 1er avril 2020 à l'égard de Mme [O] [V] fondé sur une cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la société Laboratoires Coloplast à payer à Mme [O] [V] les sommes suivantes :

* indemnité de licenciement : 10 623,93 euros

* indemnité compensatrice de préavis :15 177,04 euros

* congés payés sur indemnité de préavis : 1 517,70 euros

DEBOUTE la société Laboratoires Coloplast de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Laboratoires Coloplast à payer à Mme [O] [V] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

CONDAMNE la société Laboratoires Coloplast aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt huit juin deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Cécile MARTIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00750
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.00750 ?
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