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10/11/2020 | FRANCE | N°19/00771

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 10 novembre 2020, 19/00771


ARRÊT N°



BM/CB



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2020



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 06 octobre 2020

N° de rôle : N° RG 19/00771 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EC7H



S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTBELIARD

en date du 06 mars 2019 [RG N° 15/01231]

Code affaire : 63B

Demande en réparation des dommages causés par l'activi

té des auxiliaires de justice





[O] [K]

C/

[T] [N]







PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5]

de nationalité française, retraité,

d...

ARRÊT N°

BM/CB

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2020

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 06 octobre 2020

N° de rôle : N° RG 19/00771 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EC7H

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTBELIARD

en date du 06 mars 2019 [RG N° 15/01231]

Code affaire : 63B

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

[O] [K]

C/

[T] [N]

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5]

de nationalité française, retraité,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON

APPELANT

ET :

Monsieur [T] [N]

de nationalité française

Profession : Notaire,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Pascale CANTENOT, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉ

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Madame B. MANTEAUX, Conseillers.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Madame B. MANTEAUX, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 06 octobre 2020 a été mise en délibéré au 10 novembre 2020. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte authentique reçu le 11 juillet 2008 par Me [T] [N], notaire à [Localité 7], la société BPBFC (la banque) a consenti à M. [O] [K] un prêt relais n° 08602686 sur 24 mois remboursable en une échéance le 4 juillet 2010, d'un montant de 115 000 euros représentant un coût total, intérêts, assurance, garantie et frais de dossier de 130 290,88 euros, aux fins de financer pour partie l'acquisition d'un appartement situé à [Localité 6] dans l'attente de la vente de la maison qu'il possédait à [Localité 4].

Cette maison a été vendue selon acte notarié reçu le 30 octobre 2009 par Me [N], pour la somme de 148 500 euros remise entre les mains du notaire, lequel a versé le 5 novembre 2009 à la banque la somme de 32 028,12 euros au titre du solde d'un crédit que M. [K] avait contracté antérieurement auprès de la BPBFC pour l'acquisition de la maison d'[Localité 4], a payé à M. [K] lui-même celle de 50 000 euros et a conservé celle de 66 164,88 euros.

M. [K] a engagé une procédure en responsabilité contre le notaire aux motifs que la banque n'avait pas reçu le règlement que M. [N] devait lui remettre lors de la vente de la maison d'[Localité 4], ce qui a conduit celle-ci à délivrer à M. [K], en exécution de l'acte authentique, un commandement de saisie vente le 5 mai 2015 pour une somme de 148 226,56 euros supérieure au montant du crédit en raison des intérêts et frais induits par le non paiement.

Par jugement rendu le 6 mars 2019, le tribunal de grande instance de Montbéliard, a :

- rejeté le fin de non recevoir tirée de la prescription ;

- débouté M. [K] de toutes ses demandes ;

- condamné ce dernier à payer à Me [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que l'action en responsabilité de M. [K] contre le notaire était fondée sur la responsabilité contractuelle de celui-ci à raison du mandat qu'il avait reçu de reverser les fonds à la banque de sorte que la prescription qui courait à compter du jour où M. [K] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité n'était pas acquise.

Sur le fond, il a estimé que le mandat impératif qui était confié au notaire n'avait une durée que de trois mois, donc jusqu'au 14 août 2008, et qu'en conséquence, la vente étant intervenue en octobre 2008, le notaire n'était plus engagé par son mandat.

Par déclaration parvenue au greffe le 15 avril 2019, M. [K] a régulièrement interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté le fin de non recevoir tirée de la prescription et, au dernier état de ses écrits transmis le 9 mai 2020, il demande à la cour de :

- condamner Me [N] à lui verser la somme de 82 664,38 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du dommage qu'il a subi par sa faute ayant consisté à ne pas respecter le mandat contenu dans l'acte authentique, et à défaut, celle de 35 924,30 euros correspondant aux intérêt générés par le défaut de remboursement du prêt et aux différents frais de saisie ;

- à titre plus subsidiaire, le condamner à lui verser les mêmes sommes à titre de dommages-intérêts pour non respect de son obligation d'information et de conseil ;

- en tout état de cause, le condamner à lui verser 2 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros pour ceux d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile  ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil, Mme Lucie Texeira.

Il fait notamment valoir que le prix de vente de la maison de 148 500 euros, versé en la comptabilité du notaire, permettait à ce dernier de régler la totalité du prêt relais de 130 290,88 euros, ce qu'il n'a pas fait sans l'en avertir, alors qu'il en avait reçu mandat dans l'acte authentique et non pas, comme l'a retenu le jugement déféré, au titre d'un mandat du 14 mai 2008.

Il fonde sa demande de dommages-intérêts sur la responsabilité contractuelle du notaire en exécution de son mandat, et, à défaut, sur sa responsabilité délictuelle, rappelant que si le juge est saisi d'une demande d'indemnisation fondée sur le double fondement de la responsabilité contractuelle et délictuelle, il ne peut déclarer la demande irrecevable pour ce motif mais doit lui-même déterminer lequel des deux régimes de responsabilité se trouve applicable.

En ne l'informant pas du fait que la banque ne serait pas destinataire du produit de la vente de l'immeuble et du fait qu'il conservait une partie du produit de la vente, le notaire a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et commis une faute qui a conduit à lui faire supporter des frais et intérêts qu'il n'aurait pas eu à régler et, à tout le moins, lui a fait perdre une chance de régler la banque sans intérêts ni frais.

Me [N] ne peut expliquer pourquoi il n'a versé le 5 novembre 2008 à la banque que la somme de 32 028,12 euros et pourquoi il a conservé celle de 68 133,55 euros en la comptabilité de son étude, laquelle a finalement été récupérée par la banque suite à la saisie attribution qu'elle a diligentée contre le notaire en janvier 2016.

M. [K] a ensuite fait l'objet d'une saisie de ses rémunérations pour la somme de 82 664,38 euros correspondant au solde restant dû après la saisie attribution pratiquée en l'étude du notaire.

Sur la prescription opposée par Me [N] dans son appel incident subsidiaire, M. [K] soutient que le délai n'a commencé à courir qu'au jour où il a découvert que Me [N] n'avait pas versé à la banque la somme qu'il détenait, soit le 17 janvier 2011. Le fait que le 5 novembre 2009, il ait reçu du notaire versement d'une somme de 50 000 euros ne lui permettait pas de savoir que ce dernier ne réglait pas la somme prévue à la banque.

Me [N] a répliqué en dernier lieu le 13 mars 2020 pour demander à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner l'appelant à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que l'acte authentique ne comporte pas son acceptation du mandat que lui donnait M. [K] de verser directement entre les mains de la banque le prix de vente de l'immeuble de [Localité 4] à due concurrence du montant du prêt de 120 000 euros, l'acte authentique étant passé entre M. [K] et la banque, lui-même n'étant intervenu qu'en sa qualité de rédacteur de l'acte. La seule acceptation qu'il a faite de ce mandat date du 14 mai 2008 et comporte des conditions notamment de durée ; son engagement a pris fin le 14 août 2008.

A titre subsidiaire, si l'existence d'un mandat au-delà du 14 août 2008 était retenue, il demande à la cour d'infirmer le jugement en déclarant M. [K] irrecevable en sa demande pour prescription et, à titre plus subsidiaire, en limitant sa condamnation du fait des fautes commises par M. [K] lui-même.

Il indique que, dès le 24 novembre 2009, date à laquelle il lui a versé la somme de 50 000 euros sur le prix de vente de sa maison d'[Localité 4], M. [K] avait connaissance qu'il n'avait pas procédé au remboursement du prêt relais auprès de la banque.

L'action en responsabilité ayant été engagée contre lui seulement le 13 octobre 2015, il oppose la prescription.

Il fait valoir que M. [K] a commis des fautes en ne reversant pas à la banque la somme de 50 000 euros qu'il détenait depuis novembre 2009 et qui devait servir à rembourser le prêt relais, en n'honorant pas les convocations qu'il lui délivrait pour purger la contestation élevée par l'acquéreur de l'immeuble d'[Localité 4] et en ne faisant pas face au remboursement du prêt relais alors que le prix de vente était insuffisant pour le rembourser intégralement.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2020.

Motifs de la décision

- Sur l'appel principal :

L'appel de Me [N] n'ayant été formulé qu'à titre subsidiaire, ce dernier sollicitant, au principal, la confirmation du jugement, et M. [K] ne formulant un appel que sur le rejet de sa demande, la cour n'est donc saisie, à titre principal, que du bien-fondé de la demande de condamnation de Me [N] au titre de sa responsabilité.

Les articles 1984 et 1985 du code civil disposent que le mandat est l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Il peut être donné par acte authentique, par acte sous seing privé, voire verbalement, sous les réserves relatives au montant des sommes éventuellement concernées prévues par l'article 1341 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016. Il doit avoir été accepté par le mandataire. L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

L'acte authentique du 11 juillet 2008 stipule, en page 5, que « s'agissant d'un prêt relais, l'emprunteur donne mandat irrévocable au notaire de verser directement entre les mains de la banque le produit de la vente de l'immeuble à due concurrence du montant du prêt ».

Le-dit notaire ayant lui-même rédigé l'acte authentique et la clause relative au mandat, son acceptation du mandat résulte expressément de la rédaction de l'acte et est intrinsèque à cette clause.

Dès lors, en ne reversant pas directement à la banque la somme qu'il détenait, comme le lui imposait son mandat, Me [N] a commis une faute en n'exécutant pas son mandat laquelle engage sa responsabilité contractuelle.

Le jugement, qui a considéré que le seul mandat qui engageait le notaire était celui résultant d'un courrier du 14 mai 2008, lequel avait pris fin avant la vente, et qui a débouté M. [K] de sa demande, doit en conséquence être infirmé sur ce point.

- Sur l'appel incident subsidiaire, relatif à la prescription :

L'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le notaire se prescrit, par application de l'article 2224 du code civil, par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La vente de la maison a été réalisée le 30 octobre 2019 et le produit de cette vente, pour 148 500 euros, a été remis à Me [N] dès cette date.

Le 5 novembre 2009, le seul courrier adressé par Me [N] à M. [K] a trait au fait qu'il adresse la somme de 32 028,12 euros à la banque pour solder son crédit antérieur.

L'échéance du crédit relais étant, à cette date, de 116 949,67 euros, cette somme équivalait à la différence entre le prix de vente reçu par le notaire et l'échéance du crédit relais ; dès lors, le courrier du 5 novembre 2009 ne permettait pas à M. [K] de savoir que Me [N] n'avait pas rempli son mandat consistant à remettre le solde du prix de vente à la banque pour solder le prêt relais.

En revanche, lorsque le 25 novembre 2009, M. [K] a perçu de Me [N] la somme de 50 000 euros, il ne pouvait plus ignorer que ce dernier n'avait pu rembourser la banque avec le produit de la vente.

Le délai de prescription courant à compter du 25 novembre 2009, l'assignation délivrée le 13 octobre 2015, premier acte interruptif de prescription, est intervenue alors que la prescription était acquise.

Le jugement sera infirmé de ce chef et l'irrecevabilité pour prescription prononcée.

Au vu des circonstances de l'affaire et des éléments de la cause, il y a lieu de condamner M. [K] aux entiers dépens et de rejeter les demandes de Me [N] fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement rendu entre les parties le 6 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Montbéliard sauf en sa condamnation de M. [O] [K] aux dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare M. [O] [K] irrecevable en ses demandes en dommages-intérêts dirigées contre Me [T] [N].

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [O] [K] aux entiers dépens d'appel.

Ledit arrêt a été signé par monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/00771
Date de la décision : 10/11/2020

Références :

Cour d'appel de Besançon 01, arrêt n°19/00771 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-10;19.00771 ?
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