ARRÊT N°
AC/ FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2020
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 08 septembre 2020
N° de rôle : N° RG 19/00255 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EB4N
S/appel d'une décision
du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LONS LE SAUNIER
en date du 03 décembre 2018 [RG N° 14/01619]
Code affaire : 59C
Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat
[R], [C], [X] [N] C/ [M] [S], SAS GESCOREC, EURL EJ CONSEIL, EURL SP2C CONSEILS, EURL XB FINANCES
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [R], [C], [X] [N]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 7] (39)
de nationalité française, demeurant [Adresse 6]
APPELANT
Représenté par Me Vincent CUISINIER de la SCP DU PARC, avocat au barreau de DIJON et par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON
ET :
Monsieur [M] [S]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 8] (62)
de nationalité française - Profession : Expert comptable,
demeurant [Adresse 1]
SAS GESCOREC
Activité : Expert comptable,
dont le siège est sis [Adresse 5]
EURL SP2C CONSEILS
Activité : Expert comptable,
dont le siège est [Adresse 9]
EURL XB FINANCES
dont le siège est sis [Adresse 5]
INTIMÉS
Représentés par Me Aurélie DEGOURNAY de la SELAS AGIS, avocat au barreau de JURA
EURL EJ CONSEIL EURL
immatriculée au RCS de LONS LE SAUNIER sous le n° 505 143 529
dont le siège est sis [Adresse 3]
INTIMÉE
n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA (magistrat rapporteur) et Madame
B. MANTEAUX, Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI , Greffier
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Madame B. MANTEAUX, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 08 septembre 2020 a été mise en délibéré au 13 octobre 2020. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Gescorec est une société d'expertise comptable créée par M. [R] [N] qui comptait huit associés. Désireux de faire valoir ses droits à retraite, M. [N] a régularisé, le 22 octobre 2009, un protocole visant à céder aux autres porteurs de parts les droits sociaux qu'il détenait dans le capital social du cabinet d'expertise comptable, ainsi que ceux qui lui appartenaient dans trois sociétés civiles immobilières, propriétaires des locaux d'exploitation.
Un nouveau protocole d'accord a été signé le 17 décembre 2012 entre M. [N] et les sociétés EJ Conseil, XB Finances et SP2C Conseils, ainsi que la SAS Gescorec et M. [M] [S], prévoyant une date butoir pour la cession fixée au 15 février 2013, puis, après signature de deux autres conventions les 22 mai et 11 septembre 2013, un dernier protocole formalisant une baisse du prix de vente des immeubles de 124 950 euros a été signé le 22 novembre 2013.
Estimant avoir été lésé dans cette opération de cession, M. [N], par exploit d'huissier délivré le 5 novembre 2014, a fait assigner en justice les sociétés susmentionnées ainsi que M. [S] aux fins de les voir condamnés à réparer son préjudice qu'il chiffrait comme suit :
- 124 950 euros au titre de la réfaction à opérer sur le prix de cession,
- 52 760,40 euros au titre de la perte de revenus pendant sept mois et demi,
- 52 544 euros au titre de la perte financière consécutive à l'absence de réinvestissement du prix de cession dans un contrat d'assurance-vie,
- 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Suivant jugement rendu le 3 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a :
- déclaré l'action diligentée par M. [N] à l'encontre des parties défenderesses recevable,
- débouté M. [N] de l'ensemble de ses prétentions,
- débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné M. [N] aux entiers dépens.
M. [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 4 février 2019 et, aux termes de ses dernières conclusions transmises le 3 août 2020, il demande à la cour de :
- lui donner acte de son désistement à l'égard de l'EURL EJ Conseil,
- infirmer le jugement déféré,
à titre principal,
- « constater que la société XB Finances, la société SP2C Conseils, la société Gescorec et M. [M] [S] n'ont pas exécuté de bonne foi le protocole d'accord du 17 décembre 2012 »,
à titre subsidiaire,
- « dire et juger que la société XB Finances, la société SP2C Conseils, la société Gescorec et M. [M] [S] ont exercé des man'uvres dolosives au préjudice de M. [N] »,
- « dire et juger que du fait de ces man'uvres, le prix de cession des parts de M. [N] a été indûment réduit »,
- « constater que M. [N] a subi un préjudice correspondant à la partie du prix de cession dont il a été lésé »,
- « constater que le préjudice subi par M. [N] du fait des man'uvres dolosives de la société XB Finances, la société SP2C Conseils, la société Gescorec et M. [M] [S] s'élève à 247 005,40 euros au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et moraux subis par M. [N] »,
- « dire et juger que la société XB Finances, la société SP2C Conseils, la société Gescorec et M. [M] [S] sont à l'origine de préjudices économiques et moraux subis par M. [R] [N] »,
en conséquence,
- « condamner solidairement la société XB Finances, la société SP2C Conseils, la société Gescorec et M. [M] [S] à indemniser M. [N] des préjudices subis se décomposant comme suit :
* 237 005,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers,
* 10 000 euros au titre de son préjudice moral ».
Sur l'appel incident, M. [N] demande à la cour de :
- à titre principal, dire l'appel incident des intimés mal fondé et les débouter de toutes leurs demandes,
- à titre subsidiaire, « désigner un expert judiciaire avec pour mission d'analyser les comptes de la société Gescorec, évaluer les chiffres d'affaires ainsi que le volume d'activité de chaque associé afin de déterminer les honoraires dus à M. [N] au titre des années 2011 et 2012 »,
- en tout état de cause, condamner « solidairement » les intimés à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, ainsi que celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Selon écritures déposées le 22 janvier 2020, la SAS Gescorec, l'Eurl SP2C Conseils, l'Eurl XB Finances et M. [S], sollicitent la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté 'l'exception' d'irrecevabilité soulevée par les parties défenderesses et la demande reconventionnelle de la société Gescorec visant à obtenir la condamnation de M. [N] à lui payer la somme de 144 625 euros, et demandent à la cour de :
« à titre principal,
- constater qu'aux termes des protocoles signés les 22 mai, 11 septembre et 22 novembre 2013, les parties ont conclu une transaction et mis fin amiablement au litige qui les opposait,
déclarer irrecevables les demandes de M. [N] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction régularisée entre les parties,
à titre subsidiaire et reconventionnel,
dire et juger que M. [N] a touché un trop-perçu d'honoraires d'un montant de 144 625 euros,
- condamner M. [N] à payer à la SAS Gescorec la somme de 144 625 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- rejeter comme irrecevable la demande d'expertise de M. [N] formulée à hauteur d'appel »,
en toutes hypothèses, confirmer le jugement du 3 décembre 2018 en ce qu'il a rejeté l'intégralité des prétentions de M. [R] [N] et le condamner à leur payer à chacun 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 août 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
M. [N] déclare se désister à l'égard de l'EURL EJ Conseil. Il convient de lui en donner acte.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
Le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée opposée par les intimés, en retenant que la réfaction du prix convenu constituait le résultat d'une négociation habituelle sans pouvoir être considérée comme le fruit des concessions réciproques des parties et que M. [N] n'a pas limité son action à la contestation de la valeur intrinsèque de l'acte mais a également critiqué le retard d'exécution, de sorte que la fin de recevoir tirée de la nature et de la portée du compromis n'était pas apte à faire échec à la demande indemnitaire.
Sur appel incident, les intimés maintiennent la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction régularisée entre les parties et rappellent qu'à l'examen de l'acte introductif d'instance, M. [N] formait des réclamations portant exclusivement sur les conditions des cessions intervenues et leurs conséquences estimées lésionnaires à son égard.
En outre, le retard d'exécution invoqué par M. [N] participait des man'uvres dolosives imputées aux acquéreurs visant à obtenir une baisse de prix.
Or, il s'avère que les parties ont signé, les 22 mai et 11 septembre 2013, des protocoles « sous l'autorité du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables, représenté par son président en exercice, M. [Z] [J] » stipulant dans leur article 1er : « Les parties conviennent de clore le litige existant et de renoncer à toutes actions contentieuses et disciplinaires ultérieures sur l'objet du litige qui les oppose » et le 22 novembre 2013, les cessions définitives ont pu être régularisées aux prix et conditions fixés par les protocoles susmentionnés.
Enfin, l'article 2044 du code civil dispose que la transaction met fin à une contestation née ou à naître et, en l'espèce, trois protocoles d'accord (sur cinq) ont été signés entre les parties sous l'autorité du Conseil régional de l'Ordre des experts comptables en vue explicitement de mettre fin au litige, si bien que l'action de M. [N] à l'encontre des sociétés Gescorec, SP2C Conseils, XB Finances et de M. [S] se heurte à l'autorité de la chose jugée, ses demandes étant, dès lors, irrecevables. Le jugement querellé sera réformé en ce sens.
Sur la demande reconventionnelle au bénéfice de la SAS Gescorec
Les intimés réitèrent la demande reconventionnelle tendant à voir M. [N] condamné à payer à la SAS Gescorec la somme de 144 625 euros au titre du quart temps qu'il s'était engagé à réaliser du 1er octobre 2010 au 30 juin 2014 en contrepartie du maintien de sa rémunération, engagement qu'il n'aurait pas respecté.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rejeté cette demande de sorte que sa décision sera confirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais qu'ils ont dû engager pour se défendre en appel. Une somme de 2 500 euros sera donc allouée à chacun d'eux à ce titre, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant pour l'essentiel, M. [N] sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
DONNE ACTE à M. [R] [N] de son désistement d'appel à l'égard de l'EURL EJ Conseil.
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier en date du 3 décembre 2018 sauf en ce qu'il a débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles et condamné M. [N] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE M. [N] irrecevable en ses demandes formées contre les sociétés Gescorec, SP2C Conseils, XB Finances et M. [M] [S].
LE CONDAMNE à payer aux sociétés Gescorec, SP2C Conseils, XB Finances et à M. [M] [S], chacun, la somme de deux mille cinq cents (2 500) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE CONDAMNE aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier,le président de chambre