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14/04/2022 | FRANCE | N°21/01152

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 14 avril 2022, 21/01152


ARRÊT N°

CE/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 14 AVRIL 2022



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 18 janvier 2022

N° de rôle : N° RG 21/01152 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMQT



S/appel d'une décision

du Pôle social du TJ de BELFORT

en date du 27 mai 2021

Code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme



APPELANTE



URSSAF DE FRANCHE-COMTE sise [Adresse 2]



représentée par Me Séverine WERTHE, avoca

t au barreau de BESANÇON, présente





INTIMES



Me [D] [J] es qualité de mandataire liquidateur de S.A.R.L. SECURIGUARD SECURITE PRIVE, demeurant [Adresse 3]



Représenté par Me Laurent HAENNIG, avocat au ...

ARRÊT N°

CE/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 14 AVRIL 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 18 janvier 2022

N° de rôle : N° RG 21/01152 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMQT

S/appel d'une décision

du Pôle social du TJ de BELFORT

en date du 27 mai 2021

Code affaire : 88G

Autres demandes contre un organisme

APPELANTE

URSSAF DE FRANCHE-COMTE sise [Adresse 2]

représentée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANÇON, présente

INTIMES

Me [D] [J] es qualité de mandataire liquidateur de S.A.R.L. SECURIGUARD SECURITE PRIVE, demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Laurent HAENNIG, avocat au barreau de BELFORT

Dispensé de comparaître en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 (rédaction du décret 2010-1165 du 1er octobre 2010) du code de procédure civile

S.A.R.L. SECURIGUARD SECURITE PRIVEE Prise en la personne de son représentant légal , Placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de BELFORT du 1er septembre 2020 désignant Maitre [J] [D] comme mandataire liquidateur, sise [Adresse 1]

Représentée par Me Laurent HAENNIG, avocat au barreau de BELFORT

Dispensé de comparaître en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 (rédaction du décret 2010-1165 du 1er octobre 2010) du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 18 Janvier 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 29 Mars 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogé au 12 avril 2022 puis au 14 avril 2022.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 22 juin 2021 par l'URSSAF de Franche-Comté d'un jugement rendu le 27 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Belfort qui, dans le cadre du litige l'opposant à la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [J] [D], a :

- constaté l'irrégularité de la lettre d'observation du 20 mai 2015 notifiée à la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE faute d'avoir été signée par le directeur de l'organisme,

- annulé la procédure de redressement opérée et fondée sur la lettre d'observations,

- condamné l'URSSAF à payer à la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'URSSAF aux dépens,

Vu les conclusions visées par le greffe le 13 décembre 2021 aux termes desquelles l'URSSAF de Franche-Comté, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable,

- débouter la SARL SECURIGUARD prise en la personne de son liquidateur de l'intégralité de ses demandes,

- valider la lettre d'observations,

- confirmer la mise en demeure du 29 septembre 2015 d'un montant de 705.238 € en principal, outre 92.230 € de majorations de redressement et 104.526 € de majorations de retard,

- confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 18 décembre 2015,

- fixer sa créance au passif de la liquidation de la société SECURIGUARD SECURITE PRIVEE à la somme de 901.994 € au titre du redressement opéré,

- condamner la société SECURIGUARD SECURITE PRIVEE au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions visées par le greffe le 14 janvier 2022 aux termes desquelles la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE agissant par son liquidateur judiciaire Maître [J] [D], intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

à titre subsidiaire :

- constater que l'URSSAF ne justifie pas de la remise en cause de la déductibilité de certains postes de charges,

- constater que l'URSSAF a pris devers elle, des documents originaux sans justifier de leur restitution, interdisant à la société SECURIGUARD de pouvoir vérifier le bien fondé des réintégrations de l'URSSAF,

- constater le bien-fondé de l'argumentation de la société SECURIGUARD en relevant des erreurs

matérielles limitées à quelques cas, tenant à l'utilisation d'un logiciel, manipulé qui plus est par un tiers, la société B'JUST,

en tout état,

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'URSSAF au paiement d'une indemnité d'un montant de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées auxquelles elles ont entendu se rapporter.

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE

La SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE est immatriculée auprès de l'URSSAF en qualité d'employeur depuis le 5 juin 2003.

Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, l'URSSAF a diligenté le 15 avril 2014 un contrôle dans les locaux de l'entreprise portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, qui a donné lieu le 12 février 2015 à l'établissement d'un procès-verbal d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et le 20 mai 2015 à une lettre d'observations notifiant un redressement de 705.238 euros à titre de rappel de cotisations et de 92.229 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.

Par lettre du 19 juin 2015, la société a répondu aux observations formulées par les services de l'URSSAF.

Par courrier du 22 juin 2015, l'inspecteur a maintenu le redressement.

Une mise en demeure a été délivrée le 29 septembre 2015 à la société pour paiement des sommes de 705.238 euros de cotisations, 92.230 euros de majoration de redressement, et 104.526 euros de majorations.

Par courrier du 29 octobre 2015, la société a saisi d'un recours la commission de recours amiable, qui l'a rejeté par décision du 18 décembre 2015 notifiée le 15 janvier 2016.

C'est dans ces conditions que le 9 février 2016 la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Belfort de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris, après que par jugement du 1er septembre 2020 le tribunal de commerce de Belfort eut prononcé la résolution du plan de redressement de la société et sa liquidation judiciaire simplifiée.

***

Par jugement du 4 avril 2018 le tribunal correctionnel de Belfort a déclaré la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE et son gérant M. [M] [R] coupables d'exécution de travail dissimulé pour la seule année 2013.

Ce jugement a été confirmé sur la culpabilité des prévenus par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Besançon en date du 26 septembre 2019.

Les pourvois formés contre l'arrêt du 26 septembre 2019 ont été rejetés par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 mars 2021.

MOTIFS

Sur la violation de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale :

Concluant à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, la société poursuit la nullité du contrôle dans la mesure où l'URSSAF a méconnu les dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient que le contrôle n'a pas été engagé dans le cadre des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale régissant la procédure de vérification des dispositions de ce code tenant au calcul et au paiement des cotisations sociales et que les opérations engagées sur le fondement des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail avaient pour objet la recherche et la constatation d'infractions constitutives de travail illégal.

L'URSSAF répond que la procédure est parfaitement régulière, que la lettre d'observation mentionne que le contrôle inopiné a été réalisé dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, que le procès-verbal initial a été rédigé, clos le 16 avril 2014 et signé par les deux inspecteurs ayant participé aux investigations, Mme [G] et M. [W], que celui-ci a ensuite mené d'autres investigations « aux fins d'établissement des infractions au titre des dispositions du code de la sécurité sociale et en vue d'opérer rétablissement des cotisations et contributions et portant conséquences en matière d'annulation d'exonérations », investigations qui sont détaillées dans un second procès-verbal du 12 février 2015 signé par l'inspecteur qui a mené seul ces opérations, M. [W], et que conformément à l'article R. 243-59 il a procédé seul à la notification du redressement, selon les éléments issus du procès-verbal du 12 février 2015.

L'URSSAF fait encore valoir que l'article R. 133-8 encadre la procédure qu'elle doit respecter lorsqu'elle souhaite notifier un redressement relatif à une situation de travail dissimulé constatée par les autres administrations partenaires compétentes dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé et que ce texte n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où les investigations ont été menées par un inspecteur URSSAF.

Il doit être rappelé que l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 dispose :

« Le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques y compris les services de l'Etat autres que ceux mentionnés au quatrième alinéa et, dans le respect des dispositions prévues à l'article L. 133-6-5, par les travailleurs indépendants ainsi que par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes. Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces agents ont qualité pour dresser en cas d'infraction auxdites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Les unions de recouvrement les transmettent, aux fins de poursuites, au procureur de la République s'il s'agit d'infractions pénalement sanctionnées. »

L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 dispose :

« Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

('). »

Par ailleurs, l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige, dispose quant à lui :

« Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.

A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations de l'employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale. »

Il existe ainsi deux procédures autonomes de contrôle pouvant conduire les organismes de recouvrement à procéder à des redressements de cotisations pour travail dissimulé, celle de droit commun et celle fondée sur les articles L 8271-1 et suivants du code du travail (arrêts de la deuxième chambre civile du 9 octobre 2014 n° 13-19.493 et n° 10-13.699).

Mais il est admis que si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes (Cass. civ. II 7 juillet 2016 n° 15-16.110 et Cass. civ. II 7 novembre 2019 n° 18-21.947).

Il ressort en outre des jurisprudences précitées que l'utilisation de la procédure de droit commun suppose que l'organisme de recouvrement procède à la recherche de l'infraction de travail dissimulé aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes, alors que les dispositions de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale doivent être appliquées lorsque le contrôle donnant lieu au redressement litigieux n'avait pas pour seule fin le recouvrement des cotisations sociales.

En vertu du principe d'autonomie des procédures de contrôle, il appartient à l'organisme de recouvrement, qui est à l'initiative du contrôle, d'indiquer dans quel cadre procédural celui-ci est initié, de respecter ensuite les dispositions relatives à la procédure qu'il a initialement engagée et enfin, le cas échéant, d'en justifier en justice.

En l'espèce, pour caractériser la nature des opérations de contrôle et de redressement litigieuses, la cour dispose essentiellement de la lettre d'observations du 20 mai 2015 et du procès-verbal N° 2015/1320/02 de travail dissimulé dressé le 12 février 2015 par l'agent assermenté de l'URSSAF, ainsi que du procès-verbal de contrôle signé le 16 avril 2014 par les deux inspecteurs assermentés, Mme [G] et M. [W].

Il doit d'abord être relevé que le fait non contesté que le contrôle litigieux n'a pas été précédé de l'envoi à l'employeur ou au chef d'exploitation d'un avis adressé par lettre recommandée avec avis de réception ne permet pas de caractériser le cadre procédural choisi par l'URSSAF dès lors que l'avis préalable n'est pas requis dans le cadre de la procédure de droit commun lorsque le contrôle est effectué pour rechercher des infractions de travail dissimulé, le contrôle pouvant donc être inopiné en la matière.

Ensuite, la lettre d'observations du 20 mai 2015 fait mention de l'objet du contrôle : « Recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail » et de l'article R. 243-59 « et suivants » du code de la sécurité sociale.

Son propos introductif est rédigé comme suit : « J'ai l'honneur de vous communiquer les observations consécutives à la vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail pour l'établissement ci-dessous référencé ».

Cependant, il est mentionné au paragraphe « PORTEE DU CONTRÔLE » : « Le contrôle a été opéré dans le seul cadre de la lutte contre le travail dissimulé (articles L 8271-7 et suivants du code du travail). En conséquence, les présentes observations ne sont pas opposables à d'éventuelles régularisations qui seraient opérées lors d'un contrôle comptable d'assiette ultérieur (article L 243-7 du code de la sécurité sociale) ».

Il y est encore précisé que « les observations communiquées ci-dessous résultent des infractions de travail dissimulé qui font l'objet du procès-verbal :

N° 2015/1320/02

Dressé à votre encontre le 12 février 2015

Adressé à M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Belfort.

Administration verbalisatrice : URSSAF de Franche-Comté.

(...) »

Les procès-verbaux des 12 février 2015 et 16 avril 2014 visent les articles L. 8271-1 à L. 8271-12, L. 8221-1 à L. 8221-5 du code du travail et les pouvoirs d'investigations des articles L. 243-11 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Il résulte de l'ensemble de ces mentions que l'URSSAF s'est placée directement dans la recherche d'une infraction de travail dissimulé, ainsi qu'il ressort du paragraphe « PORTEE DU CONTRÔLE ».

En outre, l'agent assermenté de la caisse de la MSA a également établi le 12 février 2015 un procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé, qui a été transmis au procureur de la République.

Contrairement à l'argumentation de l'URSSAF, la procédure autonome prévue par l'article R. 133-8 n'est pas réservée au cas où elle souhaite notifier un redressement relatif à une situation de travail dissimulé constatée par les autres administrations partenaires, dès lors qu'il ressort au contraire des articles L. 8271-1 et L. 8271-7 du code du travail que les agents des organismes de sécurité sociale agréés à cet effet et assermentés peuvent prendre l'initiative d'un contrôle aux fins de recherche d'infractions constitutives de travail illégal, au même titre que les agents des autres services de contrôle habilités, c'est-à-dire sans qu'ils aient été préalablement destinataires d'un constat de travail dissimulé établi par un de ces agents.

La cour relève encore que l'URSSAF s'est portée partie civile dans le cadre de l'instance pénale et a sollicité la somme de 11.753,06 euros à titre de dommages-intérêts représentant ses « frais de gestion », ainsi que l'inscription de cette créance au passif de la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE. Dans son jugement sur intérêts civils en date du 9 septembre 2021, le tribunal correctionnel de Belfort qui n'a pas fait droit à cette demande a relevé que selon l'URSSAF, ses frais de gestion recouvraient le coût du contrôle.

Il s'ensuit que, de par sa nature et par la façon dont il a été initié, le contrôle litigieux n'avait pas pour seule fin le recouvrement des cotisations sociales et que dès lors, il ne pouvait être effectué sur le fondement de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les dispositions de l'article R. 133-8 du même code lui étant seules applicables.

Ces dernières dispositions, qui prévoient des formalités substantielles destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure de contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, n'ont de fait pas été respectées, le document de fin de contrôle établi le 20 mai 2015 n'étant pas daté ni signé par le directeur de l'organisme de recouvrement.

La violation par l'URSSAF de Franche-Comté des dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale entraîne la nullité de la procédure de contrôle.

Il doit encore être relevé qu'à supposer même que l'URSSAF ait été fondée à se placer dans le cadre de la procédure de droit commun, les opérations de contrôle ont été menées conjointement durant plusieurs mois par deux inspecteurs assermentés, Mme [G] et M. [W], ainsi qu'il ressort du procès-verbal de contrôle du 16 avril 2014 et des courriels transmis au chef d'entreprise par Mme [G] les 22 avril, 16 juillet et 17 juillet 2014.

Or, la lettre d'observations du 20 mai 2015 n'est signée que par l'un d'entre eux, M. [W], de sorte que la procédure de contrôle encourt également la nullité à ce titre.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la procédure de contrôle et, par voie de conséquence, le redressement notifié à la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE par lettre d'observations du 20 mai 2015 suivie d'une mise en demeure du 29 septembre 2015.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision attaquée sera également confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu en équité d'allouer à l'intimée la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer devant la cour.

L'URSSAF de Franche-Comté, qui succombe, n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne l'URSSAF de Franche-Comté à payer à la SARL SECURIGUARD SECURITE PRIVEE agissant par son liquidateur judiciaire Maître [J] [D] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'URSSAF de Franche-Comté aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatorze avril deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01152
Date de la décision : 14/04/2022

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°21/01152 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-14;21.01152 ?
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