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28/06/2022 | FRANCE | N°21/00310

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 juin 2022, 21/00310


ARRET N° 22/

BUL/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 28 JUIN 2022



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 26 avril 2022

N° de rôle : N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EK3Z



S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de VESOUL

en date du 11 décembre 2020

Code affaire : 88D

Demande en remboursement de cotisations, prestations ou allocations indues.



APPELANTE



Madame [G] [S],

demeurant [Adresse 3]<

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comparante en personne, assistée de Me Arnaud DE LAVAUR, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



CPAM DE BELFORT (POUR LA CPAM DE HAUTE SAONE),

[Adresse 1]

représenté par Me Julie DUFOUR, avoca...

ARRET N° 22/

BUL/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 28 JUIN 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 26 avril 2022

N° de rôle : N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EK3Z

S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de VESOUL

en date du 11 décembre 2020

Code affaire : 88D

Demande en remboursement de cotisations, prestations ou allocations indues.

APPELANTE

Madame [G] [S],

demeurant [Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud DE LAVAUR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM DE BELFORT (POUR LA CPAM DE HAUTE SAONE),

[Adresse 1]

représenté par Me Julie DUFOUR, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 26 Avril 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Cécile MARTIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, le déllibéré a été prorogé au 28 juin 2022.

**************

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [G] [S] exerce une activité d'infirmière libérale au sein de la Maison médicale située [Adresse 2] (70).

A l'issue d'un contrôle médical de son activité portant sur la période du 1er octobre 2015 au 30 juin 2016, la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (ci-après CPAM) ayant relevé plusieurs anomalies, lui a notifié les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec avis de réception du 30 juillet 2018 et l'a reçue en entretien le 3 septembre 2018.

Le 12 novembre 2018, la CPAM lui a notifié un indu global de 12 590,19 euros au titre des griefs suivants :

' soins facturés en l'absence de l'assuré

' soins facturés non effectués

' soins facturés non prescrits ou en sus de la prescription

' non respect de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) pour 10 dossiers

' ordonnances non valides

' passages facturés alors que les soins auraient pu être regroupés

Mme [G] [S] a saisi la Commission de recours amiable de la caisse de sa contestation partielle de l'indu, laquelle a rejeté sa requête dans sa séance du 15 mars 2019, puis a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul par requête du 10 mai 2019.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Vesoul devenu compétent, a :

- déclaré recevable le recours

- confirmé la décision de la Commission de recours amiable du 15 mars 2019

- condamné Mme [G] [S] à payer à la CPAM 'du Territoire de Belfort' (en réalité de la Haute-Saône) la somme de 12 590,19 euros.

- condamné Mme [G] [S] aux dépens

Par déclaration expédiée sous pli recommandé le 2 février 2021, Mme [G] [S] a interjeté appel de cette décision et par dernières conclusions visées le 26 avril 2022, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

- prononcer l'irrecevabilité des procès-verbaux d'auditions réalisés par l'intimée

- juger qu'elle accepte l'indu concernant les patients suivants :

* Mme [N] et M. [R] pour les erreurs de facturation relatives à des soins en l'absence des assurés

* M. [J] pour un soin facturé et non réalisé

* Mme [Z] concernant un acte hors NGAP

* Mmes [B], [P] et [U] et MM. [W], [J], [T] et [D] concernant les règles de cumul

* Mme [Z] et M. [D] pour un passage supplémentaire

- débouter la CPAM de Haute-Saône de ses autres demandes d'indu

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Suivant conclusions visées le 15 novembre 2021, la CPAM de Haute-Saône conclut à la confirmation du jugement entrepris.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées oralement lors de l'audience de plaidoirie du 26 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

I - Sur la régularité de la procédure de contrôle

Mme [G] [S] soutient que les auditions de ses patients ayant été réalisées par des agents assermentés de la caisse et non par le service médical, seul dispensé d'agrément, la cour ne peut que déclarer irrecevables les procès-verbaux d'audition établis dans ces conditions, faute de justification d'une délégation de pouvoir de son directeur et de production de l'assermentation correspondante, conformément aux dispositions des articles R.122-3, D.253-6 et L.243-9 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient encore que les procès-verbaux d'audition de ses patients doivent être communiqués conformément au principe du contradictoire et pour s'assurer que le formalisme des auditions a été observé au regard de l'article L.114-13 du code de la sécurité sociale, à défaut de quoi, ces auditions sont irrecevables.

La CPAM lui objecte que les auditions ont été réalisées par des agents assermentés dans le cadre d'un contrôle médical et non dans le cadre de la lutte contre la fraude de sorte qu'elle n'a pas à justifier d'une délégation de pouvoirs ou d'une assermentation et que le service médical n'a pas l'autorisation de transmettre les procès-verbaux d'audition des patients.

I-1 L'absence de production des agréments et assermentations

En se prévalant de l'exigence d'un agrément et d'une assermentation, l'appelante invoque implicitement les dispositions de l'article L.114-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, figurant au chapitre IV (contrôle et lutte contre la fraude) du titre I (Généralités) du livre I, lequel dispose que 'les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. L'arrêté du 5 mai 2014 fixe les conditions d'agrément desdits agents'.

Cependant, le contrôle dont Mme [G] [S] a fait l'objet n'est pas un contrôle diligenté dans le cadre d'une lutte contre la fraude par des agents dressant des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, mais un contrôle médical de son activité d'infirmière libérale ayant donné lieu à notification d'un indu en application des articles L.133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Il est en effet expressément indiqué à celle-ci dans la lettre de notification de l'indu du 12 novembre 2018, que le service du contrôle médical a procédé à l'analyse de son activité dans le cadre de l'article L.315-1-IV et en application des articles R.315-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Or il est admis qu'au regard des articles L.114-10 et L.315-1-IV du code de la sécurité sociale, l'obligation d'agrément et d'assermentation énoncée par le premier de ces textes ne s'applique pas aux praticiens conseils du service national du contrôle médical qui procèdent, sur le fondement du second, au contrôle de facturation des soins médicaux pris en charge par l'assurance maladie (Civ.2ème 26 novembre 2020 n°19-20.976, Civ.2ème 9 septembre 2021 n°20-17.029).

Ce premier moyen est donc inopérant.

I-2 La communication des procès-verbaux d'audition

Pour solliciter, pour la première fois à hauteur de cour, que soit prononcée l'irrecevabilité des procès-verbaux d'audition de ses patients au motif qu'ils ne lui auraient pas été communiqués, l'empêchant ainsi de s'assurer que le formalisme de ces auditions a été observé au regard de l'article L.114-13 du code de la sécurité sociale, Mme [G] [S] se prévaut implicitement des dispositions des article L.114-19 et L.114-21 du même code.

Or il a été précédemment retenu que les dispositions de l'article L.114-10 du code de la sécurité sociale n'étant pas applicables aux contrôles de l'observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application, les dispositions des articles L.114-19 et L.114-21 ne sont donc pas plus applicables au présent litige.

Si Mme [G] [S] en déduit en outre une violation du principe du contradictoire, il ressort tout d'abord de la décision de la Commission de recours amiable du 15 mars 2019 que la caisse l'a informée par courrier du 29 novembre 2016, réceptionné par l'intéressée le 1er décembre suivant, que 'conformément à l'article R.315-1-1 du code de la sécurité sociale, le médecin conseil chef de service en charge du dossier sera conduit à entendre et à examiner certains de vos patients et à consulter leurs dossiers médicaux, dans le respect des règles déontologiques. Vous trouverez en pièce jointe à ce courrier la liste des assurés susceptibles d'être convoqués et examinés dans ce cadre'.

La caisse s'est donc conformée à cette première exigence d'information préalable du professionnel de santé contrôlé quant à l'identité des patients consultés dans le cadre du contrôle, sanctionnée par l'annulation de la procédure de contrôle (Civ.2ème 14 février 2013 n°12-13.743, Civ. 2ème 3 juin 2021 n° 19-17.204).

Par ailleurs, si les procès-verbaux d'audition de ses patients ne sont effectivement pas communiqués par l'intimée, celle-ci n'est pas contredite lorsqu'elle souligne que Mme [G] [S] n'a pas, à l'issue de la procédure contradictoire de contrôle, sollicité la consultation desdits procès-verbaux.

Dès lors que Mme [G] [S] a été mise en mesure de consulter et le cas échéant de contester la régularité des auditions de ses patients, elle ne peut pour la première fois à hauteur de cour se prévaloir d'un manquement au principe du contradictoire sur ce point.

Au surplus, l'appelante a été informée des griefs retenus à son encontre, a été reçue par le service du contrôle médical lors d'un entretien qui s'est déroulé le 3 septembre 2018, un compte-rendu de cet entretien lui a été transmis le 14 septembre 2018 et elle a pu faire valoir ses moyens et éléments de réponse en saisissant la Commission de recours amiable puis les juridictions judiciaires ensuite de la notification desdits griefs, à laquelle était annexé un tableau reprenant de façon précise la nature et la date de chaque prestation concernée, le motif et la date du paiement indu, le montant de la somme versée à tort et la somme globale de l'indu.

Il en résulte que le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire ne peut donc prospérer, étant observé surabondamment que l'appelante en tire pour conséquence que les procès-verbaux litigieux devraient être écartés des débats, alors même qu'ils n'y sont pas produits, à l'exclusion de toute autre incidence sur le reste de la procédure de contrôle, dans le dispositif de ses derniers écrits, comme dans ses observations orales.

Mme [G] [S] sera donc déboutée de sa demande tendant à ce que les procès-verbaux litigieux soient écartés des débats.

II - Sur les irrégularités de facturation

Aux termes de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, la caisse est habilitée, notamment dans le cadre du contrôle médical institué aux articles L.315-1 et suivants du même code, à vérifier la stricte application par les professionnels de santé de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et, en cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation, elle est autorisée à recouvrer l'indu auprès du professionnel, du distributeur ou de l'établissement à l'origine du non-respect des règles, dans le délai de trois ans à compter de la date de paiement de la somme indue, sauf en cas de fraude.

En l'espèce, la CPAM a procédé à un contrôle de l'activité de Mme [G] [S] au regard des facturations qu'elle avait effectuées sur la période du 1er octobre 2015 au 30 juin 2016.

Il convient d'examiner successivement les griefs retenus à l'encontre de la praticienne par les premiers juges, lesquels s'organisent autour de deux séries d'actes litigieux, les premiers relevant du non respect de l'article R.4312-81 du code de la santé publique et les seconds relevant du non respect de l'article R.4312-42 du même code.

II-1 Soins facturés en l'absence des assurés

Les seuls patients concernés par ce poste sont Mme [N] et M. [R].

Mme [G] [S] reconnaît une erreur dans la gestion de son logiciel et indique finalement ne pas contester les sommes réclamées à ce titre.

II-2 Soins facturés non effectués

S'agissant de M. [J], Mme [G] [S] reconnaît avoir commis une erreur dans la gestion de son logiciel et indique ne pas contester les sommes réclamées à ce titre.

S'agissant de M. [V], si Mme [G] [S] reconnaît que des chevauchements ont pu intervenir avec ses deux collègues, elle soutient que les deux passages litigieux facturés des 5 et 16 novembre, 16 décembre 2015 et 2 février et 13 avril 2016 ont bien été effectués par elle et que la caisse n'administre pas la preuve duquel de Mme [I], de M. [H], infirmiers libéraux au sein de la même maison médicale, et d'elle est effectivement intervenu.

Or, à la suite de la transmission du tableau d'anomalies par la caisse, l'intéressée a reconnu les erreurs de facturation dont il s'agit en apposant pour les passages litigieux les commentaires suivants :

05/11/15 : 'erreur de ma part, compté matin et soir, passage que le soir'

16/11/15 : 'erreur de ma part, un passage compté en trop'

16/12/15 : 'un soir en trop, erreur de ma part'

02/02/16 : 'un matin en trop, erreur de ma part'

13/04/16 : 'compter une séance le matin'

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que Mme [G] [S] ne pouvait sérieusement à ce stade mettre en cause sa position initiale sur ce point sans motif légitime.

L'indu facturé de ces chefs doit en conséquence être confirmé.

S'agissant de Mme [C], Mme [G] [S] soutient avoir effectué deux passages le 22 janvier 2016 alors que sa collègue Mme [I] affirme avoir effectué le passage du matin, de sorte que trois passages ont été facturés alors que deux seulement sont justifiés car prescrits.

Mme [I] ayant été indemnisée au titre du passage du matin, c'est avec raison que le jugement déféré a retenu que l'indu portant sur le troisième passage non prescrit devait être imputé à Mme [G] [S].

II-3 Non respect des règles de cumul

Aux termes de l'article 11 B de la NGAP, lorsqu'au cours d'une même séance, plusieurs actes inscrits à la nomenclature sont effectués sur un même malade par le même praticien, l'acte du coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre. Le deuxième acte est ensuite noté à 50 % de son coefficient, les actes suivants ne donnant pas lieu à honoraires.

S'agissant de M. [W], Mme [G] [S] reconnaît une erreur de facturation du fait d'une mauvaise cotation par son logiciel et indique ne pas contester les sommes réclamées à ce titre.

S'agissant des patients [J], [B], [P], [U], [D] et [T], l'appelante indique dans le dispositif de ses derniers écrits qu'elle accepte les indus correspondant à ceux-ci au titre des règles de cumul.

S'agissant en revanche des patients [C] et [R], Mme [G] [S] conteste les indus réclamés au titre de la règle de cumul.

Elle expose à cet effet que ces patients sont diabétiques insulino-dépendants et qu'en vertu de l'article 5bis de la NGAP concernant précisément les actes qui leur sont prodigués, lequel déroge à l'article 11 B de la nomenclature, elle a légitimement pu facturer à taux plein plusieurs actes effectués au cours d'une même séance.

Cependant, les seuls actes cumulables entre eux, selon l'article 5bis susvisé, par dérogation à la règle énoncée à l'article 11 B, sont les suivants :

* la surveillance et l'observation d'un patient diabétique insulino-traité dont l'état nécessite une adaptation régulière des doses d'insuline

* l'injection sous-cutanée d'insuline

* la séance hebdomadaire de surveillance clinique et de prévention d'une durée d'une demi-heure pour un patient insulino-traité de plus de 75 ans

* pansement lourd et complexe pour un patient insulino-traité

Or, en l'espèce, les actes litigieux cotés à taux plein n'entrent pas dans le champ dérogatoire de ce texte, et il ressort du compte-rendu d'entretien du 3 septembre 2018 que l'appelante a expliqué qu'elle pensait 'qu'à partir du moment où un patient était diabétique tous les actes se cumulaient à taux plein', reconnaissant ainsi son erreur et précisant s'être appuyée sur son logiciel.

Les indus facturés de ce chef, retenus par les premiers juges, doivent en conséquence être confirmés.

II-4 Actes hors nomenclature

Les actes de compétence infirmière non inscrits à la nomenclature sont facturables aux patients mais ne sont pas remboursables par la sécurité sociale.

Mme [G] [S] admet avoir commis une erreur de facturation pour la patiente [Z] et ne conteste pas cet indu.

II-5 Non regroupement des actes/passage supplémentaire

Mme [G] [S] indique à ce titre dans ses écritures qu'elle reconnaît avoir commis des erreurs de facturation au titre des passages supplémentaires pour les patients [D] et [Z].

En revanche, elle conteste les indus correspondant aux patients [J], [B] et [U] et rappelle qu'elle intervient dans un secteur rural pour une proportion importante de patients âgés, disséminés sur tout le secteur.

En vertu de l'article L.162-12-1 du code de la sécurité sociale, 'les infirmiers sont tenus d'effectuer leurs actes dans le respect des dispositions prises pour l'application du titre II du livre IV du code de la santé publique et en observant la plus stricte économie compatible avec l'exécution des prescriptions'.

S'agissant de M. [J], l'appelante explique que pour ce patient qui nécessitait la réfection de pansements de plus de 60 cm, une prise en charge de Lovenox et une surveillance des plaquettes elle ne pouvait réaliser tous les soins en un seul passage journalier.

C'est cependant avec raison que les premiers juges ont retenu que faute pour l'intéressée de justifier qu'un regroupement des actes n'était pas possible pour des raisons tenant à la prise en charge médicale du patient et non pour de simples contraintes du cabinet médical, l'indu est justifié.

En effet, l'argument tenant au nombre important d'actes à réaliser le matin pour l'ensemble de ses patients qui l'aurait empêchée de réaliser le pansement de M. [J] est inopérant au regard du présent litige et la cour observe que celui tenant au fait qu'elle ne pouvait refaire le pansement de celui-ci avant sa séance de radiothérapie qui se déroulait en matinée n'est étayé par aucune pièce.

S'agissant de Mme [B], Mme [G] [S] explique qu'il s'agit d'une patiente souffrant de démence sénile et présentant des ulcères aux jambes pour laquelle elle se rendait matin (entre 7 et 7 heures 30) et soir (18 heures) pour l'administration de son traitement mais dont elle ne pouvait refaire les pansements lors du passage matinal, avant la toilette de la patiente réalisée en cours de matinée par l'aide à domicile pas plus que le soir à 18 heures, compte tenu de la durée nécessaire pour effectuer ce soin.

Le jugement, qui a retenu que l'absence de regroupement sur l'un des deux passages journaliers et notamment celui du soir n'était pas justifié par des raisons médicales ou de prise en charge mais par des contraintes de service, justifiait le maintien des indus, mérite confirmation de ce chef.

S'agissant enfin de Mme [U], qui nécessitait l'administration d'un traitement et la réfection de pansements, l'appelante explique qu'elle ne pouvait réaliser l'ensemble des soins de celle-ci en un seul passage au risque de retarder la tournée et de mettre en jeu le suivi de ses autres patients.

Pour les mêmes motifs que pour Mme [B], l'indu facturé de ce chef, retenu par les premiers juges, doit être confirmé.

II-6 Non respect de l'article 10 de la nomenclature

Si le champ d'application de l'article 10 chapitre 1er du titre XVI de la NGAP, qui prévoit les conditions de surveillance et d'observation d'une thérapeutique orale au domicile des patients, a été élargi dans le sens d'un assouplissement, cette modification entrée en vigueur le 1er décembre 2019 n'a pas vocation à s'appliquer aux soins correspondants pointés par la caisse dans le cadre du présent contrôle et concernant le patient [T].

Ainsi en vertu du texte alors applicable, la facturation sollicitée par Mme [G] [S] exigeait une mention expresse, dans la prescription médicale, de "troubles psychiatriques" avérés, nécessitant l'administration et la surveillance de la prise de médicaments au domicile du patient.

A ce titre, si l'appelante affirme que le patient ne pouvait prendre son traitement (cardiologique et anticoagulant) seul et que les soins administrés et facturés étaient selon elle parfaitement justifiés, en produisant une attestation du fils de celui-ci témoignant que son père souffrait de graves troubles de la vision et se déplaçait en fauteuil roulant, la cour relève que, ce faisant, elle ne justifie pas que ce patient était atteint de troubles psychiatriques, qui seuls auraient pu justifier la facturation litigieuse.

Il s'ensuit que l'indu facturé de ce chef, retenu par les premiers juges, doit en conséquence être confirmé.

II-7 Facturation d'actes reposant sur des ordonnances non valides

Ce grief tenant en réalité à des soins facturés fondés sur des ordonnances périmées, illisibles ou postérieures auxdits soins, concerne sept patients.

S'agissant de Mme [B], Mme [G] [S] conteste avoir facturé des soins sur la base d'une ordonnance périmée, qui en l'occurrence prescrivait des soins avec la mention 'QSP 3mois'.

Sans contester que les soins litigieux ont été effectués et facturés postérieurement à la durée de trois mois prescrite, elle considère en effet que les prescriptions d'actes paramédicaux tels que les soins infirmiers, la kinésithérapie ou les analyses de biologie ne sont soumis à aucun délai au delà duquel ils ne seraient plus valables.

Or, conformément à l'article R.4312-42 du code de la santé publique 'l'infirmier applique et respecte la prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, quantitative et qualitative, datée et signée. Il demande un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile notamment s'il s'estime insuffisamment éclairé'.

Il s'ensuit qu'en dehors des cas d'urgence, il doit disposer d'une prescription médicale écrite et valide pour effectuer puis facturer des soins, de sorte que l'indu litigieux a été retenu à juste titre par les premiers juges.

S'agissant de Mme [Z], la caisse reproche à l'appelante d'avoir facturé l'application de pansements de cette patiente diabétique sur la base d'une ordonnance du 28 décembre 2015 alors qu'une nouvelle ordonnance de prise en charge du diabète, incluant les plaies, du 22 février 2016 ne prescrivait pas ces soins, qui doivent faire l'objet d'une réévaluation par le médecin lors de sa consultation.

L'argument de l'appelante consistant à mettre en exergue le caractère instable de la patiente, changeant fréquemment de médecin et de pharmacien, est sans incidence sur le présent grief.

Le caractère indu de la facturation est donc démontré.

S'agissant de M. [R], Mme [G] [S] conteste avoir facturé des soins fondés sur des ordonnances hors période de validité et produit aux débats trois ordonnances dont elle ne conteste pas, comme le souligne la caisse, qu'elles ont été remises postérieurement au contrôle, bien que datées du 1er janvier 2015, du 4 novembre 2015 et du 1er janvier 2016, estimant qu'il n'incombe pas à la caisse d'apprécier l'opportunité des soins considérés comme nécessaires au patient par un professionnel de santé.

C'est sans compter sur l'exigence rappelée précédemment selon laquelle les soins, doivent reposer à la date à laquelle ils sont effectués, sauf urgence non alléguée en l'occurrence, sur une ordonnance médicale écrite, qualitative et quantitative, et que l'observation de cette exigence ne peut être ultérieurement régularisée.

La contestation de cet indu est donc infondée.

S'agissant de M. [T], l'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir retenu à la suite de la caisse que la facturation indue reposait sur une ordonnance illisible, portant des traces de ratures et des nom et prénom différents de ceux du patient, alors que cette ordonnance n'a pas été communiquée par la caisse.

Cependant, cette pièce lui a été présentée lors de la procédure de contrôle contradictoire et elle n'apporte pas la démonstration contraire qu'elle disposait bien d'une ordonnance valide pour la facturation litigieuse, laquelle est donc indue.

S'agissant de Mme [U], si l'appelante produit aux débats deux ordonnances de prescription de pansements datées des 29 août 2015 et 1er janvier 2016, il n'échappe pas à la cour qu'elles sont munies de la mention manuscrite 'duplicata', de sorte que justifiant a posteriori d'une ordonnance médicale pour les soins ainsi facturés en dépit des exigences précédemment rappelées, Mme [G] [S] est mal fondée en sa contestation de l'indu sur ce point.

S'agissant de Mme [E], si Mme [G] [S] rappelle qu'en raison d'un diabète insulino-dépendant elle nécessite des soins quotidiens et que si une ordonnance est intervenue le 12 juin 2015 pour prescription de pansements elle n'a pas 'annulé' la prescription du 2 janvier 2015 valable pour un an et renouvelée pour une même durée par ordonnance du 4 janvier 2016, il apparaît que ces deux ordonnances valables un an (glycémie et injection d'insuline) sont communiquées en la cause avec le tampon 'duplicata' alors que les ordonnances communiquées au service du contrôle médical mentionnaient une durée de six mois, de sorte que les soins de cette nature prescrits au-delà du 2 juin 2015 ne reposaient sur aucune ordonnance en cours de validité. L'appelante, qui aurait dû solliciter une nouvelle ordonnance à sa patiente ou saisir le médecin prescripteur de cette difficulté, ne peut mettre en cause à ce stade la responsabilité de ce dernier et est mal fondée en sa contestation.

S'agissant enfin de Mme [K], Mme [G] [S] fait grief aux premiers juges de n'avoir tenu aucun compte de l'attestation de la patiente elle-même (pièce n°21) qui témoigne de la venue quotidienne des infirmiers à partir d'avril 2015 pour son diabète et qu'à 'une période les infirmiers sont même venus trois fois par jour car je ne comprenais pas le protocole pour mes soins', et de celle de son médecin traitant, le docteur [F] [H], qui certifie le 22 octobre 2018 (pièce n°19) que sa patiente a nécessité jusqu'à ce jour et depuis avril 2014 des injections d'insuline lentes et rapide. L'appelante rappelle en outre qu'il n'appartient pas au service contentieux de la caisse d'apprécier l'opportunité des soins.

Elle ne conteste cependant pas le fait, dont s'est emparée la caisse pour retenir un indu, qu'elle a effectué des soins jusqu'au 27 décembre 2015 sur la base d'une ordonnance d'une durée de six mois émise le 1er avril 2015 et qu'à compter de l'ordonnance du 1er janvier 2016, il a été effectué quatre injections par jour alors que cette ordonnance n'en prescrivait que trois, l'injection 'de nuit' n'étant pas davantage justifiée par une ordonnance écrite, qualitative et quantitative, de sorte que la majoration de nuit pratiquée à ce titre, n'observe pas les prescriptions de l'article 14 de la NGAP, en l'absence d'une mention du médecin sur la 'nécessité impérieuse' d'une administration du soin la nuit.

La production d'une ordonnance au cours de la présente instance, datée du 1er octobre 2015 et prescrivant tous les jours, y compris dimanches et jours fériés, un contrôle glycémie capillaire et une injection sous-cutanée de Lantus et Novorapid jusqu'au 31 décembre 2015, n'est pas de nature à régulariser les soins effectués hors ordonnance valide et au-delà d'une prescription.

L'indu facturé de ce chef doit en conséquence être confirmé.

II-8 Facturation d'actes sans prescription ou en sus de la prescription

Selon l'article 5 de la NGAP, seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les Caisses (...) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative et qu'ils soient de sa compétence.

Les indus retenus par la caisse et confirmés par les premiers juges, portant sur la facturation d'actes sans prescription, concernent huit patients.

S'agissant de M. [V], l'appelante reproche aux premiers juges d'avoir considéré qu'elle avait réalisé un acte sans prescription alors que le bilan sanguin a bien été réalisé par le laboratoire qui disposait d'une prescription.

Or, s'il apparaît qu'une prescription de bilan sanguin a bien été justifiée lors du contrôle cette prescription ne prévoyait pas qu'il devait être réalisé par une infirmière à domicile, de sorte que la facturation correspondante est bien indue, contrairement aux affirmations de l'appelante.

S'agissant de Mme [C], Mme [G] [S] a effectué des soins de pansements en vertu d'une ordonnance du docteur [M] du 3 janvier 2016 qui ne re-prescrivait pas de tels soins en lien avec le diabète de la patiente, de sorte qu'il appartenait le cas échéant à l'infirmière de solliciter un complément d'information au médecin si elle estimait cette prescription incomplète ou confuse. L'ordonnance du 1er février 2016 communiquée par l'appelante en la cause (pièce n°23) et l'attestation du 10 mai 2019 de ce praticien (pièce n°35) ne sont pas de nature à régulariser la facturation de soins sans ordonnance valide.

S'agissant de M. [J], Mme [G] [S] a facturé la réfection de deux pansements sur la base d'une ordonnance du 25 septembre 2015, certes d'une durée de validité de trois mois mais compte tenu d'une ordonnance intervenue le 18 novembre 2015 avec réévaluation des soins et prescription d'un seul pansement, les deuxièmes pansements facturés sont donc indus.

S'agissant de Mme [B], si la caisse a fait observer que l'infirmière avait facturé des soins de pansements au-delà de la période de validité de six mois de l'ordonnance du 6 juillet 2015, elle n'a cependant retenu aucun indu à ce titre en raison d'une nouvelle prescription intervenue le 10 janvier 2017 prévoyant également des pansements. La contestation de l'appelante est donc dépourvue d'objet.

S'agissant de M. [R], si l'appelante verse aux débats a posteriori deux ordonnances des 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016 du docteur [L] prescrivant des pansements complexes à domicile des deux membres inférieurs (personne diabétique) pour une durée de six mois à renouveler une fois (pièce n°10 et 12), la caisse fait observer à juste titre que ces documents ne sont pas de nature à régulariser l'irrégularité soulevée, que la prescription ne correspond pas aux soins effectivement prodigués (pansements sur un membre inférieur tous les trois ou deux jours) et que l'ordonnance qui lui a été soumise, datée du 23 novembre 2015 mentionnait 'QSP 3 mois'.

S'agissant de M. [T], si l'appelante considère en la cause que des pansements étaient prescrits jusqu'à cicatrisation et qu'aucun indu n'est justifié, elle ne produit ni ne cite aucune prescription valide alors que seule a été remise lors du contrôle une ordonnance du 17 juin 2015 ne prescrivant aucun pansement complexe. L'indu est dès lors justifié.

S'agissant de Mme [Z], l'appelante reproche aux premiers juges d'avoir retenu un indu portant sur la facturation de majorations de nuit pour des tests de glycémie et injections d'insuline chez cette patiente diabétique insulino-dépendante.

Or, la prescription devant être qualitative et quantitative, il incombe au médecin prescripteur de préciser la quantité d'actes et les périodes de la journée et/ou de la semaine pour les réaliser. S'agissant des majorations de nuit, l'article 14B de la nomenclature exige que le médecin indique la nécessité impérieuse d'une exécution de nuit.

La cour relève à cet égard que les actes litigieux facturés avec une majoration de nuit reposent sur une ordonnance du 22 février 2016 qui ne prescrit qu'une triple passage journalier, week-end et jours fériés inclus pendant six mois sans toutefois mentionner d'horaires de passage ni de nécessité d'un passage nocturne et que l'ordonnance du 2 mars (année illisible) du docteur [Y] (pièce n°28), qui prévoit un passage 'matin, midi et soir avec horaires de nuit' a toutefois été produite postérieurement au contrôle, donc aux soins. L'indu retenu à ce titre est donc justifié.

S'agissant enfin de M. [X], si Mme [G] [S] produit en la cause (pièce n°29) une ordonnance du docteur [A] datée du 22 janvier 2016 faisant état de 'deux orifices', ensuite d'une intervention chirurgicale abdominale, les ordonnances soumises au service de contrôle, des 22 janvier, 8 février et 26 février 2016, émanant du même médecin, ne mentionnaient pas cette précision, évoquant un seul pansement. Dans ces conditions, la facturation de deux pansements par l'intéressée n'était pas justifiée, de sorte que l'indu sera confirmé.

III - Sur les demandes accessoires

Partie perdante, Mme [G] [S] supportera les dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a mis à sa charge les dépens, et sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [G] [S] de sa demande tendant à voir constater l'irrecevabilité des procès-verbaux d'audition réalisés par le service du contrôle médical.

DEBOUTE Mme [G] [S] de sa demande d'indemnité de procédure.

CONDAMNE Mme [G] [S] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt huit juin deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Cécile MARTIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00310
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.00310 ?
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