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28/06/2022 | FRANCE | N°20/01461

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 juin 2022, 20/01461


ARRÊT N°

CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 28 JUIN 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 28 septembre 2021

N° de rôle : N° RG 20/01461 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EJQG



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 25 septembre 2020

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPELANT


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représenté par Me Anne LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE absente et substituée par Me Anaïs PETIT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, présente
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ARRÊT N°

CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 28 septembre 2021

N° de rôle : N° RG 20/01461 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EJQG

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 25 septembre 2020

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [Y] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anne LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE absente et substituée par Me Anaïs PETIT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, présente

INTIMÉE

SAS IMASONIC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice sise [Adresse 1]

représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANÇON et par Me Myriam ARIZZI-GALLI, Plaidante, avocat au barreau de BESANÇON, présente

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 28 Septembre 2021 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 23 Novembre 2021 par mise à disposition au greffe. A cette date, la mise à disposition a été prorogé au 21 décembre 2021, au 11 janvier 2022, au 25 janvier 2022, au 8 février 2022, au 8 mars 2022 et au 5 avril 2022, au 17 mai 2022, au 14 juin 2022 puis au 28 juin 2022.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 23 octobre 2020 par M. [Y] [H] d'un jugement rendu le 25 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Vesoul qui, dans le cadre du litige l'opposant à la société IMASONIC, a :

- dit que le licenciement était bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Y] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société IMASONIC de l'intégralité de ses demandes,

Vu les dernières conclusions transmises le 23 juillet 2021 par M. [Y] [H], appelant, qui demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- juger nul le licenciement prononcé à son encontre,

- condamner la société IMASONIC à lui payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre subsidiaire,

- juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre,

- condamner la société IMASONIC à lui payer la somme de 34.363 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société IMASONIC à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société IMASONIC aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 16 avril 2021 par la société par actions simplifiée IMASONIC, intimée, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

en conséquence,

- confirmer le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [H],

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [H] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 septembre 2021,

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [H] a été embauché à compter du 25 août 2008 par la société IMASONIC sous contrat à durée indéterminée en qualité de coordinateur achats, catégorie cadre, position 2, indice 100.

Au dernier état de la relation contractuelle qui est régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, M. [Y] [H] était classé à l'indice 120 et occupait le poste de responsable achats, dans le cadre d'un forfait annuel de 174 jours.

Il a été hospitalisé du 17 au 19 janvier 2019 pour une opération de l'épaule droite et a fait l'objet à cette date d'un arrêt de travail jusqu'au 19 mars 2019.

Il a repris son poste le mercredi 20 mars 2019.

Le 22 mars 2019, un entretien dont les parties ne s'accordent pas sur la teneur a eu lieu entre le salarié et la directrice générale, Mme [O] [W].

Lors de la visite de reprise organisée le 26 mars 2019, le médecin du travail indique : « à revoir dans un mois ».

Par lettre du 29 mars 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien d'ouverture de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui s'est tenu le 5 avril.

Par courriel du 5 avril 2019, l'employeur a proposé à M. [Y] [H] un second entretien le 9 avril, en vue de parvenir à un accord sur les modalités de la rupture conventionnelle envisagée, lequel n'a pas été trouvé.

Le 23 avril 2019, le médecin traitant de M. [Y] [H] l'a placé en arrêt de travail, qui sera prolongé le 5 mai 2019.

Par courrier du 29 avril 2019, le salarié s'est plaint auprès de l'employeur de la dégradation de sa situation professionnelle depuis sa reprise de travail, dont la société IMASONIC contestera la teneur par lettre en réponse du 3 mai 2019.

Aux termes d'un certificat médical établi le 7 mai 2019, le médecin traitant du salarié a certifié que celui-ci présentait une dégradation de son état de santé dans un contexte conflictuel de travail, qu'il a bénéficié d'un traitement médicamenteux et que son état de santé contre-indiquait la reprise du travail « actuellement ».

Par lettre du 9 mai 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien préalable s'est déroulé le 21 mai 2019.

Par lettre du 29 mai 2019, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

C'est dans ces conditions que contestant son licenciement, M. [Y] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Vesoul le 29 novembre 2019 de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

1- Sur la recevabilité de la demande soumise en cours d'instance aux premiers juges tendant à la nullité du licenciement pour discrimination à raison de l'état de santé :

Suivant l'argumentation de la société IMASONIC sur ce point, les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande présentée en cours d'instance par le salarié tendant à la nullité de son licenciement, au motif que le lien entre cette demande additionnelle et la demande originelle n'était pas établi.

M. [Y] [H] poursuit l'infirmation de la décision entreprise en soutenant que la demande de nullité du licenciement se rattache par un lien suffisant aux demandes formulées dans sa requête initiale.

Après avoir exposé que depuis la suppression de la règle de l'unicité d'instance, les règles de droit commun sont applicables pour déterminer la recevabilité des demandes nouvelles en cours de procédure devant le conseil de prud'hommes, la société IMASONIC conteste l'existence d'un lien suffisant entre les prétentions originaires et les demandes nouvelles présentées par M. [Y] [H], lesquelles n'ont ni le même objet, ni la même finalité, n'étant ni l'accessoire, ni la conséquence, ni même le complément des demandes originaires.

Elle ajoute que le seul fait que toutes les demandes découlent du contrat de travail n'implique pas d'office l'existence d'un lien suffisant entre elles.

Il doit être rappelé que l'article R. 1452-6 du code du travail sur lequel était fondée la règle de l'unicité d'instance et l'article R. 1452-7 relatif aux demandes nouvelles ont été abrogés à compter du 1er août 2016 par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, de sorte que la recevabilité des demandes présentées en cours d'instance devant la juridiction prud'homale est désormais régie par les dispositions de droit commun.

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En application de l'article 70 du même code, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Au cas présent, il est constant que par requête adressée le 28 novembre 2019 M. [Y] [H] a initialement saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant exclusivement à voir dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner l'employeur à lui payer la somme de 34.363 euros à titre de dommages-intérêts.

Aux termes de ses conclusions transmises en cours d'instance, ces demandes initiales ont été présentées cette fois-ci à titre subsidiaire et M. [Y] [H] a sollicité à titre principal que son licenciement soit déclaré nul, pour discrimination à raison de son état de santé, en portant sa demande d'indemnisation sur ce fondement à la somme de 60.000 euros.

Si, ainsi que l'expose exactement l'intimée, la circonstance que les demandes additionnelles dérivent du même contrat de travail ne suffit pas à caractériser le lien suffisant requis, étant observé que cette circonstance constituait précisément le fondement des textes susvisés abrogés, il reste néanmoins que les demandes additionnelles présentées par M. [Y] [H] portent exclusivement sur la rupture de son contrat de travail et son indemnisation à ce titre, tout comme ses demandes initiales, peu important qu'en cas de nullité du licenciement le montant des dommages-intérêts le cas échéant alloués à l'intéressé ne soit pas limité par le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Dès lors que les demandes additionnelles du salarié poursuivent la même finalité que ses demandes initiales, en ce qu'elles se rapportent toutes à la rupture du contrat en ayant pour objet l'imputabilité de celle-ci et son indemnisation à ce titre, la cour retient qu'est suffisamment caractérisé, au sens des articles 4 et 70 du code de procédure civile, le lien suffisant entre ces prétentions.

Il convient en conséquence de déclarer recevables les demandes additionnelles présentées par M. [Y] [H], le jugement entrepris, qui a implicitement accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la société IMASONIC, étant infirmé de ce chef.

2- Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :

Sur le fond, s'il lui appartient de rechercher la véritable cause du licenciement, la cour doit néanmoins d'abord examiner les griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement disciplinaire dès lors que si elle retient l'un ou plusieurs d'entre eux, toute autre cause du licenciement sera par là-même écartée.

Mais avant cet examen, elle est tenue de répondre au moyen du salarié tiré des dispositions conventionnelles applicables, qui selon lui prévoient les cas dans lesquels l'employeur peut rompre le contrat de travail pendant l'absence du salarié, parmi lesquels la rupture du contrat pour motif disciplinaire ne figure pas, et instituent une garantie d'emploi.

2-1- Sur les dispositions conventionnelles et la garantie d'emploi :

M. [Y] [H] soutient que le non-respect de l'article 16 de la convention collective applicable, qui n'autorise pas, selon lui, le licenciement disciplinaire dans le cadre de la garantie d'emploi qu'il institue, prive son licenciement de toute cause réelle et sérieuse.

La société IMASONIC répond qu'aucune disposition expresse ne prévoit l'interdiction de licencier pour motif disciplinaire pendant l'absence du salarié pour maladie.

L'article 16 de la convention collective applicable prévoit en son 1°, intitulé 'sort du contrat de travail' :

'Les absences relevant de maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dès que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l'entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.

A l'issue de la durée d'indemnisation à plein tarif, l'employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif. Dans ce cas, la notification du constat de la rupture sera faite à l'intéressé par lettre recommandée.

Lorsque l'employeur aura pris acte de la rupture du contrat de travail, il devra verser à l'intéressé une indemnité égale à celle que celui-ci aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé.

Cette indemnité remplace, pour la période à laquelle elle correspond, celle à plein tarif ou à demi-tarif découlant du barème prévu au 2° ci-dessous.

Si, à la date à laquelle le préavis aurait pris fin en cas de licenciement avec observation du délai-congé, l'indisponibilité pour maladie ou accident persiste toujours, le solde de l'indemnisation de maladie restant dû continuera d'être versé jusqu'à épuisement des droits ouverts au début de l'indisponibilité en cours au jour de la rupture.

L'ingénieur ou cadre bénéficiera, en outre, le jour de la constatation de la rupture par l'employeur, d'une indemnité égale à l'indemnité de congédiement à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté s'il avait été licencié, ou d'une allocation égale à l'allocation de fin de carrière à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté s'il avait été mis à la retraite.

Au cours de l'absence de l'ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l'ingénieur ou cadre licencié l'indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l'indemnité de congédiement, le cas échéant.

De même, l'employeur peut mettre à la retraite un ingénieur ou cadre absent pour maladie ou accident, en respectant les prescriptions de l'article 31.

Lorsque le contrat se trouve rompu dans les conditions précitées, l'intéressé bénéficie d'un droit de priorité au réengagement qui sera satisfait dans la mesure du possible. '

Il ne ressort pas de ces dispositions qu'elles excluent le licenciement disciplinaire pendant l'absence du salarié pour maladie.

Elles instituent une garantie d'emploi uniquement dans le cas où l'absence du salarié nécessite son remplacement effectif, l'employeur ne pouvant procéder à celui-ci pendant la durée d'indemnisation à plein tarif, laquelle varie en fonction de l'ancienneté du salarié.

Il s'ensuit que le moyen de l'appelant, sur lequel les premiers juges n'avaient pas statué, n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.

2-2- Sur les griefs invoqués par l'employeur :

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif l'ayant conduit à se séparer du salarié.

En vertu de l'article L. 1232-6 du même code, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception qui comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle fixe les limites du litige à cet égard.

En application de l'article L. 1235-1, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Au cas présent, la lettre de licenciement signée par la directrice générale Mme [O] [W] et datée du 29 mai 2019, à laquelle la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de sa teneur, reproche à M. [Y] [H] des carences fautives répétées, constitutives de fautes professionnelles, auxquelles s'ajoutent le refus d'obtempérer et l'insubordination.

Il appartient à la cour d'examiner chacun de ces griefs.

2-2-1- Sur les fautes commises sur les investissements stratégiques de la société :

- acquisition d'un compresseur de remplacement

Il s'agit selon l'employeur d'un investissement stratégique pour la société, toute panne de compresseurs entraînant un arrêt des activités de production.

Le grief est exposé comme suit :

« La négociation, débutée le 8 octobre 2018, a été finalisée le 18 avril 2019.

Malgré les injonctions de modifier de manière significative le pilotage des dossiers d'investissement, vous n'avez mené :

o aucune analyse des besoins d'IMASONIC, vous contentant de celle établie pour Atlas Copco dans son devis pour un nouveau compresseur ;

o aucune recherche d'un autre fournisseur de compresseurs qui aurait permis de confronter Atlas Copco dans sa propre analyse,

o aucune analyse du marché des compresseurs pour challenger cette offre, l'offre de 31k€ avec le prestataire habituel n'étant même pas en concurrence,

o aucune démarche pour la reprise de l'ancien compresseur, ce type de matériel trouvant facilement preneur (exemple : offre de vente à 4500€ pour un compresseur de performance inférieure),

o aucune analyse et négociation des conditions d'installation de ce nouveau compresseur alors qu'une coupure générale de l'électricité est envisagée pour raccorder cet équipement, compromettant la continuité de l'activité, la planification de la mise en service un samedi n'étant pas vérifiée avec le prestataire,

o aucune négociation du contrat de maintenance des compresseurs remis en cause par cette acquisition.

Votre action dans ce dossier, pourtant stratégique, s'est limitée à imaginer commander l'équipement sans la prestation de mise en service, en violation des règles de garantie de fonctionnement. »

Il ressort des éléments au dossier que la négociation a duré plus de six mois, que le devis d'Atlas Copco a été transmis à la société IMASONIC à l'intention de M. [L] [N] (rattaché à la production - support production selon l'organigramme produit) le 28 janvier 2019, date à laquelle M. [Y] [H] était en arrêt maladie, que le « récapitulatif achats pour signature commande par la direction » établi ensuite par celui-ci le 18 avril 2019 décrit bien le périmètre et les conditions de négociation de l'achat et que la commande finale auprès d'Atlas Copco a été validée par la direction.

Il est ainsi manifeste que plusieurs personnes au sein de la société IMASONIC ont été parties prenantes dans la configuration et la négociation de l'achat.

S'il est exact que dans un premier temps il avait été envisagé de faire appel à EIMI pour l'installation de l'appareil, le courriel de M. [Y] [H] au responsable commercial d'Atlas Copco du 2 avril 2019 à 11:56 confirme que cette solution a été abandonnée au profit d'un seul responsable de l'ensemble : « Après échanges avec M. [N], nous voulons conserver un seul prestataire responsable de l'ensemble. Par conséquent nous ne consulterons pas EIMI. Comme échangé, pouvez-vous me remettre une nouvelle offre remisée avec l'installation ' ».

C'est dès lors sans aucun fondement que l'employeur fait grief au salarié d'avoir envisagé de commander l'équipement sans la prestation de mise en service.

S'agissant du courriel précité, les premiers juges ont retenu que l'approche du salarié ne va pas amener le fournisseur à faire une meilleure offre puisque celui-ci sait qu'il n'est pas mise en concurrence.

Mais d'une part, Atlas Copco avait déjà été sélectionné à cette date et avait déjà révisé son offre initiale ainsi qu'en justifie son propre courriel du 2 avril 2019 à 11:24.

D'autre part, le salarié a néanmoins sollicité à 11:56 une nouvelle offre remisée incluant cette fois l'installation, à un prix nécessairement plus avantageux que s'il était fait appel à deux fournisseurs, c'est-à-dire un pour l'équipement et l'autre pour l'installation.

Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu utilement qu'aucune négociation n'a été menée.

Par ailleurs, l'argument de l'employeur relatif à la reprise de l'ancien compresseur et à son prix sur le marché de l'occasion est inopérant, le devis d'Atlas Copco mentionnant qu'il a été tenu compte de la reprise de l'ancien compresseur pour faire un prix particulier incluant celle-ci, peu important que pour des raisons liées au transfert de propriété le fournisseur ait dû à cet égard présenter à la société IMASONIC une facture de 1 euro.

Ce grief n'est donc pas caractérisé.

- acquisition d'un équipement de dépose robotisé de colles

Dans la lettre de licenciement, le grief est exposé comme suit par l'employeur qui précise qu'il s'agissait aussi d'un investissement stratégique :

« Nous devons constater de votre part, à l'occasion de cette négociation débutée le 10 avril 2019 :

- La non-prise en compte contractuelle d'éléments clé dans l'acquisition de cet équipement :

- aucune mention de la livraison conditionnée par un recettage par IMASONIC chez le fournisseur,

- aucune mention de la mise en service chez IMASONIC, par le fournisseur lui-même.

- L'absence d'analyse des conditions de conformité CE, élément entrant clairement dans votre champ d'action depuis de nombreuses années,

- L'absence de négociation sur le prix,

- L'absence de négociation des conditions de règlement. »

Pour étayer ces griefs, l'employeur communique essentiellement le document de préparation de l'achat établi le 23 avril 2019 par M. [Y] [H] (pièce n° 33).

Il ajoute que contrairement à l'argumentaire du salarié qui fait état de délais de négociation nécessaires de trois ou quatre mois, la direction a acté sa finalisation le 6 mai 2019.

M. [Y] [H] rappelle que la négociation a débuté le 10 avril 2019 et que quinze jours plus tard il était de nouveau absent.

Après avoir soutenu en première instance qu'un délai de trois ou quatre mois était nécessaire pour finaliser un dossier et qu'il n'a jamais présenté le dossier finalisé, M. [Y] [H] fait désormais valoir devant la cour qu'il aurait fallu lui laisser le temps de finaliser le dossier et que la société IMASONIC ne produit aucun document différent de la préparation qu'il lui a présentée le 23 avril 2019 (page 26 de ses conclusions).

Il reconnaît par là-même avoir établi le document de préparation, lequel apparaît sommaire dans sa teneur, notamment en raison de l'absence de toute mention de la mise en service par le fournisseur. A cet égard, le salarié n'apporte aucune précision et se prévaut uniquement de l'absence d'autre document de préparation que le sien. Cet argument n'est pas fondé dès lors que les mentions manquantes ont bien été ajoutées manuscritement par la directrice générale sur le bon de commande qu'elle a signé le 6 mai 2019 (4ème page de la pièce n° 33 bis).

Ce grief n'est donc pas sans fondement mais il ne saurait toutefois justifier le licenciement alors que la finalisation de l'achat ne pouvait être menée jusqu'à son terme par le salarié en raison de son absence et qu'au demeurant l'employeur avait envisagé de se séparer de celui-ci bien avant le début de cette négociation ainsi qu'il ressort de sa convocation du 29 mars 2019 en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail.

- achats de binoculaires ergonomiques/Lordil

L'employeur articule ce grief en ces termes :

« A l'occasion de cette négociation engagée le 16 avril 2019 :

- vous avez sollicité un prix en faisant référence à une commande précédente, sachant que la référence était incorrecte,

- vous n'avez pas tenté de négocier le prix malgré la quantité commandée ;

- vous n'avez pas cherché à solliciter d'autres fournisseurs, malgré notre exigence d'établir systématiquement 2 devis pour des investissements d'un montant significatif ; en sollicitant nous-même un autre fournisseur, il a été constaté que vous auriez ainsi pu obtenir le même équipement 25 % moins cher. »

Il soutient également dans ses conclusions que :

- M. [Y] [H] savait parfaitement que la commande portait sur 15 binoculaires puisqu'elle s'inscrivait dans le cadre de l'amélioration de la qualité de vie au travail, en application de l'accord collectif portant sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail signé le 15 avril 2019,

- la signature de l'accord était précédée d'une réunion d'information de l'ensemble des managers le 26 mars 2019, à laquelle assistait M. [Y] [H] et au cours de laquelle l'état de la négociation en cours lui a été présenté.

Les premiers juges avaient relevé que si M. [Y] [H] indiquait ne pas avoir été informé sur les quantités à commander et avoir obtenu un maintien des prix d'achat par rapport à la commande similaire passée l'année précédente, il ne pouvait toutefois ignorer les quantités à commander puisque cette commande s'inscrivait dans le cadre de l'accord collectif signé le 15 avril 2019 présenté au cours d'une réunion en date du 26 mars à laquelle il assistait, ce qu'il ne conteste pas.

Devant la cour, le salarié fait valoir désormais que l'accord collectif prévoyant l'investissement dans de nouvelles binoculaires sur les trois années d'application dudit accord, il n'y a rien d'étonnant à prévoir 5 équipements la première année pour arriver à 15 au terme de l'accord et qu'il n'est pas démontré qu'il ait été convié à la réunion du 26 mars.

M. [Y] [H] ne saurait à hauteur de cour contester avoir été convié à la réunion du 26 mars, alors qu'il ressort du courriel de Mme [O] [W] en date du 20 mars 2019 qu'elle a transmis l'ordre du jour de la réunion du 26 mars, incluant la présentation de l'avancement de la « négo » « QVT/égalité pro » en cours, au comité de management, dont faisait partie le salarié ainsi qu'il ressort de l'organigramme de l'entreprise communiqué (pièces n° 36, 2ème page et n° 4 de la société) .

Compte tenu des termes de l'accord signé selon les parties le 15 avril 2019, il ne pouvait ignorer la quantité de binoculaires à commander, l'investissement étant prévu sur trois ans.

D'ailleurs, il ressort de son courriel du 18 avril 2019 à 10:51 que s'il est trompé sur le montant de sa dernière commande, en revanche M. [Y] [H] a sollicité auprès de son fournisseur, la SARL LORDIL, « une remise plus intéressante » au motif que « cette dernière consultation porte sur un montant trois fois supérieur », observation établissant qu'il connaissait la quantité à commander en 2019 (pièce n° 34 de la société).

Par ailleurs, si après avoir engagé la procédure de licenciement la société IMASONIC a obtenu un devis apparemment avantageux auprès du fabricant OLYMPUS, elle ne démontre pas avoir contracté avec celui-ci. Au contraire, elle écrit page 16 de ses conclusions que « la direction générale sera contrainte de contacter elle-même le fournisseur LORDIL par téléphone et obtiendra finalement une réduction de 35,5 % par rapport au prix catalogue ».

L'employeur ne produit d'ailleurs pas le justificatif de cet achat, finalisé en l'absence du salarié, ni ne justifie de l'exigence de faire établir systématiquement deux devis.

Considérant ainsi tous ces éléments, il reste :

- que la finalisation de l'achat ne pouvait être menée jusqu'à son terme par le salarié en raison de son absence à compter du 23 avril 2019 pour maladie, étant observé surabondamment que l'employeur avait envisagé de se séparer de celui-ci bien avant le début de cette négociation ainsi qu'il ressort de sa convocation du 29 mars 2019 en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail,

- qu'il n'est pas justifié de la commande finale de cet équipement ni donc de sa date et des stipulations à la faveur desquelles la société IMASONIC a contracté avec le fournisseur LORDIL,

- que contrairement aux dires de l'employeur, le salarié a tenté de négocier le prix.

Dans ces conditions, la cour retient que ce grief n'est pas suffisamment caractérisé.

- projet de contrat EDF

Dans la lettre de licenciement, l'employeur expose :

« Ce nouveau contrat constituait un investissement stratégique pour IMASONIC à 2 titres au niveau économique et en matière de continuité d'activité (coupures de courant).

La négociation a été engagée le 21 février 2019 et vous l'avez finalisée ce 19 avril 2019.

Malgré une préparation rigoureuse conduite en votre absence, votre refus d'obtempérer vous a conduit :

- sur le plan économique : alors que l'offre initiale d'EDF comportait une hausse de tarif de plus de 40 %, vous n'avez pas poursuivi la négociation à votre retour mais utilisé un simulateur de prix sans rechercher le positionnement d'autres fournisseurs ; en violation de votre affirmation, par courriel du 9 avril 2019, déclarant avoir « consulté les fournisseurs du marché de l'énergie ».

- sur l'aspect continuité d'activité : vous n'avez pas pris en compte le besoin de l'entreprise d'assurer une continuité d'activité : le contrat prévoyait la possibilité de 30 microcoupures de courant par an, alors que ces microcoupures impactent de manière significative nos process d'usinage.

- au-delà de ces deux aspects essentiels, vous n'avez procédé à aucune analyse des 2 dernières offres reçues (24 et 36 mois) alors même que vous nous aviez certifié avoir relu le contrat avant de nous le transmettre pour signature :

- Vous n'avez pas identifié que les deux offres étaient identiques (seul le nom du fixhier était différent),

- Vous n'avez même pas mis à jour les actes administratifs (interlocuteur compta et nom du signataire). »

En dépit d'une présentation habile, ces reproches sont complètement infondés après examen des productions, pour les raisons suivantes :

- cette négociation n'a pas pas été engagée par M. [Y] [H] mais par M. [X] le 21 février 2019, soit un mois avant son retour au sein de l'entreprise ;

- la circonstance que le salarié a fait appel à un courtier en énergie ne revêt aucun caractère fautif ;

- les microcoupures sont contractuellement imposées par EDF comme il ressort des contrats produits et de leurs conditions générales ; elles étaient déjà prévues dans les mêmes proportions dans le précédent contrat de 2017 ;

- s'il est exact que les deux offres de contrat référencées n° 1-9KLY28T-1 et n° 1-9DF4KAT-1 sont en réalité identiques et que M. [Y] [H] n'a pas repéré cette erreur qui est le fait d'EDF, il est établi d'une part que l'intéressé a poursuivi la négociation et obtenu de meilleures conditions de prix ainsi qu'il ressort du courriel transmis le 11 avril 2019 à 14:34 par Mme [C] (EDF), d'autre part qu'il a transmis à la direction (à Mme [O] [W]) tous les renseignements utiles, en particulier le fait que l'offre sur 24 mois était plus avantageuse, après avoir obtenu un report de validité au 19 avril 2019 des offres EDF ;

- l'employeur ne justifie pas de la commande d'énergie qui a en définitive été signée.

Ce grief n'est donc nullement établi.

- commande de connecteurs

L'employeur reproche au salarié d'avoir engagé le 8 avril 2019 une commande de 100 connecteurs auprès de Yelloz Components sans aucune action de négociation alors même que sans challenger offrait déjà une réduction supplémentaire de 10 %.

Il justifie que la commande initiale a été passée pour un prix unitaire de 28,30 euros et que le même jour et sous le même numéro, la commande a été signée par la directrice générale au prix unitaire de 25,68 euros, soit une économie finale de 262 euros hors taxes.

Mais il s'agissait d'une commande déléguée à l'assistante du salarié, Mme [M], de sorte que ce grief ne peut être imputé à faute à M. [Y] [H].

- non-conformités d'un fournisseur

Dans la lettre de licenciement, l'employeur expose les faits suivants :

« Vous avez effectué avec un retard inadmissible les demandes d'avoirs à la société LCO concernant les problèmes qualité : demande effectuée en avril 2019 pour des non-conformités datant de septembre 2018 alors que ces avoirs auraient dû être remontés chaque mois auprès de l'assitante de gestion pour bloquer les paiements LCO en conséquence, et ce en application de la règle commune à tous les fournisseurs.

Ce refus d'obtempérer aux recommandations, aux injonctions précédentes est caractéristique de l'insubordination puisque malgré les recommandations, voire les injonctions passées du directeur général (Cf. entretien mensuel du 5 novembre 2018), aucune suite n'a été donnée, aucune modification du process n'a été mise en 'uvre. »

Ces reproches ne sont nullement documentés par l'employeur ni a fortiori établis, les pièces n° 42, qui est en réalité un rapport mensuel d'activité de M. [Y] [H] pour la période du 3 octobre au 5 novembre 2018 annoté par la directrice générale, et n° 42 bis étant à cet égard très insuffisantes.

2-2-2- Sur les fautes commises sur les fournisseurs stratégiques pour les achats récurrents de la société :

- aucun avancement du projet de qualification de la société STS Industrie comme fournisseur

L'employeur expose dans la lettre de licenciement :

« Pour le dossier STSI : aucun avancement du projet de qualification de la société STS Industrie comme fournisseur, alors que 3 commandes seulement ont été passées en 2018, ne permettant pas la qualification de ce nouveau fournisseur, et ce alors même que cela faisait partie de la stratégie usinage établie en 2017. Pendant 2 ans vous avez refusé d'engager le travail qui aurait permis de qualifier ou pas ce fournisseur. »

Pour toute preuve de ce reproche, l'employeur se réfère à l'entretien annuel d'évaluation du 28 novembre 2018, dans lequel il a consigné : « Regret que la piste STSI n'ait pas été analysée plus tôt car évoquée dès 2015 ».

Il n'existe aucune directive ni instruction quant à la recherche de qualification en cause.

Le simple « regret » évoqué le 28 novembre 2018 est transformé dans la lettre de licenciement en refus d'engager le travail requis.

Ce reproche n'est pas susceptible de s'inscrire dans le cadre d'un licenciement disciplinaire.

- aucune action concrète pour sortir de la situation de dépendance économique de la société ACR, fournisseur de cordons

L'employeur expose dans la lettre de licenciement :

« Pour le dossier ACR : vous n'avez engagé aucune action concrète pour sortir de la situation de dépendance économique de la société ACR, fournisseur de cordons, malgré nos demandes et nos alertes formulées à de nombreuses reprises ; aujourd'hui la société ACR se trouve dans une situation difficile car nos besoins ont diminué de manière relativement brutale du fait de notre mix produit, IMASONIC représentant 98 % de son chiffre d'affaires. »

Ce reproche n'est étayé par aucune pièce et est donc infondé.

- non-mise à jour de l'outil de pilotage permettant de suivre le taux de dépendance des fournisseurs

L'employeur expose dans la lettre de licenciement :

« Vous n'avez pas mis à jour l'outil de pilotage permettant de suivre le taux de dépendance des fournisseurs, les chiffres datant de 2017, voire 2016. »

A le supposer pertinent, ce reproche, non étayé, n'est pas davantage fondé.

2-2-3- Sur les fautes répétées dans le suivi des achats de la société :

- l'employeur reproche au salarié d'avoir accepté le 1er avril 2019, malgré une erreur de livraison de JPA emballage, fournisseur récurrent de cartons d'emballages, de réceptionner la commande défectueuse avec une simple remise de 10 % et de ne pas avoir rejeté la commande ou engagé une négociation avec le fournisseur pour obtenir une réduction significative

Mais la livraison litigieuse et la facture correspondante datent du 15 janvier 2019, pour un montant hors taxes de 315,18 euros avant prise en compte de l'avoir de 31,52 euros HT obtenu le 17 avril 2019.

Ce fait, au demeurant trop ancien au regard de la date de livraison, ne peut fonder le licenciement prononcé, même conjugué avec le reproche suivant relatif au fournisseur BAUDRY.

- l'employeur reproche au salarié de s'être montré réticent à communiquer à la direction le bilan chiffré de la négociation conduite auprès du fournisseur de mallettes BAUDRY, malgré ses injonctions multiples, l'employeur indiquant avoir par la suite découvert que le salarié n'avait pas suivi le dossier après la signature de la commande et que les modalités négociées n'avaient pas été appliquées par le fournisseur

Il est noté dans l'entretien annuel d'évaluation du 28 novembre 2018 : « Baudry a été challengé. Le bilan reste à faire pour évaluer l'objectif ».

L'employeur produit sinon :

- un extrait de calendrier Outlook du 4 janvier 2019, selon lequel Mme [O] [W] indique : « Projet « mallettes » : comme évoqué, peux tu venir avec un bilan des gains depuis re-négo ' »

- un courriel du 10 janvier 2019 de Mme [O] [W] au salarié : « j'avais compris que tu avais fait annuler les frais de port. Pour le coup, je n'ai pas compris ce que tu as négocié. On en reparle à l'occas. »

- un avoir de la société BAUDRY sur frais de port, en date du 31 janvier 2019 et d'un montant hors taxes de 64,64 euros.

Ce fait, au demeurant trop ancien même invoqué parmi d'autres faits, ne peut fonder le licenciement prononcé, sanction apparaissant disproportionnée par rapport aux faits considérés.

- l'employeur reproche encore au salarié son refus réitéré et manifeste de mettre à plat les seuils de délégation de signature achats, le processus de validation des achats par carte bleue (engagé par l'assistance achats) malgré les demandes répétées de la direction générale, à rapprocher des fautes commises dans le dossier centrale incendie SIEMENS et BTS Blanchisserie ainsi que des demandes répétées de la directrice générale, lors des derniers entretiens annuels et de plusieurs points mensuels, d'exiger au moins deux devis pour chaque achat de matériel, de logiciel, de prestation, de préparer rigoureusement les dossiers d'investissement soumis à signature, de rechercher systématiquement un maintien des prix en cas d'application d'une hausse par le fournisseur, de négocier systématiquement le prix en cas de commande d'une quantité plus importante, de consulter plusieurs fournisseurs pour les achats non incorporés et de s'impliquer activement pour qualifier un nouveau fournisseur de pièces usinées, de telles fautes et ce refus d'obtempérer consacrant selon l'employeur une insubordination caractérisée prenant une ampleur toute particulière du fait du niveau de responsabilité et des enjeux.

Ces faits ne sont pas établis.

En effet, il n'est pas justifié du refus réitéré et manifeste de mettre à plat les seuils de délégation de signature achats, rien ne démontrant que le salarié n'ait pas satisfait à la demande transmise le 17 janvier 2018 par la directrice générale (« pourras-tu me redonner les délégations actuelles pour la signature des commandes d'achats ' Qui signe pour quels types de commandes et à partir de quel montant ' »).

Il en est de même du processus de validation des achats par carte bleue (engagé par l'assistance achats), reproche qui n'est pas étayé par une quelconque pièce.

Les fautes qui auraient été commises dans les dossiers centrale incendie SIEMENS et BTS Blanchisserie ne sont pas davantage caractérisées.

Les autres reproches listés ci-avant ne sont pas davantage étayés, étant observé qu'il n'est pas justifié par l'employeur des points mensuels qu'il allègue, ni des instructions et directives qui auraient été données au salarié.

Dans ces conditions et au regard de l'ensemble des éléments communiqués, notamment sa fiche de fonction et les entretiens annuels-fiches d'objectifs, il n'est pas établi que M. [Y] [H] ait méconnu ses obligations contractuelles et les directives de l'employeur.

A cet égard, la société IMASONIC ne procède que par citations extraites des entretiens annuels portant sur les objectifs non atteints ou les points à améliorer.

Mais en réalité, les conclusions de l'évaluateur sont encourageantes et globalement positives, hormis celle du 25 janvier 2016 portant sur l'année 2014 :

- le 25 janvier 2016 : « Bilan mitigé. L'atteinte des objectifs visant à préparer le moyen/long terme est indispensable. » ;

- le 5 janvier 2017 : « Une réelle nouvelle dynamique de FH depuis mai qui est appréciable et qui commence à porter ses fruits. Difficulté perçue dans l'exploitation des données. Quelques sujets qui mériteraient d'avancer plus vite. Une année de transition et un élan à faire perdurer. » ;

- le 27 juin 2017 : « Bon avancement sur les objectifs ' » ;

- le 21 novembre 2017 : « Bonne implication de FH sur les différents sujets, des résultats visibles, dynamique positive. Bon apport de solutions, dynamique à poursuivre. La volonté de progrès de [Y] ainsi que sa capacité à accepter les remarques sont appréciables. A poursuivre ! » ;

- le 25 mai 2018 : « Tous les objectifs sont engagés et à poursuivre. Equipe Achats : bonne dynamique à ce jour. » ;

- le 28 novembre 2018 : « Bonne dynamique des Assistantes Achats, le travail courant quotidien est ok. Je suis en attente de vrai changement sur les dossiers de négo. Pour les prochains projets transverses et organisations, il faudra identifier un autre mode de fonctionnement. ».

Seule peut être relevée une attente de l'employeur relative à l'amélioration significative du processus de « négo », matérialisée dans l'évaluation précitée du niveau d'atteinte des objectifs pour la période 2017-2018, en date du 28 novembre 2018 (« je suis en attente de vrai changement sur les dossiers de négo. A ce jour je ne vois pas les bénéfices de la formation suivie par FH. »), et dans la fixation des objectifs afférents à la période 2018-2019, en date du 4 janvier 2019 (« améliorer significativement le processus de négo »).

Cette marge de progression attendue, clairement actée à la fin de l'année 2018 et au début de l'année 2019, ne peut justifier, quelques mois plus tard, la convocation du 29 mars 2019 à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle, ni la convocation du 9 mai 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, ni la décision de licenciement notifiée le 29 mai 2019, alors même que dans l'intervalle le salarié a été hospitalisé et placé en arrêt maladie du 17 janvier au 19 mars 2019, qu'il a repris son poste le 20 mars 2019, que lors de la visite de reprise organisée le 26 mars 2019 le médecin du travail n'a pas rendu d'avis (« à revoir dans 1 mois »), ni à la suite de la « visite de pré-reprise à la demande du salarié » du 30 avril 2019, et que le salarié a de nouveau été placé en arrêt maladie par son médecin traitant à compter du 23 avril 2019.

Il n'est enfin nullement justifié d'une quelconque déloyauté, ni d'une quelconque insubordination.

En outre, à rebours des multiples faits invoqués à l'appui du licenciement, l'employeur par le truchement de Mme [O] [W] a informé M. [Y] [H] par courriel du 1er février 2019 d'une augmentation de son salaire à hauteur de 50 euros bruts à compter du 1er octobre 2018.

Il résulte des développements qui précèdent que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant dès lors infirmé sur ce point.

3- Sur la nullité du licenciement pour discrimination à raison de l'état de santé :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en raison de son état de santé.

Tout licenciement pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul en application de l'article L. 1132-4 du même code.

L'article L. 1134-1 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application du premier texte précité, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par les dispositions susvisées, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Considérant ce dernier texte, la nullité du licenciement pour discrimination à raison de l'état de santé ne peut se déduire du seul caractère infondé des motifs invoqués par l'employeur pour procéder au licenciement du salarié.

Au cas présent, M. [Y] [H] se prévaut de la chronologie des faits pour en conclure qu'il a été discriminé à raison de son état de santé et que son licenciement est bien la conséquence de son arrêt de travail de deux mois.

Il invoque également le caractère brutal et déloyal de la réunion du 22 mars et de l'entretien du 5 avril 2019, sans cependant l'établir.

La seule chronologie des faits, que la cour a rappelés dans l'exposé du litige, ne saurait suffire pour supposer l'existence d'une discrimination du salarié à raison de son état de santé.

Sans les invoquer à l'appui de sa demande tendant à la nullité de son licenciement, l'intéressé soutient également avoir fait l'objet d'une mise à l'écart à son retour au sein de l'entreprise.

Il fait valoir à cet égard qu'il ne figurait pas dans le plan d'intégration d'un nouvel embauché, arrivé le 15 avril 2019 au poste de responsable du bureau d'étude, et qu'il n'a pas été informé d'un déplacement intervenu à la fin du mois d'avril 2019 chez un fournisseur stratégique LCO.

Mais s'agissant du premier point, Mme [O] [S] lui a répondu le jour même qu'il s'agissait d'un oubli et que le plan d'intégration de ce nouveau salarié avait été complété (pièce n° 55 de la société).

S'agissant du second point, il n'est pas étayé et les pièces produites par l'employeur (n° 56 et 57) tendent à démontrer que le rendez-vous chez ce fournisseur s'est déroulé non pas fin avril mais le 27 mai 2019.

Il s'ensuit que le salarié ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de son état de santé.

Il sera en conséquence débouté de sa demande tendant à la nullité de son licenciement pour discrimination à raison de son état de santé.

4- Sur l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Aux termes des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et à défaut de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau intégré audit texte.

En l'espèce, M. [Y] [H] qui justifie d'une ancienneté de 11 ans peut prétendre à une indemnité compris entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.

Il ressort des bulletins de paie communiqués qu'il percevait un salaire moyen brut mensuel de 3.436,33 euros juste avant son arrêt de travail.

Il était âgé de 45 ans à la date de la rupture de son contrat de travail.

Il justifie avoir été indemnisé par Pôle emploi à hauteur de 56,54 euros nets par jour à compter du 11 décembre 2019 selon la dernière notification du 15 octobre 2019 (pièce n° 30 du salarié), soit 1.696,20 euros par mois.

Il convient dans ces conditions de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la société IMASONIC à la somme de 34.363 euros, nette de CSG et de CRDS, la décision attaquée étant infirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

5- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable d'allouer à M. [Y] [H] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer depuis l'introduction de la procédure.

La société IMASONIC qui succombe n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société IMASONIC présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes additionnelles présentées par M. [Y] [H] tendant à la nullité de son licenciement pour discrimination à raison de l'état de santé ;

Dit que le licenciement notifié à M. [Y] [H] le 29 mai 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [Y] [H] de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement pour discrimination à raison de l'état de santé ;

Condamne la société IMASONIC à payer à M. [Y] [H] la somme de 34.363 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société IMASONIC à payer à M. [Y] [H] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société IMASONIC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt-huit juin deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01461
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.01461 ?
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