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26/01/2021 | FRANCE | N°17/00986

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 17/00986


ARRÊT N°





AC/CB



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 26 JANVIER 2021



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Contradictoire

Audience publique du 01 décembre 2020

N° de rôle : N° RG 17/00986 - N° Portalis DBVG-V-B7B-DZRL



S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

en date du 30 novembre 2016 [RG N° 2016 00350]

Code affaire : 59B

Demande en paiement relative à un autre contrat

>


SARL SHW AUTOMOTIVE C/ SAS CAMELIN





PARTIES EN CAUSE :





SARL SHW AUTOMOTIVE Société de droit Allemand, agissant par son gérant,

[Adresse 6]



Représentée par Me Sandrine ARNAUD de la SEL...

ARRÊT N°

AC/CB

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 26 JANVIER 2021

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 01 décembre 2020

N° de rôle : N° RG 17/00986 - N° Portalis DBVG-V-B7B-DZRL

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON

en date du 30 novembre 2016 [RG N° 2016 00350]

Code affaire : 59B

Demande en paiement relative à un autre contrat

SARL SHW AUTOMOTIVE C/ SAS CAMELIN

PARTIES EN CAUSE :

SARL SHW AUTOMOTIVE Société de droit Allemand, agissant par son gérant,

[Adresse 6]

Représentée par Me Sandrine ARNAUD de la SELARL ARNAUD - LEXAVOUE BESANCON, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représentée par Me Julien SCHAEFFER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant,

APPELANTE

ET :

SAS CAMELIN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice

Sise [Adresse 2]

INTIMEE

Représentée par Me Mohamed AITALI de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représentée par Me Marianne SAUVAIGO de la SCP BES SAUVAIGO & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant,

SELARL AJRS, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 510 227 434, dont le siège social est situé au [Adresse 3], prise en son établissement secondaire, situé au [Adresse 1], représentée par [N] [W], administrateur judiciaire, domicilié en cette qualité audit siège, agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CAMELIN,

MAITRE [C], mandataire judiciaire, dont le siège social est situé au [Adresse 4], agissant ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société CAMELIN, conformément au jugement du Tribunal de Commerce de Besançon du 20 novembre 2020

INTERVENANTS VOLONTAIRES

Représentés par Me Mohamed AITALI de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,

Représentés par Me Marianne SAUVAIGO de la SCP BES SAUVAIGO & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER et A. CHIARADIA, Conseillers.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX , Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, conseiller, et A. CHIARADIA, magistrat rédacteur

L'affaire, plaidée à l'audience du 01 décembre 2020 a été mise en délibéré au 19 janvier 2021 puis, à cette date prorogé au 26 janvier 2021 pour un plus ample délibéré. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits et prétentions des parties

La SAS Camelin, qui développe une activité de décolletage pour le secteur automobile et la société de droit allemand Gmbh SHW Automotive (ultérieurement dénommée la société SHW), sous-traitante de l'automobile et notamment de Volkswagen, ont contracté sur la base d'un projet de production par la société Camelin de 750 000 pièces par an pour chacun des deux composants, « Hohlscraube » et « Kolben », du système d'injection des moteurs Volkswagen.

Le 16 avril 2014, puis après une révision le 21 juillet 2014, le contrat relevant du droit français a été conclu par les parties pour une durée minimale de quatre années.

Il a été honoré sans incident pendant la première année, soit du 24 juillet 2014 au 25 juillet 2015, mais au cours de la deuxième année, la société SHW y a mis unilatéralement fin du fait d'un arrêt du projet par son client Volkswagen.

La société Camelin ayant saisi la juridiction commerciale pour obtenir l'indemnisation de son préjudice, le tribunal de commerce de Besançon, par jugement rendu le 30 novembre 2016 :

- a déclaré l'assignation recevable,

- s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du litige,

- a dit que la société SHW ne pouvait résilier le contrat en l'absence de problèmes techniques imputables à la SAS Camelin avant son terme du 25 juillet 2018 sans respecter le délai de préavis contractuel de six mois,

- a dit que la résiliation imputable à la société SHW engage sa responsabilité contractuelle pour non-respect du délai de préavis de six mois,

- a condamné la société SHW à payer à la SAS Camelin les sommes suivantes :

* 474 267,53 euros HT au titre des matières premières brutes et consommables indépendamment de la perte de marge brute,

* 103 948 euros HT au titre des factures encore dues,

* 1 602 000,57 euros HT au titre de la perte de marge brute sur la durée de préavis de six mois,

* 99 140,82 euros HT au titre des pièces en stock indépendamment du montant des matières premières,

soit au total 2 279 356,92 euros, outre intérêts au taux légal, à compter du 17 mars 2016,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts par année entière,

- dit qu'en contrepartie du paiement effectué par la société SHW au titre de la matière, la société Camelin tiendrait à disposition les éléments du poste matières premières dans un délai de six mois à compter du paiement,

- débouté la société SHW de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné celle-ci à payer à la société Camelin la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SHW aux dépens.

La société SHW a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 28 avril 2017 et, par arrêt mixte du 20 novembre 2018, la cour d'appel de céans a :

- confirmé le jugement rendu le 30 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Besançon en ses dispositions principales, sauf en ce qui concerne l'interprétation de l'article 4 du contrat et le montant de l'indemnisation de la société Camelin et statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

- dit que le contrat du 21 juillet 2014 liant les parties a été conclu pour une durée ferme de quatre années à compter de la date de sa signature, avec un amortissement par la société Camelin de ses investissements prévu sur la même période,

- sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice de l'intimée, ainsi que sur les prétentions respectives des parties relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise comptable.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal de commerce de Besançon a ouvert une procédure de redressement judiciaire et désigné la société AJRS, représentée par M. [N] [W], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Camelin. Puis, suivant jugement du 20 novembre 2020, il a arrêté le plan de continuation de la société Camelin et nommé M. [K] [C] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 30 novembre 2020, la société SHW conclut comme suit :

« Dire le présent contrat régi par la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ;

Dire le chiffrage de l'expert incohérent du fait de la méthode suivie, de l'absence de vérification de l'exactitude et de l'exhaustivité des informations qui lui ont été fournies par la société Camelin, en particulier qu'il n'a pas cherché à rapprocher la marge brute des documents internes de la société, non plus qu'il n'a pas vérifié l'exactitude et la cohérence des informations transmises pour lui permettre de s'assurer de l'exhaustivité des coûts pris en compte pour le calcul de la marge ;

Dire que les manquements et incohérence méthodologiques, à l'origine d'une sous-évaluation des coûts des matières premières, des outillages, des frais d'intérim, des autres charges et notamment de frais de personnel et d'une surestimation du reste à produire, entraînent une surévaluation de l'éventuel préjudice ;

Dire le chiffrage de l'expert incohérent au regard de la rentabilité historique de la société Camelin et de la réalité économique du secteur des équipementiers automobiles ;

En conséquence, dire que la société Camelin ne rapporte pas la preuve de son préjudice ;

La débouter ;

Subsidiairement, ordonner une contre-expertise comptable ;

Commettre, pour y procéder, tel expert afin de donner son avis sur le montant du préjudice prévisible né de la rupture du contrat en cause, au regard de la réalité économique du secteur des équipements automobiles ;

Surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport ;

Très subsidiairement, dire que le préjudice excède celui prévisible par la société SHW au regard notamment de la réalité économique du secteur des équipementiers automobiles ;

Le fixer audit montant prévisible au besoin à dire d'expert ;

Dire qu'il convient de déduire de ce montant la valeur de cession des éléments d'équipements récemment acquis pour 3 746 851 euros HT par la société Camelin selon le principe de minimisation du préjudice posé par l'article 77 de la convention de Vienne ;

Débouter la société Camelin de ses demandes, la valeur de cession des éléments d'équipement excédant le préjudice prévisible ;

Sur les demandes complémentaires en paiement des matières premières, des encours et des factures :

Vu l'arrêt du 20 novembre 2018 ;

Vu les articles 1350 et 1351 du code civil,

Dire la société Camelin irrecevable en ses demandes complémentaires en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 20 novembre 2018 ;

La débouter ;

En toute hypothèse,

Condamner la société Camelin à payer à la société SHW une indemnité de procédure de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Camelin aux dépens ;

Rejeter toutes conclusions plus amples ou contraires ».

Selon conclusions après expertise n° 3 transmises le 30 novembre 2020, la société Camelin, la société AJRS, intervenant volontairement à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci et M. [K] [C], mandataire judiciaire agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Camelin, intervenant également volontairement à l'instance, demandent à la cour de :

- rappeler que le jugement du tribunal de commerce de Besançon du 30 novembre 2016 a été confirmé par l'arrêt mixte de la cour du 20 novembre 2018 en ce qu'il a condamné la société SHW à payer à la société Camelin les sommes suivantes :

* 474 267,53 euros HT au titre des matières premières brutes et consommables indépendamment de la marge brute ;

* 103 948 euros HT au titre des factures encore dues;

* 99 140,82 euros HT au titre des pièces en stock indépendamment du montant des matières premières,

- y ajoutant concernant l'indemnisation résultant de la résiliation fautive du contrat à durée déterminée, condamner la société SHW à payer à la société Camelin, à titre de dommages et intérêts, la somme de 7 894 588 euros, subsidiairement celle de 7 014 513 euros, correspondant à la marge brute dont la société Camelin a été privée, et qu'elle aurait perçue si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016 ;

- en tout état de cause, débouter la société SHW de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, la condamner à payer à la société Camelin la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, confirmer la condamnation de première instance, tenant compte des frais de traduction, de certification comptable et de constats d'huissier nécessités et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise avancés par la société Camelin dans le cadre de l'appel.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2020.

Motifs de la décision

- Sur les condamnations confirmées par l'arrêt du 20 novembre 2018,

La cour de ce siège ayant, dans son arrêt mixte prononcé le 20 novembre 2018, confirmé le jugement rendu le 30 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Besançon en ses dispositions principales, sauf en ce qui concerne l'interprétation de l'article 4 du contrat et le montant de l'indemnisation de la société Camelin, soit 1 602 000,57 euros HT au titre de la perte de marge brute sur la seule durée de préavis de six mois, le jugement déféré est définitif en ses dispositions ayant condamné la société SHW à payer à la société Camelin les sommes suivantes, lesquelles ne constituent nullement des demandes complémentaires des intimés contrairement à ce que paraît soutenir la société SHW :

* 474 267,53 euros HT au titre des matières premières brutes et consommables indépendamment de la perte de marge brute,

* 103 948 euros HT au titre des factures encore dues,

* 99 140,82 euros HT au titre des pièces en stock indépendamment du montant des matières premières.

- Sur l'application de la convention de Vienne,

La société SHW prétend que le contrat la liant à la société Camelin est régi par la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.

Mais le contrat litigieux n'est pas un contrat de vente mais un contrat d'entreprise puisque la société Camelin fabrique, sur des plans validés par la société SHW, des pièces à façon, la société SHW étant le donneur d'ordre décidant à la fois de la conception et de la fabrication en imposant à la société Camelin des exigences précises de qualité.

En outre le litige ne porte nullement sur une problématique de vente.

La société SHW sera donc déboutée de sa demande tendant à voir dire que le contrat litigieux est régi par la convention de Vienne et, subséquemment, de sa demande de déduction de la valeur de cession des éléments d'équipements récemment acquis par la société Camelin de son préjudice selon le principe de minimisation du préjudice posé par l'article 77 de ladite convention.

- Sur l'expertise judiciaire,

La société SHW critique les travaux de l'expert judiciaire en stigmatisant la méthode suivie, l'absence de vérification de l'exactitude et de l'exhaustivité des informations qui lui ont été fournies par la société Camelin qui, selon elle, l'ont amené à sous-évaluer les coûts des matières premières, des outillages, des frais d'intérim, des autres charges et notamment des frais de personnel et à surestimer le reste à produire, entraînant une surévaluation de l'éventuel préjudice, le chiffrage de l'expert faisant, en outre, fi de la rentabilité historique de la société Camelin et de la réalité économique du secteur des équipementiers automobiles.

* sur la méthode adoptée par l'expert,

L'arrêt du 20 novembre 2018 avait dit que la marge brute devait être retenue en l'espèce pour évaluer le gain manqué par la société Camelin, le jugement querellé étant en cela confirmé, tandis que, contrairement au tribunal, la cour, interprétant le contrat du 21 juillet 2014, demandait, notamment, à l'expert de donner son avis sur l'éventuel préjudice subi par la société Camelin sur la base du contrat à durée ferme de quatre années liant les parties alors que les premiers juges avaient pris en considération la perte de marge brute sur la seule durée de préavis de six mois.

Il s'avère que l'indemnisation de la victime de la rupture d'un contrat à durée déterminée avant son terme sur la base de la marge brute est généralement retenue par la jurisprudence, laquelle considère également que celle-ci doit être évaluée en fonction de la moyenne des trois derniers exercices précédant la rupture, de sorte que le préjudice est estimé à la date de la rupture du contrat sans prise en compte d'un éventuel « redéploiement » des ressources opéré postérieurement à la rupture.

Dès lors, la thèse soutenue par la société SHW selon laquelle il conviendrait de retenir la perte de marge sur coûts variables, soit en déduisant les frais de sous-traitance, de personnel intérimaire et de fourniture des « fluides », ne saurait prospérer, nonobstant la thèse de la société Finexsi, dont se prévaut la société SHW, laquelle considère qu'il y aurait, en outre, lieu de déduire la main-d''uvre directe redéployée sur d'autres projets, alors même qu'en l'espèce, la société Camelin a utilisé pour conquérir de nouveaux marchés les outils de production de la société Gradel rapatriés au sein de l'usine Camelin de [Localité 5] à compter de la fin de l'année 2016.

En conséquence, la méthodologie adoptée par l'expert se révèle conforme au droit positif et à la mission que lui avait confiée la cour.

* sur de l'absence de vérification de l'exactitude et de l'exhaustivité des informations fournies par la société Camelin,

La société SHW, qui procède par voie d'affirmation, ne justifie pas de ces griefs, et ce, d'autant moins que l'expert a eu accès à l'ensemble des documents comptables de la société Camelin en ce compris la comptabilité analytique dont il mentionne, dans son rapport, l'utilisation.

Par ailleurs, dans ce même rapport, il a expressément répondu au reproche qui lui était fait de ne pas avoir opéré des rapprochements avec la comptabilité générale de l'entreprise sur plusieurs exercices pour vérifier les différents composants de la marge brute.

* sur la sous-évaluation des coûts des matières premières, des outillages, des frais d'intérim, des autres charges et notamment des frais de personnel,

Il ressort du rapport d'expertise que les gammes / nomenclatures de fabrication des pièces analysées par le sapiteur que s'était adjoint l'expert étaient celles dont la société SHW avait connaissance.

Par ailleurs, il résulte du même rapport que, pour l'évaluation du coût des matières premières, l'expert s'est basé sur les factures des fournisseurs de la société Camelin, pour les deux pièces, « Hohlscraube » et « Kolben », en retenant pour ce dernier un prix moyen qu'il explique dans son rapport.

De même, contrairement, à ce que soutient la société SHW, l'expert a bien intégré dans son analyse la présence d'une clause d'indexation figurant au contrat qu'il mentionne expressément dans son rapport.

S'agissant de la sous-évaluation des coûts de transport et de sous-traitance reprochée à l'expert, celui-ci rappelle dans son rapport que pour la pièce « Hohlscraube », il n'y a pas de sous-traitance ni de frais de transport, tandis que pour la pièce « Kolben » l'expert s'est référé aux factures des sous-traitants et a procédé par sondages par rapport aux éléments communiqués par la société Camelin.

En ce qui concerne l'évaluation des coûts de l'outillage, il ressort de son rapport que l'expert a eu accès aux factures des fournisseurs et qu'il a réalisé des sondages dans les documents comptables de la société Camelin, consulté l'état de sortie de l'outillage et l'ensemble de la comptabilité analytique, de sorte que son évaluation de ce poste apparaît fiable.

Il en va de même des coûts d'intérim, l'expert ayant accédé à l'ensemble des « données brutes » utiles en la matière figurant en annexe 8 de son rapport et le fait qu'il ait retenu le mois de janvier 2016 dans son calcul des charges d'intérim étant, par ailleurs, justifié dans la mesure où la société Camelin a continué à livrer les encours de production quelques semaines après la rupture du contrat intervenue le 13 janvier 2016.

En outre, la société SHW ne démontre pas les erreurs de calcul qu'aurait commises l'expert sur les charges économisées sur les fluides.

Elle ne démontre pas davantage la mauvaise appréciation reprochée à l'expert du coût d'entretien des machines, des frais de conditionnement et des frais d'ébauche étant observé que les machines acquises par la société Camelin spécifiquement pour le contrat SHW étaient neuves et n'appelaient par suite que peu de frais d'entretien, que la société Camelin utilisait des conditionnements spécifiques que la société SHW lui fournissait et qu'il n'y avait pas d'étape d'ébauchage sur les contrats SHW, la société Camelin réalisant un usinage complet des pièces directement à partir de la matière brute.

S'agissant de l'évaluation des frais de personnel, il ressort du rapport de l'expert que celui-ci a utilisé la comptabilité analytique de la société Camelin, le suivi des temps de la main d''uvre de production et qu'il a opéré des vérifications à partir des documents comptables, de sorte qu'elle n'apparaît pas sérieusement critiquable.

* sur la surestimation du reste à produire,

Les critiques de la société SHW sur ce point n'apparaissent pas plus fondées, la détermination du nombre de pièces restant à produire étant calculée par l'expert à partir des factures de vente des pièces émises par la société Camelin depuis la signature du contrat.

* sur la rentabilité historique de la société Camelin et la réalité économique du secteur des équipementiers automobiles,

La société SHW soutient que les taux de marge brute retenus par l'expert pour les pièces « Hohlscraube » et « Kolben » ne sont pas cohérents par rapport à la marge globale de la société Camelin.

Cependant, les taux de marge brute retenus, respectivement pour les pièces « Hohlscraube » et « Kolben » par l'expert (2,583 euros et 1,205 euros) sont proches de ceux calculés par l'expert-comptable de la société Camelin (2,585 euros et 1,178 euros).

En outre, l'expert a notamment relevé dans son rapport que « les marges brutes sont très variables selon les productions concernées et de nombreux facteurs peuvent intervenir. Comme cela a été indiqué ['], l'évolution du chiffre d'affaires a beaucoup évolué au cours de la période 2015 ' 2018 (notamment reprise de l'activité Gradel en 2017) ».

Par ailleurs, le contrat SHW portait sur la fabrication de pièces spécifiques de haute précision pour lesquelles la société Camelin a dû réaliser de lourds investissements justifiant une marge importante qu'il est vain de rapporter à la rentabilité globale de ladite société ainsi qu'aux taux de marge des grands équipementiers qui sont d'une tout autre taille que la sienne.

Dans ces conditions, les évaluations de l'expert judiciaire sont crédibles et dignes de servir de base à l'indemnisation du gain manqué par la société Camelin, et ce, sans qu'il soit besoin d'ordonner une 'contre-expertise' ou une nouvelle expertise comptable.

La société SHW sera donc condamnée à payer à la société Camelin, conformément à la décision de cette cour en date du 20 novembre 2018, la marge brute dont la société Camelin a été privée et qu'elle aurait perçue si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, soit la somme de 7 894 588 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, le jugement attaqué étant réformé en ce sens.

- Sur les demandes accessoires,

Il serait inéquitable de laisser à la charge la société Camelin la totalité des frais qu'elle a dû engager pour se défendre en appel. Une somme de 30 000 euros lui sera donc allouée au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la société SHW sera condamnée aux dépens d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rappelle que, par arrêt mixte du 20 novembre 2018, la cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Besançon du 30 novembre 2016 en ce qu'il a condamné la société de droit allemand Gmbh SHW Automotive à payer à la SAS Camelin les sommes suivantes :

- 474 267,53 euros HT au titre des matières premières brutes et consommables indépendamment de la marge brute,

- 103 948 euros HT au titre des factures encore dues,

- 99 140,82 euros HT au titre des pièces en stock indépendamment du montant des matières premières.

Infirme ledit jugement en ce qu'il a condamné la société SHW à payer à la SAS Camelin la somme de 1 602 000,57 euros HT au titre de la perte de marge brute sur la durée du préavis de six mois.

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute la société SHW de sa demande tendant à voir dire que le contrat litigieux est régi par la convention de Vienne et, subséquemment, de sa demande de minimisation du préjudice de la SAS Camelin en application de l'article 77 de ladite convention.

Déboute la société SHW de sa demande d'instauration d'une nouvelle expertise comptable.

Condamne la société SHW à payer à la SAS Camelin, à titre de dommages et intérêts, la somme de sept millions huit cent quatre-vingt-quatorze mille cinq cent quatre-vingt-huit euros (7 894 588 euros) correspondant à la marge brute dont la société Camelin a été privée du fait de la rupture du contrat liant les parties, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Condamne la société SHW à payer à la SAS Camelin la somme de trente mille (30 000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux dépens d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

Ledit arrêt a été signé par monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/00986
Date de la décision : 26/01/2021

Références :

Cour d'appel de Besançon 01, arrêt n°17/00986 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-26;17.00986 ?
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