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24/11/2020 | FRANCE | N°20/00018

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 24 novembre 2020, 20/00018


ARRÊT N°

PB/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2020



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 20 octobre 2020

N° de rôle : N° RG 20/00018 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EGWH



S/appel d'une décision

du Tribunal de Grande Instance de MONTBÉLIARD

en date du 20 novembre 2019

Code affaire : 89B

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur





APPELANTE



AFPA, sise [Adresse 2]



r

eprésentée par Me Véronique COTTET EMARD, avocat au barreau de JURA, présente





INTIMES



Monsieur [C] [I], demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Nathalie REY-DEMANEUF, avocat au barreau de MONTBÉLIARD, pr...

ARRÊT N°

PB/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2020

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 20 octobre 2020

N° de rôle : N° RG 20/00018 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EGWH

S/appel d'une décision

du Tribunal de Grande Instance de MONTBÉLIARD

en date du 20 novembre 2019

Code affaire : 89B

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur

APPELANTE

AFPA, sise [Adresse 2]

représentée par Me Véronique COTTET EMARD, avocat au barreau de JURA, présente

INTIMES

Monsieur [C] [I], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Nathalie REY-DEMANEUF, avocat au barreau de MONTBÉLIARD, présente

Caisse Primaire d'Assurance Maladie, sise [Adresse 1]

représentée par Mme [X] [G] selon pouvoir permanent en date du 01/10/2020 émanant de M. [B] [L], Directeur de la CPAM

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 20 Octobre 2020 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER , Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 24 Novembre 2020 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

M. [C] [I] a exercé les fonctions de formateur au sein de l'Agence pour la Formation Professionnelle des Adultes (l'Afpa), de janvier 1982 à décembre 2013.

Le 28 mai 2013, M. [C] [I] a établi une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical pour surdité bilatérale, reçue par la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon le 17 juin 2013.

Le 12 août 2013, la caisse primaire a notifié à M. [C] [I] et à l'Afpa un refus de prise en charge de la maladie professionnelle.

La commission de recours amiable a rejeté le recours de M. [C] [I] à l'encontre de cette décision.

L'assuré a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard qui, par jugement du 3 novembre 2014, confirmé par arrêt de la cour de céans du 8 avril 2016 a dit que la pathologie de M. [C] [I] doit être prise en charge au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles.

Par arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté par la caisse primaire.

M. [C] [I] a saisi la caisse primaire d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 8 décembre 2017.

M. [C] [I] a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard et par jugement du 20 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance, désormais compétent, a :

-dit que la maladie professionnelle déclarée le 28 mai 2013 est dûe à la faute inexcusable de l'employeur,

-ordonné la majoration de la rente et dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle,

-déclaré recevable l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance-maladie du Doubs à l'égard de l'Afpa,

-condamné l'Afpa au remboursement des frais d'expertise et au remboursement des sommes que la caisse sera amenée à verser au titre du doublement du capital indemnisant 3 % d'incapacité professionnelle ainsi que les préjudices couverts et non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,

-partagé les dépens de l'instance par moitié entre l'Afpa et la caisse primaire,

-débouté l'Afpa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 6 janvier 2020, l'Afpa a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions visées le 8 avril 2020, elle sollicite de :

' À titre principal,

-débouter M. [C] [I] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable et le condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' À titre subsidiaire,

-réformer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action récursoire de la caisse recevable,

- débouter la caisse primaire de toute action récursoire à son encontre,

-condamner la caisse primaire à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 31 mars 2020, M. [C] [I] sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'Afpa à lui payer la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 7 octobre 2020, la caisse primaire d'assurance-maladie demande de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la cour sur le point de savoir si la maladie déclarée revêt un caractère professionnel et dans l'affirmative de savoir si elle est imputable ou non à une faute inexcusable de l'employeur,

- constater la recevabilité de l'action récursoire,

- condamner l'Afpa au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'employeur au remboursement des frais d'expertise,

- condamner l'employeur au remboursement des sommes que la caisse sera amenée à verser au titre du doublement du capital indemnisant l'incapacité permanente et au titre des préjudices couverts et non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 20 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [C] [I].

Compte-tenu de l'indépendance des rapports entre l'assuré et la caisse, d'une part et la caisse et l'employeur d'autre part, ce dernier peut, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime remettre en cause l'origine professionnelle de la maladie déclarée.

En l'espèce le tableau n° 42 des maladies professionnelles est relatif aux atteintes auditives provoquées par les bruits lésionnels.

Selon le tableau, ' le diagnostic de cette hypoacousie est établi :

- par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ;

- en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du reflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.

Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 4 000 Hertz'.

Par ailleurs le délai de prise en charge est d'un an sous réserve d'une durée d'exposition d'un an.

Le tableau comporte enfin une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, l'employeur ne contestant pas que les travaux réalisés par

M. [C] [I] y figurent.

L'employeur fait valoir que la déclaration de maladie professionnellle a été établie le 29 juin 2013, sur la base d'un bilan audiométrique réalisé le 22 mai 2013 qui ne correspondait pas au seuil requis par le tableau n° 42.

Or, M. [C] [I] verse aux débats l'expertise réalisée en exécution d'un jugement avant dire droit du 3 novembre 2014, qui avait conclu que le déficit auditif dépassait les seuils prévus par le tableau.

L'expertise a été réalisée le 14 mars 2014, alors que l'exposition au bruit avait cessé le 25 octobre 2013, M. [C] [I] se trouvant en dernier lieu en mission dans un atelier de mécanique à [Localité 4].

L'Afpa ne conteste pas plus la date de cessation d'exposition au risque, que les conditions de réalisation de l'expertise, qui a eu lieu dans le délai de prise en charge d'un an fixé par le tableau.

Il en résulte que la maladie déclarée remplit les conditions prévues par le tableau n° 42.

L'employeur soutient certes qu'il existe un état antérieur en faisant valoir que :

- en 1999, M. [C] [I] était déjà atteint de troubles auditifs qui manifestement n'avaient aucune origine professionnelle, sans toutefois préciser sur quelle pièce elle s'appuie pour dénier le caractère professionnel de ces troubles,

- en 2004, il a été victime d'un accident du travail avec atteinte de la paroi du tympan. La seule production d'un accident du travail, qui ne fait d'ailleurs état

d'une blessure du tympan que d'une seule oreille ne peut toutefois conduire à conclure à un état antérieur de nature à expliquer la perte d'audition bilatérale, étant observé que l'expertise, versée aux débats par M. [C] [I] et soumise à la discussion des parties, si elle fait état de 'tympans cicatriciels' n'en tire pas de conclusions quant à l'origine de la surdité,

- depuis 2008, il est équipé de protections auditives, ce qui n'est pas plus de nature à justifier d'un état antérieur, le salarié étant exposé au bruit depuis 1982.

L'Afpa fait en outre valoir le 'caractère indéterminé des causes du dommages', alors qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur les causes de la surdité dès lors que les conditions du tableau n° 42 sont remplies.

L'existence de la maladie professionnelle est donc établie, dans les rapports entre M. [C] [I] et l'Afpa.

2- Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Le manquement à cette obligation de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte en premier lieu d'un attestation du Dr [T], médecin du travail, par ailleurs établie sur un papier à l'en-tête de l'Afpa, que 'M. [C] [I] formateur mécanique et carrosserie automobile en itinérant depuis 1985 a travaillé dans un milieu bruyant (mise au point de moteurs thermiques, bruits dans une carrosserie +++)'.

Compte-tenu de la nature des travaux réalisés dans les ateliers et de la teneur du certficat, qui fait état d'un milieu extrêmement bruyant, il ne peut être soutenu que l'employeur n'avait pas conscience du danger encouru.

Par ailleurs, M. [C] [I] produit :

-une attestation de M. [R] [J] selon laquelle les ateliers de mécanique et de carrosserie automobile du centre AFPA n'étaient pas équipés de protections auditive jusqu'à l'année de son départ en retraite le 1er mars 2009,

-une attestation de M. [Y] [M], selon laquelle de 2000 à 2010, aucune protection n'était disponible pour les travaux réalisés dans les ateliers du centre Afpa, M. [C] [I] s'étant de sa propre initiative fait prescrire des équipements de protection auditive moulées en 2008.

L'employeur n'établit par ailleurs pas l'existence de mesures prises pour préserver les salariés du risque encouru, avant cette date et il en résulte que pendant près de dix sept ans, le salarié a travaillé sans protection adéquate, alors que selon l'attestation du médecin du travail, M. [C] [I] s'est plaint de troubles auditifs depuis 1999.

Il en résulte que l'existence d'une faute inexcusable est établie le jugement étant confirmé sur ce point.

La décision sera également confirmé en ce qu'elle a accueilli les demandes de M. [C] [I] relatives aux conséquences de la faute inexcusable, qui sont uniquement contestées dans leur principe par l'employeur.

3- Sur le recours de la caisse

En application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la Sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de différents postes de préjudice et la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Par ailleurs, selon l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.

L'employeur fait valoir qu'en application du principe d'indépendance des rapports Cpam/victime et Cpam/ employeur lorsqu'un salarié s'est vu refuser une prise en charge au titre de la législation professionnelle, mais obtient finalement gain de cause en formant un recours, la décision de refus de prise en charge est acquise à l'employeur.

Toutefois, la caisse, subrogée dans les droits de la victime qu'elle a indemnisée, ne peut se voir opposer par l'employeur dans la procédure relative à la faute inexcusable un moyen tiré de la procédure de prise en charge et en l'espèce l'existence d'une première décision par laquelle la caisse avait refusé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, l'employeur pouvant uniquement faire valoir une contestation au fond.

L'Afpa reprend certes son argumentation relative à l'absence de caractère professionnel de la pathologie, qui n'a pas toutefois pas lieu d'être examinée à nouveau dès lors que l'existence de la maladie professionnelle a été précédemment établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a admis le recours de la caisse à l'encontre de l'employeur.

4-Sur la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La somme de 1200€ sera allouée à M. [C] [I] ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée au même titre par l'Afpa étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE l'Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) à payer à M. [C] [I] la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) aux dépens de la procédure d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt quatre novembre deux mille vingt et signé par Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00018
Date de la décision : 24/11/2020

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°20/00018 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-24;20.00018 ?
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